Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Le secret de la stèle sacrée: Quête fantastique à rebondissements
Le secret de la stèle sacrée: Quête fantastique à rebondissements
Le secret de la stèle sacrée: Quête fantastique à rebondissements
Livre électronique345 pages4 heures

Le secret de la stèle sacrée: Quête fantastique à rebondissements

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

La quête exaltante et périlleuse d'Asgarp, animé par un espoir : faire reculer la haine et l'ignorance qui règnent sur le monde.

Chab, Alqad, Quastremont : trois îles-continents coupées les unes des autres. Trois royaumes déchirés par une guerre déclenchée dans les temps anciens, quand les trois fils rivaux de l’empereur brisèrent la Stèle Sacrée.
Tout commence le jour où un jeune naufragé échoue sur une plage de Chab. L’enfant, amnésique, est recueilli par Asgarp, le bourgmestre-inventeur, qui trouve dans cette rencontre un espoir de faire reculer la haine et l’ignorance qui règnent sur le monde. Le rescapé possède l’un des trois fragments de la mystérieuse et mythique Stèle Sacrée. Asgarp se lance dans une quête exaltante et périlleuse pour reconstituer la Stèle Sacrée et percer le fabuleux secret qu’elle recèle. Il est accompagné par trois compagnons : Irec, le roi-enfant de Quastremont, Xélon le géant évadé de Chab, Nitra l’étonnante grimpeuse des Falaises blanches, tous animés par le même désir de comprendre le monde pour le rendre meilleur. Ensemble, ils devront faire preuve de courage et d’astuce pour surmonter de redoutables pièges et résoudre d’innombrables énigmes. Leurs aventures aux multiples rebondissements, se déroulent dans un univers fantastique et foisonnant, si éloigné et en même temps si proche du nôtre.
Un roman palpitant et hors norme, entre l’épopée et la fable, qui réserve une surprise de taille…

Plongez dans un univers fantastique et foisonnant, et découvrez les aventures aux multiples rebondissements d'Asgarp, le bourgmestre-inventeur, Irec, le roi-enfant de Quastremont, Xélon le géant évadé de Chab, et Nitra, l’étonnante grimpeuse des Falaises blanches.

EXTRAIT

Tenant toujours la princesse d’une main ferme, Xélon conduisit ses compagnons dans le couloir de liaison, jusqu’à un escalier. Ils descendirent une volée de marches qui conduisait à une porte étroite. Sans doute une issue secrète. Elle ouvrait sur une pièce qui devait être immense mais qu’ils ne pouvaient voir, car ils se trouvaient derrière une vaste tenture. Un passage de la largeur d’un homme séparait ce rideau du mur. Xélon s’y engouffra, avant de s’immobiliser quelques oms plus loin. Un interstice entre deux pans du rideau permettait de contempler l’intérieur de la salle dans laquelle ils venaient de pénétrer. À leur grande stupéfaction, Asgarp, Nitra et Irec devinèrent qu’ils étaient dans la salle du Trône, à deux pas du trône colossal d’Alqad.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Sur un schéma qui semble assez classique, l'aventure se déroule avec de multiples rebondissements imprévisibles. Si la découverte des inhumains et l'évocation du cannibalisme sont impressionnants, d'autres découvertes plus encourageantes sont le fait de ces héros au grand cœur, guidés par un fort désir de paix et d'unité. De nombreuses réflexions, courtes et pertinentes, ponctuent ce récit fort bien construit, ajoutant à la qualité du texte et à l'intérêt de l'intrigue. Le rythme soutenu de l'action porte irrésistiblement le lecteur vers les dernières pages qui lui révèlent une chute originale, métamorphosant subitement l'ouvrage de roman d'aventure en fable. Une lecture dépaysante, originale par la richesse de ses messages qui équilibrent habilement l'action et le suspense. - CHB, Choisirunlivre

À PROPOS DES AUTEURS

Née en 1973, Emmanuelle de Saint Chamas, après des études littéraires et artistiques, et Sciences-Po, écrit des contes et étudie la graphologie. Né en 1970, Benoît de Saint Chamas, après Sciences-Po et des études d'économie, s'est aperçu qu'il préférait les lettres aux chiffres et les contes aux comptes. 
LangueFrançais
ÉditeurJasmin
Date de sortie6 juil. 2018
ISBN9782352844174
Le secret de la stèle sacrée: Quête fantastique à rebondissements

En savoir plus sur Emmanuelle De Saint Chamas

Auteurs associés

Lié à Le secret de la stèle sacrée

Livres électroniques liés

Dystopie pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Le secret de la stèle sacrée

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Le secret de la stèle sacrée - Emmanuelle de Saint Chamas

    Vernes.

    PROLOGUE

    L’homme tremblait. Son front était emperlé de sueur. L’échine courbée, les yeux respectueusement baissés, il s’avança au pied du trône, portant entre ses bras un lourd fardeau.

    — Honneur et gloire à vous, ô grand Empereur. Puissiez-Vous vivre éternellement et que Votre glorieuse descend…

    — C’est bon, relève la tête mon ami, l’interrompit Bascileus. As-tu achevé ton œuvre ?

    — Oui, Sire. Elle est en tout point conforme à ce que Votre Majesté souhaitait.

    — Montre-moi.

    L’artisan déballa l’objet qu’il protégeait contre son sein et, avec mille précautions, déposa la pierre gravée sur un pupitre. L’empereur se leva, examina la stèle et lut le texte qui y était inscrit.

    — Est-ce là tout ? finit-il par demander d’une voix glaciale.

    L’homme s’approcha de Bascileus et lui murmura quelque chose à l’oreille. L’empereur contempla une nouvelle fois la pierre, longuement. Un large sourire illumina son auguste visage :

    — Vraiment, ceux qui m’ont dit que tu étais le meilleur graveur de l’Empire n’ont pas menti !

    Il éclata d’un énorme rire qui résonna longtemps dans l’immense salle.

    — J’étais sûr que cela plairait à Votre Majesté, se rengorgea le maître-graveur, à présent rassuré.

    Mais les traits de Bascileus se figèrent. Fixant son interlocuteur d’un regard étonné et plein de reproches, il lui sèchement : asséna

    — Qu’est-ce là, mon ami ? On ne se prosterne plus devant son Empereur ?

    L’artisan, rouge de confusion, se courba à nouveau, presque jusqu’à terre.

    Il y eut un bruit sourd.

    L’homme s’effondra dans un râle, un poignard planté entre les omoplates…

    Première partie

    CHAB

    images1images2

    Le naufragé

    Nimegue, garde-côte du comté de Realm, en terre de Chab, était presque une légende. D’un âge maintenant vénérable, il avait été nommé à ce poste quand il était tout jeune homme. Depuis lors, il exerçait sa mission avec une conscience professionnelle exemplaire, qui forçait l’admiration de tous, mais qui lui attirait aussi, il faut bien l’avouer, quelques railleries. On le voyait à longueur de temps arpenter la plage, l’œil affûté, scrutant la mer vide d’un air concentré. Sa journée terminée, il mettait un point d’honneur à en personne : rendre de vive voix son rapport au bourgmestre de Realm

    — J’ai inspecté la mer et la partie de côte dont j’ai la charge, jusqu’aux comtés voisins, déclarait-il à chaque fois d’une voix solennelle.

    — Et qu’as-tu vu ? rétorquait alors mécaniquement le chef de Realm, toujours certain de la réponse.

    — Rien, avouait alors invariablement le brave homme.

    Une seule découverte avait marqué sa carrière, bien longtemps auparavant. Une tunique échouée sur la plage. Il avait alors échafaudé toutes sortes d’hypothèses plus fantasques les unes que les autres, jusqu’à ce que l’on découvre que le vêtement avait simplement été oublié par un promeneur du comté voisin.

    Comme il était d’une gentillesse extrême et qu’il avait le don de raconter de belles histoires, les enfants de Realm aimaient d’une l’accompagner dans ses vaines tournées. Ils avaient coutume de l’aborder façon qui était presque devenue un rituel :

    — Ohé, Nimegue, ne vois-tu rien venir ?

    — Je vois les vagues qui clapotent.

    — Et qu’as-tu vu hier ?

    — D’autres vagues qui clapotaient.

    — Nimegue, pourquoi t’acharnes-tu à surveiller sans cesse la mer vide ?

    — Je veille à ce que rien de fâcheux ne vienne troubler la tranquillité de notre île.

    — Mais il ne se passe jamais rien.

    — Parce que je suis là. C’est bien la preuve que je suis utile, répondait-il alors avec un clin d’œil malicieux.

    C’était une sorte de mot de passe convenu. Après ce préliminaire, le vieil homme se lançait dans des histoires extraordinaires, puisées dans les plus vieilles traditions du pays. Des récits où il était question de déluges et d’îles englouties, de montagnes sans fin, d’océans sans fond, de guerres épiques. Les enfants connaissaient presque par cœur tous ces mythes et toutes ces légendes, mais ils l’écoutaient bouche bée, sans jamais l’interrompre.

    Un jour, pourtant, les événements donnèrent raison au brave Nimegue.

    Il commençait à peine sa tournée quand il lui sembla discerner une tache sombre ballottée par les vagues, au nord, à quelques encablures de la côte. Était-ce une illusion d’optique ? Il plissa les yeux, mit sa main en visière sur le front pour les protéger de l’astre céleste et finit par se rendre à l’évidence : « Par la Stèle Sacrée, je n’ai pas la berlue. Il y a bien quelque chose dans la mer ! »

    Avec une excitation que l’on peut aisément imaginer, il courut le long de la plage pour se rapprocher le plus possible de l’esquif, qui flottait à quelques brassées de la terre ferme.

    — On dirait une forme humaine. Mais ça n’a pas l’air de bouger.

    Son premier réflexe fut d’aller chercher du secours à la ville. Mais il se ravisa aussitôt. Le garde-côte, c’était lui. Cette mission lui incombait, à lui et à personne d’autre. Il était bien capable de se débrouiller tout seul. Et puis, songeait-il, ce serait son heure de gloire. Peut-être, même, en tirerait-on un récit qui serait conté lors des veillées de Realm.

    Malgré son âge avancé, Nimegue était resté très vigoureux et volontaire. Il ôta sa tunique et nagea résolument vers le large.

    Il avait vu juste. C’était bien un homme. Ou plus précisément un jeune garçon, allongé sur une sorte de frêle radeau juste assez grand pour le supporter. Son bordage était troué comme une écumoire et on se demandait par quel miracle il pouvait encore tenir la mer et, plus encore, supporter quelqu’un.

    L’enfant ne bougeait pas. Ses yeux étaient fermés. Nimegue empoigna l’extrémité du radeau et regagna la côte à la nage. Avec mille précautions, il souleva le naufragé et le posa délicatement sur la terre ferme. Il lui tâta le pouls. Il était faible, mais il battait. Le vieil homme poussa un soupir de soulagement :

    — Il est vivant. Mais on a intérêt à le soigner vite, parce qu’il n’est pas en bon état. D’où diable peut-il bien venir ?

    Un volcan dans l’âme, le garde-côte courut à grandes enjambées jusqu’à Realm, et entra dans la demeure d’Asgarp Anglemore, le jeune bourgmestre. Celui-ci était penché sur un parchemin, occupé à dessiner des plans.

    — J’ai inspecté la mer et la partie de côte dont j’ai la charge, jusqu’aux comtés voisins, s’exclama le vieillard, comme à son habitude, mais cette fois-ci avec une pointe d’excitation.

    — Et alors, qu’as-tu vu ?

    Avec une fierté non dissimulée, Nimegue s’écria :

    — J’ai vu un naufragé. Un jeune garçon. Il était sur un radeau qui venait du large.

    — Tant pis, ce sera pour demain, marmonna machinalement Asgarp, plongé dans ses pensées.

    Puis il releva brusquement la tête, fronça les sourcils et dit :

    — Hein, qu’as-tu dit ? Un enfant sur un radeau ?

    — Parfaitement, reprit Nimegue, visiblement heureux de son effet. Il dérivait au large et je l’ai ramené sur la plage. L’enfant est dans un piètre état mais il vit.

    — Où est-il ?

    — Je l’ai laissé sur le rivage.

    Asgarp se leva d’un bond, prit Nimegue par le bras et ils sortirent à vive allure :

    — Emmène-moi sur place.

    En courant, il héla un enfant qui passait par là :

    — Appelle le guérisseur et demande-lui de m’attendre chez moi avec son matériel.

    Arrivé sur la plage, Asgarp Anglemore découvrit le naufragé. Le garçon, presque un adolescent, était vêtu de piteuses guenilles loqueteuses. Des cheveux blonds en bataille encadraient un visage émacié aux yeux pers. Ses jambes étaient d’une maigreur épouvantable. Dans sa main droite, il serrait un couteau de roche blanche. Une chose intrigua immédiatement le jeune bourgmestre. Solidement attachée à son dos par une vieille corde effilochée, le naufragé portait une sorte de besace en toile de cao qui semblait contenir un objet à la fois dur et lourd.

    — Dégageons-le de ce fardeau pour qu’il puisse mieux respirer.

    Asgarp sortit un couteau de sa ceinture, trancha la ficelle et souleva le colis.

    À cet instant, l’enfant s’anima soudain, se retourna et, les yeux hagards, hurla comme un damné :

    — Nooooon ! Ne touchez pas à ça.

    Il arracha brutalement le paquet des mains d’Asgarp et le serra fermement contre sa poitrine, comme une mère protégerait son enfant d’un grave danger. Puis il s’évanouit à nouveau.

    — Je ne sais pas ce qu’il y a dans ce colis, mais le gamin a l’air de sacrément y tenir, constata Asgarp. En tout cas il est bien accroché à la vie, c’est une chance pour lui. Ça l’a sûrement sauvé parce que, vu l’état de ses vêtements, je pense qu’il est sur ce radeau de fortune depuis un bon bout de temps.

    Il le prit dans ses bras et l’emporta inanimé jusqu’à Realm. Le médecin était devant la porte, entouré d’un groupe de badauds. Anglemore se tourna vers le garde-côte :

    — Nimegue, s’il te plaît, disperse la foule. Et demande à une femme de prévoir des vêtements pour le gamin.

    Le vieillard s’exécuta, heureux de trouver là un excellent prétexte pour raconter son exploit, et l’embellir par la même occasion. Un récit que, par la suite, il conta à maintes et maintes reprises, l’agrémentant à chaque occasion d’une nouvelle prouesse. Ainsi naissent les mythes.

    L’enfant fut allongé sur un lit et le bourgmestre expliqua la situation au guérisseur. L’homme de sciences ouvrit une gourde et versa dans la bouche du garçon quelques gouttes d’un liquide jaunâtre. Il sortit de sa trousse une batterie d’aiguilles longues et fines. D’une voix grave, il entama une mélopée, à la fois triste et envoûtante, en balançant la tête d’un côté, puis de l’autre. Avec un doigté extraordinaire, il planta les aiguilles, une à une, à des points précis de l’épiderme de l’enfant endormi, en commençant par la tête et en allant jusqu’aux pieds. Quand il eut achevé sa longue litanie, il retira les aiguilles, cette fois-ci en partant des pieds.

    — Il va dormir pendant un bon bout de temps, diagnostiqua finalement le médecin. Ce serait bien que quelqu’un veille sur lui jusqu’à son réveil.

    — Je m’en chargerai.

    — Les muscles de ses jambes sont totalement atrophiés. Il ne peut certainement plus tenir debout. Il faudra lui réapprendre à marcher.

    Le guérisseur parti, Asgarp s’assit à côté du lit, les yeux fixés sur l’enfant. À présent, il dormait paisiblement. Sa respiration était régulière et les traits de son visage s’étaient détendus. Un visage à la fois doux et énergique.

    — Pauvre gamin…

    Il veilla longtemps ainsi, aussi immobile qu’une statue. La fatigue finit par le gagner et il s’endormit lui aussi.

    Asgarp Anglemore faisait partie de cette catégorie d’hommes qui inspirent confiance dès le premier regard. Son visage carré et ses yeux gris clair lui donnaient un air dur qui contrastait avec son sourire rempli de douceur et ses prunelles perpétuellement rêveuses. Une force tranquille et une sorte d’autorité naturelle émanaient de lui, et on ne pouvait le voir sans éprouver immédiatement de la sympathie. On avait envie de l’aimer et de le suivre.

    Il avait été élu bourgmestre bien malgré lui. Il n’était pas candidat, mais presque tous les grands électeurs de Realm avaient spontanément voté pour lui. Ce choix s’imposait à eux comme une évidence. Après avoir longuement hésité, il avait finalement accepté cette charge, heureusement peu contraignante. Elle consistait à arbitrer de menus litiges, à prononcer quelques discours pour les grands événements du comté et, de temps à autre, à assister à des réunions au palais royal d’Angremont. La première décision qu’il prit en tant que bourgmestre fut de choisir une devise pour sa ville. Celle qui fut retenue, sur sa proposition, correspondait pleinement à son idéal de vie : « L’homme le plus heureux du monde est celui qui rend le plus de monde heureux ». Car en dehors de ses obligations d’élu, il consacrait l’essentiel de son temps à imaginer et concevoir toutes sortes d’inventions, pour améliorer la vie sur Chab. C’était là sa véritable passion. Il l’exerçait avec grand talent.

    Le roi Chaleb, un jour, avait trouvé une formule qui résumait bien la personnalité d’Asgarp : « Il est constitué d’un alliage rare qui combine la fougue imaginative de la jeunesse et la sagesse réfléchie de l’âge mûr ».

    Une voix tira brusquement le bourgmestre de son sommeil : celle du jeune naufragé.

    — Où suis-je ?

    Il était assis sur le lit, et regardait autour de lui, l’air perdu.

    — Ne t’inquiète pas, tu es en sécurité. Le garde-côte a repéré ton radeau à la dérive et nous t’avons recueilli.

    — Qui…qui êtes-vous ?

    — Je m’appelle Asgarp. Asgarp Anglemore. Je suis le bourgmestre du comté de Realm, sur la terre de Chab.

    — Ah, répondit seulement le garçon.

    Puis, d’un seul coup, il tourna la tête dans tous les sens, balayant frénétiquement la pièce du regard :

    — Mon paquet ! Où avez-vous mis mon paquet ? cria-t-il, comme pris de panique.

    — Du calme, du calme. Rassure-toi, il est là, juste derrière toi. J’ai bien essayé de le prendre quand on t’a récupéré, mais tu t’es débattu comme un beau diable.

    D’une voix qui se voulait menaçante, le garçon lança :

    — Je vous somme de ne pas y toucher. Jamais, vous m’entendez ? Sinon…

    — Sinon ?

    — Sinon, euh…gare à vous !

    — Ho-ho, se moqua gentiment Asgarp, je me garderai bien d’y toucher. Je ne voudrais pas me battre avec un adversaire aussi résolu que toi.

    Le jeune naufragé se calma. Il lut dans les yeux d’Asgarp quelque chose de rassurant et sut d’instinct qu’il pouvait lui faire confiance.

    — Mais, dis-moi, c’est à ton tour de te présenter, maintenant. Qui es-tu et d’où viens-tu ?

    Le rescapé écarquilla les yeux et resta immobile un long moment avant de répondre, avec un haussement d’épaules désabusé :

    — Je…je ne sais pas. Je ne me souviens plus de rien.

    Il fit encore un effort, se mordit la lèvre et ajouta, l’air infiniment désespéré :

    — Je ne me souviens même plus de mon nom. Je crois que j’ai tout oublié…

    images3

    Chab

    Asgarp n’eut pas à poser beaucoup de questions pour se rendre à l’évidence : le garçon était totalement amnésique.

    — J’ai beau chercher, articula l’enfant d’une voix navrée, la seule image que j’ai dans la tête, c’est de l’eau, de l’eau partout autour de moi, sans fin. Rien d’autre.

    Il fit une moue avant d’ajouter :

    — Vous croyez que ça reviendra ?

    — Bien sûr, rétorqua Asgarp d’une voix rassurante. D’ailleurs tu n’as pas tout oublié puisque tu sais encore parler. Non, c’est sans doute le résultat d’un choc, ou d’une grosse fatigue. D’après l’état de tes habits et du radeau sur lequel on t’a trouvé, tu as dû errer sur les mers pendant un bon bout de temps. Un peu de repos et d’exercice, et tout va très vite se remettre en ordre dans ta petite tête. D’ici-là, tu dois reprendre des forces. Je te prépare une bouillie de cao, et tu verras que ça ira déjà beaucoup mieux.

    — Une bouillie de quoi ?

    — De cao. De quoi d’autre voudrais-tu qu’une bouillie soit faite ?

    — C’est quoi, le cao ?

    — Tu veux dire que tu ne sais même plus ce qu’est le cao ?

    — Désolé, mais non…

    — Par Bascileus, c’est plus grave que je ne le pensais…

    Le bourgmestre se gratta la tête, puis ajouta :

    — Je crois que tu vas avoir besoin de sacrés cours de rattrapage. Te sens-tu d’attaque ou préfères-tu encore te reposer ?

    — Ne perdons pas de temps, allons-y.

    — Bien. Première leçon : le cao.

    Asgarp s’éloigna à l’autre bout de la pièce, fit quelques préparatifs et revint avec un bol gris qui contenait une mixture noirâtre.

    Il montra du doigt la bouillie et dit :

    — Ça, c’est du cao. Mange.

    Le garçon prit le bol et, en un temps record, avala son contenu.

    — Et le bol vide que tu tiens dans la main, reprit ensuite Asgarp, c’est aussi du cao.

    — Je peux le manger aussi ?

    — Non, tu te casserais les dents : c’est du cao traité. Mais on verra ça plus tard.

    — Bien, maître, fit le garçon en esquissant un pâle sourire.

    — Appelle-moi Asgarp, ce sera plus simple. Et toi, il faut ou Fiston ? Ou encore qu’on te trouve un nom. Que penses-tu de Gamin Venu-des-eaux ? Ou tout simplement X, en attendant que tu te souviennes de ton prénom ? As-tu une préférence ?

    — J’aime bien X.

    — Adopté. Alors, X, dis-moi, à ton avis, tu es assis sur quoi ?

    — Un lit.

    — Certes, mais il est fabriqué en quelle matière ?

    — Cao ?

    — Bingo.

    — Cao traité ou pas traité ? demanda X.

    — Cao traité. C’est facile : quand il est traité, le cao devient gris. Tu ne peux donc pas croquer le lit, si c’est ça que tu voulais savoir. Mais j’ai compris le message…

    Asgarp reprit le bol, alla le remplir et le tendit à X qui le vida aussi promptement que la première fois.

    — Poursuivons… La table ?

    — Cao traité.

    — Exact. Les meubles ?

    — Cao traité.

    — Bien. La maison ?

    — Cao traité.

    — Bravo. Et tes habits ?

    — Cao…euh…traité. En fait, ce n’est pas compliqué : tout est cao.

    — Non, pas tout. Regarde par terre : le sol n’est pas en cao. Et le couteau, là, c’est de la roche blanche.

    — Mais c’est quoi, exactement, le cao ?

    — Excellente question. Hélas, elle n’a pas de réponse. La seule chose que je puis te dire, c’est d’où il vient.

    — Il vient d’où ?

    — Tu te sens capable de marcher ?

    — Je ne sais pas. Je vais essayer.

    X posa les deux pieds sur le sol. Il tenta de se mettre debout, mais ses jambes effroyablement maigres, molles et engourdies, refusèrent de le porter. Il s’écroula sur les genoux.

    Anglemore prit le garçon sous les aisselles, le souleva et passa le bras gauche de l’enfant par-dessus ses larges épaules et ils firent ensemble quelques pas jusqu’à la porte.

    — On te fabriquera des béquilles, le temps que tes cuisses se réhabituent à travailler. J’ai l’impression que ça fait un sacré bail qu’elles se reposent, ces flemmardes.

    Ils franchirent le seuil de la maison.

    — J’ai l’honneur de te présenter le bourg de Realm, déclara Asgarp en accompagnant ses paroles d’un ample geste du bras.

    La maison d’Anglemore était nichée au sommet d’un vaste cratère à peu près circulaire. Sur les flancs de cette immense dépression, plusieurs dizaines d’habitations de couleur grise se dressaient. De tailles très variables, la plupart de ces constructions étaient de formes coniques, comme celle d’Asgarp. Certaines avaient une architecture plus originale, tantôt tout en angles, tantôt avec des formes courbes. Mais ce qui attirait immédiatement l’attention, c’était cette colossale tour noire qui naissait au cœur du cratère et s’élevait vers le ciel en formant une courbe à la fois puissante et gracieuse. Elle s’envolait si haut qu’il était impossible d’en voir le sommet.

    — Voici la réponse à ta question. Le cao vient de ce pylône géant, là. On appelle ça un caori. C’est grâce aux caoris que l’on peut manger, vivre, s’habiller, s’amuser. C’est notre matière première, l’élément fondamental.

    Asgarp jeta un long regard scrutateur sur le garçon, en espérant que cette vision provoquerait chez lui un déclic. Rien de tel. X se contenta de demander :

    — Et cette colonne, ce caori, il monte jusqu’où ? Jusqu’au ciel ?

    — Non, il a une fin. On l’a mesuré, jadis. Il mesure à peu près 10 000 oms.

    — C’est quoi, un om ?

    — Pardon, je vais trop vite. Tu fais bien de poser des questions. N’hésite pas à me couper s’il y a des choses que tu ne comprends pas. L’om, c’est notre unité de mesure. Un om, c’est tout simplement la taille moyenne d’un homme adulte. En d’autres termes, il faudrait mettre 10 000 Asgarp les uns sur les autres pour arriver au sommet du caori, ou environ 12 000 garçons comme toi. Tu comprends ?

    — C’est très clair. Et c’est là que vous trouvez tout votre cao. J’imagine que la tour est faite de cao pur, enfin, je veux dire, pas traité.

    — Exactement. Ça se mange. C’est une sorte de garde-manger géant, presque inépuisable. Et c’est aussi grâce à ce caori qu’on peut fabriquer tout ce dont on a besoin pour vivre.

    — Et il y en a combien, de caoris ?

    — Sur la terre de Chab ?

    — Oui.

    — Ça, c’est la deuxième leçon. Tu veux une pause ou on attaque tout de suite ?

    — On y va, lança sans hésiter le naufragé qui, malgré son grand état d’épuisement, attendait la suite avec impatience.

    — Parfait, je continue. Mais assieds-toi. On sera mieux pour parler.

    Asgarp aida le garçon à s’asseoir sur le pas de la porte et il poursuivit :

    — Deuxième leçon : le pays de Chab. La terre sur laquelle tu as échoué, c’est Chab, une île-continent qui se trouve à l’est du monde.

    — À l’est de quel monde ?

    — Ça, c’est pour la leçon trois…. Je disais donc que Chab est une île immense, ovale, étirée vers le nord et le sud. Son relief est assez régulier, à peu près de la forme d’une gigantesque colline. Ici, dans le comté de Realm, nous sommes au bord de la mer. Mais plus on va vers l’ouest, plus on monte.

    — Chab fait quelle taille ?

    — Si tu pars d’ici et que tu traverses l’île jusqu’à la mer intérieure – je te dirai tout à l’heure ce qu’est la mer intérieure –, cela fait un peu moins de 200 kiloms.

    — Kilom ?

    — Un kilom, c’est 1000 oms.

    — Donc les caoris mesurent environ 10 kiloms, c’est ça ?

    — Exactement. Enfin, à peu près. Tous les caoris ne font pas exactement la même taille.

    — Vous ne m’avez pas dit combien il existe de caoris sur Chab.

    — Il y en a exactement 947.

    — Tous pareils ?

    — À peu près. Mais certains sont plus petits, et ils n’ont pas tous la même forme. D’ailleurs, regarde, on en aperçoit quelques-uns d’ici.

    De sa main, il indiqua le nord :

    — Celui-ci, un peu en vrille, c’est le caori du comté de Gribal. L’autre là-bas, sur la droite, un peu penché, c’est celui-ci de Baltan.

    — Si j’ai bien compris, coupa X, il y a 947 comtés sur Chab. Autant que de caoris.

    — Exactement. Et les habitants vivent, comme ici, dans le cratère qui entoure leur caori.

    — Tous ?

    — À peu près. Certains habitent en dehors du cratère, mais ils sont rares. Nimegue, par exemple, le garde-côte qui t’a sauvé, a un petit baraquement près de la plage.

    — Et il y a combien d’habitants à Realm ?

    — À peu près 800. Les comtés de Chab comptent chacun entre 500 et 1000 habitants.

    Anglemore fit une pause.

    X plissait les yeux en contemplant l’horizon. Une ride verticale barrait son front.

    — C’est terrible. Tout ça ne me dit absolument rien. Mais peut-être que je viens d’un pays très différent du vôtre…

    — Tu sais, quel que soit l’endroit d’où tu viens, il y a forcément des caoris. Il n’y a pas de vie possible sans caori. Et puis d’ailleurs, regarde, les vêtements que tu portes – si on peut encore

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1