Eden faisait le désespoir de ses parents. Il le savait et ça le navrait, mais il n’y pouvait rien. De toute façon, songea Eden, mes parents sont désespérés par tout : moi, le climat, la politique, les rapports de genre et les prix de… les prix de tout. Ils ont dû avoir une enfance difficile. Parce que sinon, il n’y a pas de quoi se frapper : le climat part en quenouille depuis la naissance de mamie, les genres, ça a toujours été compliqué, en politique, personne n’est content depuis la république athénienne, les prix n’ont jamais baissé et moi, je suis juste… moi. Juste Eden. C’est quand même bizarre qu’ils ne s’y fassent pas, à leur âge. Eden entendit la porte de sa chambre s’ouvrir. Évidemment, il y a les autres choses. Les choses qu’on fait entre alphas. S’ils savaient, mes parents seraient encore plus désespérés. Heureusement, ils ne sont pas au courant. Eden vira sur son siège pour faire face à sa mère. Celle-ci, debout à l’entrée de la chambre d’Eden, serrait et desserrait ses mains l’une contre l’autre ; il était visible qu’elle se retenait de serrer les poings.
— Tu joues encore ? Si tu crois que tu vas pouvoir vivre en travaillant si peu, tu es dans la plus complète illusion !
— Mais maman, j’ai la moyenne partout, tu sais ?
— Je sais ! Je sais ouvrir une appli scolaire. Ne me prends pas pour ta grand-mère ! Je sais aussi que tu en fais le minimum, ne me prends pas pour une andouille. Je ne te parle pas de tes notes, je te parle de… de t’intéresser à tes études, de t’intéresser à ce que tu fais, de t’intéresser au monde, de… de… de t’intéresser, quoi ! Eden ne répondit rien. Il aurait pu faire remarquer que mamie avait été informaticienne et qu’au niveau appli, elle en connaissait un rayon, mais sa mère était sûrement au courant. De plus, il avait une partie de LOR en cours et hâte de s’y remettre, aussi il se tut. Il continua à sourire en attendant que sa mère se lasse et sorte, non sans claquer la porte qu’elle retint au dernier moment – comme d’habitude.
Revenue dans le salon, l’âme noire, la mère d’Eden tomba assise au fond du canapé et se savonna longuement le visage à deux mains. Puis elle prit sa tablette et feuilleta