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L'Œil de Tolmuk: Saga d'aventures jeunesse
L'Œil de Tolmuk: Saga d'aventures jeunesse
L'Œil de Tolmuk: Saga d'aventures jeunesse
Livre électronique271 pages3 heures

L'Œil de Tolmuk: Saga d'aventures jeunesse

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À propos de ce livre électronique

Un roman à lire dès 10 ans !

Le voyage avait pourtant bien commencé. Une simple croisière, voilà ce qu’était pour le Vogue-Espérance la traversée jusqu’à Nilgir, le royaume le plus fermé au monde, où chacun, disait-on, pouvait expérimenter la Puissance cachée en lui. Malheureusement d’étranges forces se déchaînent et Léonie, Line, Owen et Maël, vont devoir affronter la volonté destructrice implacable qui vise l’un d’entre eux et pourrait tous les emporter.
La route est désormais semée d’embûches pour arriver à Nilgir. À travers des mers infestées de pirates, des déserts brûlants aux violentes tornades et des hautes montagnes où vivent, paraît-il, d’étranges hommes volants, les quatre adolescents arriveront-ils à destination ?

Découvrez le premier tome des aventures fantastiques de quatre adolescents hors du commun !

EXTRAIT

Le soleil dans les yeux, Owen se frayait lentement un chemin sur le quai encombré et bruissant d’activité du port d’Éthys.

L’heure de la marée approchait.
Des hommes de tous horizons se dépêchaient de charger les navires qui allaient bientôt partir aux quatre coins du monde : Orias, pays des soieries luxueuses dont les secrets de fabrication étaient jalousement gardé par ses artisans ; Messiane, que l’on nommait « la porte du Continent Mineur » ; ou encore Tolmuk, cette contrée lointaine à la gastronomie si élaborée. Une odeur d’épices et de friture s’échappait d’ailleurs de la jonque tolmukie quand le jeune garçon la dépassa.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Une jolie découverte que je recommande à tous les fans d'aventures et de fantasy de tout âge ! - Tusaisqui, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Anaïs La Porte, née en 1984, a grandi sur l’île de la Réunion et l’océan de son enfance emplit toujours son imaginaire. Ingénieur de Centrale Nantes, elle travaille actuellement pour un établissement public et l’eau est son quotidien.
Très tôt, elle tombe amoureuse des livres et de la littérature sous toutes ses formes. Elle reçoit plusieurs récompenses pour ses nouvelles.
Encore lycéenne, elle trace les grandes lignes d’une saga, Les Puissances de Nilgir, en se fondant sur cette certitude : nous avons tous en nous une Puissance, un don qui nous rend uniques et qui, cultivé, nous permet de nous épanouir réellement.
C’est ce monde et ses héros qu’elle nous présente aujourd’hui avec L’œil de Tolmuk, premier tome de cette aventure.
LangueFrançais
Date de sortie12 juin 2017
ISBN9791094140086
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    Aperçu du livre

    L'Œil de Tolmuk - Anaïs La Porte

    cover.jpg

    Anaïs La Porte

    L’Œil de Tolmuk

    Les Puissances de Nilgir

    Tome I

    Illustrations

    Ophélie La Porte

    img1.jpg

    Copyright © Yucca Éditions, 2015

    Tous droits réservés pour tous pays

    À Ophélie, William et Maureen

    qui, les premiers, m’ont accompagnée

    à la découverte de Nilgir…

    img2.jpg

    Partie I

    Vogue-Espérance

    img3.png

    Brume et tempête… Ça sent les ennuis pour ce bon vieux Vogue-Espérance ! (Maël)

    1

    Le soleil dans les yeux, Owen se frayait lentement un chemin sur le quai encombré et bruissant d’activité du port d’Éthys.

    L’heure de la marée approchait.

    Des hommes de tous horizons se dépêchaient de charger les navires qui allaient bientôt partir aux quatre coins du monde : Orias, pays des soieries luxueuses dont les secrets de fabrication étaient jalousement gardé par ses artisans ; Messiane, que l’on nommait « la porte du Continent Mineur » ; ou encore Tolmuk, cette contrée lointaine à la gastronomie si élaborée. Une odeur d’épices et de friture s’échappait d’ailleurs de la jonque¹ tolmukie quand le jeune garçon la dépassa.

    Les dockers² pressés ne remarquaient pas son petit gabarit. Aussi, après avoir failli pour la énième fois se faire renverser, il décida de se rapprocher du bord du quai : en se faufilant sous les passerelles et les amarres, il croiserait moins de monde. Il contourna une grande caisse à outils de charpentier posée près d’une galère en réparation et se remit en route.

    Dans le ciel, deux mouettes échangeaient un dialogue strident tout en décrivant des cercles au-dessus d’Éthys. Owen leva brusquement la tête, se demandant ce qu’elles pouvaient bien se raconter. Mais les masses imposantes des navires occupaient tout son champ de vision. Il ne pouvait même pas voir le bout du quai. Cela l’arrangeait.

    En dépit de son allure mesurée, il finit par arriver. Il s’arrêta un instant et fixa l’ombre projetée à ses pieds par la coque du tout dernier bateau amarré là.

    Il ne voulait pas le regarder.

    Pas encore.

    Il inspira longuement pour chasser la panique qui cherchait à s’emparer de lui et les odeurs du port l’assaillirent : celle, un peu forte, des algues incrustées dans les piliers soutenant les quais, que la marée commençait à recouvrir ; celle des poissons tout juste pêchés, frétillant encore près des filets.

    Le vent marin changea brièvement de direction et Owen fronça le nez. Une puanteur abominable arrivait par petites bouffées de la galère³ qu’il venait de dépasser. Le jeune garçon reconnut celle de l’un des fruits locaux. Malgré l’odeur, on lui avait dit à l’auberge que l’on en tirait une farine délicieuse et qu’Éthys en vendait par quintaux.

    Quand il eut épuisé tous les prétextes possibles, Owen se retourna vers le grand trois-mâts qui le surplombait. Il se força à le détailler, gravant dans son esprit chacune des lettres d’or peintes sur la poupe, comme s’il voulait encore s’assurer que c’était ce navire-là et pas un autre.

    Vogue-Espérance.

    Pas de doute.

    Il emprunta la passerelle de bois clair qui menait à bord. Il ne put retenir un frisson de terreur pure à l’idée que ce bateau avait été construit à Nilgir.

    Nilgir… Si tout se déroulait suivant le plan qu’Elle lui avait expliqué, il n’irait pas jusque-là. Seulement, chaque planche, chaque cordage, chaque voile venait de Nilgir. Il ne fallait pas penser à cela, ou la panique reviendrait.

    Au moment où il posait un pied sur le pont, un adolescent d’une quinzaine d’années à peine passa en trombe. Le vent iodé apporta à Owen des bribes de ce qu’il marmonnait :

    — Espèce de petite peste… Je t’en ferai, moi, des tresses !

    Le jeune homme, tout en bras et en jambes, repoussa d’un geste rageur les cheveux qui lui tombaient dans les yeux et courut à l’appel d’un marin perché sur le mât central.

    Lentement, comme s’il s’attendait à ce que le pont se soulève et l’éjecte du navire, Owen avança de quelques pas. Voilà. Le moment était venu. Plus possible de reculer.

    Un mur humain surgit alors devant lui.

    — Halte-là ! dit l’immense marin. Pas de resquilleurs !

    Le jeune garçon dut rassembler son courage pour oser répondre – sa tête était à peine plus large que le biceps du colosse.

    — Je ne resquille pas. Je voulais juste demander si on avait besoin d’un aide-cuisinier ici.

    — Ah ! C’est différent ! Va donc voir le coq⁴. Par là. Tu t’y connais en popote ?

    — Oui, monsieur.

    Ses tâches habituelles étaient bien plus ingrates que l’épluchage et la découpe des légumes. Il n’en dit rien et se contenta de suivre la direction indiquée. Dans la cambuse, le chef ne savait plus où donner de la tête et il accueillit cette aide inespérée avec trop de soulagement pour penser à poser des questions précises.

    Owen se concentra sur l’inventaire des provisions, essayant d’oublier la véritable raison de sa présence à bord. Maintenant qu’il avait franchi la première étape, il ne lui était plus possible de reculer. Comme si on lui avait laissé le choix !

    Dans le ciel, les mouettes continuaient leur ballet, se riant bien de ces points minuscules qui s’agitaient en tous sens sur le sol. Ah ces hommes !

    2

    À califourchon sur la grande vergue⁵, Maël resserra un cordage sous la conduite de Robin, le second.

    Brieuc, le capitaine du Vogue-Espérance, se tenait sur le gaillard d’arrière et le mousse⁶ sentait son regard suivre chacun de ses gestes, aussi y mit-il tout son cœur. Il fallait lui montrer que ces deux ans passés à son bord n’avaient pas été gaspillés et qu’il connaissait maintenant parfaitement son métier. Il espérait bien devenir matelot à la fin de cette traversée. Tout l’équipage le pensait prêt, mais la décision appartenait au capitaine.

    Maël risqua un coup d’œil interrogateur vers celui-ci et son moral plongea plus bas que la ligne de flottaison : Brieuc ne faisait plus attention à lui ! Il arpentait le pont en fixant le quai d’un air mécontent. Que lui arrivait-il ?

    Revenant à ses nœuds, le mousse essaya de se rassurer comme il le pouvait. Les derniers préparatifs avant le départ étaient toujours très prenants et Brieuc n’avait pas de temps à consacrer au plus jeune membre de son équipage.

    — Capitaine ? demanda le second, qui avait lui aussi repéré son agitation. La marée…

    — Je sais, Robin. Tu as raison. On ne peut plus attendre !

    Au moment où Brieuc allait donner l’ordre d’appareiller, une jeune dame monta tranquillement sur le pont, chargée d’une énorme valise.

    Maël la regarda avec étonnement. Elle était très élégante, rien à voir avec la fille du capitaine, un vrai garçon manqué. Et elle était seule. Étrange, pour une demoiselle de son âge – il devina qu’elle devait avoir dans les quatorze ans, peut-être même moins. Sa tenue la vieillissait.

    Elle posa son bagage et s’agrippa au bastingage, l’air mal à l’aise. Elle ne devait pas être habituée aux mouvements d’un bateau, pourtant encore très faibles dans le port.

    Un raclement de gorge venu de Robin rappela à Maël qu’il ne se trouvait pas là pour bayer aux corneilles. Le mousse se pencha à nouveau sur son cordage. Toutefois il parvint, en pivotant légèrement, à apercevoir le reste de la scène. Il garda les oreilles grandes ouvertes, curieux d’en savoir plus sur cette nouvelle passagère.

    — Vous êtes en retard, dit sèchement le capitaine.

    — Pas du tout, je suis pile à l’heure, puisque vous êtes sur le point de partir.

    Elle lui adressa un sourire ravageur qui le laissa indifférent.

    Bien essayé, songea Maël. Mais le capitaine a une fille, il connaît le truc.

    — Colin ! Emmène mademoiselle à la cabine de Line, elles vont la partager pour la durée du voyage.

    — Oui, capitaine !

    Ledit Colin s’approcha. C’était le mur humain qui avait pour mission d’empêcher les resquilleurs de monter à bord. Il empoigna la valise sur un battement de cils de la jeune dame, car, contrairement à Brieuc, il n’était pas armé contre ce genre de regard.

    — Merci, monsieur, dit-elle.

    Le capitaine les observa s’éloigner en soupirant. L’arrière des oreilles de Colin était rouge pivoine.

    Maël laissa échapper un petit rire, mais un raclement de gorge le fit sursauter. Il réalisa que Brieuc le fixait, lui et ses bras ballants, d’un air amusé. Mais il ne semblait pas fâché, car il lui adressa un clin d’œil.

    — Deux filles pour faire tourner l’équipage en bourrique ! Nous nous engageons dans une rude traversée !

    3

    Line regarda la cabine d’un air satisfait. Ses vêtements étaient pliés dans le placard ; ses livres d’étude et ses cahiers s’alignaient dans la bibliothèque vitrée sous le hublot. Tout était net, pour une fois. Elle hésitait à appeler Brieuc pour lui faire constater qu’elle savait ranger ses affaires. Mais le moment était plutôt mal choisi : on ne distrait pas un capitaine alors que son navire s’apprête à prendre la mer !

    Elle fit un dernier tour pour s’assurer qu’elle n’avait rien oublié, puis s’arrêta au centre de la pièce. Son cœur palpitait d’excitation. Elle sautillait sur place, réfrénant son envie de battre des mains. Plus jeune, c’était sa manière d’exprimer sa joie et son impatience. Mais, à treize ans, elle était bien trop vieille pour ça.

    Quand arriverait donc sa nouvelle compagne de voyage ? Elle aurait dû se trouver à bord depuis longtemps ! La marée était parfaite, le Vogue-Espérance prêt à partir. Ne connaissait-elle pas les exigences de la mer ? Line regarda par le hublot, dont le verre dépoli laissait seulement deviner quelques formes. La cabine donnait sur l’océan et elle en distinguait le bleu profond et mouvant, sous l’azur plus clair du ciel.

    Elle se demandait si elle n’allait pas monter sur le pont et tenir compagnie à son père qui devait être aussi impatient qu’elle, quand elle entendit des bruits de pas dans la coursive. Elle se précipita pour ouvrir la porte et, ce faisant, aperçut le trou dans sa manche. Consternée, elle se rappela qu’elle l’avait fait en essayant d’attraper une plume qui avait roulé sous sa couchette, quelques minutes plus tôt. Une fois la plume rangée, elle avait complètement oublié cet accroc et maintenant il était trop tard pour se changer…

    Mais déjà, une jeune fille aux longs cheveux roux entrait, suivie de Colin qui portait sa valise. Le marin posa le bagage au milieu de la petite cabine et souleva son béret d’un air poli. Line éclata de rire.

    — Qu’est-ce qui te prend ?

    Le visage cramoisi, il tourna les talons et sortit en refermant la porte derrière lui. Toutes deux écoutèrent le bruit de ses pas diminuer à mesure qu’il s’éloignait.

    Puis la nouvelle venue tendit la main :

    — Je m’appelle Léonie.

    Elle avait parlé sur un ton serein qui n’avait rien à voir avec l’agitation que Line ressentait à cet instant. Celle-ci se présenta à son tour, lui serrant la main avec vivacité.

    — J’ai tellement hâte…

    Elle sentait les mots se bousculer dans sa bouche, comme s’ils étaient pressés d’en sortir.

    — Je comprends, répliqua Léonie sans se départir de son calme. Mais nous ferions mieux de ne pas trop en dire, tu ne crois pas ?

    Un peu déçue, Line acquiesça. Brieuc lui recommandait sans arrêt d’être discrète, mais elle avait espéré qu’avec sa nouvelle compagne, au moins, elle pourrait aborder le sujet qui monopolisait ses pensées depuis des semaines.

    — Bien sûr, tu as raison.

    Elle embrassa la cabine d’un geste.

    — Installe-toi, je t’ai laissé de la place dans les placards et sur les étagères. Tu voyages toujours aussi léger ? ajouta-t-elle avec un sourire moqueur, en montrant la grosse valise qui occupait presque tout l’espace libre.

    — Non. C’est pour donner le change.

    — Je vois. Bon, je monte : j’adore observer les manœuvres d’appareillage⁷. Quand tu seras prête, je te ferai faire le tour du plus beau bateau du monde !

    4

    Luttant contre la nausée, Léonie monta sur le pont. Elle espérait vaguement que l’air frais du large calmerait son mal de mer naissant, mais elle ne se faisait pas trop d’illusions. Le roulis⁸ l’empêchait de marcher droit et elle s’était déjà cognée trois fois aux parois de la coursive. À ce rythme, elle serait couverte de bleus bien avant d’avoir atteint le but de leur voyage !

    Brieuc avait fini de diriger ses marins, guidant habilement le vaisseau hors du port d’Éthys. Le Vogue-Espérance s’engageait maintenant sur l’océan de Lapis et gagnait le large à toute vitesse comme s’il avait hâte de se dégourdir les jambes.

    Le capitaine se tourna vers Léonie et lui adressa un bref signe de tête. Il semblait soucieux. Il ne fallait pas être devin pour savoir ce qui le troublait. Elle imaginait l’inquiétude qu’il devait éprouver à l’idée de ce voyage, bien qu’il se rende chez un ami cher. C’était en tout cas ce qu’elle avait entendu dire à son sujet. Le roi de Nilgir ne lui avait-il pas offert ce navire ? Mais la route risquait d’être semée d’embûches et Brieuc ne l’ignorait pas.

    Léonie aperçut Line qui, accoudée au bastingage, regardait les côtes du Continent Majeur s’éloigner. Elle oublia un instant son mal de mer. De loin, on aurait pu prendre la jeune fille pour un mousse, avec ses cheveux bruns dorés qui lui arrivaient au menton quand ils ne voletaient pas dans le vent. Ses vêtements accentuaient cette impression : pantalon de toile et marinière bleue. Elle fronçait les sourcils, la mine inquiète, comme si elle réfléchissait à quelque chose de très important.

    D’ici peu, tout va devenir sérieux. Vu le but de notre voyage…

    Bien entendu, il ne fallait surtout pas en parler. Mais ne rien dire ne suffisait pas à le faire disparaître. Léonie avait hâte d’arriver. Quel soulagement alors !

    Line tourna vers elle son regard aussi bleu que l’océan. Son sourire s’effaça aussitôt. Elle s’approcha et Léonie remarqua qu’elle était déjà parfaitement habituée aux mouvements de la mer : elle adaptait sa marche à chaque coup de roulis avec une aisance déconcertante.

    Le navire partit à l’assaut d’une vague. Fermant les yeux, Léonie se retint au bastingage⁹. Une sueur froide perlait à son front. Elle sentit une main se poser sur son épaule.

    — Ça ne va pas ? Tu es de la même teinte que ta tunique !

    C’était sa couleur préférée – un beau vert pâle.

    — En fait, j’ai le mal de mer, répondit-elle avec difficulté. La dernière fois que j’ai voyagé en bateau, j’ai dû rester allongée toute la durée de la traversée. Il faisait un temps épouvantable.

    — Mais aujourd’hui on ne voit pas un nuage ! Regarde ce ciel magnifique !

    Léonie secoua la tête. Le problème ne venait pas du ciel.

    — Il y a quand même des vagues !

    — La mer est toujours en mouvement…

    Elle grimaça et Line s’interrompit.

    — Je crois que je ferais mieux d’aller m’allonger…

    — Tu as raison !

    5

    Regroupés dans le carré¹⁰, les marins avalaient tranquillement un morceau. Le temps avait fraîchi et certains avaient enfilé un vieux caban. Tous éprouvaient cette satisfaction qui suit une journée bien remplie.

    Avant de venir dîner, Maël avait demandé à Colin de couper sa tignasse. Depuis, il y voyait beaucoup plus clair. Pliant ses longues jambes, il s’assit dans son coin habituel qui lui semblait bien étroit maintenant. Il avait grandi d’un coup et il avait encore du mal à s’y faire. Il compta dans sa tête le nombre d’objets renversés ce jour-là à cause de ce corps encombrant : le seau d’eau de mer pour laver le pont – pas trop gênant ; la boîte à biscuits quand il avait montré au nouveau les soutes à vivres – assez embarrassant, surtout devant un inconnu ; la bouteille de vin du capitaine au déjeuner – aïe aïe aïe ! Et pourtant, il s’améliorait.

    L’aide-cuisinier lui tendit une écuelle fumante et un quignon de pain puis s’assit près de lui. Cet Owen avait déclaré au coq qu’il avait quatorze ans, mais il en semblait à peine douze, avec sa petite taille. Avec ses cheveux et ses yeux noirs, et sa peau foncée, il ne devait pas être du coin. Maël avait entendu dire que les peuples de l’Archipel de l’Ouest avaient le teint sombre comme le jeune garçon. Lui-même n’était encore jamais allé aussi loin dans cette direction.

    Le mousse observa son voisin en douce. Ses vêtements, rapiécés de partout, étaient trop grands pour lui. Le vieux Yann lui avait prêté une veste, car il était arrivé à bord les mains dans les poches, sans même une petite laine. Il avait dû retrousser les manches plusieurs fois pour pouvoir manger sans les faire tremper dans la soupe.

    Après avoir savouré quelques cuillerées bien chaudes, Maël se décida à engager la conversation. C’était dur de se retrouver sur un bateau avec des inconnus, surtout quand on débutait dans le métier, il ne s’en rappelait que trop bien. Il devait aider Owen à s’intégrer, comme les marins l’avaient aidé, lui, deux ans plus tôt.

    — Tu arrives d’où, toi ?

    L’aide-cuisinier avala un gros morceau de pain qu’il venait de fourrer dans sa bouche avant de répondre.

    — D’Orias, dit-il.

    Sa voix était fluette, presque aussi aiguë que celle d’une fille, et il semblait très timide. Il avait parlé en fixant le

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