Les Contes Interdits - Le Petit Prince
Par L.P. Sicard
()
À propos de ce livre électronique
Deux parents disparus.
Des souvenirs évaporés dans l’obscurité infinie de la cécité.
Une faculté unique, terrifiante, se développe chez l’enfant.
Un don qui ne tardera pas à devenir une affreuse malédiction.
Le Petit Prince d’Antoine de St-Exupéry raconte l’histoire d’un enfant égaré dans un monde à la fois souillé
par les vices de l’homme et embelli par la fragilité des sentiments. Dans cette version des Contes Interdits,
vous serez plongé dans l’angoisse constante, les ténèbres et la vulnérabilité, et comprendrez que nul n’échappe
à la cruauté du monde – orphelin… ou prince.
L.P. Sicard
LOUIS-PIER SICARD est un écrivain québécois né en 1991. Après avoir remporté plusieurs prix littéraires, tels que le concours international de poésie de Paris à deux reprises, L.P. Sicard publie sa première série fantastique en 2016, dont le premier tome se mérite la même année le Grand prix jeunesse des univers parallèles. Outre la parution d’une réécriture de Blanche Neige, en 2017, il publie également la trilogie Malragon, aux éditions ADA.
En savoir plus sur L.P. Sicard
Héros Fusion - Hors Série - Guillaume-Tine, l'explorateur Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes contes interdits - Ali-Baba et les 40 voleurs Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationBryan Perro présente... les légendes terrifiantes d'ici Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAu nom de l'horreur Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEt la fin du temps Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDEAD - Le plus nul des magiciens Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationProdiges - Thomas et la pierre d'aventurine Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationHéros Fusion - Le laboratoire du Docteur Poison Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Lié à Les Contes Interdits - Le Petit Prince
Titres dans cette série (35)
Les contes interdits - La reine des neiges Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5Coffret Numérique 3 livres - Les Contes interdits - Blanche Neige - Peter Pan - Les 3 P'tits cochons Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Cendrillon Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Peter Pan Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Coffret Numériquet 3 livres - Les Contes interdits - Le joueur de flûte de Hamelin - Le petit chaperon rouge - Pinocchio Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Le vilain petit canard Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Les contes interdits - Le petit chaperon rouge Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Peau d'âne Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Le joueur de flûte de Hamelin Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Coffret Numérique 3 livres - Les Contes interdits - Boucle d'or - La reine des neiges - Raiponce Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Pinocchio Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Les 3 p'tits cochons Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Blanche neige Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - La petite sirène Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Rumpelstiltskin Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - La belle au bois dormant Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Boucle d'or Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Les contes interdits - Jack et le haricot magique Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes contes interdits - Raiponce Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Le livre de la jungle Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - La belle et la bête Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Hansel et Gretel Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Scrooge Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Coffret Numérique - 3 livres - Les Contes interdits - La belle au bois dormant - La petite sirène - Le vilain petit canard Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Le petit poucet Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDans l'univers des contes interdits - Henry: Le garçon homard Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes contes interdits - La chasse-galerie Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Aladin Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Contes Interdits - Le roi grenouille Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDans l'univers des contes interdits - Jim: Le poète vagabond Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Livres électroniques liés
Le Mystérieux Docteur Cornélius 2 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUn indice crucial Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationWonderland Bebop: Roman Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationFermer les yeux et ne penser à rien Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationBaignade clandestine à Bonaparte: Thriller sur les bords de la Manche Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUne belle mort sinon rien: Polar historique Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJoram: Collection Aujourd'hui Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe réseau Bernardin: une histoire pour les enfants de 10 à 13 ans Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDans l’ombre du mystère Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Pentacle de Némésis: Thriller fantastique Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJean Barois Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Bande Cadet - Les Habits Noirs - Tome VIII Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe journal d'Adam: Roman Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEver Lightwess - Partie 1: Ophania Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationNe lui parle pas d'elle: Roman initiatique Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Malédiction d'Athéna Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPartie de poker à Nightingale House: une histoire pour les enfants de 10 à 13 ans Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'ombre d'un Ange Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationNom de Code Albane: Young Adult Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationInqEnqIncEnc - Les Inquiétantes Enquêtes d’Incoming Encounters - S.01 – ép.08: La créature des roses pompons Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSouffles: Contes Et Univers Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMagie noire magie blanche - Tome 2: Tome 2 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAu creux de tes bras Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe fils naturel, ou Les épreuves de la vertu Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationBrasier: La part du feu Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes tribulations d'un stylo-plume: Roman ado Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAdélaïde au couvent: de Québec à Lamèque Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationOublie et souviens-toi : Tome 1: Roman Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUpgrade : La trilogie complète Humain++ Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe silence a disparu Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Fiction d'horreur pour vous
Le roi des tréfonds Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe secret Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'Homme-fourmi Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPeines, tortures et supplices Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationContes étranges Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCobayes - Olivier: Olivier Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5Les Montagnes Hallucinées Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes 7 + 1 Péchés Infernaux Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Manipulé Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Nuit d'horreur sur Zoom Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationContes et légendes suisses Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationFrankenstein ou le Prométhée moderne Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe château dangereux Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Légende de la Mort Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationOeuvres (Traduites Par Charles Baudelaire) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes contes interdits - Hansel et Gretel Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Le Folklore Français Illustré - Monstres, Bêtes et Créatures de nos Belles Régions Françaises Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJe suis mort Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes contes interdits - Jack et le haricot magique Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAgonies Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - Le livre de la jungle Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les contes interdits - La belle et la bête Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Le Corrupteur - Cérémonie de chair Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationQuelque Chose Est Caché Ici: Thriller de Mystère et de Suspense en Français Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationBouche cousue Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes contes interdits - La petite sirène Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Angoisses: Nouvelles d'horreur Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes contes interdits - Blanche neige Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les Contes Interdits - Bambi Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCobayes - Yannick: Yannick Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Avis sur Les Contes Interdits - Le Petit Prince
0 notation0 avis
Aperçu du livre
Les Contes Interdits - Le Petit Prince - L.P. Sicard
1
J’ai montré mon chef-d’œuvre aux grandes personnes
et je leur ai demandé si mon dessin leur faisait peur.
Elles m’ont répondu : « Pourquoi un chapeau ferait-il peur ? »
Mon dessin ne représentait pas un chapeau.
Il représentait un serpent boa qui digérait un éléphant.
Isabelle sentit son cœur s’arrêter lorsqu’on appela son nom.
Elle se leva de chaise, dressa le menton puis ouvrit la porte du bureau du docteur sans y frapper. Le neurologue portait ses usuels vêtements blancs. S’il ne paraissait point nerveux, il inspira cependant longuement, comme avant un pénible aveu.
− Madame Dionne…
− Docteur Ward, répondit-elle sur le même ton.
− Veuillez vous asseoir, je vous prie, l’invita-t-il en joignant les mains sur son pupitre.
− Je reste debout.
− Très bien.
Ward ne se formalisa pas de cette froideur ; ce n’était guère la première fois qu’il rencontrait Isabelle, aussi était-il déjà bien familier avec cette opiniâtreté qui lui aurait valu un diagnostic de trouble de l’opposition, fût-elle à l’école primaire. Il ouvrit une chemise, empoigna un stylo puis plongea ses yeux sombres dans ceux de la femme.
− Je veux d’abord vous rappeler que ce n’est pas un hasard si Edmond, votre filleul, m’a été référé ; j’ai longuement étudié la mémoire, mon post-doctorat avait d’ailleurs…
− Venez-en aux faits. Je connais déjà votre parcours.
Le neurologue s’humecta les lèvres d’un geste teinté d’agacement, puis poursuivit :
− Là où je veux en venir, madame Dionne, c’est que le cas du petit Edmond est unique.
− Unique ?
− C’est le bon adjectif, confirma Ward en hochant la tête. Plus tôt, ce matin, je réfléchissais à la manière la plus simple de vous présenter mes observations, mais il n’y en a aucune, je le crains.
Ce fut au tour d’Isabelle d’inspirer profondément. Sa mâchoire tremblotait – elle détestait perdre contenance. Heureusement, le docteur n’attendit pas de réponse de sa part pour enchaîner :
− Résumons ce que vous m’avez raconté, depuis le tout début, dit-il en parcourant du crayon le haut d’une feuille annotée. Le 20 août dernier, les parents de l’enfant âgé de sept ans, meurent dans l’incendie d’un bâtiment. Vous avez vous-même retrouvé Edmond errant non loin des décombres, et puisque vous êtes la marraine du garçon et que vous habitiez non loin du lieu du sinistre, vous l’avez emmené chez vous avant d’appeler les secours. C’est là que vous avez constaté que la fumée et les flammes avaient gravement blessé ses yeux au point de le rendre aveugle.
Ward leva la tête vers Isabelle, semblant chercher un indice dans son silence.
− Mais ce n’est pas tout, lança-t-elle presque aussitôt.
− Effectivement, ce n’est que le début, acquiesça le neurologue en replongeant dans ses papiers. En raison du décès des deux parents, vous avez pris le garçon sous votre aile… Et c’est à votre domicile que les premiers symptômes se sont manifestés.
− En fait, c’est depuis qu’on m’a référée à vous pour comprendre les pertes de mémoire de mon filleul qu’il a commencé à halluciner ! précise Isabelle. Edmond… Il imagine constamment des choses horribles !
Sentant ses jambes vaciller, la dame prit enfin place sur la chaise.
− C’est là un malheureux hasard. Bien des pathologies ne demandent qu’un peu de temps pour s’aggraver.
Le docteur inspira profondément.
− Et si je vous disais qu’Edmond n’hallucine pas ces choses, poursuivit-il, mais qu’il se les rappelle ?
La bouche d’Isabelle s’arrondit de stupéfaction.
− Vous… Vous…
− Laissez-moi vous expliquer, la coupa calmement Ward. Au tout début, en examinant votre neveu, j’essayais de trouver une logique dans ses hallucinations, un fil conducteur. J’ai remarqué que ces images, souvent terribles, mais pas toujours, ne lui venaient que lorsqu’il touchait à un objet, à une surface. Vous voyez, ce chapeau ?
Le docteur pointa le couvre-chef sur la patère dans un coin du bureau.
− J’ai l’ai déposé entre les mains d’Edmond et lui ai demandé s’il savait de quoi il s’agissait. Durant un court instant, il a semblé perdre connaissance, restant cependant bien assis. Vous savez ce qu’il m’a répondu lorsqu’il est revenu à lui ?
Isabelle, muette, se contenta de secouer lentement la tête.
− Il m’a répondu, mot pour mot : c’est une vache qu’on a découpée en morceaux.
Isabelle fut scandalisée :
− Vous ne faites qu’empirer son état ! s’emporta-t-elle.
− Non, au contraire ; je cherche à le comprendre. Voyez-vous, ce chapeau est constitué de cuir, cuir qui n’est en fait que la peau tannée d’une vache, vache qu’on a probablement découpée en morceaux.
− Il ne fait que tout prendre au degré supérieur ? C’est ça que vous voulez dire ?
− C’est aussi ce que j’ai cru, du moins jusqu’à ce que je lui mette ceci entre les doigts.
Il sortit d’une poche une charmante barrette à cheveux rose.
− Je me suis attendu à ce qu’Edmond me dise qu’il s’agit de plastique, de pétrole, voire de restes de dinosaures. Au lieu de cela, il m’a dit…
Ward s’éclaircit la gorge, comme avant la révélation d’un secret qui devrait le rester :
− Il m’a dit : c’est une jeune fille aux longs cheveux roux qui se peigne devant son miroir. Edmond a même précisé les vêtements que cette fille portait.
− Et qu’est-ce que c’est censé vouloir dire ?
Isabelle n’en fut pas certaine, mais elle crut voir le neurologue esquisser un triste sourire.
− Cette barrette, expliqua-t-il, appartenait à ma plus jeune patiente, morte il y a plusieurs années. Je n’ai simplement pas pu me résoudre à la jeter. Elle ne l’a portée qu’une seule fois, à son premier rendez-vous.
− Je ne suis pas certaine de comprendre…
Isabelle ne fut pas attendrie ; elle avait en horreur de ne pas comprendre. À 47 ans, elle détestait se faire enseigner quoi que ce fût par un homme ; son titre et ses diplômes n’y changeaient rien.
− Ce jour-là, ma patiente portait exactement les mêmes vêtements que m’a décrits Edmond. Elle avait aussi les cheveux roux. Edmond ne fait pas qu’imaginer toutes ces choses… Il se les rappelle.
Isabelle fixait le mur, l’esprit troublé. Se rappeler ? Comment pouvait-on se rappeler des événements que l’on n’avait soi-même point vécus ? Elle céda à sa curiosité impatiente :
− Personne ne peut se souvenir de ce qu’il n’a jamais vécu, trancha-t-elle. Cette histoire ne tient pas la route. Edmond a simplement dû vous entendre parler de cette patiente, ou encore…
− Non, rien de tout ça, réfuta Ward sérieusement. Edmond ne se rappelle pas ses propres souvenirs, mais bien ceux des autres… Ou plutôt, et c’est là que c’est le plus extraordinaire, il ne se rappelle pas des souvenirs des autres êtres humains, mais bel et bien de ceux des choses. Ainsi, il m’a permis de découvrir que les objets avaient une mémoire.
Ce fut trop pour Isabelle : saisissant la courroie de son sac à main d’un geste brusque, elle marcha en direction de la porte, menton dressé. À quoi bon répondre à ce neurologue, qui visiblement ne s’en tenait pas à la science ? Il était clair pour la marraine d’Edmond que ce docteur Ward cherchait dans l’occulte les réponses que sa propre ineptie l’empêchait de trouver dans la littérature scientifique. Un enfant qui percevait les souvenirs d’objets… Et quoi d’autre encore ? On la prenait pour une sotte ! Edmond n’était pas un devin, ni un voyant ; il était malade, tout simplement. N’y avait-il donc pas un médicament ou un traitement quelconque qui pût l’apaiser ? Elle irait chez un pharmacien, voilà tout. N’importe qui plutôt que ce docteur Ward qui croyait ses déductions intouchables du haut de son curriculum bardé de titres. Du reste, Isabelle savait que les diplômes n’étaient en aucun cas garants de bon jugement.
En dépit de ses convictions soudaines, Isabelle se mit toutefois à ralentir une fois près de la sortie.
− Madame Dionne, je vous en prie, tenta le neurologue dès qu’il la sentit vulnérable.
Elle consentit à s’immobiliser. La seule proximité de la porte sembla la rassurer ; il ne lui fallait qu’un pas à présent pour quitter les lieux.
− Edmond a un don, poursuivit-il posément, craignant que le moindre mot pût faire fuir la mère adoptive du cas le plus fascinant de sa carrière. Un don à la fois extraordinaire et terrible, un don duquel il nous faut explorer aussi bien l’origine que les capacités. Réfléchissez… Si mes conclusions sont véridiques, cet enfant pourrait avoir la clé de mille et une énigmes. On pourrait chercher à l’utiliser tel un outil. Des policiers pourraient résoudre une multitude de crimes irrésolus, des voleurs, percer le code de coffres-forts… C’est pourquoi avant tout, il nous faut le protéger.
Isabelle fixa le plafond, tout en se mordillant la lèvre inférieure.
− Edmond n’avait aucun de ces… problèmes, avant la mort de sa mère… et de son père, lâcha-t-elle. Il était un enfant comme tous les autres.
− Je crois effectivement que ce tragique évènement a créé un violent traumatisme chez lui. Vous savez comme moi qu’il a presque tout oublié des années avant le drame, comme si sa mémoire s’était scindée. Il ne s’agit pas là d’un hasard. À mon avis, il s’agit plutôt d’un mécanisme de défense de son subconscient : Edmond a tout oublié, car se souvenir de ces terribles instants dans le bâtiment incendié était trop douloureux. C’est ce qu’on nomme l’amnésie dissociative : en raison d’un traumatisme ou d’un stress sévère, il arrive que des personnes perdent leurs souvenirs, et ces trous de mémoire peuvent concerner quelques jours, aussi bien que des années entières. En se réveillant aveugle, Edmond a éprouvé une certaine… confusion dans ses sens, au point de lui permettre de développer cette faculté fascinante de connaître la mémoire des choses.
Les pupilles du docteur brillaient d’intérêt, de passion. Celles d’Isabelle s’y suspendirent désespérément.
− Les nombreux tests que j’ai effectués par la suite semblent confirmer que votre neveu voit toujours les mêmes images dès qu’il manipule un certain objet – le moment le plus marquant de l’objet en question, je présume. Lorsqu’il a pris l’escalier, que sa main s’est posée sur la rampe, vous ne devinerez jamais ce qu’il a vu…
Isabelle se contenta de contempler fixement le neurologue, les yeux arrondis par l’appréhension.
− Il a vu une jeune femme monter le même escalier, se retenir à la même rampe, raconta le docteur. Et enfin, il a vu cette femme tomber dans les marches, les débouler, puis se rompre le cou. Cet accident, je m’en souviens comme si c’était hier. Une patiente atteinte d’une maladie rare de la moelle osseuse, il y a six ans, a perdu pied, là exactement où Edmond l’a imaginée. Chaque fois qu’il montait ces marches, il revoyait cette même scène, parce que c’est l’événement le plus marquant concernant cette rampe. À croire qu’en perdant son acuité visuelle, il a obtenu l’accès à l’inanimé. Car oui, en tenant la main d’une autre personne, il ne distingue rien, ne pénètre pas les secrets de sa conscience ou de son passé.
− C’est donc pour ça…, murmura Isabelle. Chaque fois qu’il pose la main sur une surface, il s’égare, divague, se fige même parfois durant plusieurs secondes…
Ward laissa quelque temps à Isabelle pour assimiler cette information singulière. Quelques pages de notes sous ses doigts défilèrent.
− J’ai fait venir une couturière ici même, il y a deux jours, poursuivit-il. Je lui ai demandé de coudre devant Edmond une paire de gants. Elle décrivait à voix haute chacune des étapes, de telle sorte que le souvenir de l’objet, si vous me permettez l’expression, soit le même que celui d’Edmond. Lorsque qu’ils ont été terminés, Edmond les a enfilés. Depuis, les hallucinations ont cessé – aucune crise, aucune larme ; rien.
− Il y a donc une solution, reformula Isabelle dans un regain d’espoir.
Le neurologue remua la tête tout en tendant des gants à Isabelle. Il avait pris soin d’en faire coudre plusieurs paires.
− Disons… Une solution temporaire… en attendant, rectifia-t-il.
− En attendant quoi ?
− Que je puisse étudier davantage la condition d’Edmond. Isabelle se raidit aussitôt. Comme je vous l’ai dit, son cas est particulier, unique ; votre neveu devra être suivi pour des années encore, probablement.
Pour une raison que ne put s’expliquer le docteur Ward, Isabelle se retrouva subitement dans un état fort agité.
− Non, je ne veux pas qu’il devienne votre rat de laboratoire. Je veux qu’on le laisse tranquille. Le pauvre a assez souffert.
− Précisément : il souffrira si vous le laissez à lui-même, répliqua Ward sur un ton qu’il s’efforça de garder calme. Ce n’est certainement pas une paire de gants qui aidera Edmond à long terme !
− Quand il aura dix-huit ans, il choisira ! D’ici là, en tant que sa tutrice légale, je choisis pour lui, et il est hors de question qu’il reste plus longtemps dans un hôpital à subir… à subir des tests continuellement. Ce pauvre enfant traumatisé ne sera jamais votre rat de laboratoire ! Jamais !
Le docteur tenta de calmer Isabelle, mais comprit bien vite qu’il n’y parviendrait pas – du moins, pas pour l’instant. Chaque mot qu’il ajoutait ne faisait qu’accroître sa véhémence.
− Dans ce cas, capitula-t-il en refermant son dossier truffé de papiers d’analyses, je n’ai d’autre choix que de vous laisser partir. J’espère tout de même que vous changerez d’idée.
Tandis qu’il manipulait la chemise, Isabelle eut le temps d’entrapercevoir le nom d’un certain docteur Charron tout en haut du dossier. Ward travaillerait-il donc avec un autre spécialiste sur le cas d’Edmond ? Enfin, cela ne changeait rien à sa décision ; celle-ci était irrévocable.
− Mon idée est faite, merci.
− Vous avez mon numéro de téléphone.
− Et je le jetterai !
Isabelle enfouit les paires de gants dans sa sacoche puis quitta le bureau du docteur Ward sans se retourner.
2
Ça c’est, pour moi, le plus beau
et le plus triste paysage du monde.
Deux semaines plus tard.
Edmond est assis à son pupitre. Ses jambes et son dos forment un angle droit parfait, tandis que ses mains gantées sont posées sur la surface de bois vernis.
− Vingt-et-un plus dix-sept ? demande sèchement Isabelle, derrière lui.
Le garçon ne répond pas immédiatement ; sa mère adoptive peut l’entendre compter à voix basse.
− C’est trop long ! le presse-t-elle.
− Mais c’est dur !
− Plus c’est difficile, et plus tu apprendras ! Ce qui est facile n’enseigne rien. Vingt-et-un plus dix-sept, martèle-t-elle.
− Trente-huit, répond enfin Edmond.
Le garçon âgé d’à peine sept ans ne s’attend pas à