À propos de ce livre électronique
Johnny passe son enfance à Port Royal avec Anne, sa mère. Les rues de la colonie sont peuplées d’aventuriers, de malfrats et de femmes de mauvaise vie. Se sentant étranger à cet univers, le garçon rêve de partir, mais la santé fragile de sa mère l’oblige à passer outre. Contraint de travailler pour Bennet Avery, un charpentier, Johnny essaie de s’en sortir jour après jour, allant même jusqu’à remplacer Anne, dans l’auberge de Bartholomé, pour qui elle travaille. Pendant ce temps, le gouverneur de Port Royal, Henry Morgan, de connivence avec le corsaire Woodes Rogers, orchestre l’exécution du pirate Emmanuel Wynne, unique survivant d’une désastreuse expédition dans le Triangle du Diable à la recherche d’un mystérieux trésor. Johnny assiste à la pendaison avec Avery et se rend compte que le charpentier semble connaître le pirate. Pendant cette même soirée, écoutant une conversation entre ce dernier et Bartholomé, il apprend la vérité : ces deux-là étaient des pirates, cachés à Port Royal pour fuir les autorités. Le premier faisait partie de l’équipage d’Edward Teach, également connu sous le nom de Barbenoire. Il découvre en outre que le trésor existe et que l’œil de verre d’Emmanuel Wynne peut révéler son emplacement exact. Ainsi, il décide d’en savoir plus et se laisse convaincre par Avery d’exhumer le cadavre et de récupérer l’œil de verre. La mission est une réussite et Johnny se rend compte que l’œil n’est pas seulement un œil postiche, mais une relique magique qui lui permet de voir ce que son possesseur a vu par le passé à travers de violentes visions. Alors qu’il est à la merci de l’une de ces visions, Port Royal est attaquée par Barbenoire, décidé lui aussi à récupérer l’œil. Avery, pour sauver leurs vies, choisit de s’enrôler à nouveau dans l’équipage, entraînant le garçon avec lui. Bien vite, Johnny sera confronté à la dure vie à bord, apprenant à se battre et essayant de survivre à un voyage en mer qui lui attirera les mauvaises grâces du second capitaine, Victor Hardraker, un traître complotant dans le dos de Barbenoire pour s’emparer du trésor. Il partira à la recherche d’une tribu de cannibales. Il y rencontrera le sorcier du village et sa petite-fille, N’ahele, tous deux à l’origine de la création de l’œil d’Emmanuel Wynne. Ils se proposent d’aider l’équipage de Teach. Toutefois, les pirates, après avoir appris ce qui les intéressaient, trahiront les indigènes et enlèveront N’ahele, pour l’obliger à les guider vers le Triangle du Diable. Johnny prendra soin d’elle et entre les deux jeunes gens, naîtra un sentiment d’affection mutuelle. Ensemble, ils atteindront l’île sur laquelle le trésor est caché, découvrant une amulette capable d’exaucer les souhaits. Mais la trahison de Hardraker mènera à la mort de l’indigène. Après s’être vengé du second capitaine, Johnny retournera à bord du Queen Anne’s Revenge pour découvrir une autre réalité catastrophique : le corsaire Woodes Rogers les a suivi pendant tout le voyage et a abordé le navire, avec l’intention de tuer Teach (pour sa vengeance personnelle) et de récupérer l’amulette afin d’exprimer son désir de devenir Roi d’Angleterre. Pendant la bataille qui s’en suit, Johnny est blessé mortellement et, après avoir vu tomber Barbenoire sous le feu ennemi, grâce à l’amulette, il exprime, grâce à l’amulette, son désir de vouloir survivre. Douze ans plus tard, un mystérieux pirate entre dans l’auberge de Bartholomé, dés
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Avis sur Vie De Pirate
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Aperçu du livre
Vie De Pirate - Eugenio Pochini
NOTES DU TRADUCTEUR
Traduire « Vie de pirate » a été une très belle expérience. J’ai aimé cette histoire romanesque et pleine de rebondissements, qui vous plonge dès le départ dans une aventure trépidante.
Eugenio a pris le parti d’utiliser à la fois des personnages ayant réellement existé et des personnages fictifs. Ce choix de mélanger réalité et fiction, qui s’applique également aux lieux de l’histoire, m’a séduite car il donne de la profondeur et de l’authenticité à ce récit. Dès les premières lignes, il pique la curiosité du lecteur et l’incite à vouloir en savoir plus.
Par ailleurs, ce livre fait le parallèle avec la vie de tout un chacun à travers son personnage principal, Johnny, que j’ai trouvé très touchant : un jeune garçon qui apprend la vie et qui grandit tout au long du récit. Les épreuves qu’il affronte font de lui un homme. Il transmet l’idée symbolique selon laquelle chaque individu est amené à s’interroger sur lui-même, sur son avenir, sur ses choix à un moment de son existence afin de trouver la bonne direction.
La difficulté principale que j’ai rencontrée fut la traduction du titre. Je voulais en effet retranscrire l’idée de cette vie qui s’impose à ce garçon, cette vie qu’il n’a pas choisie et à laquelle il abandonne son destin. Je voulais également traduire le sens du titre d’origine « Sangue Pirata », qui représente dans tout ce qu’elle a de plus fort, de plus intense, de plus terrifiant, la Piraterie chevillée au corps de ces aventuriers, celle qui coule dans leurs veines.
Ce fut une formidable aventure de traduction, je vous souhaite autant de plaisir à la lire.
Caroline Zerouki
PROLOGUE
Lorsque l'on franchit la porte du temple des rêves, là, juste là, il y a la mer...
LUIS SEPULVEDA
Des trombes de pluie martelaient le pont du navire et faisaient vibrer les voiles, pour ensuite s’infiltrer dans les fissures de la coque. Il en était ainsi depuis qu’ils avaient dépassé les côtes de la Floride.
Samuel Bellamy se mit alors à proférer des injures. Il commença à lisser ses moustaches noires, scrutant dehors par la fenêtre de la cabine. Il arrivait à peine à voir l’océan, enveloppé dans un brouillard épais. Il ne s’attendait pas à cela quand Emmanuel Wynne s’était présenté à lui, dans cette petite taverne du port de Nassau. La détermination et l’excentricité du Français lui avaient plu, notamment quand il avait raconté cette histoire à propos de l’île que Barbenoire recherchait. Ils avaient ri, bu du rhum… ils étaient sur le point de se quitter, lorsque Wynne avait repoussé l’une de ses longues mèches de cheveux lui tombant sur le front. Son œil sinistre fut traversé d’une lueur sombre : Bellamy avait alors compris que le pirate n’était pas aussi fou qu’il n’y paraissait.
Le départ avait été organisé en une dizaine de jours, grâce à l’aide financière du gouverneur de la Jamaïque. Tout au long de leur périple, ils n’avaient rencontré aucun navire ennemi ni aucune intempérie qui aurait pu mettre l’équipage en danger.
Mais à présent, quelle pluie !
Interminable et incessante.
Sans parler du brouillard. Tous les éléments étaient contre lui, comme si l’océan l’exhortait à faire demi-tour.
« Cette histoire me rend nerveux », dit Bellamy, s’adressant au maître d’équipage.
« Je veux bien le croire », répondit l’autre. Il consultait quelques cartes marines avec un vif intérêt.
« L’équipage commence à s’énerver. »
Ce dernier leva les yeux et jeta un regard à la tempête qui faisait rage à l’extérieur. « Tu as pris les paroles du Français trop à la légère. Au final, il n’est pas digne de confiance. Les traîtres ne sont pas très bien vus, pas même chez nous. »
« Confiance ou non » répliqua Bellamy, « Il nous est impossible de faire demi-tour. »
Puis il ajouta mentalement : « Si toi aussi, tu avais vu son œil, tu te raviserais sur les véritables intentions de Wynne. J’ai parcouru les Caraïbes de long en large et je ne suis jamais tombé sur quelqu’un d’aussi... »
« Incroyable » était le mot qu’il cherchait, mais il fut interrompu par des cris provenant du pont. Ils étaient si puissants qu'ils couvraient le bruit de la tempête.
« La vigie va se décrocher la mâchoire », observa le maître d'équipage, sans trop prêter attention à la confusion.
« Tais-toi », lui admonesta Bellamy, puis il ouvrit la porte. Des rafales de grosses gouttes de pluie lui fouettèrent la tête et les épaules. Il mit ses mains autour de son visage, pour essayer de s'en protéger et réussir à se concentrer sur la situation : l'équipage était rassemblé autour du grand mât, le regard tourné vers le ciel, dans une attente frénétique.
« Terre ! », continuait de crier l'homme dans son nid-de-pie. « Droit devant ! »
Ils se lancèrent tous ensemble à l'avant, s'entassant à la proue telle une armée prête à charger. Les plus courageux se penchèrent par-dessus bord, agrippés solidement au bastingage pour affronter le vent et le roulis des vagues. Bellamy se fraya un chemin parmi eux, criant des ordres et bousculant les hommes. Une fois arrivé, il mit à nouveau ses mains sur son visage et plissa les yeux.
Rien.
Aucune terre en vue.
« Je me demande comment il fait pour voir quoi que ce soit par un temps pareil. » La voix du maître d'équipage résonna dans son dos, flegmatique. Il l'avait suivi sans qu'il s'en rende compte.
Le capitaine s'apprêta à répondre. Le souvenir de sa première rencontre avec Wynne apparut nettement dans son esprit, comme le reflet du soleil sur une étendue d'eau immobile.
« Tu ne dois révéler mon secret à personne », lui avait-il expliqué. « Sinon, tu finiras comme Edward Teach. »
« Que lui est-il arrivé ? », avait demandé Bellamy, suspicieux.
La réponse lui était arrivée sous la forme d'un seul et unique mot : mutinerie.
Parmi tous les crimes qu'un flibustier pouvait commettre, celui-ci était considéré comme le plus grave.
« Où ça ? », cria Bellamy, se retournant vers la vigie. « Il n'y a rien, Emmanuel. En es-tu sûr ? »
L'homme dans le nid de pie agitait les bras en indiquant devant lui. Ses cheveux fouettés par le vent et sa maigreur excessive lui donnaient l'air d'un monstre tout droit sorti d'un cauchemar, de ceux qui peuplent les histoires des loups de mer.
« Droit devant », répéta Wynne « Regardez ! »
Bellamy remarqua que le groupe observait également le point indiqué par le français. Il essaya à son tour et, après quelques instants, il décela au-delà de la tempête, derrière la brume, les versants déchiquetés de l'île. Mais il y avait autre chose. À côté de la première silhouette, il en discerna une deuxième. Pendant un instant, il crut qu'il s'agissait de leur destination.
« Nous y sommes », s'exclama-t-il, dans un élan de satisfaction. Il contempla à nouveau le paysage se demandant quelle force céleste pouvait le rendre si irréel. Il reporta alors son attention sur Wynne. Il fut étonné de constater qu'il était en train de descendre à vive allure du nid-de-pie, agrippé au gréage comme un singe fuyant un prédateur. Et il le fut encore davantage lorsqu'il le vit courir vers la cabine de poupe, en hurlant comme un fou.
« Capitaine ! »
Le maître d'équipage l'attrapa par les épaules et le secoua violemment. Le capitaine se retourna d'un coup, plus préoccupé par l'hésitation qu'il avait senti dans sa voix que par son comportement étrange.
La silhouette qu'il avait repéré glissait à présent à travers le voile brumeux et paraissait plus proche. Et pourtant le vaisseau ne naviguait pas à plein régime, en raison du vent qui soufflait dans la direction opposée et des ponts alourdis par la pluie. Puis, une chose se produisit qui le laissa sans voix. L'image floue que ses yeux avaient perçue sombra dans un frémissement lugubre, dans les profondeurs obscures de cette mer en furie.
« À tribord ! », s'exclama quelqu'un.
Bellamy se précipita vers le point indiqué, s'efforçant de comprendre ce qu'il se passait. L'eau bouillonnait à quelques lieues de distance et sous sa surface un objet à la forme indéfinissable pointait droit vers le navire, laissant dans son sillage une longue trainée de mousse.
« Ça fonce sur nous ! », hurla-t-il et à cet instant, il comprit qu'il devait prendre le contrôle de l'embarcation, certain que l'homme de barre ne s'était rendu compte de rien. Avec un temps de chien pareil, il aurait défié quiconque de voir plus loin que le bout de son nez.
Il atteignit la passerelle supérieure, il saisit la barre quelques instants avant que le Whydah Gally ne se mit à trembler sous le coup de violentes secousses. Il tenta de virer à gauche, mais il fut propulsé sur le plat-bord et il resta planté là, haletant, le souffle coupé. Le reste de l'équipage se dispersait sur le bateau, criant et implorant pardon.
Samuel Bellamy se remit sur pied tandis qu'un prodigieux mur d'eau s'élevait le long du bordé de droite, rugissant et grondant tout comme la tempête dans laquelle ils s'étaient engouffrés. Il y eut un nouveau choc et la quille grinça. Les mèches explosèrent. Le grand mât se plia sur le côté. Les bouts sautèrent. Malgré la terreur fiévreuse qui s'emparait de lui, il se pencha par-dessus le garde-corps : le bateau se levait perpendiculairement à son axe, poussé par une force immense. En-dessous, l'océan bouillonnait et frémissait dans un tourbillon incessant.
Puis, tout s’enchaîna rapidement.
La Whydah Gally tressaillit avant de se briser en deux tronçons. Le pont principal s'ouvrit en grand comme une bouche gigantesque, engloutissant les malheureux qui s’y trouvaient. Puis, la proue se détacha de la partie centrale et retomba dans l'eau. Il y eut un bruit sec, en partie feutré par un murmure sombre provenant des profondeurs. La poupe commença à s'incliner de l'autre côté. Bellamy s'agrippa à un bout et se retrouva suspendu à proximité de la vergue du mât d'artimon. Il tenta de remonter jusqu'au mât de misaine. La corde, instable et glissante en raison de la pluie, écorchait les paumes de ses mains. Il n'en avait que faire. Arrivé en haut, il eut tout juste le temps de se demander s'il devait sauter à la mer, tout en étant conscient que cela pourrait lui être fatal. Pire encore, le mouvement d'aspiration du vaisseau qui sombrait aurait pu l'emporter. Ses spéculations furent cependant très courtes : il écarquilla les yeux tandis que son cœur marquait brusquement un temps d'arrêt.
À travers le mur liquide qui menaçait le navire une forme titanesque se dessina : elle trônait sur les restes de ce qui avait été autrefois le Whydah Gally. Le bruit qui avait accompagné la chute de la proue s'intensifia et il perçut la vibration gutturale d'un grondement menaçant. Puis le grondement devint un grincement de dents et le grincement de dents se transforma en un rugissement. Alors, il distingua clairement un iris de couleur ocre, au centre duquel étincelait une pupille rouge sang.
Elle le fixait.
Elle était énorme.
Dans ses derniers instants de vie, Bellamy resta en contemplation de cet horrible spectacle.
Sous ses pieds le vaisseau finissait de s'émietter, englouti pour toujours par les mystères qui peuplaient les abysses du Triangle du Diable.
PREMIÈRE PARTIE
Nous prétendons que la vie doit avoir un sens : mais la vie a précisément le sens que nous sommes disposés à lui donner.
HERMANN HESSE
CHAPITRE UN
PORT ROYAL
Jonathan Underwood entrouvrit les paupières, bien que son corps fût encore engourdi par le sommeil. Ses pensées commencèrent à glisser lentement, comme des gouttes sur la surface d'une vitre opaque. Par l'unique fenêtre de la pièce, il vit les rayons du soleil obliques toucher le plancher, transportant des nuages de poussière dans leur sillage.
Il vivait avec sa mère dans une pièce au deuxième étage d'un immeuble délabré, comme la plus part de ceux qui composaient la basse-ville. Au rez-de-chaussée, l'auberge Pássaro do Mar avait accueilli ses clients jusque tard dans la nuit, à tel point qu'il s'était endormi bercé par les éclats de rire et le vacarme. Toutefois, comme cela lui arrivait souvent lorsqu'il se retrouvait dans cette phase intermédiaire entre le sommeil et le réveil, il réfléchissait au fait que ce n'était pas tant le bruit qui le maintenait éveillé, mais plutôt sa curiosité pour les histoires que les clients se racontaient.
Il était né et avait grandi dans la ville que beaucoup considéraient comme la plus riche et la plus malfamée du monde. Anne ne perdait jamais une occasion de le lui rappeler. Il n'avait jamais eu d'embrouille sérieuse. Quelques bravades... tout ce qu'il y a de plus normal pour quelqu'un de son âge. Mais à entendre sa mère, le monde était dangereux et Port Royal l'était encore davantage.
« C'est ça aussi, la civilisation », lui avait expliqué une fois son père. « C'est juste qu'ici, la vie est différente. Et toi aussi, tu devras t'y faire, Johnny. »
Il décida de se lever. Il avança vers la fenêtre, s'arrêtant un instant au centre de la pièce pour ajuster son caleçon qui tombait sur ses jambes nues. Il ouvrit grand les volets, rongés par la croute de sel. Un flot de lumière enveloppa son visage. Instinctivement il leva la main pour se protéger et il attendit patiemment que ses yeux se fussent habitués. Puis, une fois à son aise, il se laissa charmer par la splendeur du panorama.
La baie était effleurée par une large étendue d'eau cristalline. Des falaises de roches, aux sommets recouverts de végétation, l'encadraient dans un demi-cercle chaotique. Des vagues écumantes venaient se briser avec douceur contre la côte, poussées par le vent passant à travers l'anse qui reliait la crique à la pleine mer. Le bout de plage le plus à l'ouest s'amincissait en un cordon de sable en forme de fer à cheval, où s'érigeait Fort Charles. Sur le donjon de la citadelle flottait fièrement le drapeau anglais.
Johnny demeura ainsi en contemplation de cette merveille. Il distinguait les maisons, les entrepôts et les quais où les bateaux mouillaient pour débarquer les équipages. Des nuées de mouettes voltigeaient entre les mâts, coassant en cœur.
« John, tu es réveillé ? » La voix de sa mère lui parvint de l’autre côté de la porte.
« Oui », répondit-il. « J'arrive. »
Dormir avec Anne était devenu une habitude ; quoi qu’il en soit, ils n'auraient pas pu faire autrement. Avec le peu qu'ils réussissaient à gagner, réussir à payer leur loyer à Bartolomé, le propriétaire de l'auberge, relevait du miracle. Anne travaillait pour lui.
« Dépêche-toi ! », cria-t-elle à nouveau, de l'autre côté de la porte. « Avery va t'attendre. Tu seras en retard comme d'habitude. »
Johnny perçut ce ton de reproche habituel qu'il connaissait bien, suivi quelques instants plus tard d'une quinte de toux. Il roula des yeux. Elle était malade depuis plusieurs jours. Et nul besoin de consulter un médecin pour le comprendre. Il s'était une seule fois risqué à lui parler mais elle l'avait réprimandé, en ajoutant que ce n'était que de la fatigue.
« Tu es comme ton père », conclut la femme, se forçant à contenir les spasmes.
« Toujours la tête dans les nuages », pensa Johnny.
Stephen Underwood : c'était bien lui la raison des réprimandes incessantes d'Anne. Elle ne lui avait jamais pardonné de l'avoir emmenée à Port Royal.
Grâce à la compagnie commerciale qu'il avait fondée, Stephen avait réussi à s'approprier une petite part du transport des marchandises provenant d'Angleterre à destination de la mer des Caraïbes. Au départ, tout se passait pour le mieux. Par la suite, en raison du monopole de la Compagnie des Indes, la situation s'était détériorée. Et comme si cela ne suffisait pas, certains créanciers, auxquels l'homme avait fait appel, l'avaient contraint de stopper son activité et de déclarer sa faillite. Devant l'insistance de son épouse, il avait décidé de partir au plus vite afin d'épurer ses dettes. Anne avait choisi de lui faire confiance, comme toujours. Elle ne s'imaginait certainement pas que quelques jours plus tard, il disparaîtrait pour ne plus jamais revenir.
Stephen Underwood avait mis les voiles à bord d'un navire battant pavillon hollandais. Nombreuses étaient les rumeurs qui avaient commencé à circuler après sa disparition. Il y avait ceux qui soutenaient qu'il avait été attaqué par des pirates et ceux qui disaient avoir vu l'embarcation sombrer au large des côtes d'Aruba, emportée par un violent orage. Quoi qu'il en soit, Anne avait tout perdu et était contrainte de bouleverser les habitudes d'une vie prospère : elle avait dû trouver un travail dans le lieu qu'elle détestait le plus au monde.
Le lieu qui lui avait enlevé son mari.
Et tous ses rêves.
À chaque fois que sa mère lui rabâchait cette histoire, Johnny restait là à l'écouter en silence. Il n'osait pas la contredire par crainte de la faire souffrir. Plusieurs fois, la nuit, il l'avait entendu pleurer près de lui. Il s'était alors demandé pourquoi la famille Davies n'était pas venue à Port Royal afin de leur venir en aide.
Il avait découvert la vérité à l'adolescence. William Joseph Davies n'avait jamais accepté que sa fille soit partie vivre dans une partie du globe où le concept de civilisation était encore flou. Anne était restée malgré tout en contact avec sa famille, du moins jusqu'à la disparition de son mari. Puis, elle avait arrêté de répondre aux lettres qui lui arrivaient de Londres. Johnny avait alors pensé que c'était une période provisoire, dans l'attente de jours meilleurs. Mais lorsqu'il l'avait surprise en train de brûler les lettres, il avait compris que tout lien avec le passé avait été rompu.
Ce matin-là, il s'habilla en toute hâte. Il coiffa ses boucles brunes devant un miroir aux bords oxydés, il ouvrit et ferma la bouche deux ou trois fois. La cicatrice qu'il avait sur la joue avait rétréci jusqu'à devenir une ligne presque imperceptible. Des tâches sombres de saleté étaient apparues sur ses dents : il trempa son doigt dans une cuvette d'eau posée près de lui et il les frotta vigoureusement.
Lorsqu'il eut fini, il descendit les escaliers tout comme sa mère venait de le faire ; il pensait la trouver sur le palier qui coïncidait avec l'arrière du Pássaro do Mar, en train de ranger. C'est bien là qu'il la trouva. Elle fredonnait une petite chanson. Il lui dit rapidement au revoir ; un instant plus tard, la voix de Bartolomé l'appelait.
« Anne, viens ici », dit-il, avec son étrange accent portugais. Bien que le personnage fût excentrique, il était le seul à lui avoir offert un lieu pour vivre et ce qui pouvait s'apparenter à un travail. C'était encore lui qui avait fait en sorte de convaincre Bennet Avery d'embaucher un apprenti dans son atelier.
Johnny ouvrit la porte et emprunta d'un pas pressé la ruelle qui longeait l'auberge, se retrouvant immergé dans la vie frénétique de Port Royal.
***
La foule s’entassait dans la rue. Les passants déambulaient parmi les étals de bric-à-brac des commerçants ou discutaient bruyamment sous les fenêtres des maisons. Il y avait de tout, des prostituées interpellant les passants devant les tavernes, aux loups de mers ricanant entre eux, jusqu'aux soldats de la marine anglaise qui bousculaient nonchalamment quiconque passait devant eux.
En essuyant son front recouvert de sueur, Johnny dévia à travers une petite rue secondaire qui descendait en direction du port. De cette façon, il éviterait la cohue mouvementée des habitants se rendant au marché. Il devait simplement traverser le vieux quartier espagnol, puis...
« Misère ! », pensa-t-il. Sans s'en rendre compte, il se mordit les lèvres.
La dernière personne qu'il voulait rencontrer était Alejandro Naranjo Blanco. Avec quelques garçons, ils formaient une bande qui persécutait toute personne qui passait dans cette zone. Ils ne voyaient personne d'un bon œil. En particulier, les anglais. La raison était simple : Port Royal, avant d'être dominée par les anglais, avait été un bastion espagnol.
Les tensions entre Johnny et Alejandro avaient commencé quand Avery avait réalisé une épée qui lui avait été commandée. En plus d'être un excellent charpentier, il était aussi connu pour ses talents de forgeron. Il avait chargé Johnny d'aller la livrer, et lui, sans trop y prêter attention, était passé par le quartier espagnol. La bande d'Alejandro s’en était immédiatement pris à lui. Le jeune homme avait essayé de se défendre, mais Alejandro s'était jeté sur lui, un couteau à la main, lui laissant un souvenir de leur rencontre sur la joue droite.
Alors qu'il s'arrêtait au milieu de la ruelle, Johnny ressentit à nouveau cette sensation de chaleur, brulante et liquide, qui avait instantanément suivi la coupure. Il toucha sa cicatrice qui partait de la pommette vers la bouche. Il eut à cet instant l'impression d'entendre sa mère : « Cet endroit est dangereux, c’est pour ça que je m'inquiète pour toi ! Maintenant tu te bagarres avec ceux de ton âge ? »
« Tais-toi », marmonna-t-il pour lui-même.
« À qui parles-tu, amigo ? ». Alejandro l'attendait quelques pas derrière lui. Il n'avait pas encore pénétré le quartier qu'il était déjà intercepté.
« Laisse-moi passer, gordo », répliqua Johnny. Traiter Alejandro de gros lard n'était pas une bonne idée. Il le savait. Et pourtant le simple fait de le voir lui faisait bouillir le sang dans les veines. « Cet endroit ne fait pas partie de ton quartier. Je peux repartir d'où je viens et prendre une autre rue. »
« Bien sûr. » L'espagnol parut ne pas prêter attention à l'insulte qu'il avait reçue. « Mais tu étais malgré tout en train de passer par ici. »
« Tu cherches une raison pour te battre ? »
« Possible. »
Johnny s'avança prudemment. « C'est ça que je n'aime pas chez toi. Ne viens pas me chercher. »
Le sourire d'Alejandro s'élargit dessinant une ligne encore plus marquée et divisant en deux son visage grassouillet.
« Comment va ton père ? », demanda-t-il.
Les pieds de Johnny refusèrent de continuer. Il serra les poings. Ce bâtard connaissait parfaitement ses points sensibles.
« Est-ce qu'ils ont essayé de fouiller l'estomac d'un requin ? », poursuivit-il. « Ou peut-être s'est-il échappé avec une putain rencontrée dieu sait où. Peut-être qu'il s'est lassé de ta mère. Et de toi. Qu'en penses-tu, pendejo ? ».
Il aurait voulu se jeter sur lui, et lui régler son compte tout de suite. Mais il obligea chaque fibre de son corps à renoncer.
« Je te le répète une dernière fois », dit-il pour couper court. « Je n'ai pas envie de... »
Il ne put terminer sa phrase. Quelque chose vola près de lui. C'était une pierre. Il jeta un regard derrière lui, bien que son cerveau lui eût déjà annoncé ce qui l'attendait. Le fait de l'avoir intercepté par surprise était une ruse pour permettre aux membres de sa bande de le prendre à contrepied. Johnny aperçut trois jeunes courir vers lui.
« Cette fois, je suis prêt », répliqua-t-il. Son ton trahissait une assurance froide, car l'expression d'Alejandro changea. Son sourire s'était transformé en une grimace laissant transparaître l'ombre d'un doute. Puis, Johnny sortit un couteau à bout plat, qui ressemblait vaguement au rasoir d'un barbier.
L'un des garçons tenta de le frapper avec un bâton. Johnny l'entendit siffler près de ses oreilles. Il essaya de se rapprocher, décidé à le frapper. Il n'y arriva pas. L'adversaire donnait des coups de plus en plus rapides. Tout à coup, Alejandro le poussa par derrière, le faisant atterrir sur celui qui l'avait attaqué en premier.
« Hijo de puta », cria ce dernier et il le frappa de son coude en plein visage.
Johnny ne se laissa pas surprendre. Instinctivement, il enfonça la lame de son couteau dans la cuisse de son adversaire. Le garçon tomba à terre, se tordant de douleur.
Alejandro revint à la charge : il sortit une dague et essaya de le poignarder. Il l’avait vu et réussit à l'éviter à temps. Le coup atteignit le jeune qui avait jeté la pierre, le blessant à l'épaule. Les deux commencèrent alors à s'insulter, laissant tomber la bagarre. Le dernier de la bande les observait à l'écart, hébété.
C'est alors qu'il sut.
Le moment était venu de se venger.
« Je te devais un petit cadeau, gordo », lança-t-il, puis il toucha l'espagnol au niveau du sourcil. Il vit le sang ruisseler jusque sur son œil, occultant sa vue. Il décida d'en profiter pour battre en retraite. Il tourna les talons et partit à toute vitesse vers l'endroit par lequel il était arrivé, laissant derrière lui les cris hargneux de ses agresseurs.
***
« Je suis en retard », s'excusa-t-il, ouvrant soudainement la porte de l'atelier. Il avait le souffle court, le cœur battant sous son habit. Le coup de coude qu'il avait reçu lui donnait un drôle d'accent nasal.
« Je sais », en convint Avery. Il était assis sur un tabouret, dans un angle plongé dans la pénombre. De la pipe qui lui pendait aux trois-quarts de la bouche s'échappaient des bouffées de fumée bleuâtre. Elles voltigeaient avec langueur vers les poutres du plafond, où elles stagnaient en un nuage opaque. Son visage plein de rides ne laissait filtrer aucune forme d'émotion. Il se leva lentement et passa l'arche de pierre qui divisait l'atelier en deux zones distinctes. Il rejoignit la forge. D'un air distrait, il se mit à étudier l'enclume. Il donnait l'impression de la voir pour la première fois de sa vie.
« Laisse-moi m'expliquer... », essaya Johnny.
Avery se déplaça avec une rapidité incroyable pour un homme de son âge. Il tendit sa main fripée et lui attrapa l'avant-bras, l'enserrant comme dans un étau. « Je ne sais vraiment pas quoi faire de toi ! ». De sa bouche édentée jaillissaient des traits de salive. « Tu arrives en retard et tu t'en vas quand ça te chante. Tu es irresponsable ! Si ce n'était pas pour Bartolomé, je ne t'aurais jamais embauché ». Puis son expression changea. « Que t'est-il arrivé ? »
Johnny hésita. Il perçut dans le regard enflammé de son interlocuteur un vague sentiment de désarroi. Ou était-ce de la compassion ? Il aurait préféré qu’il lui passe un savon, comme à son habitude, plutôt que d'avoir à raconter sa rencontre avec Alejandro.
« Ça ne te regarde pas, vieil homme », l'apostropha-t-il.
Le visage rugueux d'Avery sembla se détendre. Il lâcha prise et gratta son crâne chauve, traversé uniquement par deux mèches de cheveux gris au-dessus des oreilles.
« C'est le gros plein de soupe espagnol, n'est-ce pas ? », s'informa-t-il.
Le garçon détourna le regard.
« C'est bon », poursuivit-il. « Comme tu voudras. Pas besoin d'ajouter quoi que ce soit. Maintenant, voyons si tu as le nez cassé. Ensuite, on essaiera de trouver une excuse pour ta mère. On pourra toujours lui dire que tu t'es fait mal ici. Cette femme s'inquiète beaucoup trop pour toi. Un jour, tu lui briseras le cœur. »
« Qu'est-ce que tu en sais, toi ? », répliqua Johnny.
« Il y a beaucoup de choses que tu ne sais pas sur moi. », poursuivit le vieil homme.
Et c'était vrai.
Il ne savait pratiquement rien de Bennet Avery.
Selon certaines rumeurs, il avait participé à des attaques à bord du Queen Anne’s Revenge, le navire du pirate Barbenoire. Bien entendu, à entendre le vieil homme, c'était simplement des racontars qui circulaient pour lui créer des problèmes. Mais Johnny restait dubitatif. Parfois, il s'était demandé si tout cela n'était pas simplement le fruit de son imagination : cela ne servait peut-être à rien de lui donner libre cours. Et pourtant, les mystères sur le passé du vieil homme l'intriguaient. À différentes occasions, il l'avait entendu raconter des bribes de vie, le plus souvent encouragé par quelques verres de rhum. Connaissant bien Bartolomé, il passait le plus clair de son temps libre au Pàssaro do Mar. Néanmoins, ses histoires avaient toujours quelque chose qui clochait. Il semblait même qu'il omettait volontairement certains détails.
« Approche », l'appela Avery, lui tendant un seau rempli d'eau, « et rince-toi, pour commencer. »
Sans mot dire, Johnny obéit. Il posa le récipient sur un tonneau et il plongea la tête à l'intérieur. L'eau fraîche le fit frissonner. Il retint sa respiration un instant. Puis il émergea, inhalant l'air frais à pleins poumons. Involontairement, ses doigts, en glissant, effleurèrent la pointe de son nez.
« Alors ? », le pressa le vieux.
« La douleur s'est calmée », répondit Johnny. Il avait peine à le croire. « S'il était cassé, tu pleurerais comme un morveux que tu es. Tu t'en sors bien. »
« Mieux qu'eux », répliqua-t-il en exhibant le couteau à pointe plate. Il le retourna entre ses mains. La lame était tachée de sang séché.
Avery le fixa avec un petit sourire complaisant. « Arrête de te vanter, morveux. Va plutôt t'installer. Il y a du travail qui t'attend. »
***
Au moment où Johnny se bagarrait avec Alejandro, le capitaine Woodes Rogers scrutait l'horizon d'un air pensif depuis l'une des fenêtres de la villa du gouverneur. Son image décolorée se reflétait dans la vitre comme celle d'un fantôme. Ses cheveux courts châtains et son grand front lui donnaient un air austère et solennel, atténué par sa petite taille. La bouche, réduite à une fente à peine perceptible, faisait ressortir une expression incertaine. Mais le détail qui lui conférait certainement son aspect le plus sévère était cette épaisse toile de cicatrices qui défigurait la partie gauche de son visage.
En son for intérieur, il souhaitait que sa rencontre avec Henry Morgan dure le moins de temps possible. Il n'avait jamais accepté de bon gré son ascension politique, surtout après cet assaut chanceux à Panama. Du moins, il en était envieux. Il avait toujours soutenu que l'on ne pouvait pas véritablement se fier à un pirate qui avait fini par prendre en chasse ses semblables, simplement pour plaire à la famille royale. Cérémonies et banquets faisaient partie d'un style de vie que lui-même aurait volontiers adopté, mais ce qui lui importait le plus à cet instant était de découvrir la raison pour laquelle il l'avait à nouveau convoqué.
« Votre mission est simple », lui avait-il indiqué lors d'un entretien. « Vous devez capturer monsieur [1] Wynne. Il s'agit d'un pirate, inutile de trouver une autre raison. Il ne pourra pas éternellement éviter la pendaison. En tant que gouverneur de la Jamaïque et porte-parole de la volonté du Roi Georges, je suis moralement obligé de vous donner cet ordre. J'espère que vous comprendrez. »
« Certainement », avait-il pensé. « Espèce de sale idiot prétentieux. »
Il était encore plongé dans ses pensées, lorsqu'un soldat fit son entrée dans la pièce. Il s'arrêta sur le seuil et se mit au garde-à-vous.
« Capitaine Rogers », l'appela-t-il. « Son Excellence Sir Henry Morgan vous attend. »
Il lui adressa un geste distrait de la main et se laissa guider dans l'étroit couloir qui conduisait à l'antichambre, rendu encore plus exigu par la multitude d'œuvres d'art qui le peuplaient, signe ostentatoire de l'opulence dont le gouverneur aimait s'entourer.
« L'exécution aura lieu demain matin, capitaine. » Le soldat s'était arrêté devant une porte renforcée par des barres de fer. « Le gouverneur entend sérieusement mettre un frein à la piraterie. Il espère que vous pourrez également être présent. »
« Ton hypocrisie est ahurissante, Henry », pensa Rogers. « Tu as trouvé un déguisement plus honorable à porter. Si tu n'avais pas eu tous ces amis, toi aussi tu aurais fini sur une potence. »
Pendant ce temps, le militaire frappait à la porte d'un air décidé. La voix de Morgan se fit entendre de l'autre côté, les invitant à entrer, suivie d'un rire tonitruant qui provoqua en Rogers un regain d'indignation.
« Il rit encore comme un pirate », marmonna-t-il pour lui-même. Il saisit la poignée de la porte et la referma derrière lui, laissant seul le soldat. Il fut immédiatement envahi par l'odeur intense de l'encens, aux arômes pénétrants d'herbes séchées, qui brulait. La lumière filtrait par les fenêtres et les rideaux de velours frémissaient dans le souffle d'une brise marine. Cependant, aucune trace du gouverneur. Ni de lui, ni de personne d'autre. Il avança circonspect jusqu'à une grande table recouverte de cartes.
« Quelque chose ne va pas ? », lui demanda soudain Morgan.
Woodes Rogers tourna les talons et faillit trébucher. Il se sentit affreusement vulnérable. Et lent. Lorsque son sentiment d'égarement s'évanouit, il se trouva devant un homme imposant et au ventre proéminent. Il sortait d'une petite pièce, vêtu d'un costume d'un bleu criard avec de larges revers de dentelle. Il portait sur la tête une longue perruque poudrée, qui détonnait terriblement avec ses moustaches rousses et broussailleuses.
« Vous êtes trop tendu, capitaine. » Morgan rit à nouveau. « Selon moi, vous devriez apprendre à profiter d'avantage des plaisirs de la vie. »
« Les plaisirs sont un luxe que je ne peux me permettre », répliqua Rogers.
« Vraiment dommage, alors. »
« Pour quelle raison m'avez-vous fait convoquer, Votre Excellence ? »
Morgan le dévisagea de la tête aux pieds. Puis les muscles de son visage se détendirent, dans une expression évidente d'amusement. « Je voudrais discuter avec vous d'une question très importante. Je connais bien vos inclinaisons. Je sais que vous n'aimez pas perdre votre temps. »
« Alors venons-en directement au fait », coupa court le corsaire. « Il y a plus de vingt jours, vous m'avez envoyé à la recherche d'Emmanuel Wynne, un pirate de bas étage qui... »
« Un coup de chance, tout au plus. », l'interrompit le gouverneur. Il continuait à sourire. « L'avoir découvert à la dérive, à peu de distance de Nassau fut extrêmement providentiel. Cela a transformé votre chasse en une mission de sauvetage. »
« En effet, j'ai eu beaucoup de chance. »
« Et cela vous tourmente-il ? »
« Absolument », mentit Rogers. Il devait s'efforcer de rester désinvolte. Henry Morgan avait vu juste. Il s'était embarqué à bord du Delicia afin de prendre en chasse un pirate pour finalement le retrouver à quelques milles du port. « J'essaie de voir le côté positif des choses. J'ai évité des jours et des jours de voyage inutiles. Mais vous n'avez pas encore répondu à ma question. Pourquoi m'avez-vous fait appeler ? »
Morgan se rapprocha de lui. Il posa les deux mains sur ses épaules et il serra en exerçant une légère pression. Rogers redouta un instant qu'il ne veuille le broyer. Il aurait pu lire dans ses pensées. L'autre lâcha subitement prise et le dépassa de quelques pas. Il prit sur la table l'une des cartes et commença à l'étudier.
« Je croyais que vous étiez une personne attentive », dit-il, mordant. « Vous me décevez, capitaine. La réponse se trouve sous vos yeux. »
Rogers haussa les sourcils. Il semblait ne pas comprendre. Puis un souvenir lui traversa soudain l'esprit, froid et impitoyable comme un éclair. Il dirigea son regard vers l'objet que Morgan tenait entre ses mains.
« C'est simplement une carte, Votre Excellence », commenta-t-il.
« Vous avez raison », admit-il et il tendit le rouleau au corsaire. « Je vous demande quand même de l'examiner de plus près. C'est la seule chose que Wynne portait sur lui lorsque vous l'avez repêché en mer. »
Rogers avait le sentiment qu'on se moquait de lui. Le ton suffisant avec lequel il était apostrophé ne faisait que l'agiter d'avantage. Il se rappelait parfaitement la bouteille contenant le morceau de carte que le pirate avait sur lui lorsqu'il avait été retrouvé. Il n'en avait pas tenu compte. Il aurait dû. Pour quelle raison un moribond prendrait la peine de protéger une carte ?
Il l'étala devant lui. Sous ses doigts il percevait les craquelures et la moisissure de la carte. Lignes et courbes s'entrecroisaient entre elles, formant des signes aux traits assurés, linéaires. Puis, ils devenaient peu à peu incertains, hésitants. En outre, il n'y avait aucune route à laquelle se référer, comme si Wynne était perdu.
« Il se dirigeait vers cette île », analysa Rogers, concentré sur le dessin. « Mais je ne comprends pas dans quelle mer il se trouvait. » Il baissa le regard vers un angle de la carte. Puis il plissa le front. Dans cette partie, une série de mots avait été tracée à l'encre. Il les lut et ses pupilles se dilatèrent de surprise. Puis, il fut envahi par la rage. « Me prenez-vous pour un imbécile ? », explosa-t-il. « Est-ce une plaisanterie ? »
Henry Morgan soutint son regard avec une dureté qui ne laissait filtrer aucune émotion.
« Ce n'est pas une plaisanterie », répondit-il.
« C'est impossible ! Wynne ne peut avoir dessiné cette carte. Il avait totalement perdu la tête lorsque nous l'avons retrouvé. Il n'avait rien mangé ni bu depuis des jours. Il bredouillait des paroles sans aucun sens. »
« Et il bredouille encore aujourd'hui. »
Rogers ne s'avoua pas vaincu. Il recommença à étudier la carte, ses yeux s'agitant frénétiquement dans leurs orbites. « Je vous répète qu'il ne peut tout simplement pas
