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Le gout du souvenir
Le gout du souvenir
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Livre électronique270 pages3 heures

Le gout du souvenir

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À propos de ce livre électronique

Emmy a toujours su que les monstres que l’on devait craindre n’étaient pas ceux cachés sous les lits. Les créatures effrayantes ne vivaient pas seulement dans l’imagination des enfants. C’est parce qu’un métamorphe lui a tout pris qu’elle est devenue chasseuse. Malheureusement, traquer ces monstres s’avèrera plus compliqué que ce qu’Emmy envisageait.


Stanley vit une existence normale. Avec sa famille normale et ses activités normales. Rien de ce qu’il fait ne sort de l’ordinaire puisqu’il ne peut attirer l’attention sur lui et son terrible secret.


Quand Emmy et Stanley se rencontrent, tout les sépare. Pourtant, quand leurs destins s’entremêlent, la ligne entre le bien et le mal s’amincit considérablement …


CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE


"Un récit intéressant qui m'a vraiment conquise et surpris par la qualité et la finesse de la plume d'Alexandra Vigneault qui réussit toujours à créer des personnages marquants qui vont maintenir l'intrigue à la merveille."  - Les mille et une pages LM, blog


À PROPOS DE L'AUTEURE


Alexandra Vigneault est une écrivaine québécoise talentueuse dans le monde du fantastique. Avec ce nouveau roman, elle nous plonge dans un univers différent et surprenant où les gentils ne sont pas toujours les héros. Découvrez cette histoire rempli d’humour sarcastique et de relations tendues, vous allez en redemander !

LangueFrançais
ÉditeurTullinois
Date de sortie21 juil. 2022
ISBN9782898091926
Le gout du souvenir

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    Aperçu du livre

    Le gout du souvenir - Alexandra Vigneault

    Dédicace

    Pour ma grande sœur Mélissa, merci de croire en moi.

    Prologue

    Dans la noirceur, un homme de trente-cinq ans sacrait contre l’ampoule de son cabanon qui n’éclairait plus rien. Dans le froid de cette soirée de septembre, il n’avait aucune envie de chercher son coffre à outils sans voir où il mettait les pieds. Les moutons de sa petite bergerie auraient pu choisir une autre nuit pour briser la clôture qui les empêchait d’aller se balader dans la forêt entourant ses terres ! Sans compter qu’il avait entendu hurler un loup deux jours auparavant. L’animal et sa meute traînaient peut-être encore tout près.

    — Tabarnak d’ostie ! jura-t-il en se frappant le genou sur ladite boîte à outils. J’t’aveille de toute crisser ça aux vidanges !

    L’homme en profitait pour se défouler pendant que sa femme n’était pas dans le coin. Elle détestait quand il employait un langage grossier. Celle-ci dormait d’ailleurs sans doute déjà. Le fermier soupira. Ce n’était pas encore ce soir qu’ils allaient baiser. Le couple, qui avait essayé pendant plus de cinq ans de faire un bébé, s’était éloigné. Depuis environ six mois, son épouse découragée par les échecs ne voulait plus le toucher. Il n’arrivait plus à se rappeler la dernière fois qu’elle lui avait fait une pipe. Ni simplement qu’elle ait porté des sous-vêtements qui ne ressemblaient pas une montgolfière beige.  On faisait difficilement moins bandant. Il adorait sa femme, malgré que sa vie sexuelle évoquait plus une traversée du désert qu’autre chose.

    Un hurlement animal le ramena à la réalité. Ces foutues bêtes étaient donc encore dans les parages. En plus de sa boîte à outils, le fermier empoigna sa carabine. On n’était jamais trop prudent. Au moment où il allait refermer la porte grinçante de la remise, l’homme crut capter un pleur. Étonné, l’agriculteur s’arrêta et tendit l’oreille. Un second cri sauvage résonna. Les loups se rapprochaient de ses terres. Aucun autre bruit. Il avait eu l’impression d’entendre un hurlement de nouveau-née, il avait sans doute confondu avec les lamentations d’un de ses bébés brebis.

    — Tu deviens carrément parano mon vieux Richard, se calma le fermier.

    Parler à voix haute était une mauvaise habitude qu’il avait adoptée quand il était enfant. Chaque fois que quelque chose lui faisait peur, un monologue s’échappait de ses lèvres. Bon sang ! Il connaissait ses terres par cœur. Il n’allait pas laisser des animaux sauvages l’effrayer. En assurant sa prise sur son arme, Richard fit un pas vers la bergerie. Un nouveau cri le figea sur place. Cette fois, il ne l’avait pas imaginé. La plainte d’un bébé lui glaça le sang. L’homme jeta un œil vers les arbres. Les pleurs provenaient de cette direction.  La noirceur entre les sapins paraissait impénétrable. Une goutte de sueur froide glissa sous sa chemise épaisse.

    Richard comprit deux choses. Premièrement, un tout-petit était en détresse dans la forêt près de chez lui. Deuxièmement, ce même gamin risquait de servir de repas à une bande de loups voraces. S’il n’agissait pas rapidement, les pleurs de l’enfant allaient attirer les prédateurs jusqu’à lui. Sentant son cœur battre dans ses tempes, le fermier se mit à courir sur le sol tapissé de feuilles. Il accéléra en direction des lamentations qui se faisaient de plus en plus persistantes. Richard garda son arme pointée devant lui, prêt à toute éventualité. Chaque cri lui transperçait les tympans, lui rappelant l’urgence de la situation. Par chance, il connaissait les sentiers comme le fond de sa poche pour y avoir grandi. Malgré l’absence de lumière, Richard réussit à naviguer entre les conifères pour s’enfoncer dans la forêt.

    Quand il parvint enfin à la source des hurlements enfantins, l’homme s’arrêta brusquement. À quelques mètres de lui, la minuscule silhouette d’un bébé presque nu s’était figée. Plus un son ne s’échappait de sa petite bouche aux lèvres bleuies par le froid. Le gamin était fasciné par ce qui se tenait juste au-dessus de lui. Éclairé par un rayon de lune, on distinguait une mâchoire de loup écumante de bave. Richard avait eu beau courir le plus vite possible, l’animal était arrivé le premier. Comprenant l’aspect critique de la situation le fermier visa rapidement et fit feu. Ce n’était pas la première fois qu’il chassait. Il ne ratait jamais sa cible. Le loup n’avait eu aucune chance. La balle lui perfora le poitrail et il s’écroula à moitié sur le bébé qui s’était remis à brailler comme un démon.

    — MERDE ! jura le fermier en se précipitant sur la chose qu’il venait de sauver.

    Il repoussa la carcasse en espérant qu’il s’agissait d’une bête solitaire. Richard se retint de dégueuler en prenant le petit être dans ses bras. L’enfant, pratiquement noyé dans le sang, tremblait de froid. L’agriculteur essuya maladroitement le liquide écarlate des yeux et de la bouche du poupon avec la manche de sa chemise. Le bébé, qui devait avoir près de quatre mois, se débattait en continuant de se déchirer les cordes vocales. L’homme le colla contre sa poitrine pour tenter de le réchauffer puis s’éloigna le plus rapidement possible du cadavre lupin.

    Pendant qu’il retournait sur le chemin de son domaine, l’enfant s’était un peu calmé. Il pleurait toujours, mais ses cris n’étaient plus aussi hystériques. Comment un petit garçon s’était-il retrouvé dans un endroit pareil en pleine nuit ? Où étaient ses parents ? Avaient-ils été attaqués par le loup ?

    — CHANTAL ! s’époumona le fermier en franchissant enfin la porte de sa maison.

    Devant le silence de la demeure, Richard comprit que sa femme s’était effectivement déjà endormie.

    — CHANTAL ! cria-t-il plus fort. VIENS ! J’AI BESOIN DE TOI !

    Des pas rapides dans l’escalier l’informèrent que son épouse avait entendu. Elle apparut dans la cuisine, les cheveux en bataille, habillée d’un affreux pyjama. Ses yeux s’ouvrirent comme des billes quand elle découvrit son mari.

    — Richard ? Qu’est-ce que ? C’est un… bébé ? Mais où…

    Le fermier déposa le poupon dans les bras de sa femme qui hoqueta d’horreur en voyant tout le sang qui souillait l’enfant.

    — J’ai dû tuer un loup qui s’apprêtait à le dévorer, expliqua rapidement Richard. Il était seul, en pleine forêt. Aucune trace de ses parents.

    — Oh mon dieu, souffla Chantale d’une voix plaintive. Pauvre trésor. Tu crois qu’on l’a abandonné ?

    — Je ne sais pas. Occupe-toi de nettoyer ce petit miraculé s’il te plait. Je vais appeler les ambulanciers. Ce bonhomme est peut-être en hypothermie.

    Le bébé avait cessé de pleurer depuis qu’il était dans les bras de Chantal. Sa femme le collait contre elle, murmurant des mots doux. Richard s’empara de la couverture qui traînait sur le divan et la tendit à son épouse qui l’utilisa pour envelopper le pauvre garçonnet. Elle le garda contre sa poitrine et se rendit à la salle de bain.

    Dès que le fermier eût contacté les services d’urgences, il vint les y rejoindre. 

    — Richard ? dit la femme tout bas. Regarde son visage.

    L’agriculteur s’approcha pour détailler le gamin qu’il avait secouru. Sous sa petite tignasse de cheveux auburn, d’immenses yeux bleus l’observaient avec curiosité.  Maintenant que le plus gros du sang avait disparu, on distinguait une tache de naissance sur sa joue droite. Richard se rappelait que c’était ce qu’on surnommait une « tache de vin ». La marque bourgogne avait une forme évoquant un cœur fendu en son centre.  

    — Tu ne crois quand même pas que ses parents ont voulu s’en débarrasser à cause de ÇA ? Se choqua la femme.

    Le bébé posa sa minuscule main sur le visage de Chantale dont les yeux étaient remplis d’eau. L’émotion bloqua la gorge de Richard. Il nia de la tête.

    — Non, ma chérie. On ne laisse pas un enfant mourir seul dans une forêt simplement parce qu’il a une marque sur la joue. C’est inhumain voyons.

    Pourtant, c’était bien pour cette raison qu’on avait voulu la disparition de ce petit être innocent. Enfin, innocent ? Vraiment ?

    Chapitre 1

    Émeraude

    C’est quand les monstres nous ressemblent qu’ils sont les plus effrayants. Le pire d’entre tous, c’est le métamorphe. Juste à entendre ce nom, vous vous imaginez sûrement des êtres habiles à se transformer en bêtes sauvages, assoiffées de sang. Laissez-moi vous détromper. Les métamorphes ont la capacité de modifier leur apparence en vieillissant ou rajeunissant chacun de leurs traits tout en restant le plus humains possible. Ils peuvent rallonger leurs cheveux, faire pousser leur moustache, parsemer leur peau de taches de vieillesses, ce genre de choses.

    Bien entendu, si leurs aptitudes ne s’étaient limitées qu’à cela, on n’aurait pas eu besoin de les traquer ni de les tuer. Pourquoi ces créatures de l’enfer méritent la pire des morts ? À cause de leur régime alimentaire. Les métamorphes se nourrissent directement dans le cerveau humain. Ils vous trouent le crâne et aspirent tout ce qui fait de vous… vous. Ses horribles parasites s’approprient les souvenirs de leur victime. Vous savez ce qui se passe quand un métamorphe pousse son « lunch » un peu trop loin ?

    Non ? Et bien il vide l’esprit de leur proie, laissant la pauvre petite personne fragile complètement lobotomisée. C’est ce qui est arrivé à mes parents. Lorsque j’avais douze ans, je suis débarquée sur la scène d’une véritable boucherie. Ce fut la première fois que j’exécutai une de ses créatures. D’un couteau lancé en pleine gorge. Je n’ai jamais eu de regret. Depuis, je suis une chasseuse de métamorphe. Comme mon père l’était. C’est ce que j’ai constaté en allant vivre avec mon oncle Sylvain, le jumeau de papa.

    Auprès de lui, j’ai découvert l’héritage de ma famille paternel. Les Redfort tuaient des métamorphes depuis que mon arrière arrière-grand-père, Jean-Simon Redfort avait abattu une de ses créatures alors qu’elle se nourrissait d’un de ses enfants. À la suite de cet incident, grand-papy Jean-Simon avait voyagé partout dans le monde, apprenant tout ce qu’il y avait à connaître sur le monstre qui s’en était pris à sa descendance.

    Quelques générations plus tard, mon père, Louis Redfort, avait tenté d’épargner à sa femme et sa fille (en l’occurrence moi-même) une vie remplie de violence et d’horreurs sanglantes. On ne peut pas dire que ça lui ait particulièrement réussi. Par chance, il n’avait pas totalement perdu son bon sens et s’était assuré que je sache me défendre dès mon plus jeune âge. Pendant que les gamines de ma rue jouaient à la poupée, j’apprenais différents arts martiaux ainsi que le maniement d’armes aussi diversifiées qu’effrayantes. Ma mère détestait ça. Elle se plaignait sans arrêt à mon père qu’il ne me rendait pas service en m’empêchant d’avoir une enfance normale. Je me demande ce qu’elle en penserait aujourd’hui.

    — Emmy ! cria mon oncle. Concentre-toi un peu !

    C’était à moi qu’il s’adressait d’un ton autoritaire. Son timbre grave ressemblait tellement à celui de mon père que j’avais souvent peur de confondre les deux et d’oublier le son de sa voix sans m’en rendre compte. Cependant, jamais mon oncle ne m’appelait par mon nom entier comme son frère en avait l’habitude.

    Ma petite Émeraude noire, me surnommait-il affectueusement.

    Il avait toujours trouvé drôle que ma mère ait voulu me baptiser Émeraude alors que mes yeux, d’un brun si foncé qu’ils paraissaient noirs, étaient très loin du vert caractéristique de cette pierre précieuse.

    C’est ce qui te rend unique, répondait maman quand je lui demandais ce qui lui était passé par la tête.

    — Je fais ce que je peux, répliquai-je d’une voix tendue par l’effort.

    Un coup au ventre me fit perdre le souffle. Oncle Sylvain ne m’avait jamais entraîné en douceur, mais il y avait un bon moment qu’il ne m’avait atteinte aussi facilement. On aurait pu croire qu’un membre de ma propre famille m’aurait laissé reprendre un peu d’air avant de poursuivre. Un tel espoir ne m’effleura pas l’esprit une seule seconde. Je le maudis tout de même à l’instant où sa jambe faucha les miennes. Le choc de mon atterrissage forcé résonna dans ma cage thoracique, malgré le tapis du dojo.

    — Fais chier, marmonnai-je en sentant la lame froide d’un couteau se poser sous mon menton.

    — Qu’est-ce que t’as foutu pendant mon absence, Emmy ? se fâcha mon adversaire.

    J’étais souvent seule à la maison pendant qu’il partait aux quatre coins du monde exterminer des métamorphes. Oncle Sylvain n’avait pas ce qu’on appelait la fibre paternelle et ça me convenait parfaitement. J’avais depuis longtemps appris à me débrouiller sans l’aide de personne. Il n’y avait que le gros Gaston qui passait parfois me faire coucou. Un ami de mon oncle ayant pris la désagréable habitude de me surnommer « la petite punaise ». Je l’aimais bien malgré ses airs d’homme des cavernes.

    — Comme d’habitude, répondis-je en essayant de hausser les épaules.

    Difficile d’y arriver quand on est immobilisé sous un individu musclé qui est armé d’une lame affûtée.

    — Relève-toi, marmonna-t-il en se dégageant.

    Je n’attendis pas qu’il m’offre sa main, ce n’était pas son genre. D’un coup habile du bassin, je me propulsai vers le haut pour rebondir sur mes pieds. Acrobatie qui n’impressionna pas du tout mon adversaire.

    — Ce n’est pas un jeu, maugréa-t-il.

    — Je sais, répondis-je en appréhendant ce qui allait suivre.

    — Si tu ne prends pas ça au sérieux, poursuivit mon oncle, tu vas te faire manger toute crue. Littéralement.

    — Je sais, répétai-je excédée.

    — Dehors, insista-t-il, tu n’auras pas de deuxième chance.

    — JE. SAIS !

    Je m’en voulus aussitôt d’avoir perdu mon calme. C’était exactement ce à quoi il s’attendait. Oncle Sylvain me dévisagea en plissant ses yeux verts. Je trouvais toujours étrange de voir le visage de mon père avec cette expression un peu condescendante. Des centaines de petits détails comme ça me rappelaient chaque jour ce dont ces créatures contre nature m’avaient privé. Je me mordis la lèvre pour m’empêcher d’envoyer chier mon oncle. Il venait à peine de rentrer, je pouvais faire un effort. Probablement que mes pensées se lisaient dans mes yeux, parce que mon chasseur de métamorphes préféré éclata de rire.

    — Ça suffit pour aujourd’hui, déclara-t-il finalement. Va dormir. Et ne laisse plus le manque de sommeil t’affecter de cette façon.

    Je ne croyais pas qu’il s’en rendrait compte. Les derniers jours avaient été mouvementés et je ne tenais pas à ce que mon oncle se mêle de mes affaires. Pas que ce soit vraiment dans ses habitudes. Pour avoir la paix, je n’avais qu’à m’entraîner dur et avoir de bonnes notes au cégep. Le reste, il s’en foutait et je ne m’en plaignais pas.

    Je hochai la tête et me dirigeai vers les escaliers. Mes pieds nus ne faisaient pas de bruit sur les marches de bois, ce qui me permit de comprendre distinctement mon oncle.

    — Je te veux debout à cinq heures.

    Je continuai sans me retourner. Il savait que j’avais entendu, comme il savait qu’à l’aube je le retrouverais à la cuisine. Je pouvais dire adieu à de précieuses heures de sommeil. Parce qu’il était hors de question que je change mes plans de cette nuit.

    Je jetai un coup d’œil sur l’horloge grand-père puis je poursuivis mon chemin vers ma chambre. Dix-huit heures… Ça me laissait environ cinq heures. Je pouvais bien en dormir quelques-unes.

    J’envoyai mes vêtements trempés de sueur valser sur un tas de linges sales avant de filer sous une douche tiède. J’observai ensuite mon reflet tout en séchant ma chevelure brune à l’aide d’une serviette. Au moins, mes yeux n’étaient pas trop cernés. Je me demandai ce qui avait mis la puce à l’oreille de mon oncle. Peut-être mon teint, un peu plus pâle qu’à l’habitude. Sans plus m’attarder, je laissai mes cheveux libres dans mon dos et m’écroulai sur mon lit juste après avoir programmé une alarme sur mon téléphone.

    Vous savez quand on se réveille avec l’impression qu’il aurait mieux valu ne pas dormir du tout ? C’est avec cette désagréable sensation que j’ouvris péniblement les yeux en sentant la vibration de mon portable. Je n’avais pas fermé les épais rideaux de ma fenêtre et les faibles rayons de la pleine lune éclairaient ma chambre. Les images accrochées sur mes murs n’apparaissaient pas clairement, mais mon regard s’arrêta sur le cadre installé près de mon lit. La dernière photo de famille, que maman nous avait fait prendre dans un magasin grande surface, s’y trouvait. Malgré la pose clichée et la qualité médiocre, je l’adorais. Le souvenir de cette sortie restait gravé dans ma mémoire. Les blagues (un peu plates) de mon père, les soupirs teintés d’amusement de ma mère ainsi que la crème glacée au chocolat qui avait suivi. Une journée parfaite. Une semaine avant que tout ne bascule pour toujours. C’était pour ça que j’étais devenue passionnée de photographie. D’ailleurs, mon dernier appareil hors de prix me faisait de l’œil, posé sur une commode. Malheureusement, je n’aurais pas le temps de m’en servir ce soir. Même si, pour une raison encore inconnue, les métamorphes avaient horreur d’être pris en photo.

    Résignée, je repoussai mes couvertures. Je commençai aussitôt à frissonner à cause de ma nudité. J’enfilai en vitesse les vêtements que je m’étais préparés plus tôt dans la journée. Bien qu’ils ne soient pas très chauds.

    Le grand miroir sur pied dans le coin de ma chambre me permit de m’assurer que j’avais obtenu l’effet recherché pour cette sortie. Ma jupe, ridiculement courte, rappelait davantage une ceinture qu’autre chose. Mon haut cachait ma poitrine (d’une taille attrayante malgré toutes mes heures d’entraînement), mais c’était tout juste. Des bottes à talon complétaient l’ensemble. Je rajoutai une ligne noire épaisse sous mes yeux pour un plus beau résultat. Et voilà. Une vraie salope. C’était parfait.

    Vous vous demandez sûrement pourquoi je sors par la fenêtre, en pleine nuit, habillée comme une pute. Ne vous inquiétez pas, je n’avais pas l’intention d’aller vendre mon corps sur le coin d’une rue. Il s’agissait en fait de mon costume de chasse pour cette nuit. Dissimulées dans mes bottes, deux lames bien affûtées complétaient mon attirail. Avec un peu de chance, elles finiraient enfoncées dans un métamorphe avant le lever du soleil.

    Oncle Sylvain ne m’avait jamais permis de chasser avec lui. Il prétendait que je n’étais pas encore prête à l’accompagner. Je n’avais donc tué qu’une seule de ses créatures. Le mâle qui s’était nourri de mes parents. Et je brûlai d’envie de recommencer. Je glissai ma main dans le petit sac qui était passé sur mon épaule. Mes doigts sentirent le tube que j’y avais inséré avant de m’endormir. Je priai pour que mon travail ait été bien fait. Même si de toute façon, il était un peu tard pour m’en inquiéter. Si ce que je soupçonnais était vrai, je tuerai un métamorphe. Avec ou sans poison.

    Quelques semaines auparavant, j’avais eu vent de filles qui se réveillaient après des soirées d’étudiants, la mémoire confuse. Si l’une d’elles n’avait pas fini à l’hôpital avec d’étranges coupures sur le crâne, je n’y aurais porté aucune attention. Néanmoins, après une petite visite à l’hosto, j’ai compris qu’il y en avait un ici. Peut-être que la chose raisonnable à faire aurait été de prévenir mon oncle. Je voulais cependant me prouver que je pouvais y arriver seule.

    Voilà donc pourquoi je marchais d’un pas rapide jusqu’à chez Louisa. J’avais réussi à la convaincre de m’amener à une soirée au centre-ville. Je n’avais pas de voiture et aucune envie de prendre l’autobus dans

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