Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Cœur de lion
Cœur de lion
Cœur de lion
Livre électronique387 pages5 heures

Cœur de lion

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Nous avons tous besoin de quelque chose — de quelqu’un — au nom de qui nous battre…

Emprisonnée par le prince Jean pendant de longs mois, Scarlet se retrouve bien loin du Nottinghamshire. Après s’être enfuie de manière rocambolesque, elle apprend que la vie du roi Richard est en danger et qu’Aliénor d’Aquitaine a besoin de son aide pour le libérer. Pour celle qui, toute sa vie, a été une voleuse, cette nouvelle allégeance à la Couronne — à sa propre famille — est un sentiment qui n’est pas le bienvenu.

Scarlet sait qu’aider Aliénor la remettra, elle et ceux qu’elle aime, entre les griffes du prince Jean. Voulant désespérément ne courir aucun risque avec la vie de qui que ce soit d’autre, Scarlet met au point un plan pour sauver elle-même le roi. Mais le destin — et son coeur — ne lui permettra pas de rester bien longtemps éloignée du Nottinghamshire. Mais même
si, ensemble, Scarlet et Rob peuvent empêcher le prince Jean d’exécuter le sombre plan qu’il a pour l’Angleterre, leur amour suffira-t-il à les sauver une fois pour toutes?
LangueFrançais
Date de sortie10 janv. 2017
ISBN9782897675745
Cœur de lion
Auteur

A. C. Gaughen

A.C. Gaughen is the author of Scarlet, Lady Thief, Lion Heart, and Reign the Earth. She serves on the board of directors for Boston GLOW, a nonprofit that makes sure young women have the support they need to become powerful leaders in their communities. She has a master's in creative writing from St. Andrews University in Scotland and a master's in education from Harvard University. For more information, visit www.acgaughen.com, and follow her @acgaughen.

Auteurs associés

Lié à Cœur de lion

Titres dans cette série (3)

Voir plus

Livres électroniques liés

Fantasy et magie pour enfants pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Cœur de lion

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Cœur de lion - A. C. Gaughen

    C1.jpg1.jpg

    Copyright © 2015 A. C. Gaughen

    Titre original anglais : Lion heart

    Copyright © 2016 Éditions AdA Inc. pour la traduction française

    Cette publication est publiée avec l’accord de Bookstop Literary Agency

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur : François Doucet

    Traduction : Sophie Beaume (CPRL)

    Révision linguistique : Féminin pluriel

    Correction d’épreuves : Nancy Coulombe, Féminin pluriel, Émilie Leroux

    Montage de la couverture : Amélie Bourbonnais Sureault

    Design de la couverture : John Candell

    Illustration de la couverture : © 2015 Mélanie Delon

    Mise en pages : Amélie Bourbonnais Sureault

    ISBN papier 978-2-89767-572-1

    ISBN PDF numérique 978-2-89767-573-8

    ISBN ePub 978-2-89767-574-5

    Première impression : 2016

    Dépôt légal : 2016

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives Canada

    Imprimé au Canada

    Participation de la SODEC.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Gaughen, A. C.

    [Lion heart. Français]

    Cœur de lion

    (Scarlet ; tome 3)

    Traduction de : Lion heart.

    Pour les jeunes de 13 ans et plus.

    ISBN 978-2-89767-572-1

    I. Beaume, Sophie, 1968- . II. Titre. III. Titre : Lion heart. Français. IV. Collection : Gaughen, A. C. Roman de la série Scarlet ; t. 3.

    PZ23.G3865Co 2016 j813'.6 C2016-941782-4

    À mon frère Kevin,

    Étant ta petite sœur, j’ai peut-être subi beaucoup de tes rugissements, mais tu as toujours eu le plus puissant cœur de lion.

    Je t’aime.

    Chapitre 1

    * * *

    I l n’y avait point de lumière, mais, d’une certaine manière, je m’y étais habituée. Je m’étais toujours considérée comme une créature des ténèbres, de sorte que m’y installer me donnait l’impression d’être chez moi, ce qui n’avait point changé. Je n’étais point du genre à devenir folle dans le noir.

    Parfois — comme lorsque le moment où l’on a vu la lumière du jour pour la dernière fois coïncide avec celui où l’on a regardé son ami mourir et tacher la neige de son sang —, être hantée, ce n’était point si mal.

    Ce qu’il y avait d’étrange, c’était à quel point la lumière me manquait. J’y avais goûté avec le baiser et la sensation de Rob contre moi à la lumière brutale et changeante de l’espoir, et je voulais la ravoir. Je ne voulais plus être une chose des ténèbres.

    Je passai les mains sur le mur, le touchant d’abord des doigts jusqu’à ce que je trouve le morceau de pierre aplati que j’y avais arraché. Ce n’était point un couteau, mais ça me donnait le même genre de calme de l’avoir dans la main. Je le serrai de ma demi-main, la douleur traversant les deux moignons cicatrisés qui étaient tout ce qui restait de mes doigts.

    Le bruit fut ce qui annonça d’abord les visiteurs, un son métallique sourd qui parcourait la pierre en se précipitant vers moi, suivi du son des pas, trop nombreux pour que ce soit seulement David, mon garde préféré. Il y avait au moins deux personnes — au-delà, c’était difficile à dire.

    Je m’assis donc plus droite en fixant la porte de ma cellule.

    Il y eut alors de la lumière, une lueur vacillante qui se propagea tels des doigts tâtonnant sur le mur pour m’attraper. En retenant ma respiration, je replaçai l’éclat de pierre contre le mur.

    Quand la torche fit son apparition, elle était presque aveuglante. Elle me fit cligner des yeux tandis que David arrivait, la flamme à la main. Derrière lui, avec ses lourdes bottes et sa légère cape, le prince John se montra.

    Il s’arrêta devant la porte de ma cellule en me regardant de la tête aux pieds.

    — Marian, dit-il, tu devrais saluer ton prince. Je ne t’ai donc toujours pas appris les bonnes manières ?

    Ce fut à mon tour de l’examiner du regard.

    — J’imagine que c’est un non, poursuivit-il avec mépris.

    Je restai cependant immobile.

    — Bon, très bien. Donne-moi ton collier.

    — Quel collier ? lui demandai-je.

    — Celui que ma mère t’a donné et que tu as réussi, d’une manière ou d’une autre, à introduire ici sans qu’on s’en rende compte, car il ne se trouve avec aucune de tes possessions. Sans lui, elle ne croira jamais que tu es morte.

    À ces mots, je serrai violemment la pierre. Morte.

    — Pourquoi n’entres-tu point et ne viens-tu point le chercher toi-même ?

    — Ne sois pas stupide, grogna-t-il tandis que David se déplaçait légèrement, juste assez pour que son armure produise un cliquetis métallique.

    — Elle ne croira jamais que je suis morte, car jamais tu ne me tueras, nous le savons tous les deux.

    — Vraiment ? répondit-il en me souriant.

    — Tu ne courras point le risque que ta mère te déteste à jamais. N’est-ce point pour cette raison que tu me fais constamment changer de prison ? Tu ne veux point qu’elle me retrouve.

    — Ce n’est qu’une question de temps, répliqua-t-il en haussant les épaules.

    — Avant quoi ?

    — Avant qu’elle — et le reste de l’Angleterre, y compris ton idiot de Prince des voleurs — ne t’oublie tout à fait, me dit-il alors avant de me sourire, et, dans la lumière, ses dents brillèrent, jaunes et humides. Marian, tu n’es rien. Sais-tu pourquoi je te garde ici ? Pourquoi tu resteras ici jusqu’à ce que je sois roi, jusqu’à ce que les gens prononcent le nom de Robin des Bois en se demandant de qui il s’agit ? Parce qu’on t’oubliera. Tu ne comptes plus.

    — Je pense que je compterai bien davantage pour toi quand mon père reviendra et te traînera dans la poussière pour m’avoir fait souffrir. Tu ne l’as point oublié, n’est-ce pas ? Le roi d’Angleterre ?

    Son visage se tordit.

    — Marian, le collier !

    Lentement, je remuai la tête.

    — Allez chercher un autre garde, ordonna-t-il alors à David.

    L’espace d’un instant, David hésita en croisant mon regard, mais il se dirigea jusqu’au bout du couloir et frappa à la porte, après quoi Thomas entra. C’était le seul autre garde qui avait été avec nous pendant tous ces mois pendant lesquels le prince John m’avait forcée à me déplacer constamment. David déverrouilla la porte tandis que le prince ordonnait à Thomas de me maîtriser.

    Celui-ci s’avança et m’agrippa par les poignets tout en me soulevant du sol et en me poussant contre le mur. D’une main il me tenait les poignets tandis qu’il avait l’autre serrée autour de mon cou quand David arriva.

    — Doucement, grogna-t-il à l’endroit de Thomas. N’oubliez pas, monsieur, qu’elle est toujours une noble dame.

    Le regard de Thomas croisa rapidement David, et il me lâcha le cou, se contentant de me tenir les poignets au-dessus de la tête. Je pris une inspiration, et son regard s’aventura sur ma poitrine qui se soulevait.

    — Pardonnez-moi, milady, murmura alors David en fouillant la robe crasseuse et en lambeaux que je portais depuis quelques jours après ma capture, depuis que le prince John avait décidé qu’Eleanor, ma grand-mère, pourrait exercer trop d’influence et que je devais lui être cachée.

    David aperçut la chaîne assez rapidement et la souleva plutôt que de toucher une des parties de mon corps qu’il n’aurait point dû. Il s’inclina ensuite et la remit au prince, qui regarda le scintillement de la pierre de lune.

    — Tout ce que tu obtiendras, c’est plus de souffrance quand Cœur de lion reviendra et cherchera à venger sa fille, mon oncle, lui lançai-je d’une voix rageuse.

    À la mention de mon père, l’étreinte de Thomas se desserra quelque peu.

    — Oui. Ton père a tant fait pour te montrer qu’il t’aime, n’est-ce pas ? se moqua alors le prince.

    Cela me fit froncer les sourcils.

    — Mais tu as raison. Mon frère a un sacré caractère, poursuivit-il en souriant toujours et en soupesant la pierre de la main. Je me demande ce que je devrais faire pour y remédier.

    — T’enfuir, rétorquai-je en lui lançant un regard noir par-dessus l’épaule de Thomas.

    Il sourit alors de sa sombre manière tout en jouant avec la chaîne du collier.

    — Marian, tu ne cesses de penser que je n’oserai pas te tuer. Tu penses que j’ai tellement peur de la désapprobation de ma mère et de la colère de mon frère que cela retiendra ma main. Mais il est déjà arrivé à ma mère de changer d’avis. Quant aux rois, ils vont et viennent. Tu as peut-être du sang bleu, mais tu es des plus commune. Tu conçois le monde comme s’il était immuable et fini. Ce n’est pas le cas. Il est liquide, toujours en changement. Une seule action peut tout modifier.

    Mon sang ne fit alors qu’un tour, et je restai coite.

    — Marian, ton père a été fait prisonnier, reprit-il, et ses paroles sifflèrent de sa maléfique bouche de serpent. Le saint empereur romain exige une rançon contre sa liberté. Jamais plus il ne remettra les pieds en Angleterre. Alors maintenant, imagine ce que je pourrais te faire.

    L’étreinte de Thomas se resserra.

    — Gardes, poursuivit le prince après avoir ricané, suivez-moi. Je dois vous parler au sujet de ses préparatifs.

    Thomas me retint jusqu’à ce que David et le prince soient sortis de la cellule, puis il verrouilla la porte derrière moi.

    Haletante, je me rassis par terre.

    ***

    Bien vite, Thomas et David furent de retour, mais sans le prince, cette fois. Je glissai la pierre dans ma manche tout en me levant pour les accueillir.

    — Où allons-nous ? demandai-je.

    S’ils avaient l’intention de me tuer, le mieux serait de le faire ici, pendant que j’étais emprisonnée dans un espace restreint où j’aurais moins de chance de m’enfuir, d’autant plus que je n’étais point assez imposante pour que mon poids pose un problème au moment de me transporter hors de ma prison. Je regardai alors leurs armes. Tous deux avaient sorti leurs couteaux, mais point leurs épées.

    — Nous allons simplement vous conduire ailleurs, me répondit David en inclinant la tête dans ma direction pour me rassurer comme si j’étais un animal. Je crois, milady, que le prince essayait seulement de vous effrayer.

    — Arrête de lui donner du « milady », lui dit Thomas sèchement. Elle a trahi la Couronne.

    — C’est une princesse, répliqua David, hérissé, ce que vous ne devriez pas oublier, monsieur.

    — Ouvrez la porte, lui ordonna Thomas qui faisait constamment passer son poids d’une jambe à l’autre, inquiet, mais paré.

    David le remarqua lui aussi, puis fronça les sourcils.

    — Thomas, de quoi avez-vous discuté avec le prince ?

    — Quand ? répondit-il, mais il mentait mal.

    — Quand je suis allé demander le cheval de la princesse, rétorqua David.

    — Ouvre la porte, dis-je quant à moi tout bas à David.

    — Monsieur, je vous ai posé une question, poursuivit-il cependant à l’adresse de Thomas tout en levant son couteau et en plaçant la main sur la poignée de son épée.

    — Ne venez pas faire obstacle, le prévint Thomas en se tournant vers lui et en remuant lentement la tête.

    — Obstacle à quoi ? lui demanda David en s’abaissant, prêt au combat à venir.

    Cependant, des deux, la brute, c’était Thomas, et je ne voulais point voir David mourir dans l’espace exigu du couloir.

    — David, je t’en prie, ouvre la porte ! lui criai-je en m’approchant.

    Profitant de la distraction que mes paroles avaient causée chez Thomas, David leva la jambe et lui asséna un violent coup de pied qui le repoussa. Celui-ci s’arrêta alors avant de charger David en rugissant.

    Il n’y avait pas d’espace pour qu’ils puissent se battre. Thomas plaqua David contre le mur de pierre, et quand ce dernier voulut lui donner un coup de couteau, il fit un bond en arrière.

    — Vous savez ce que vous devez faire ! lui cria alors Thomas en dégainant son épée. Nous sommes les chevaliers du prince. Nous devons obéir à ses ordres !

    — Ce ne sont pas mes ordres, lui répondit toutefois David en remuant la tête.

    — Il savait que vous refuseriez de la tuer.

    — Alors, pourquoi avez-vous accepté ? lui demanda David d’un ton impérieux. Je vous abattrai s’il le faut, Thomas. Avec tout le temps que nous avons passé à servir ensemble, ne me forcez pas à le faire.

    — Vous pensez qu’avoir suivi cette fille pendant quelques mois fait de nous des frères ? lui lança-t-il avec rage.

    — Le serment que nous avons prononcé comme chevaliers fait de nous des frères.

    — Le serment que nous avons prononcé exige que nous obéissions au prince ! lui répondit Thomas en s’élançant vers lui.

    David se jeta alors sur lui, attrapa sa main et frappa son poignet et l’épée contre la porte en métal avant d’essayer de lui donner un coup de couteau. Cependant, Thomas lui attrapa à son tour le poignet, et ils se tinrent l’un l’autre, chacun tremblant de devoir affronter la puissance de l’autre.

    — Je n’ai jamais prêté serment au prince, grogna soudain David. C’est à la reine mère que je l’ai fait.

    Ce fut à ce moment que je donnai un coup de pierre aussi fort que je le pus sur la main entravée de Thomas qui tenait toujours son épée. La pierre s’enfonça et déchira la chair, puis le sang se mit à gicler.

    Il poussa un cri et laissa tomber son épée tandis que son étreinte se relâchait. David avança la main et lui donna un coup de couteau sur le flanc, là où son armure ne le protégeait point.

    Thomas essaya de saisir son propre couteau, mais David lui envoya un coup de poing en pleine figure et il se fracassa contre le mur de pierre avant de glisser par terre. Il ne se releva d’ailleurs point, encore que je vis que sa respiration lui soulevait la poitrine tandis que sous lui, tout devenait rouge.

    — Venez, milady, me dit alors David en contrôlant mal ses clés pour ouvrir la porte.

    — Tu es l’un des chevaliers de ma grand-mère ? lui demandai-je.

    Il leva la tête et la hocha, puis la clé cliqueta et la porte s’ouvrit, mais je ne bougeai point.

    — Elle savait où je me trouvais tout ce temps ?

    — Non, me répondit-il en remuant la tête. Elle m’a dit que communiquer avec elle serait trop dangereux. Nous ne pouvions courir le risque que le prince remette en question ma loyauté. Mais elle m’a dit de vous protéger à tout prix.

    Je frissonnai tout en hochant la tête et sortis de la cellule. Il prit alors sa lourde cape et m’en enveloppa avant que je ne la serre contre moi.

    — Peux-tu me mener jusqu’à elle ?

    — Oui, milady, répondit-il.

    Je m’arrêtai.

    — David, je suis désolée que tu aies eu à le tuer.

    Il avait les lèvres serrées. Il ne mentit point en disant que ça allait, qu’il était heureux de l’avoir fait, mais inclina sèchement la tête, davantage, je pense, pour que je sache qu’il m’avait entendue que pour quoi que ce soit d’autre.

    — Merci, lui dis-je.

    — Nous devrions y aller, me répondit-il en soupirant.

    Je hochai la tête avant de m’accroupir et de retirer l’épée de Thomas de son corps rigide tout comme son couteau. Puis, je me relevai, et David me mena le long du couloir vers une grande salle. Il y avait une porte au-delà de laquelle je pouvais tout juste apercevoir la nuit noire.

    — Restez ici, me murmura-t-il. Le château est bien gardé. Je ne sais pas à quel point on est au courant de ce qui devait se passer.

    — Laisse-moi t’aider, lui dis-je cependant. Tu ne peux les affronter seul.

    À ces mots, sa bouche ne forma plus qu’une ligne sombre.

    — Vous n’êtes pas assez forte pour m’aider, milady, et ils sont trop nombreux.

    — Peut-être ne savent-ils point que Thomas devait se trouver avec toi, lui répondis-je.

    — Nous ne pouvons courir le risque qu’ils le sachent, dit-il en me regardant.

    — Où sommes-nous ? lui demandai-je en soupirant.

    — Au château de Bramber, me répondit-il, dans le Sussex, à seulement quelques heures à cheval de Londres.

    J’ouvris alors la porte et regardai dehors. Il y avait deux chevaux et, à l’un d’eux, une charrette remplie de foin avec une toile blanche était attelée, d’une taille parfaite pour transporter une personne. Voilà qui me fit frissonner.

    — À quoi pensais-tu que cette charrette devait servir ? lui demandai-je.

    — Elle n’était pas ici, auparavant, me répondit-il en remuant la tête. Thomas a dû ordonner qu’on l’attelle aux chevaux, ajouta-t-il en me regardant.

    — Mais pourquoi voulait-il mon corps ? lui demandai-je.

    — Le prince John voulait peut-être… une preuve, répondit-il lentement.

    Tout en fermant la porte, je hochai la tête.

    — Évidemment, c’est ce qu’il voulait, ce qui limite aussi le temps dont nous disposons avant qu’il ne découvre ce qui est arrivé.

    — Pas nécessairement, répliqua David. Il n’aurait pas voulu courir le risque d’être vu en public avec votre corps, de sorte que Thomas devait sans doute le rencontrer ailleurs. Je peux imiter son écriture et envoyer une lettre au prince.

    — Mais il faut tout de même que les gardes du château y croient, lui répondis-je avant de regarder vers l’extrémité du couloir où se trouvait la cellule. J’ai peut-être une idée.

    ***

    David me regarda et fit le signe de la croix.

    — Quoi ? lui demandai-je.

    — Milady, je trouve cela plutôt effrayant.

    Je touchai mon visage sur lequel j’avais frotté de la boue de ma cellule, pour ensuite la laisser sécher et devenir grise et blanche avant d’y répandre le sang de Thomas. Pour quiconque me verrait, j’aurais véritablement l’air morte.

    Puis, je regardai mes mains, plus pâles qu’à l’habitude et d’aspect crayeux, tachées du sang d’un homme mort.

    — Oui, répondis-je. Eh bien, c’est l’effet recherché.

    Il hocha la tête et, tout en soupirant, plaça le bras autour de mon dos et s’accroupit pour me prendre sous les genoux avant de me porter jusqu’à l’extrémité du couloir.

    — N’oubliez pas, me dit-il, essayez de bouger — et de respirer — le moins possible.

    Je hochai la tête avant de la laisser se renverser dans ses bras dans un angle inconfortable.

    La porte grinça en s’ouvrant, et je sentis le froid de l’air nocturne autour de moi. C’était maintenant la fin du printemps, des mois après l’hiver pendant lequel on m’avait arrêtée, mais les nuits restaient froides, comme si le soleil ne pouvait tout à fait maintenir son étreinte sur le monde.

    Ma main glissa soudain de mon estomac et s’étira en un angle incommode sans que j’ose cependant bouger, ne sachant qui se trouvait avec nous dans la cour.

    — Déplacez le drap, ordonna David à quelqu’un, et j’entendis un froissement avant que David ne pose mon corps sur la paille.

    Elle était piquante, hostile et s’enfonçait dans ma chair qui n’était point censée être capable de la sentir. Je sentis ensuite un poids plus important à côté de moi — David avait posé l’épée et le couteau de Thomas dans la charrette avant moi. Même si je ne pouvais assez bouger pour les saisir, le simple fait de savoir qu’ils étaient là me rassurait.

    — Mon Dieu, murmura une autre voix, ce n’est qu’une enfant. Qui était-ce ?

    — Vous n’êtes pas payé pour votre curiosité, répondit David sèchement. Cette lettre doit être apportée au prince immédiatement. Faites en sorte que votre messager lui remette en mains propres, c’est compris ?

    La toile recouvrit ensuite mon visage, me projetant encore davantage dans les ténèbres. J’entrouvris cependant un œil avec prudence. Je ne pouvais rien voir, ce qui devait vouloir dire qu’on ne pouvait me voir non plus.

    — Oui, monsieur.

    — Dites-leur d’ouvrir le portail.

    — Oui, monsieur.

    Quelques instants plus tard, la charrette se mit lentement en branle seulement pour s’arrêter après avoir parcouru une courte distance. Je sentis un tremblement sourd tout en me demandant si on élevait la herse.

    — Où est l’autre type ? demanda alors quelqu’un.

    — La prisonnière nous a posé quelques difficultés, répondit David. Veillez à ce que votre prêtre lui fasse un enterrement correct.

    D’autres bruits sourds se firent ensuite entendre que je ne pus discerner.

    Le tremblement cessa soudain avec un grincement métallique, puis la charrette se remit en mouvement.

    Au bout d’un moment, j’entendis la herse se refermer en tremblant derrière nous et, tandis que nous nous éloignions, je sus que nous étions près de l’océan. Je pouvais le sentir dans mes os, je pouvais aussi sentir l’air salin, mêlé de fumée de tourbe, comme si je m’étais abîmée dans l’océan bleu du regard de Robin. C’était comme s’il était là, derrière moi, à côté de moi, hors de ma vue, mais quand je me tournai pour le regarder, il n’y avait que les ténèbres.

    ***

    Je m’assoupis à un moment donné avant de me réveiller tandis que nous ralentissions. J’abaissai le drap avec soin afin de pouvoir distinguer quelque chose.

    Nous étions dans les bois, sur un sentier assez large pour que la charrette y passe, mais je ne pouvais rien voir d’autre.

    — David ? appelai-je.

    — Nous allons nous arrêter pour la nuit, milady. Êtes-vous à votre aise, ou bien préféreriez-vous le sol ? me demanda-t-il.

    J’abaissai le drap afin de pouvoir respirer aisément. Il ne s’agissait pas d’être à son aise. En l’espace de trois mois, j’avais à peine bougé, de sorte que j’étais plus faible que je ne pouvais me souvenir de l’avoir jamais été. Je n’avais guère envie de bouger.

    Tout en frissonnant un peu à cause du froid, je refermai la main sur l’épée. Le fait d’avoir enfin le moyen de me défendre, plus que quoi que ce soit d’autre, m’aida à dormir.

    ***

    Quand je m’éveillai, la charrette était de nouveau en marche, et elle se balançait paisiblement, avec douceur, de sorte qu’il me fut difficile de rouvrir les yeux.

    L’aube venait à peine de se lever, et le ciel montrait toujours qu’il avait rougi comme il seyait à sa jeunesse. Je desserrai les doigts de l’épée et relâchai mon étreinte nocturne.

    Je regardai ensuite autour de moi en voulant m’asseoir, mais nous nous trouvions sur une route, entourés de gens, aussi n’osai-je point et replaçai-je plutôt le drap sur mon visage.

    Au cours des mois passés, il n’y avait point eu fort à manger, mais en vérité, je commençais à avoir faim. Tandis que la charrette continuait son trajet, je ne cessai de vérifier quand nous pourrions être suffisamment en sécurité pour que je puisse parler. Enfin, après plus d’une heure, nous croisâmes une fourche qui nous laissa nous déplacer seuls.

    — David ? appelai-je en abaissant le drap. David ?

    Puis, je m’assis en m’étirant les bras et le dos.

    — David ? appelai-je de nouveau, mais ce fut un cri qui me répondit.

    Je saisis l’épée et, en me tournant, j’aperçus un homme qui n’était point David glisser de la selle. Dégainant, je sautai du côté de la charrette et, dans mes vieilles bottes en lambeaux, j’atterris dans la terre avant de me jeter sur lui.

    — Jésus Marie Joseph ! cria-t-il avant de se cacher derrière le cheval. Dame voleuse, mettez un terme à cette folie !

    — Allan ? m’écriai-je en m’arrêtant. Mais bon Dieu, que fais-tu donc ici ?

    — Doux Jésus, me répondit-il après avoir regardé autour du cheval, même morte, tu fais peur.

    — Je ne suis point morte ! criai-je.

    — Eh bien, ça, je ne le savais pas auparavant ! me répondit-il en criant.

    — Allan, qu’as-tu fait ? Où est David ?

    — Je l’ai simplement assommé, m’expliqua-t-il, il va s’en tirer.

    — Mais que fais-tu donc ici ? lui demandai-je de nouveau. Il y a à peine quelques heures que je suis sortie de prison. Comment as-tu pu me retrouver si rapidement ?

    — Notre bon shérif m’a donné l’ordre de te retrouver, répondit-il en haussant les épaules. Et j’ai réussi. Cependant, je pensais… je pensais t’avoir retrouvée trop tard, poursuivit-il et, l’espace d’un instant, il n’eut point son air moqueur et idiot, mais plutôt un air triste et fatigué.

    Puis, il s’avança vers moi et me serra dans ses bras, me soulevant de terre.

    — Ouf, grognai-je. Allan… Allan, repose-moi par terre.

    — Oui, dame voleuse. C’est seulement que… s’interrompit-il avant de lever les yeux. Comme Dieu est grand et puissant et comme Il aime à se moquer des mortels tels que…

    Il ne termina jamais sa phrase, David se jetant soudain sur lui en le précipitant à même le sol avant de soulever son couteau au-dessus de sa gorge.

    — Non ! m’écriai-je. David, arrête !

    David se figea, puis me regarda tandis qu’Allan gémissait.

    — Milady, cet homme…

    — C’est un terrible malentendu, lui dis-je. Je t’en prie, relève-toi.

    D’un bond, David, sur la tête duquel j’aperçus une plaie, se releva, puis Allan se mit debout avec difficulté.

    — Allan ! m’écriai-je. C’est toi qui lui as fait ça ?

    — Ce satané lâche m’a frappé avec une pierre, grogna David en touchant sa blessure.

    — Je n’ai pas un coup de poing bien puissant, expliqua Allan en haussant les épaules.

    David lui lança alors un regard noir tout en croisant les bras avant d’examiner les alentours.

    — Milady, nous devrions quitter cette route, si vous espérez demeurer morte.

    — Tu essaies d’être morte ? demanda Allan en fronçant les sourcils. Je ne comprends pas.

    — Mieux vaut être morte qu’assassinée, lui répondis-je. Nous devons rejoindre la reine mère. Peux-tu nous aider à atteindre Londres ? lui demandai-je.

    Cette question le piqua et le fit pouffer.

    — Évidemment. Cependant, je pense que nous pourrions nous déplacer plus rapidement, si tu étais en vie et s’il avait un peu moins l’air d’un chevalier.

    — Très bien, lui répondis-je. Mais dans ce cas, je dois me laver. Vous deux, vous n’auriez pas vu une rivière ou un puits ou quelque chose du genre ? leur demandai-je.

    — Il y a une rivière, pas si loin derrière nous, répondit David.

    — Pouvez-vous me trouver des vêtements et de la nourriture ? leur demandai-je après avoir hoché la tête, et je vous rejoindrai.

    — Milady, je ne vous laisserai pas seule, dit alors David. Qu’il aille où bon lui semble, mais moi, je vous accompagne.

    J’étais toujours faible, et Dieu sait qu’il y avait d’autres dangers que nous devrions affronter, de sorte que je ne le contredis point. Il m’accompagna et attendit à quelque distance de la rivière pendant que je m’enfonçais dans sa froideur de glace, frottant le sang et la terre de ma peau, qui quittèrent mon corps en serpentant en tourbillons boueux dans l’eau limpide.

    Cette crasse fut emportée, puis la rivière fut de nouveau immaculée, comme si elle n’avait vraiment jamais existé.

    Chapitre 2

    * * *

    A llan eut du succès. Il me trouva des vêtements propres pour que je m’habille en garçon, puis échangea la charrette contre deux autres chevaux. Il s’était aussi procuré de la nourriture, d’une manière ou d’une autre, puis David et moi avalâmes des oranges, du chou-fleur rôti, du porc salé et du pain frais.

    Allan me regarda.

    — Milady, es-tu certaine que nous ne devrions pas plutôt aller à Nottingham ? demanda-t-il.

    — Je dois d’abord voir la reine mère, Allan, lui répondis-je en faisant non de la tête. Ensuite…

    À la pensée de Robin, de son

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1