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Opération Tempête de Sable
Opération Tempête de Sable
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Livre électronique304 pages4 heures

Opération Tempête de Sable

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À propos de ce livre électronique

Le jour de son 16e anniversaire, Esther Duval découvre ses véritables origines: elle
appartient au peuple très secret des Ânkhos. Comme tous ceux de son espèce, elle
est capable de donner vie à tout ce qu’elle écrit dans les précieux livres Ânkh.

Un jour, en visite dans la cité cachée d’Éden, la jeune fille devient malencontreusement l’unique propriétaire d’un des trois Livres Sacrés du monde. Traquée alors par une organisation militaire mystérieuse, elle doit lutter pour survivre. Heureusement, elle peut compter sur Logan, un brillant étudiant en histoire, et son petit frère, un geek peu courageux, pour éviter les dangers. Enfin presque!
LangueFrançais
Date de sortie3 juin 2019
ISBN9782897866242
Opération Tempête de Sable

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    Aperçu du livre

    Opération Tempête de Sable - Hina Corel

    héroïne…

    1. Le premier livre ou comment Esther crut que ses parents devenaient complètement cinglés.

    Seize ans. C’était l’âge requis pour recevoir son premier livre. Et il ne s’agissait pas du Clan des sept, ni même d’un manuel de sorcellerie en vente sur le Chemin de Traverse. Non. Cet ouvrage-là ne s’achetait dans aucun commerce et ne s’empruntait nulle part. Il n’avait jamais été rangé sur les étagères des librairies et des bibliothèques du monde entier et aucun humain normal ne se doutait de son existence. En fait, ce livre si spécial ne pouvait être déniché qu’à un seul endroit. À Éden.

    Oui, comme le fameux Paradis. Et pour tout vous dire, Éden ressemblait vraiment à un paradis. Mais nous en reparlerons plus tard. Chaque chose en son temps.

    Esther reçut donc son premier livre en ce 12 janvier 2011, jour de son 16e anniversaire. Elle s’était attendue à ce que ses parents lui offrent ce nouveau téléphone dont la publicité passait en boucle à la télévision, et reçut donc un véritable choc en découvrant un simple bouquin à la place. Un bouquin ! Sur la couverture rigide d’un bleu marine superbe trônait une croix ansée dorée qui, parfaitement centrée, couvrait une bonne partie de l’espace. En passant ses doigts dessus, la jeune fille constata que l’étrange symbole, qui brillait sous la lumière de la salle à manger, était en relief. Intriguée par la beauté externe de l’ouvrage, elle osa même feuilleter le début du roman bien que la lecture ne fût pas l’une de ses activités favorites. Regarder des films demandait moins d’efforts. Son étonnement grandit encore plus lorsqu’elle s’aperçut que toutes les pages du livre étaient totalement vierges. Ni une lettre, ni un mot, ni même un symbole n’y figuraient. Tout ça, c’était bien beau, mais pourquoi ses parents lui offraient-ils ce… ce truc ? ! Ils n’escomptaient tout de même pas qu’elle écrive le prochain succès littéraire là-dessus, alors que ses notes en rédaction frôlaient l’acceptable ?

    Les traits de son visage trahirent sa déception profonde autant que son long mutisme. Ses parents affichaient un air ravi, presque comblé. Les yeux de sa mère brillaient même. Comme si le moment était tellement magnifique qu’elle avait envie de pleurer.

    — Un… un livre, bégaya Esther encore sous le coup de l’émotion. Un… livre. Mais c’est génial ! Oui, c’est justement ça que je voulais pour mon anniversaire. De toute façon, j’ai déjà un téléphone portable qui fonctionne hein… alors, pourquoi le changer ? ! J’arrive même à capter les conversations d’hommes préhistoriques, mais je suppose que c’est normal, vu l’ancienneté de ce téléphone… Waouh, en tout cas, hein, c’est une sacrée surprise !

    Elle avait toujours fait une très mauvaise menteuse, racontant des trucs délirants sans aucune cohérence. Mais enfin, ses parents ne s’attendaient tout de même pas à ce qu’elle fût ravie d’un présent aussi étrange ? !

    — Ah ! C’est un grand jour, ma chérie ! s’exclama son père en se levant et en la serrant dans ses bras.

    Il la lâcha et planta son regard dans le sien. Esther resta incrédule devant ce comportement curieux.

    — C’est un livre Ânkh de niveau 1, l’informa sa mère, comme si elle venait de donner à sa fille son premier biberon.

    — Cool… oui… cool. Quand les copains vont savoir ça…

    — SURTOUT PAS ! s’écria alors son père en lui arrachant le livre des mains et en le protégeant contre sa poitrine comme une relique précieuse.

    Esther hallucinait. Ses parents étaient complètement cinglés ! Oui, c’était la seule réponse logique à toute cette mise en scène. Ils avaient toujours été normaux même si, certaines fois, ils agissaient de façon curieuse, changeant brusquement de sujet de conversation quand la jeune fille débarquait à l’improviste, ou s’empressant de cacher dans leur dos un objet qu’elle n’était jamais parvenue à identifier. Elle n’avait pas cherché à en savoir plus, de toute façon, et supposait que ces cachotteries étaient liées à leur relation de couple. Mais aujourd’hui, elle avait la preuve qu’ils étaient fous. Probablement un coup de la vieillesse. À 40 ans passés, les cellules de leurs cerveaux ancestraux n’avaient plus toute leur tête.

    — Ma chérie, tu dois te poser plein de questions, commença son père en lui rendant finalement le bouquin.

    Esther le saisit, le posa bien en évidence sur la table et croisa les bras. Ah non, ils n’étaient peut-être pas fous. Elle venait de comprendre : le livre n’était qu’une blague. Un cadeau bidon pour la ridiculiser ou la filmer en douce, peut-être. La jeune fille n’imaginait pas ses parents agir de la sorte, mais visiblement, elle les connaissait mal.

    — Euh… quoi ? Des questions ? demanda Esther, dubitative.

    Son père poussa un soupir et reprit :

    — C’est un livre Ânkh de niveau 1, comme ta mère te l’a dit. Il existe 10 niveaux de livres. Le niveau 10 étant le plus puissant, expliqua-t-il sans attendre ses questionnements.

    — Puissant ? reprit Esther qui se demanda un instant si elle avait bien entendu.

    — Oui. Plus le niveau du livre est élevé et plus tes créations sont puissantes, renchérit sa mère. Livre Ânkh veut dire « livre de la vie ». Avec ce bouquin, tu donnes vie à ce que tu écris ou dessines.

    — Hein…

    Esther commençait sérieusement à s’interroger sur la santé mentale de ses parents. Voilà maintenant qu’ils lui parlaient de… de magie, ni plus ni moins.

    Imperturbable, sa mère poursuivit :

    — On t’a offert un livre Ânkh parce que tu as 16 ans aujourd’hui.

    — D’accord, répondit la jeune fille en faisant de gros yeux et en hochant lentement la tête pour signifier qu’elle ne les croyait pas du tout. Je peux aller dormir ?

    Ses parents finiraient par dévoiler la supercherie et lui offriraient son véritable cadeau si elle faisait mine de se retirer. Elle avait vraiment hâte de pianoter sur son nouveau téléphone.

    — Attends, Esther, intervint son père en posant sa main tatouée sur son épaule pour la maintenir assise à table. On ne t’a encore rien expliqué.

    — Bon, OK… allez-y, lâcha-t-elle, plus pour leur faire plaisir que pour écouter.

    Elle esquissa un sourire et se demanda un instant jusqu’où ses parents étaient allés en préparant leur duperie. Un livre vierge ! Non mais ! C’était tout de même ses 16 ans, quoi !

    — Ce livre t’appartient. Tu es sa propriétaire. Ce que tu écris et dessines dedans deviendra réel. Enfin… à peu près tout.

    Esther resta perplexe. Ses parents semblaient croire à fond en cette histoire de livres. Jamais ils ne s’étaient montrés si sérieux, à vrai dire. Elle eut soudain un doute. Le doute que tout ceci ne fût pas une simple farce et que ce livre fût bien magique. C’était tellement idiot de croire ça ! Mais en même temps, si ça fonctionnait vraiment…

    — Alors je peux dessiner n’importe quoi, genre un verre ? interrogea la jeune fille, soudain attentive pour la première fois de la soirée.

    Elle se pencha pour prendre le livre bleu et l’examina avec plus d’attention. La croix ansée était un symbole égyptien, à en juger par sa forme. En dessous était inscrit en noir un minuscule chiffre 1. Sa mère avait évoqué une histoire de niveaux, tout à l’heure. Le numéro 1 devait donc indiquer le degré de son livre. Ses yeux se posèrent sur le fin stylo et la gomme bleue attachés au sommet de la tranche de l’ouvrage par un fil aussi doré que l’emblème sur la couverture. Le stylo était joli, dans les mêmes tons que le livre, et sa pointe couleur or scintillait sous la lumière. Bon, c’est vrai que ce stylo était beau, mais un nouveau téléphone aurait été mieux ! La jeune fille décida de mettre sa frustration de côté et s’empara de la plume.

    — N’écris jamais sur l’intérieur de la première et de la quatrième de couverture, la prévint son père.

    Esther haussa un sourcil en ouvrant le livre vierge. Puis elle posa la mine du stylo sur la première page à droite. Celle où aurait dû normalement se trouver le titre de l’ouvrage. Le stylo écrivait en noir. Un noir profond et pur. Sans grande conviction, elle griffonna le dessin d’un verre et quand ce fut fini, leva la tête vers ses parents.

    — Bon, voilà, ça ne marche pas !

    Cet échec la soulagea énormément. Elle n’était pas assez folle pour croire à ce livre magique. Ses parents avaient réussi à la faire hésiter, mais maintenant ça ne marchait plus. Elle eut un sourire triomphant. Sa mère se leva alors et ouvrit un tiroir de la salle à manger. Esther jubilait, certaine que son vrai présent était caché là-dedans. D’aussi loin qu’elle se souvînt, ce tiroir était toujours fermé à clé. L’endroit idéal pour cacher un objet de petite taille. Sa joie retomba en flèche quand sa mère extirpa un ouvrage du mobilier et le lui présenta. Le même que son cadeau. Sauf qu’il y manquait des pages, comme si on les avait arrachées jusqu’à ce qu’il n’en restât qu’une dizaine.

    — Regarde, ma chérie. Pour valider le dessin, tu dois dessiner ce symbole en bas à droite de la page.

    Sa mère se mit donc à dessiner un verre à son tour. Une très belle esquisse, d’ailleurs. Puis elle reproduisit le signe qui se trouvait sur la couverture : la croix ansée. C’est à ce moment-là que la normalité laissa place au paranormal. La page sur laquelle figurait le dessin se mit à se dissoudre tandis que l’encre noire s’illuminait. Oui, c’était le mot juste. Une lueur ambrée semblait jaillir des lignes dessinées. Elle s’intensifia et se dirigea vers la table en une fraction de seconde. Puis elle disparut aussi rapidement qu’elle était survenue, laissant place à… un verre. La feuille du cahier s’était évaporée. Ne subsistait de ce tour de magie qu’un verre se dressant avec fierté sur la grande table, comme s’il narguait Esther en lui disant : « Hé, t’as vu, j’suis réel ! T’y croyais pas, hein ? ». Cette dernière en resta bouche bée et yeux écarquillés. À côté, ses parents semblaient apprécier cet instant de confusion dans l’esprit de la jeune fille.

    — Le verre, commença bêtement Esther. Il est là.

    Elle tendit les doigts, le toucha, le fit passer d’une main à l’autre, toqua dedans et entendit le tintement ordinaire d’un verre. Il existait vraiment. Waouh ! C’était trop cool. Oui, il n’y avait pas d’autres mots pour décrire ce phénomène. Finalement, le livre n’était pas une blague orchestrée par ses parents. La découverte des capacités de ce livre était telle qu’elle en oublia tout le reste pendant un long moment, même son hypothétique téléphone portable dont elle avait tant rêvé ces derniers jours.

    — Essaie le symbole.

    Esther imita les tracés de sa mère sur son propre livre et y ajouta la croix ansée. Une brève lueur dorée s’échappa alors des lettres. Soudain, quelque chose se brisa sur le plancher. Ça ressemblait étrangement au bruit d’un verre qu’on laisse tomber sur le sol. Esther baissa les yeux sur sa droite. Le verre gisait en mille morceaux sur le sol, comme s’il était apparu à côté d’Esther, dans le vide.

    — Bravo, ma chérie ! s’enflamma sa mère en allant chercher le balai et la pelle.

    Jamais elle n’avait été si heureuse de balayer le sol.

    — J’ai… j’ai réussi. Pourquoi il s’est cassé ?

    — Parce que tu es une novice, répondit son père. Tu te souviens que tu as un rendez-vous chez le coiffeur samedi ?

    Les yeux d’Esther pétillèrent de joie.

    — Oui ! D’ailleurs, je vais peut-être me faire des mèches et…

    — En fait, il n’y aura pas de coiffeur ! l’interrompit-il avec un sourire radieux. Tu vas recevoir ton premier cours sur les livres Ânkh à Éden. Tu auras une leçon tous les mois pour découvrir les capacités du livre.

    Esther fit d’abord la moue en comprenant que son rendez-vous capillaire était annulé, mais la perspective d’en savoir plus sur les livres Ânkh chassa bien vite sa contrariété. Elle allait avoir des cours ? !

    — Dans quel lycée ?

    — Ce n’est pas un lycée. C’est à Éden, dit son père.

    — Éden… euh… comme le Paradis d’Adam et Ève ? demanda la fille, incrédule.

    — Oui. C’est sympa tu verras, et tu rencontreras plein de gens.

    — Euh… parce que vous n’êtes pas les seuls à posséder ces livres ? s’écria la jeune fille en pointant du doigt ledit objet.

    — Non, nous sommes nombreux. Enfin, comparé aux sept milliards d’êtres humains, non. On doit être… 10 000, grand max. Et c’est une estimation, car certains ne viennent jamais à Éden ou d’autres ont même oublié qui ils étaient.

    • • •

    Cela faisait beaucoup d’informations à digérer pour un soir. La soirée se termina donc là-dessus et Esther remonta dans sa chambre en tenant précieusement son premier livre. Après s’être changée et s’être glissée entre les draps, elle ne parvint pas à fermer l’œil. C’était normal ! Personne ne pouvait s’endormir après une telle révélation. Il existait donc sur Terre des gens qui avaient la capacité d’écrire dans des livres pour faire apparaître des choses. Faire apparaître n’importe quoi. C’était grandiose. Elle pourrait dessiner son argent de poche et devenir riche. Esther serra le livre contre elle. Jamais elle n’avait été si contente. D’abord, elle achèterait une villa au bord de la mer et… et waouh ! Il y avait tellement de choses qui lui venaient en tête qu’elle avait l’impression que sa boîte crânienne allait exploser. À force de réfléchir, elle en avait mal à la tête. Pourquoi ses parents ne vivaient-ils pas dans une villa de luxe ? Avec le pouvoir du livre, ils auraient dû être milliardaires ! Un nœud se forma dans son ventre. Et si finalement on ne pouvait pas tout créer à partir du livre ?

    Ses yeux se posèrent sur son réveil. Il était déjà 2 h du matin et elle avait un cours à 8 h.

    — Allez, Esther, calme-toi et dors. Calme-toi, se chuchota-t-elle.

    Sans grand succès. À 7 h, elle se leva pour se préparer. Elle n’avait pas fermé l’œil de la nuit.

    2. Éden ou l’endroit qui ne ressemble ni à une librairie, ni à une bibliothèque, ni même à rien de normal.

    La fin de semaine passa à une lenteur insoutenable. Esther n’écoutait pas pendant les cours, trop excitée par l’existence des livres Ânkh. Sur les conseils de ses parents, elle n’avait pas réutilisé son livre et attendait sa première leçon pour le faire.

    • • •

    Le samedi matin, elle fut prête à 9 h. Jamais elle ne s’était levée aussi tôt un samedi, sauf pour aller chez ses grands-parents. Malgré ce réveil matinal, elle était pleine d’énergie, contrairement à ses parents qui sirotaient encore tranquillement leur café à la table de la salle à manger. Elle se retenait de les secouer.

    — Bougez-vous un peu ! s’exclama-t-elle en tournant en rond dans la salle.

    Elle était déjà prête, manteau, écharpe, et bonnet sur la tête. Ses parents ricanèrent.

    — Tu vas au cercle polaire ? demanda sa mère. Tu peux enlever ton manteau, tu sais.

    Esther désigna la fenêtre de la main.

    — Vous avez vu le temps ? Il fait froid ! C’est où Éden, à combien de temps d’ici ?

    — Pas loin, répondit son père avec un léger sourire.

    — Bon, bah… dépêchez-vous quand même ! C’est important.

    Ses parents échangèrent un regard complice et terminèrent leurs tasses en toute hâte. La mère d’Esther prit son livre Ânkh dans le tiroir. D’un geste précis et professionnel, elle dessina, sous le regard curieux de sa fille, une étrange porte sur l’intérieur de la première de couverture. Une porte qui ressemblait à une arche avec deux colonnes gréco-romaines de chaque côté et surtout, trois symboles étranges sur l’arche. Sous l’esquisse, sa mère écrivit un simple mot : Ânkh. Puis, elle fit la fameuse croix ansée en bas à droite.

    Cette fois-ci, la page ne s’évapora pas. Sinon, la moitié de la couverture aurait été détruite. L’encre noire s’illumina et forma une lueur dorée qui éclaira intensément la pièce. Éblouie, Esther ferma les yeux une fraction de seconde. Quand elle les rouvrit, la porte qu’avait dessinée sa mère se dressait au milieu de la salle. Elle mesurait presque deux mètres de haut et n’était plus un minuscule dessin sur une feuille de papier. Pour la traverser, il suffisait d’avancer dans la lueur blanche qui était contenue entre le sol, l’arche et les colonnes latérales.

    Esther se plaça derrière ses parents. Au cas où. Elle avança d’un pas mal assuré, traversa le portail et se retrouva sur un chemin. Un sentier banal comme ceux qui existent dans les forêts ou les montagnes. La voie était encadrée d’une pelouse verdoyante parfaitement taillée à faire pâlir de jalousie les jardins les mieux entretenus de la planète. Une multitude d’arbres épars s’élevaient vers le ciel, leurs grandes racines s’enfonçant dans l’herbe de la plaine alentour. Bien que ce fût l’hiver, des fleurs de toutes les couleurs et de gros fruits pendaient sur les branches feuillues des arbres. Dans le ciel azur sans nuages, le soleil inondait la région de ses chaleureux rayons. Esther resta bouche bée devant ce spectacle de la perfection. Elle comprit immédiatement pourquoi cet endroit si merveilleux se nommait Éden. C’était un véritable joyau, un paradis pour les hommes dont la grisaille du temps et la morosité des villes faisaient le quotidien.

    Sur le chemin, assez large pour que quatre personnes puissent s’y promener côte à côte, des gens discutaient en petits groupes. Pour la plupart, ils portaient des jeans et des vêtements ordinaires, même si certains looks trahissaient leurs origines diverses. Au prix d’un gros effort, Esther fit un premier pas et allongea les jambes pour rattraper ses parents qui saluaient déjà quelques individus. Les yeux émerveillés de la jeune fille ne cessèrent de contempler les lieux, ignorant superbement ceux qu’elle croisait.

    Devant eux se dressaient des bâtiments formant une cité bien étrange. Les constructions émanaient de tous les styles architecturaux imaginables : égyptien, grec, romain, maya, scandinave, chinois, indien, ou encore des édifices plus modernes bâtis en verre et en acier. Ce mélange issu des plus grandes civilisations de la Terre aurait rendu fou plus d’un architecte. L’ensemble formait une ville singulière pourtant très coordonnée, comme si l’aménagement avait été finement réfléchi pendant des heures, des jours, voire des mois.

    Voilà donc à quoi ressemblait Éden. Des steppes verdoyantes s’étendant jusqu’à l’infini, des bosquets d’arbres éparpillés autour d’une cité sublime et derrière laquelle se découpaient les silhouettes de lointaines montagnes aux cols blancs. Des hauteurs inaccessibles qui semblaient simplement n’être qu’un décor posé là pour rendre l’endroit encore plus grandiose.

    Esther et ses parents traversèrent les zones grecque et égyptienne de la cité. Dans la première s’élevaient des édifices blancs aux fresques colorées et aux colonnes ioniques majestueuses qui révélaient la magnificence de la civilisation perdue. Dans la seconde, les bâtiments aux tons ocre et ornés de hiéroglyphes immergeaient les promeneurs dans l’Égypte antique, rappelant à la jeune fille certaines scènes de La Momie et du Retour de la momie, films qu’elle appréciait énormément. Puis ils parcoururent les secteurs dédiés aux styles perse et indien. Les monuments éclataient de splendeur avec leurs toits ronds comme le Taj Mahal ou le palais de Jasmine dans Aladdin. D’ailleurs, tout un pan de la ville était protégé par une haute muraille similaire à celle de l’Amber Palace dans l’État indien du Rajasthan.

    Esther aperçut même un mini-château de la Renaissance entouré de jardins, une réplique parfaite de quelques bâtiments haussmanniens de Paris, deux maisons scandinaves avec des toits longs et très pentus et même un petit sanctuaire construit en glace, telle une statue ! Mais ce fut dans une demeure en bois typique d’Europe du Nord qu’Esther entra à la suite de ses parents.

    • • •

    L’intérieur de la demeure n’était pas moderne. Au contraire, il respectait le style architectural externe de la maison. Un escalier près de l’entrée montait jusqu’à une grande mezzanine qui comprenait de nombreuses bibliothèques bourrées d’ouvrages ordinaires qu’il était possible de se procurer n’importe où. Une vieille dame qui portait de grosses lunettes rondes vint à leur rencontre. Ses cheveux gris étaient noués en un chignon qui lui tendait à l’extrême la peau des tempes. Elle esquissa un sourire et détailla Esther un instant.

    — Voilà donc la petite. Tu as vu l’extérieur ? Charmant, non ?

    La jeune fille hocha la tête. D’ailleurs, elle aurait bien aimé rester un peu dehors et partir à l’exploration des divers quartiers de la ville.

    — Alors, reprit la femme en se réinstallant derrière son bureau de bois aussi bien rangé que les appartements sélectionnés pour l’émission de télévision C’est du propre. Esther Duval, c’est ça ?

    — Oui, répondit la mère d’Esther avant que celle-ci ait pu répondre.

    La jeune fille jeta un regard noir à sa mère, mais cette dernière ne semblait même pas l’apercevoir. La vieille dame enchaîna en désignant la mezzanine d’un signe de tête :

    — Bien. Le professeur Fernandes est là-haut, tu peux aller le rejoindre.

    Esther se tourna vers ses parents, qui lui adressèrent un signe encourageant de la main. La jeune fille prit son courage à deux mains et monta quatre à quatre les marches de l’escalier en bois qui craqua sous son poids. L’étage était un petit salon dont le vieux plancher était recouvert d’un tapis dans les tons rouges. En son centre, une table avait été installée. Des étagères poussiéreuses couraient le long de la pièce. Esther se pencha par-dessus le balcon, aperçut la vieille femme au rez-de-chaussée, mais nulle trace de ses parents. Ils l’avaient lâchement abandonnée à sa leçon !

    — Ah ! Ma… c’est mademoiselle Duval, non ?

    Esther fit volte-face et constata qu’une petite porte menant à une pièce annexe était encastrée entre deux meubles, à peine visible. Un homme brun en sortait tout juste. À en juger par son léger accent, il était d’origine espagnole.

    — Tu as ton livre ?

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