Les Veillées des chaumières

Le miracle

Actionnant des deux mains la manivelle du puits, Angèle remonta le seau rempli d’eau. Elle le décrocha, et tant bien que mal, traversa le jardin potager, chargée de son fardeau. Au fur et à mesure qu’elle avançait, le liquide éclaboussait sa robe et ses jambes nues, mais elle n’y prêtait pas attention. Elle n’avait qu’une idée en tête: déverser le contenu du seau dans la lessiveuse installée dans la cour, sous laquelle Alice, sa mère, avait déjà allumé le feu, et aller retrouver son cousin Raymond à la rivière. Elle avait déjà effectué plusieurs allées et venues entre le puits et la cour, et les muscles de ses bras étaient douloureux. Tandis qu’elle transvasait l’eau dans la grande bassine en acier, sa mère et mémé Eugénie sortirent de la maison, tenant chacune l’anse d’une panière en osier débordant de linge sale.

– J’ai fini de remplir la lessiveuse! annonça Angèle. Je vais retrouver Raymond à la rivière.

Et sans demander son reste, l’adolescente, qui allait sur ses douze ans, détala aussi vite qu’un lapin de garenne.

– Angèle, reviens tout de suite ici ! J’ai besoin de toi ! s’égosilla Alice, en vain.

Mémé Eugénie esquissa une moue réprobatrice, décocha une œillade sévère à sa fille et déclara :

– Cette gamine n’en fait décidément qu’à sa tête. Si je vous avais élevés comme ça ton frère et toi quand je me suis retrouvée veuve pendant la guerre, Dieu seul sait ce que vous seriez devenus. Montre-toi donc plus ferme avec elle !

– Maman ! gronda Alice, en commençant à trier les vêtements. Je le connais par cœur ton refrain. Viens plutôt me donner un coup de main.

« Si seulement Maurice était là, tout serait beaucoup plus simple pour tout le monde », soupira-t-elle en son for intérieur. Quand reverrait-elle donc son mari ? Depuis qu’il avait été fait prisonnier par les Allemands, en 1940, Alice avait dû se contenter de quelques rares lettres en trois ans. La dernière remontait à plus de six mois. Elle savait simplement qu’il se trouvait quelque part dans un camp en Allemagne et qu’on le faisait travailler dans une mine de sel. Ses derniers mots sur sa santé et la façon dont on le traitait se voulaient rassurants, mais étaient-ils sincères ? Reflétaient-ils vraiment la réalité ? Autant de questions qui, régulièrement, tourmentaient l’esprit d’Alice.

Si elle consacrait ses journées et son énergie à ses deux filles, aux tâches domestiques ainsi qu’à l’entretien de leur modeste jardin potager, en revanche, la nuit venue, toutes ses pensées s’envolaient au-delà des frontières, vers son époux. Dans le silence et la solitude de la chambre, l’absence de Maurice se faisait

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