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Les Contes Interdits - Le Petit Prince
Les Contes Interdits - Le Petit Prince
Les Contes Interdits - Le Petit Prince
Livre électronique201 pages2 heures

Les Contes Interdits - Le Petit Prince

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À propos de ce livre électronique

Un garçon retrouvé aveugle dans les décombres.
Deux parents disparus.
Des souvenirs évaporés dans l’obscurité infinie de la cécité.
Une faculté unique, terrifiante, se développe chez l’enfant.
Un don qui ne tardera pas à devenir une affreuse malédiction.
Le Petit Prince d’Antoine de St-Exupéry raconte l’histoire d’un enfant égaré dans un monde à la fois souillé
par les vices de l’homme et embelli par la fragilité des sentiments. Dans cette version des Contes Interdits,
vous serez plongé dans l’angoisse constante, les ténèbres et la vulnérabilité, et comprendrez que nul n’échappe
à la cruauté du monde – orphelin… ou prince.
LangueFrançais
Date de sortie13 févr. 2024
ISBN9782898083051
Les Contes Interdits - Le Petit Prince
Auteur

L.P. Sicard

LOUIS-PIER SICARD est un écrivain québécois né en 1991. Après avoir remporté plusieurs prix littéraires, tels que le concours international de poésie de Paris à deux reprises, L.P. Sicard publie sa première série fantastique en 2016, dont le premier tome se mérite la même année le Grand prix jeunesse des univers parallèles. Outre la parution d’une réécriture de Blanche Neige, en 2017, il publie également la trilogie Malragon, aux éditions ADA.

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    Aperçu du livre

    Les Contes Interdits - Le Petit Prince - L.P. Sicard

    1

    J’ai montré mon chef-d’œuvre aux grandes personnes

    et je leur ai demandé si mon dessin leur faisait peur.

    Elles m’ont répondu : « Pourquoi un chapeau ferait-il peur ? »

    Mon dessin ne représentait pas un chapeau.

    Il représentait un serpent boa qui digérait un éléphant.

    Isabelle sentit son cœur s’arrêter lorsqu’on appela son nom.

    Elle se leva de chaise, dressa le menton puis ouvrit la porte du bureau du docteur sans y frapper. Le neurologue portait ses usuels vêtements blancs. S’il ne paraissait point nerveux, il inspira cependant longuement, comme avant un pénible aveu.

    − Madame Dionne…

    − Docteur Ward, répondit-elle sur le même ton.

    − Veuillez vous asseoir, je vous prie, l’invita-t-il en joignant les mains sur son pupitre.

    − Je reste debout.

    − Très bien.

    Ward ne se formalisa pas de cette froideur ; ce n’était guère la première fois qu’il rencontrait Isabelle, aussi était-il déjà bien familier avec cette opiniâtreté qui lui aurait valu un diagnostic de trouble de l’opposition, fût-elle à l’école primaire. Il ouvrit une chemise, empoigna un stylo puis plongea ses yeux sombres dans ceux de la femme.

    − Je veux d’abord vous rappeler que ce n’est pas un hasard si Edmond, votre filleul, m’a été référé ; j’ai longuement étudié la mémoire, mon post-doctorat avait d’ailleurs…

    − Venez-en aux faits. Je connais déjà votre parcours.

    Le neurologue s’humecta les lèvres d’un geste teinté d’agacement, puis poursuivit :

    − Là où je veux en venir, madame Dionne, c’est que le cas du petit Edmond est unique.

    − Unique ?

    − C’est le bon adjectif, confirma Ward en hochant la tête. Plus tôt, ce matin, je réfléchissais à la manière la plus simple de vous présenter mes observations, mais il n’y en a aucune, je le crains.

    Ce fut au tour d’Isabelle d’inspirer profondément. Sa mâchoire tremblotait – elle détestait perdre contenance. Heureusement, le docteur n’attendit pas de réponse de sa part pour enchaîner :

    − Résumons ce que vous m’avez raconté, depuis le tout début, dit-il en parcourant du crayon le haut d’une feuille annotée. Le 20 août dernier, les parents de l’enfant âgé de sept ans, meurent dans l’incendie d’un bâtiment. Vous avez vous-même retrouvé Edmond errant non loin des décombres, et puisque vous êtes la marraine du garçon et que vous habitiez non loin du lieu du sinistre, vous l’avez emmené chez vous avant d’appeler les secours. C’est là que vous avez constaté que la fumée et les flammes avaient gravement blessé ses yeux au point de le rendre aveugle.

    Ward leva la tête vers Isabelle, semblant chercher un indice dans son silence.

    − Mais ce n’est pas tout, lança-t-elle presque aussitôt.

    − Effectivement, ce n’est que le début, acquiesça le neurologue en replongeant dans ses papiers. En raison du décès des deux parents, vous avez pris le garçon sous votre aile… Et c’est à votre domicile que les premiers symptômes se sont manifestés.

    − En fait, c’est depuis qu’on m’a référée à vous pour comprendre les pertes de mémoire de mon filleul qu’il a commencé à halluciner ! précise Isabelle. Edmond… Il imagine constamment des choses horribles !

    Sentant ses jambes vaciller, la dame prit enfin place sur la chaise.

    − C’est là un malheureux hasard. Bien des pathologies ne demandent qu’un peu de temps pour s’aggraver.

    Le docteur inspira profondément.

    − Et si je vous disais qu’Edmond n’hallucine pas ces choses, poursuivit-il, mais qu’il se les rappelle ?

    La bouche d’Isabelle s’arrondit de stupéfaction.

    − Vous… Vous…

    − Laissez-moi vous expliquer, la coupa calmement Ward. Au tout début, en examinant votre neveu, j’essayais de trouver une logique dans ses hallucinations, un fil conducteur. J’ai remarqué que ces images, souvent terribles, mais pas toujours, ne lui venaient que lorsqu’il touchait à un objet, à une surface. Vous voyez, ce chapeau ?

    Le docteur pointa le couvre-chef sur la patère dans un coin du bureau.

    − J’ai l’ai déposé entre les mains d’Edmond et lui ai demandé s’il savait de quoi il s’agissait. Durant un court instant, il a semblé perdre connaissance, restant cependant bien assis. Vous savez ce qu’il m’a répondu lorsqu’il est revenu à lui ?

    Isabelle, muette, se contenta de secouer lentement la tête.

    − Il m’a répondu, mot pour mot : c’est une vache qu’on a découpée en morceaux.

    Isabelle fut scandalisée :

    − Vous ne faites qu’empirer son état ! s’emporta-t-elle.

    − Non, au contraire ; je cherche à le comprendre. Voyez-vous, ce chapeau est constitué de cuir, cuir qui n’est en fait que la peau tannée d’une vache, vache qu’on a probablement découpée en morceaux.

    − Il ne fait que tout prendre au degré supérieur ? C’est ça que vous voulez dire ?

    − C’est aussi ce que j’ai cru, du moins jusqu’à ce que je lui mette ceci entre les doigts.

    Il sortit d’une poche une charmante barrette à cheveux rose.

    − Je me suis attendu à ce qu’Edmond me dise qu’il s’agit de plastique, de pétrole, voire de restes de dinosaures. Au lieu de cela, il m’a dit…

    Ward s’éclaircit la gorge, comme avant la révélation d’un secret qui devrait le rester :

    − Il m’a dit : c’est une jeune fille aux longs cheveux roux qui se peigne devant son miroir. Edmond a même précisé les vêtements que cette fille portait.

    − Et qu’est-ce que c’est censé vouloir dire ?

    Isabelle n’en fut pas certaine, mais elle crut voir le neurologue esquisser un triste sourire.

    − Cette barrette, expliqua-t-il, appartenait à ma plus jeune patiente, morte il y a plusieurs années. Je n’ai simplement pas pu me résoudre à la jeter. Elle ne l’a portée qu’une seule fois, à son premier rendez-vous.

    − Je ne suis pas certaine de comprendre…

    Isabelle ne fut pas attendrie ; elle avait en horreur de ne pas comprendre. À 47 ans, elle détestait se faire enseigner quoi que ce fût par un homme ; son titre et ses diplômes n’y changeaient rien.

    − Ce jour-là, ma patiente portait exactement les mêmes vêtements que m’a décrits Edmond. Elle avait aussi les cheveux roux. Edmond ne fait pas qu’imaginer toutes ces choses… Il se les rappelle.

    Isabelle fixait le mur, l’esprit troublé. Se rappeler ? Comment pouvait-on se rappeler des événements que l’on n’avait soi-même point vécus ? Elle céda à sa curiosité impatiente :

    − Personne ne peut se souvenir de ce qu’il n’a jamais vécu, trancha-t-elle. Cette histoire ne tient pas la route. Edmond a simplement dû vous entendre parler de cette patiente, ou encore…

    − Non, rien de tout ça, réfuta Ward sérieusement. Edmond ne se rappelle pas ses propres souvenirs, mais bien ceux des autres… Ou plutôt, et c’est là que c’est le plus extraordinaire, il ne se rappelle pas des souvenirs des autres êtres humains, mais bel et bien de ceux des choses. Ainsi, il m’a permis de découvrir que les objets avaient une mémoire.

    Ce fut trop pour Isabelle : saisissant la courroie de son sac à main d’un geste brusque, elle marcha en direction de la porte, menton dressé. À quoi bon répondre à ce neurologue, qui visiblement ne s’en tenait pas à la science ? Il était clair pour la marraine d’Edmond que ce docteur Ward cherchait dans l’occulte les réponses que sa propre ineptie l’empêchait de trouver dans la littérature scientifique. Un enfant qui percevait les souvenirs d’objets… Et quoi d’autre encore ? On la prenait pour une sotte ! Edmond n’était pas un devin, ni un voyant ; il était malade, tout simplement. N’y avait-il donc pas un médicament ou un traitement quelconque qui pût l’apaiser ? Elle irait chez un pharmacien, voilà tout. N’importe qui plutôt que ce docteur Ward qui croyait ses déductions intouchables du haut de son curriculum bardé de titres. Du reste, Isabelle savait que les diplômes n’étaient en aucun cas garants de bon jugement.

    En dépit de ses convictions soudaines, Isabelle se mit toutefois à ralentir une fois près de la sortie.

    − Madame Dionne, je vous en prie, tenta le neurologue dès qu’il la sentit vulnérable.

    Elle consentit à s’immobiliser. La seule proximité de la porte sembla la rassurer ; il ne lui fallait qu’un pas à présent pour quitter les lieux.

    − Edmond a un don, poursuivit-il posément, craignant que le moindre mot pût faire fuir la mère adoptive du cas le plus fascinant de sa carrière. Un don à la fois extraordinaire et terrible, un don duquel il nous faut explorer aussi bien l’origine que les capacités. Réfléchissez… Si mes conclusions sont véridiques, cet enfant pourrait avoir la clé de mille et une énigmes. On pourrait chercher à l’utiliser tel un outil. Des policiers pourraient résoudre une multitude de crimes irrésolus, des voleurs, percer le code de coffres-forts… C’est pourquoi avant tout, il nous faut le protéger.

    Isabelle fixa le plafond, tout en se mordillant la lèvre inférieure.

    − Edmond n’avait aucun de ces… problèmes, avant la mort de sa mère… et de son père, lâcha-t-elle. Il était un enfant comme tous les autres.

    − Je crois effectivement que ce tragique évènement a créé un violent traumatisme chez lui. Vous savez comme moi qu’il a presque tout oublié des années avant le drame, comme si sa mémoire s’était scindée. Il ne s’agit pas là d’un hasard. À mon avis, il s’agit plutôt d’un mécanisme de défense de son subconscient : Edmond a tout oublié, car se souvenir de ces terribles instants dans le bâtiment incendié était trop douloureux. C’est ce qu’on nomme l’amnésie dissociative : en raison d’un traumatisme ou d’un stress sévère, il arrive que des personnes perdent leurs souvenirs, et ces trous de mémoire peuvent concerner quelques jours, aussi bien que des années entières. En se ­réveillant aveugle, Edmond a éprouvé une certaine… confusion dans ses sens, au point de lui permettre de développer cette faculté fascinante de connaître la mémoire des choses.

    Les pupilles du docteur brillaient d’intérêt, de passion. Celles d’Isabelle s’y suspendirent désespérément.

    − Les nombreux tests que j’ai effectués par la suite semblent confirmer que votre neveu voit toujours les mêmes images dès qu’il manipule un certain objet – le moment le plus marquant de l’objet en question, je présume. Lorsqu’il a pris l’escalier, que sa main s’est posée sur la rampe, vous ne devinerez jamais ce qu’il a vu…

    Isabelle se contenta de contempler fixement le neurologue, les yeux arrondis par l’appréhension.

    − Il a vu une jeune femme monter le même escalier, se retenir à la même rampe, raconta le docteur. Et enfin, il a vu cette femme tomber dans les marches, les débouler, puis se rompre le cou. Cet accident, je m’en souviens comme si c’était hier. Une patiente atteinte d’une maladie rare de la moelle osseuse, il y a six ans, a perdu pied, là exactement où Edmond l’a imaginée. Chaque fois qu’il montait ces marches, il revoyait cette même scène, parce que c’est l’événement le plus marquant concernant cette rampe. À croire qu’en perdant son acuité visuelle, il a obtenu l’accès à l’inanimé. Car oui, en tenant la main d’une autre personne, il ne distingue rien, ne pénètre pas les secrets de sa conscience ou de son passé.

    − C’est donc pour ça…, murmura Isabelle. Chaque fois qu’il pose la main sur une surface, il s’égare, divague, se fige même parfois durant plusieurs secondes…

    Ward laissa quelque temps à Isabelle pour assimiler cette information singulière. Quelques pages de notes sous ses doigts défilèrent.

    − J’ai fait venir une couturière ici même, il y a deux jours, poursuivit-il. Je lui ai demandé de coudre devant Edmond une paire de gants. Elle décrivait à voix haute chacune des étapes, de telle sorte que le souvenir de l’objet, si vous me permettez l’expression, soit le même que celui d’Edmond. Lorsque qu’ils ont été terminés, Edmond les a enfilés. Depuis, les hallucinations ont cessé – aucune crise, aucune larme ; rien.

    − Il y a donc une solution, reformula Isabelle dans un regain d’espoir.

    Le neurologue remua la tête tout en tendant des gants à Isabelle. Il avait pris soin d’en faire coudre plusieurs paires.

    − Disons… Une solution temporaire… en attendant, rectifia-t-il.

    − En attendant quoi ?

    − Que je puisse étudier davantage la condition d’Edmond. Isabelle se raidit aussitôt. Comme je vous l’ai dit, son cas est particulier, unique ; votre neveu devra être suivi pour des années encore, probablement.

    Pour une raison que ne put s’expliquer le docteur Ward, Isabelle se retrouva subitement dans un état fort agité.

    − Non, je ne veux pas qu’il devienne votre rat de laboratoire. Je veux qu’on le laisse tranquille. Le pauvre a assez souffert.

    − Précisément : il souffrira si vous le laissez à lui-même, répliqua Ward sur un ton qu’il s’efforça de garder calme. Ce n’est certainement pas une paire de gants qui aidera Edmond à long terme !

    − Quand il aura dix-huit ans, il choisira ! D’ici là, en tant que sa tutrice légale, je choisis pour lui, et il est hors de question qu’il reste plus longtemps dans un hôpital à subir… à subir des tests continuellement. Ce pauvre enfant traumatisé ne sera jamais votre rat de laboratoire ! Jamais !

    Le docteur tenta de calmer Isabelle, mais comprit bien vite qu’il n’y parviendrait pas – du moins, pas pour l’instant. Chaque mot qu’il ajoutait ne faisait qu’accroître sa véhémence.

    − Dans ce cas, capitula-t-il en refermant son dossier truffé de papiers d’analyses, je n’ai d’autre choix que de vous laisser partir. J’espère tout de même que vous changerez d’idée.

    Tandis qu’il manipulait la chemise, Isabelle eut le temps d’entrapercevoir le nom d’un certain docteur Charron tout en haut du dossier. Ward travaillerait-il donc avec un autre spécialiste sur le cas d’Edmond ? Enfin, cela ne changeait rien à sa décision ; celle-ci était irrévocable.

    − Mon idée est faite, merci.

    − Vous avez mon numéro de téléphone.

    − Et je le jetterai !

    Isabelle enfouit les paires de gants dans sa sacoche puis quitta le bureau du docteur Ward sans se retourner.

    2

    Ça c’est, pour moi, le plus beau

    et le plus triste paysage du monde.

    Deux semaines plus tard.

    Edmond est assis à son pupitre. Ses jambes et son dos forment un angle droit parfait, tandis que ses mains gantées sont posées sur la surface de bois vernis.

    − Vingt-et-un plus dix-sept ? demande sèchement Isabelle, derrière lui.

    Le garçon ne répond pas immédiatement ; sa mère adoptive peut l’entendre compter à voix basse.

    − C’est trop long ! le presse-t-elle.

    − Mais c’est dur !

    − Plus c’est difficile, et plus tu apprendras ! Ce qui est facile n’enseigne rien. Vingt-et-un plus dix-sept, martèle-t-elle.

    − Trente-huit, répond enfin Edmond.

    Le garçon âgé d’à peine sept ans ne s’attend pas à

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