À propos de ce livre électronique
Rien du tout, c’est l’espace où tout s’effondre, la forme, le genre, l’être. S’ouvre le trou noir, auquel il faut revenir pour naître. Ces fragments frôlent l’extinction, débordent, fuient, rejoignent la chute, les limites. Se mêlent et se contaminent générations, itinéraires, désirs. Dits d’insoumission afin de déboulonner assises et nations. L’écrit revendique sa survie, irrécupérable, jusqu’à la fin.
Olivia Tapiero
Olivia Tapiero est écrivaine et traductrice. Membre du comité de rédaction de Moebius, elle a contribué à plusieurs revues, dont Estuaire, Liberté et Tristesse. Son œuvre changeante est traversée par une sensibilité à la désintégration, une méfiance envers les institutions et le nationalisme, et l’exploration d’un non-consentement à l’état du monde. Elle a signé Les murs (prix Robert-Cliche 2009, finaliste au Prix Senghor), Espaces (2012), Phototaxie (2017), et a aussi codirigé le collectif Chairs (2019). En 2021 paraît son livre Rien du tout, finaliste aux Prix littéraires du Gouverneur général et au Grand Prix du livre de Montréal.
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Aperçu du livre
Rien du tout - Olivia Tapiero
RIEN DU TOUT
L’image de couverture est une photo de l’artiste Lea Trudel.
Olivia Tapiero
RIEN DU TOUT
MÉMOIRE D’ENCRIER
DE LA MÊME AUTEURE
Chairs (co-direction, collectif), Montréal, Trypique, 2019.
Phototaxie, Montréal, Mémoire d’encrier, 2017
Espaces, Montréal, éditions XYZ, 2012.
Les murs, Montréal, VLB éditeur, 2009.
À ma mère, quand elle était enfant
TROU NOIR
an event horizon is when a woman collapses in on herself.
Nikki Wallshlaeger
Il me semble que nous comprenons mieux
le monde si nous tremblons avec lui.
Édouard Glissant
L’orifice premier s’ouvre au monde : œil, fleur, cri. L’anémone de mer, la valve du cœur. Une faille de lumière dans le vide galactique.
Je retrace la spirale qui me conduit au néant. J’aboie sous les étoiles, quête ton regard pour mieux me soustraire. Si tu me vois, c’est que je disparais. On me brûlera vive et on prélèvera, de mes cendres, un caillou noir. Prends-le dans tes mains, presse-le contre le point tendu entre l’oreille et la mâchoire, écoute : il n’y a rien.
Ce n’est rien.
J’avance en sachant qu’il me faudra laisser mourir une partie de moi. Que ce meurtre, inlassablement répété, est au cœur d’un pacte secret, d’une errance dont le timbre encore inconnu sera celui de ma voix. Je reviens à une basse fréquence, me fonds aux cris des mouettes, aux branches qui se heurtent les unes aux autres. Ma vie entière aura été cette recherche d’une dissolution, car c’est ainsi que se révèle le cœur des choses : la bouche dévore la chair du fruit, la décomposition le ramène à la terre. C’est ainsi qu’apparaît le noyau.
Au fond de la mer, il existe des fossiles vivants, dont les corps sont tout ce qu’on connaît de la préhistoire. La composition de ces organismes est optimale, elle n’a pas eu besoin de changer depuis des millénaires. C’est d’une simplicité brutale et merveilleuse : tout s’organise autour de la bouche. Les yeux entourent la bouche comme une couronne, tiennent lieu de lèvres, et la bouche édentée est entre les jambes, elle voit dans le noir et de minuscules pattes broient la nourriture pour la faire entrer. Une fois par année, à la pleine lune, les fossiles se rendent à la rive pour se reproduire. Là, des scientifiques les attendent, et en capturent environ 500 000. Avec une seringue, ils parviennent à extraire le sang de leur cœur pour identifier les pathogènes actifs dans les solutions pharmaceutiques. Au contact du sang fossile, les corps étrangers qui contaminent la solution deviennent phosphorescents, facilement détectables. Une fois l’opération terminée, les créatures anciennes sont relâchées dans l’eau – la moitié d’entre elles survivent à ce rapt, les autres meurent en deux ou trois semaines.
J’ai voulu avaler le soleil, absorber les corps désirés, tenir la mer dans mon regard sans jamais faire le deuil des rives. C’est un appétit qui me dépasse – un amour si grand pour le vivant que le chagrin devient inconsolable. Je finis par vouloir disparaître pour ériger une frontière à ma faim, à cet amour excessif, étouffant, un raz-de-marée qui m’effraie au point où je reste tétanisée dans la même pièce pendant des jours, sans rien amorcer, pour que tout demeure prégnant, comme gonflé de lumière.
Pour la première fois, l’horizon s’effondre sur lui-même et le temps de l’appétit coïncide avec celui de l’histoire, des années qu’il nous reste, d’une urgence sans lendemain. Je continue à poser un pied devant l’autre, comme pour calquer l’époque où on ne voyait pas le bout de la route. La faim me suit comme une ombre.
L’humain a imposé son rythme au monde comme à la destruction du monde. Je me tais, je lisse ma jupe en me figurant une apocalypse pour circonscrire un scénario, accélérer l’effondrement, en faire quelque chose d’abrupt. Nous sommes nombreuses à nous convoiter une fin des temps, une punition bruyante, une grosse fessée, un festin porno désastreux. J’apprends à me méfier de ce qui ne fait pas de bruit en vidant la nuit de ses étoiles, de ce qui passe en douce, comme une couleuvre ou une loi.
Cette rive est condamnée : on ne s’y projette pas. Le village est bâti sur un marécage qui se gorge de sels à la marée montante, les oiseaux se reposent sur
