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Les abeilles de Mazgard: Polar fantastique des deux côtés de l'Atlantique
Les abeilles de Mazgard: Polar fantastique des deux côtés de l'Atlantique
Les abeilles de Mazgard: Polar fantastique des deux côtés de l'Atlantique
Livre électronique431 pages6 heures

Les abeilles de Mazgard: Polar fantastique des deux côtés de l'Atlantique

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À propos de ce livre électronique

Les Aravis et les USA, si loin mais si proches…

Malgré le beau temps qui règne sur la chaîne des Aravis en ce jour de septembre, Kate Stremer, la jolie adjudante-chef de la brigade de recherche de Chambéry, sait que l'hiver approche à grands pas pour les stations de sports d'hiver.
Alors, quand un corps est découvert dans un petit refuge de montagne, elle comprend vite qu'elle devra résoudre cette affaire avant la saison touristique.
De l'autre côté de l'Atlantique, Edward Nolan, un agent de la CIA, fait face dans ses enquêtes non résolues à un dossier en tout point similaire.
Leurs hiérarchies respectives leur demandent de collaborer, et ce qu'ils vont découvrir ensemble dépasse l'entendement.

Un polar fantastique, surprenant dès les premières phrases, qui vous tient en haleine jusqu'à la fin !

EXTRAIT

Kate court nue jusqu’à la cuisine et fixe l’écran qui clignote depuis sûrement un bon bout de temps. Sans se soucier des voisins qui risqueraient de l’apercevoir dans son plus simple appareil, elle consulte sa messagerie où la voix robotisée devenue célèbre lui annonce sur un ton neutre :
«Vous avez … six nouveaux messages. Nouveau message reçu à…» Kate ne prend même pas le temps de les écouter. Elle raccroche et appelle aussitôt la ligne directe du Lieutenant Bourrin qui dirige toute la section. Les tonalités s’éternisent preuve qu’il n’est pas là, donc qu’il s’est passé quelque chose. Elle entend le bip plus long qui la renvoie vers le gendarme de garde.
- Brigade de recherche d’Annecy, bonjour.
Le ton du gendarme est un brin boudeur.
- Salut, c’est Kate.
À l'autre bout du fil, elle reconnaît Thomas, son plus jeune collaborateur à l’autre bout du fil qui doit être planton.
- Merde, Kate, qu’est-ce que tu fous ? On essaie de te joindre depuis des heures. Un randonneur a trouvé un corps dans une cabane abandonnée, aux pieds des Aravis. Dudu et Mat sont partis te chercher. Ils devraient être chez toi d’une minute à l’autre.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Après un premier thriller réussi avec brio, Laurent Saas nous signe ici un roman qui mêle polar et fantastique. Il reste fidèle au rythme dans son écriture et nous propose une intrigue complexe et attachante.
LangueFrançais
ÉditeurPhénix d'Azur éditions
Date de sortie23 nov. 2017
ISBN9791094243305
Les abeilles de Mazgard: Polar fantastique des deux côtés de l'Atlantique

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    Aperçu du livre

    Les abeilles de Mazgard - Laurent Saas

    19 septembre 1777

    Londres, Angleterre

    Mon Dieu, qu’ai-je fait ? Quel péché ai-je osé pour mériter un tel sort ? N’ai-je pas toujours été intègre et exemplaire tout au long de ma courte vie ? Et pour ce petit écart, le Seigneur doit-il me châtier par la mort ? À vrai dire, je ne comprends pas très bien ce qu’il m’arrive. Mon dernier souvenir est ce verre d’absinthe frais qui m’a été offert comme apéritif par la mère maquerelle, Gilda la belle, en guise de bienvenue dans sa maison. Car si je n’ai aucun souvenir de ce début de soirée, je sais en revanche où je suis et d’où je viens. Partis d’Aberdeen, au cœur de l’Écosse profonde, nous avons dû abandonner la voiture et seller les chevaux pour traverser les Highlands du Sud puis toute l’Angleterre. Arrivé la veille au soir avec mon vieil ami et serviteur John Mac Gwyer, je me suis laissé convaincre de l’accompagner à Londres visiter sa mère souffrante. Il m’a surtout demandé, avec tact et finesse de payer le voyage, requête que je ne pouvais lui refuser au vu des nombreux services qu’il me rend chaque jour en tant que majordome personnel. Puis je ne pouvais décemment pas le laisser dans l’inquiétude. Pour autant, afin de se changer les idées et de prendre un peu de bon temps, c’est encore lui qui a eu l’idée de venir dans ce lieu de débauche. Décidément, je crois que je ne peux rien lui refuser. Allez savoir comment il a connu cet endroit, dans cette petite rue sombre du quartier de Bloomsbury. Toujours est-il qu’après avoir affronté la traversée de tout le Royaume d'où nous sommes sortis miraculeusement indemnes des loups affamés, des voleurs de grand chemin qui sévissent à cette époque et des maladies, nous avons fait halte au « Smocking cat ». C'est une maison close réputée comme la meilleure de la ville dont la devanture rouge tranche avec les murs délabrés des maisons voisines. Il paraît que les vieux bourgeois frustrés y côtoient les riches commerçants itinérants en mal d’amour charnel et les brigands les plus vils soucieux de dépenser au plus vite les bourses pleines de pièces arrachées à des voyageurs malheureux. Quant à moi, depuis le décès tragique de ma tendre femme victime d’une hémorragie fatale lors d’une troisième fausse-couche qui nous aurait donné un cinquième garçon, ma vie sentimentale s’était quelque peu assombrie. Je préférais depuis la lecture ou le théâtre aux plaisirs de la chair. D’où l’idée de John d’aller nous divertir avec quelques filles de joie travaillant à la solde de Gilda. Les jeunes femmes sont réputées jolies, peu revêches et complaisantes aux désirs les plus fous de ceux qui auraient en échange, de belles pièces d’or dans leur aumônière. Au début j’avoue avoir été très réticent, par respect pour feu ma Catherine. Mais devant l’insistance de mon majordome et ami pour tenter de raviver la flamme de mon désir sexuel semblé perdu à jamais, l’ivresse d’un voyage rempli d’aventures trépidantes jusqu’à Londres avait tôt fait de me motiver pour cette escapade nocturne. Catherine, oh, Catherine, puisses-tu un jour me pardonner...

    La grande maison aux deux étages était en vue. La lumière visible de chaque fenêtre aux rideaux de voiles blancs éclairait même la rue. La pluie battait le pavé gras. La lanterne rouge allumée indiquait aux clients potentiels que cet établissement un peu spécial était ouvert. Nous sommes entrés et avons été gentiment accueillis par la grande Gilda elle-même. Ses yeux trop maquillés, un fond de teint blanc étalé à outrance pour masquer un visage fatigué et sa perruque blondâtre, cachaient mal une importante clientèle. Elle prit nos chapeaux tricornes et nos lourdes capes de cuir qui nous ont protégés des aléas climatiques jusqu’à maintenant et alla les crocher au vestiaire pour les faire sécher. Et maintenant je gis là, complètement nu, allongé sur le lit d’une chambre lugubre d’un hôtel de passe, dans le noir total. Je ne peux plus bouger. Mes membres ne répondent plus aux ordres de mon esprit. Je suis complètement paralysé. Seuls mes sens semblent encore donner quelques signes de vie dans ce corps de marbre. J’ai beau forcer, je n’arrive même pas à fermer les yeux. C’est à peine si je sens encore le parfum des filles de joie. J’ai été drogué, c’est sûr. Mais que me veut-on exactement ? Mon argent ? Ma bourse bien garnie était facilement repérable, attachée à la doublure de ma veste et je ne vois plus aucun de mes effets personnels. Peut-être désirent-ils me faire chanter ? Ou alors suis-je pris en otage ? Ma fortune ou celle de ma belle famille pourraient facilement attiser de sombres idées de grosse rançon. Pourquoi ne m’a-t-on pas ligoté comme un vulgaire ballot et jeté à la cave où je ne serai aperçu de personne ? À la place, on a eu recours à un incroyable subterfuge compliqué et coûteux pour me priver chimiquement de mes mouvements. Pour dire vrai, je ne suis pas venu à Londres uniquement pour accompagner John, mais aussi pour repérer et négocier quelques belles affaires. Mon travail n’est pas simple, mais à force de labeur, je me suis bâti un véritable empire. Commerce en tout genre, négoce de bois et surtout importation de différentes marchandises pour l’armée. Et maintenant moi, William Connor Mac Connoghey, fils d’une des plus grandes familles de Glasgow, je vais certainement mourir dans un infâme bordel londonien. Que va penser ma famille ? Que va supposer ma chère et vieille mère, d’habitude si fière de son fils d’habitude ? Étrangement, je ne ressens pas le froid de la nuit qui pourrait passer au travers de la jointure de la fenêtre aux huisseries un peu vermoulues. Pourtant la cheminée devrait être allumée pour chauffer ces chambres de plaisir afin d’améliorer le confort des clients dévêtus.

    J’entends enfin du bruit ! Tous mes sens qui étaient jusque-là endormis se remettent en éveil difficilement. Mon esprit torturé se concentre pour tout décrypter. Je ne peux pas remuer les yeux, encore moins les paupières, mais j’aperçois clairement la lueur d’une bougie ou plutôt d’une torche sous la porte. Quelqu’un entre. Je le distingue clairement. Il est petit, chétif, mais habillé comme un majordome. Rien à voir pourtant avec l’uniforme de John. D’ailleurs, qu’est devenu mon servant ? En tout cas, ce n’est pas un de ces sbires costauds aux visages féroces que j’ai croisée à la porte d'entrée et qui surveillent la demeure lubrique de Gilda. Il me sourit et me parle dans une langue que mes nombreux voyages autour de la planète ne me permettent pas pour autant de reconnaître. Aux intonations et à son accent, je pense qu’il doit être d’origine slave, une des rares contrées du monde qui me soit inconnue. Il sait que je suis vivant et cela me surprend. Le petit homme allume d’abord les grands candélabres posés à chaque coin de la vaste pièce. Comme je suis resté tant de temps dans l’obscurité, la lumière que les bougies diffusent soudainement m’éblouit. Mes paupières ne veulent désespérément pas se fermer, même pas se plisser un peu. L’homme discute toujours avec moi comme le ferait un médecin à son malade plongé dans le coma. Il chiffonne du vieux papier journal jauni qu’il mélange à de la graisse de porc et pose pardessus quelques minces morceaux de bois dans la cheminée. Fait-il froid ? Fait-il chaud ? Je n’en ai pas la moindre idée. Il craque une longue allumette sur le bord en pierre et l’âtre s’embrase aussitôt. Il continue d’enfourner du bois en soufflant sur les premières braises incandescentes. En même temps, il les attise avec un tison en fer forgé qu’il laisse chauffer au milieu du brasier. Les flammes jaunâtres finissent d’éclairer la chambre que je découvre enfin. La décoration faite de miroirs posés çà et là prouve que je suis toujours dans ce lubrique endroit. Celui accroché au plafond reflète mon corps inerte. L’homme sort de la chambre en me saluant d’un geste de la tête. De son monologue interminable, je comprends juste « good luck » qui ne me rassure guère. J’implore John intérieurement pour qu’il vienne me sauver. Qu’est-il devenu ? Est-il séquestré comme moi dans une autre chambre ? Est-il déjà mort ? Et s’il était complice de ces malfaisants ? M’aurait-il attiré ici contre la promesse d’une belle récompense ? Non, ce n’est pas possible. Pas lui. Mon ami d’enfance serait incapable de me trahir. Je deviens complètement paranoïaque. Il faut que je me ressaisisse. Je dois absolument garder la tête froide et réfléchir à la façon de me sortir de ce mauvais pas. Je sens enfin la chaleur qui se dégage de la large cheminée. Pas de quoi me rassurer sauf sur le fait que je suis bel et bien en vie. Mais pour combien de temps encore ? Quelle heure est-il ? Et quel jour sommes-nous ? Peut-être suis-je là depuis plusieurs semaines. Je me souviens que nous sommes arrivés dans la capitale anglaise le 18 septembre 1777. Je n’en peux plus. J’aimerais qu’on m’aide à m’évader. Finir ma vie dans un bouge aux fins fonds d’un quartier Londonien me devient soudainement insupportable. Mais mon corps devenu un cercueil de chair m’en empêche. Je discerne de nouveau des bruits de pas dans le couloir. Serait-ce mon bourreau ? Pourquoi m’infliger de tels sévices ? Pour me torturer ? Après tout, grâce à mes activités, je sais sûrement des informations militaires confidentielles que certains pays seraient prêts à payer une fortune à des personnes mal intentionnées. La porte s’ouvre doucement. Je ne vois personne encore. Mes yeux immobiles attendent avec impatience que quelqu’un passe devant mon champ de vision, aidé par le miroir du plafond. Ça y est, je distingue quelqu’un. C’est une femme. Grande, cheveux longs noirs, des yeux délicatement maquillés, magnifique. Rien à voir avec les poules de luxe que j’ai rencontrées dans les couloirs avant cette nuit. Elle est juste vêtue d’une nuisette en soie noire transparente finement ornée de motifs de fils d’or. Il est évident qu’elle n’est pas une résidente permanente de l’endroit. Elle me regarde fixement. Son regard émeraude dévisage tout mon corps en s’attardant sur ma partie la plus intime. Elle m’envoûte. En d’autres temps, ma pudeur naturelle m’aurait obligé à cacher mon anatomie devant une si jolie créature. Cependant, je suis loin d’être rassuré. Que doit penser Catherine, ma tendre épouse qui me voit de là-haut ? Seigneur, puissiez-vous lui bander les yeux devant cet affligeant spectacle. Je suis aux portes de l’enfer. Cette nuit sera sans nul doute ma dernière. Contrairement au majordome de tout à l’heure, elle reste silencieuse. Elle s’approche de la cheminée et tourne juste le tison cramoisi d’un demi-tour en le poussant un peu plus dans les braises. Elle aussi me sourit comme pour calmer mon angoisse, en vain. Au contraire, je m’interroge de plus en plus sur cette mascarade infâme. Que fait une aussi jolie fille dans une chambre de maison close de basse zone avec un homme d’affaires drogué, paralysé et terrorisé ? Serait-ce Satan en personne, réincarné dans un corps de déesse ? Elle se dirige vers le petit guéridon où est posé un des chandeliers. Elle prend une des petites fioles de verre remplies d’un liquide gras et jaunâtre. Avec ses longs doigts fins, elle ouvre délicatement le flacon. Elle me tourne le dos, mais je vois son reflet sur une grande glace fixée solidement au mur opposé. En fait, je me rends soudain compte que depuis que je suis sorti de ma léthargie, je ne regarde que le plafond, mais les différents jeux de miroirs orientés subtilement tout autour de la pièce me procurent une vue d’ensemble quasiment à trois cent soixante degrés. C'est du grand art. Manifestement, celui qui a créé cet endroit est un érudit de la vision périphérique. Elle se retourne enfin, le flacon dans la main. Elle essaie de communiquer avec moi. Ce coup-ci, je reconnais ce langage. C’est du portugais sans aucun doute. Je le comprends un peu à force de faire des haltes dans le port de Viana de Castelo pour importer du bois précieux. Elle se présente. Elle s’appelle Monica me dit-elle et se trouve en ce lieu pour satisfaire tous mes désirs. Je ne la crois pas une minute. Je pense même que c’est moi qui vais être son jouet ou devrais-je dire sa marionnette. Elle se fige sur le côté du lit, droite comme un i, tend les bras au-dessus de moi et me renverse en filets la substance visqueuse et tiède sur tout le corps. Elle me regarde de nouveau longuement et décide d’ôter sa nuisette laissant apparaître un corps pâle. Manifestement, le Portugal doit lui manquer. Je sens son parfum. À moins que ce ne soit celui de l’huile. Je n’ai jamais vu chez une femme une aussi sublime poitrine. Elle s’assied près de moi. Pose ses mains sur mon torse à la pilosité dispersée et entame un massage délicat pour m’étaler l’huile chauffée par les bougies. Sa toison est à trente centimètres de mon visage. Par miroirs interposés, je ne peux m’empêcher de la dévisager. Elle est belle, elle le sait. Ses mains chaudes qui me caressent devraient me donner des frissons dans tout le corps, mais étrangement je ne ressens rien. Ou tout du moins, rien d’érotique. Monica se lève et tourne autour du lit pour se placer maintenant face à moi. Elle pose ses longs doigts à l’intérieur de mes genoux, m’écarte les jambes doucement comme si elles allaient casser et les frôle avec son index. Le doigt tourne, virevolte, accélère, freine, s’arrête puis reprend en saccade. Soudain, son majeur monte plus haut pour aller toucher mes parties plus intimes. Elle a réussi son coup : je suis en érection. C’est le seul organe encore à réagir. Je suis bien vivant. Sa main me prend délicatement le sexe et me masturbe doucement, agréablement. Son regard est vissé sur mon membre dur. Je ne comprends plus. Je ne veux plus comprendre. Mon esprit s’abandonne à mon bourreau. Tout en continuant son labeur, elle approche sa bouche de mon nombril et enfourne sa langue à l’intérieur. Elle la balade dans la région, descend sur mon pubis qu’on m’a rasé à blanc pour l’occasion pour remonter sur ma verge et stoppe en tournoyant sur mon gland écarlate. Jamais on ne m’a provoqué autant de sensations. Ma défunte épouse, issue d’une grande famille catholique pratiquante, ne l’aurait pas permis. Ses lèvres entourent mon appendice qu’elle a engouffré jusqu’à la moitié, montant une fois jusqu’au frein et une autre fois descendant jusqu’à la garde. Elle ferme les yeux comme si elle aussi prenait du plaisir. Elle retire ses deux mains coincées sous mes fesses et décide de se caresser le clitoris. Grâce aux miroirs, je n’en perds pas une miette. Monica se redresse soudainement et vient se placer au-dessus pour m’enfourcher. De sa main gauche, elle s’écarte les grandes lèvres alors que son autre main vient guider mon sexe trempé vers l’entrée de son être. Par respect pour ma Catherine, une partie de moi a envie de la repousser. Mais mon autre moi prend un plaisir rare, un délice exquis que je n’ai jamais ressenti jusque-là. Je suis totalement à sa merci. Si elle est la réincarnation d’un suppôt de Satan, alors je veux bien aller en enfer. Ses reins ondulent. Elle a placé ses cuisses contre mes flancs. Sa peau est aussi douce que la soie de Chine de sa nuisette. J’aimerais tant la caresser. Sa peau blanche contraste avec ses longs cheveux noirs. Elle m’embrasse sur la bouche. J’ai l’impression que ses lèvres sucrées fondent sur les miennes. Manifestement, elle connaît les régions de mon corps qui ne sont pas endormies. Elle m’écarte les bras. Je suis en son pouvoir. Elle accélère le mouvement des reins. Je crois que seule la région pubienne n’a pas subi d’effet de la drogue. Je suis en elle. Je ne vais pas tarder à jouir, en silence. Je sens ma sève d’amour monter en moi. Elle le ressent aussi. Elle jette sa tête en arrière. Ses gémissements de plaisir se font plus forts, plus rapides. Je ne vais pas pouvoir retenir mon fluide plus longtemps. Nous jouissons ensemble, moi intérieurement, elle avec extase. Elle reste immobile, les bras en arrière, ses mains me tenant les tibias. Elle retarde le moment de s’extirper. Sa souplesse, rare chez une femme aussi grande, lui permet de se coucher sur le dos, entre mes cuisses. On dirait qu’elle se détend. J’aperçois son triangle d’or humide et chaud. D’un coup d’épaule, elle se redresse et je vois dans sa main une arme blanche en trident sortie de nulle part. Elle l’exhibe devant mes yeux. La torpeur qui m’envahit accélère mes battements cardiaques. Elle joue avec l'arme, la fait voler comme elle le ferait avec un oiseau de papier. Je reconnais cette arme. Dans le jargon de l’escrime, on appelle ça une « main gauche », sorte de longue dague pointue que l’on utilise lors des combats à adversaires multiples. Elle tient le manche finement ciselé entre ses deux mains et lève les bras. Je la pénètre encore. Instinctivement, je coupe ma respiration. C’est la première fois que je contrôle quelque chose de mon corps depuis que je suis allongé sur ce lit. Serait-ce la dissipation de la drogue ? Ses bras tombent comme un couperet et me plantent le couteau effilé en plein sternum, me perforant un poumon de part en part. Mon corps ne bouge pas, mais je suis ravagé de douleur. Le mal est atroce. Mon cerveau capote, ma vue commence à baisser. Je n’entends plus rien. Je suis en train de passer de vie à trépas. Je sens tout à coup mon esprit s'extirper de mon enveloppe charnelle. Je vole au-dessus de la chambre et distingue mon propre corps. Il a la position de « l’homme de Vitruve » comme si j’étais le modèle de Leonardo da Vinci. La déesse maléfique se dirige désormais vers la cheminée et prend le tison, le bout rendu incandescent par la chaleur du feu. Je suis mort, mais mon esprit la voit se placer debout au-dessus de moi. Apparemment, mon meurtre ne lui suffit pas. Elle appuie le fer rouge sur mon cœur. Une fumée épaisse s’échappe de ma chair brûlée. Elle me marque au fer rouge comme le ferait un paysan à un veau à peine né. La lettre « A » est maintenant tatouée sur mon corps inerte. Je ne saurais jamais la signification de ce message. Mon âme continue sa lente ascension vers l’au-delà. Une lumière intense apparaît devant moi. Enfin je te rejoins Catherine, ma bien-aimée. Je sais que tu m’attends… »

    12 septembre 2011

    Thônes, France

    Kate ouvre un œil, la tête empêtrée dans son oreiller. Les coutures du coussin lui ont balafré pour un court instant le visage. Généralement habituée à des nuits plus chaotiques, elle se retourne sur le dos pour reprendre ses esprits et se sortir lentement de ce sommeil pour une fois salvateur. Les rares rayons de soleil qui ont réussi à contourner les épais rideaux sombres de la chambre éclairent et chauffent le quatre-vingt-quinze C de sa poitrine parfaite. Elle s’étire de tout son long pour assouplir ses disques vertébraux et réveiller ses muscles endoloris par l’inaction nocturne. Madame Olson, la chatte angora, appelée ainsi à cause de son mauvais caractère et sa fourberie à faire ses petits coups par-derrière, ne se fait pas attendre pour entamer un langoureux massage avec ses pattes avant délicates où seule la pointe de ses griffes offre de petits picotements. Kate s’assoit, remercie l’animal de cette attention particulière tout en essayant de remettre un peu d’ordre dans ses cheveux et sortir de cette léthargie. Elle émerge lentement, regarde son réveil. Il affiche huit heures trente en gros chiffres rouges. La bouche pâteuse, elle s’étonne que personne ne l’ait extirpée de ses rêves en pleine nuit à coups d’appels téléphoniques ou que personne ne soit surpris de son absence à brigade à cette heure avancée de la matinée. Il faut dire que depuis qu’elle a acquis récemment le statut de chef de groupe à la section de recherche de Chambéry faisant d’elle, à trente ans, la plus jeune responsable d’unité de France, elle met un point d’honneur à arriver avant son équipe. Pour cela, cette nouvelle promotion ne lui offre que trop rarement de grasses matinées. Elle cherche désespérément son téléphone du regard, mais manifestement, il n’est pas dans la pièce. Elle essaie de rassembler ses souvenirs pour se rappeler où est caché ce maudit portable. Dans la cuisine ! Kate se lève d’un bond, emportant au passage Madame Olson avec la couette ce qui oblige cette-ci à se contorsionner pour retomber sur ses pattes.

    Kate court nue jusqu’à la cuisine et fixe l’écran qui clignote depuis sûrement un bon bout de temps. Sans se soucier des voisins qui risqueraient de l’apercevoir dans son plus simple appareil, elle consulte sa messagerie où la voix robotisée devenue célèbre lui annonce sur un ton neutre : « Vous avez … six nouveaux messages. Nouveau message reçu à…»

    Kate ne prend même pas le temps de les écouter. Elle raccroche et appelle aussitôt la ligne directe du Lieutenant Bourrin qui dirige toute la section. Les tonalités s’éternisent preuve qu’il n’est pas là, donc qu’il s’est passé quelque chose. Elle entend le bip plus long qui la renvoie vers le gendarme de garde.

    - Brigade de recherche d’Annecy, bonjour.

    Le ton du gendarme est un brin boudeur.

    - Salut, c’est Kate.

    À l'autre bout du fil, elle reconnaît Thomas, son plus jeune collaborateur à l’autre bout du fil qui doit être planton.

    - Merde, Kate, qu’est-ce que tu fous ? On essaie de te joindre depuis des heures. Un randonneur a trouvé un corps dans une cabane abandonnée, aux pieds des Aravis. Dudu et Mat sont partis te chercher. Ils devraient être chez toi d’une minute à l’autre.

    - Qui est sur place ? interroge Kate un peu énervée.

    - Le Lieutenant est parti rejoindre le légiste sur les lieux. Je n’ai pas de nouvelles depuis. D’ailleurs, je voudrais dire que j’en ai marre que…

    Kate raccroche, lasse des éternelles doléances de Thom depuis qu’elle est passée chef. Elle s’aperçoit enfin qu’elle est complètement nue au milieu de la cuisine, à la merci des regards indiscrets quand on sonne à la porte. Elle enfile à même la peau un pull laissé là sur un tabouret, tire un peu dessus pour couvrir au mieux la partie normalement cachée de son anatomie et va ouvrir. Les deux hommes découvrent leur chef sous un aspect qui leur était inconnu jusqu’alors. Cela les fait sourire.

    - Salut Kate, on essaie de…

    - Entrez ! Préparez-vous un café, j’arrive dans cinq minutes.

    Elle court jusqu’à la salle de bains, manquant de shooter dans le chat qui sortait de la chambre.

    Son pull ne pouvant cacher ses jambes soigneusement épilées ainsi que le galbe de ses fesses, le corps sculptural de Kate laisse libre cours aux fantasmes des gendarmes. Ils se regardent et se surprennent à rêver de la même chose. Ils entrent et s’approchent directement des capsules en aluminium colorées près de la machine à café. Chacun leur tour, ils prennent une petite tasse et introduisent la capsule dans la cafetière. Le ronronnement de la machine n’est pas encore terminé qu’ils entendent déjà l’eau de la douche s’arrêter de couler. Ils boivent rapidement leur café serré et surtout bouillant qui leur anesthésie à moitié la langue. Kate surgit dans la cuisine, les cheveux encore attachés pour éviter de les mouiller. Vêtue d’un jean cintré et d'un petit top noir moulant ses seins, elle enfile une paire de running aux crampons épais pour que ses pieds ne soient pas trop malmenés en cas de rando improvisée.

    - Bon, on y va ? Vous me ferez un topo en route.

    La patience de Kate ne saurait durer plus longtemps. Avant de partir, elle remplit la gamelle du chat de croquettes haut de gamme, saute sur son blouson en cuir style motard alors qu’elle a horreur de la moto, attrape en passant son rimmel sur la table et tout le monde sort précipitamment de la maison, laissant Madame Olson enfin seule. En route fissa pour la scène du crime ! Kate monte devant, côté passager et demande à Dudu (en fait, il s’appelle Stéphane Dumoulin, mais depuis la maternelle, son surnom lui est resté) assis derrière elle, les premiers éléments tangibles de cette affaire. Elle a tourné le rétroviseur intérieur vers elle pour faire refléter ses yeux bleu saphir et les maquiller de son mieux avec la conduite vigoureuse de Mathieu. La radio HF crache une multitude d’informations auxquelles personne n’a l’air de prêter attention.

    - Pour l’instant, on n’a pas grand-chose, dit Mat, les yeux rivés sur la route.

    Dudu poursuit pour que son coéquipier ne se concentre que sur sa conduite.

    - On sait juste qu’un promeneur s’est arrêté dans une espèce de cabane faisant parfois office de refuge l’hiver aux randonneurs en raquettes et construite près d’une source pour y remplir leur gourde et qu’il a trouvé un corps. On n’en sait pas plus.

    Après avoir avalé la longue portion de nationale, l’équipe sur l’étroite route de montagne. La voiture roule à tombeau ouvert, manquant à chaque virage de tomber dans le ravin. Mais Mat est un vrai pilote. D'ailleurs la sirène hurlante et le gyrophare bleu solidement aimanté sur le toit sont suffisants pour avertir les rares voitures qui les croiseraient et oseraient les défier. Kate allume l’autoradio pour écouter si la presse n’est pas arrivée avant elle. Mais la coupe du monde de rugby qui a commencé, il y a deux jours en Nouvelle-Zélande, et l’inauguration la veille, du mémorial de New York à la mémoire des victimes du 11 septembre, accaparent toutes les ondes. Elle est soudain surprise du temps qui passe. On est le 12 septembre 2011. Déjà dix ans que deux avions pilotés par des fanatiques fous furieux s’encastraient dans les Tours jumelles, en plein centre de Manhattan.

    Cette fois-ci l’auto mord vraiment le bas-côté et sans le sang-froid et la dextérité de Mathieu, l’embardée aurait été inévitable. Pourtant personne n’y a prêté la moindre attention. Au contraire, Kate suggère fortement à Mat d’accélérer s’ils ne veulent pas subir une journée de remontrance de la part du Lieutenant Bourrin. Kate a horreur de se faire engueuler un lundi. Elle n’est pas trop superstitieuse, mais elle a l’impression que ça va lui pourrir la semaine tout entière. Au détour d’une énième épingle à cheveux, un chemin part tout droit. À l’entrée, de la rubalise rouge et blanche et une camionnette de gendarmerie entravent l'entrée pour endiguer l’inévitable flot de journalistes qui seront là d’une minute à l’autre. Mat se gare directement dans le virage, devant les véhicules de pompiers et la voiture du Lieutenant. Les forces de l’ordre sont de la brigade du village tout proche ; Kate se sent donc obligée de sortir son étui en cuir avec sa carte de gendarmerie pendue à l’intérieur.

    - Bonjour, mon adjudante. Pour atteindre la cabane, il vous faudra marcher un petit quart d’heure. Les pompiers du GRIMP et le Lieutenant Bourrin sont déjà sur place. Il lui montre la direction du doigt.

    - Merci. On y va les gars !

    La carrure de portier de boîtes de nuit des deux gendarmes contraste avec la fine silhouette de Kate. Plus habitués à donner le coup de poing, ils savent que le tempo au pas de course que va imposer la jeune femme va les faire souffrir. En effet, ils sont à la peine dès la montée, pourtant pas très raide, alors que Kate n’est même pas essoufflée. Crapahuter à travers les chênes et les hêtres endolorit leur carcasse. Toutefois, cela leur confirme une chose : ils ne sont pas sur leur terrain favori. La baraque construite à l’abri des arbres est pourtant déjà en vue ; le Lieutenant se tient à l’entrée, le téléphone collé à l’oreille. Il relève juste brièvement la tête en apercevant Kate et ses adjoints qui arrivent à l’instant. Son visage devient un peu plus grave encore pour renforcer son mécontentement.

    - Désolée, mon Lieutenant, lance Kate qui s’approche.

    - On en reparlera plus tard, rétorque Bourrin comme si la sanction était déjà prise. Pour l’instant, j’essaie désespérément d’avoir le proc.

    Kate sort ses gants en latex de sa poche et entre dans la cabane en prenant soin de ne rien toucher. Une désagréable odeur de cochon brûlé règne dans la pièce. Au fond, le médecin légiste s’affaire sur le corps. Kate s’approche. Elle découvre la dépouille d’un homme dénudé qui repose sur le dos à même le sol, le visage presque juvénile.

    - Salut Jean-Louis. Alors, qu’est-ce qu’on a ?

    - Bonjour Kathleen. Vous êtes enfin arrivée !

    Elle n’aime pas trop qu’on l’appelle par son vrai prénom qu’elle a en horreur. Mais Jean-Louis est issu d’une famille de la vieille bourgeoisie parisienne, il est très à cheval sur les principes et amoureux des bonnes manières. Alors appeler une collègue de travail par un diminutif lui est juste insupportable. Il prend un petit temps de réflexion avant de donner son premier diagnostic.

    - Ma chère, nous avons un homme entre trente-cinq et quarante-cinq ans, de type européen. Il a été tué par armes blanches clairement identifiées.

    Pour illustrer son propos, Jean-Louis soulève les deux bras ballants et montre à Kate les couteaux aux manches en argent ciselé plantés dans chaque flanc.

    - L’arme à gauche a sans aucun doute transpercé le cœur tandis que l’autre lame s’est sûrement enfoncée profondément dans le foie. Le pauvre homme n’aura eu aucune chance. Par contre, ce qui est curieux est qu’il n’y a pas de trace de lutte. Il ne s’est pas non plus débattu. Vu la quantité de sang sur le matelas, il a été visiblement assassiné ici.

    Kate inspecte le corps centimètre carré par centimètre carré.

    - Et ça ? indique-t-elle en montrant la poitrine de son index.

    - C’est une blessure qui lui a été infligée post mortem. On lui a marqué au fer rouge un « A » qui a brûlé la peau en profondeur.

    Jean-Louis montre une barre de fer au fond de la pièce à côté de la cheminée où au bout du trident est soudée une pièce formant la première lettre de l’alphabet.

    - Heure de la mort ?

    - Il faudra que je vous le confirme, mais à priori, pas plus de vingt-quatre heures.

    Kate regarde le visage du malheureux. Il est beau et semble sourire, comme apaisé.

    - Des traces d’abus sexuels ?

    - Oui, non, enfin d’abus, je ne sais pas, mais de toute évidence, il a eu des rapports sexuels non protégés ; les prélèvements que nous avons effectués pourront certainement nous en dire plus sur la ou les personnes qui l’accompagnaient.

    - Ok, autre chose ?

    - Oui, à en croire l’extrême raideur du corps, il a sans doute été drogué. La rigidité cadavérique n’explique pas tout.

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