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Maëlstria - Lumeyra
Maëlstria - Lumeyra
Maëlstria - Lumeyra
Livre électronique459 pages6 heures

Maëlstria - Lumeyra

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À propos de ce livre électronique

Anaelle Davis n’en peut plus de mener une vie dirigée. Première princesse de Lumeyra, le royaume de la Lumière, c’est la liberté qui la fait rêver. Difficile, pourtant, d’échapper à son destin : quand elle se risque à quitter la sécurité du palais, c’est pour se confronter à la réalité d’un monde magique où le peuple mythique des Espérits lui dévoile une effrayante prophétie la concernant. Poursuivie par des assassins de Tenebrae déterminés à l’empêcher de réaliser son destin, la princesse doit fuir sa ville natale et tout ce qu’elle connaît pour rétablir l’équilibre du monde.

Quand, en perte d’équilibre, le monde sombrera, l’umbra purpurea guidera vos pas...
LangueFrançais
Date de sortie25 oct. 2019
ISBN9782898033056
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    Aperçu du livre

    Maëlstria - Lumeyra - Audrey Manibal

    page.

    PROLOGUE

    Solembia, capitale de Lumeyra, royaume de la Lumière

    24 octobre, an 450 de la période Maëlstria

    Dans la lumière décroissante d’une soirée d’automne, Éliza Davis observait avec affection ses deux filles. Anaelle, l’aînée, une petite brune aux yeux gris qui avait eu huit ans le jour même, venait de tirer une grosse boîte de son armoire à jouets. Sans perdre une seconde, elle en déversa le contenu sur le sol et des blocs multicolores s’éparpillèrent sur le plancher de bois dans un grand fracas. Sa sœur, Amber, de deux ans sa cadette, voulut se joindre à elle. Toutefois, alors qu’elle allait mettre la main sur un joli bloc rouge, Anaelle la repoussa brutalement.

    La fillette atterrit sur les fesses. L’espace d’un instant, Éliza crut qu’elle allait se mettre à pleurer, mais comme elle allait la rejoindre pour la consoler, la petite se releva en chancelant. Apparemment mécontente, elle se dirigea à son tour vers l’armoire dans l’espoir de mettre la main sur d’autres blocs. N’en trouvant pas, elle se détourna bientôt du grand meuble, ses petits bras croisés sur sa poitrine. Sensible à sa mauvaise humeur, sa mère se demandait si elle devait intervenir quand un fin sourire se dessina sur son visage pointu.

    Curieuse, Éliza chercha des yeux ce qui avait provoqué ce soudain changement d’humeur. Elle fut surprise en la voyant s’avancer d’un pas décidé vers sa table de chevet.

    Sur le meuble, il n’y avait presque rien sinon une lampe argentée, dont le pied avait la forme d’une goutte d’eau, et quelques babioles. S’y trouvait également un gros livre de contes à la couverture colorée. Éliza devina que c’était lui qui avait attiré l’attention de sa fille.

    Autrefois, elle avait l’habitude d’ouvrir ce livre chaque soir pour leur lire une chronique avant qu’elles aillent au lit. Le temps passant, très occupée, Éliza avait progressivement laissé tomber la lecture, et le bouquin n’avait plus bougé de la table de chevet. Elle ressentit une pointe de culpabilité en comprenant qu’il y avait un bon moment qu’elle n’avait pas pris le temps de profiter d’une soirée avec ses filles.

    Comme si elle avait lu dans ses pensées, Amber saisit le livre. L’ouvrage semblait énorme dans ses petites mains, mais elle ne laissa pas tomber et le transporta jusqu’à sa mère, qui le prit. Le fauteuil à bascule ancien sur lequel elle était installée émit un grincement de protestation quand le poids du gros livre s’ajouta au sien.

    — Voulez-vous nous raconter une histoire ? demanda la petite, au cas où le message n’aurait pas été assez clair.

    Éliza lui lança un regard amusé. Elle avait l’intuition qu’en vieillissant, sa fille, dont les grands yeux noisette étaient sans cesse en quête de trouvailles intéressantes, n’aurait de cesse de découvrir de nouveaux récits. Anaelle suivrait certainement le même schéma, bien qu’elle soit plus rêveuse que curieuse.

    Celle-ci avait entrepris de construire une gigantesque tour avec ses blocs. Comme elle ne réagissait pas à la mention d’une histoire, Éliza conclut que leur échange avait dû lui échapper. À ce moment, l’aînée esquissa un faux mouvement et poussa un cri de colère quand l’objet de sa concentration s’écroula. Comme Éliza allait l’aider à ramasser les blocs, Amber se racla bruyamment la gorge, réclamant son attention.

    — Une histoire, mère ! Je veux une histoire !

    Éliza soupira avant d’acquiescer.

    — D’accord, mais aide d’abord ta sœur à tout ramasser.

    Dans un cri de joie, la petite s’empressa de s’exécuter. Moins de cinq minutes plus tard, les deux enfants étaient blotties dans les couvertures de leur lit respectif et attendaient avec impatience le début du récit. Devant leur hâte, la mère sourit. Il y avait longtemps qu’elle ne leur avait rien raconté et elle comptait bien se surpasser. À la surprise de ses filles, elle remit le livre à sa place sur la table de chevet et revint s’asseoir. Elle avait en tête une histoire parfaite pour les circonstances.

    — Pourquoi avez-vous rangé le livre, mère ? protesta la cadette, effarée.

    — Parce que je n’en aurai pas besoin pour vous raconter l’histoire à laquelle je pense, sourit Éliza, amusée par sa réaction.

    La fillette ouvrit de grands yeux étonnés. Si leur père était très créatif et leur inventait régulièrement de nouvelles histoires, il n’était jamais arrivé que leur mère dédaigne le livre de contes.

    — Alors, vous commencez à raconter ? s’impatienta Anaelle avec un mouvement de la tête qui fit remuer sa chevelure brun chocolat. J’espère au moins que c’en est une nouvelle !

    — Ne t’inquiète pas, ma chérie, je peux te promettre que tu ne l’as jamais entendue.

    L’enfant ne répondit pas, mais Éliza vit une étincelle de satisfaction s’allumer dans son regard. Grâce à cette simple phrase, elle venait de capter son attention pour de bon. Sa sœur, quant à elle, n’avait pas ouvert la bouche, mais Éliza la devinait impatiente d’en apprendre davantage sur cette mystérieuse histoire.

    — Ce soir, vous n’aurez pas droit à un conte, mais au récit de quelque chose qui s’est réellement déroulé, commença-t-elle d’une voix voilée.

    — Pas de magie, alors ? l’interrompit l’aînée, un brin de déception dans la voix.

    — Quand bien même il n’y en aurait pas, je peux t’assurer que tu ne seras pas déçue, répliqua sa mère en lui faisant un clin d’œil.

    Bien qu’elle n’en semblait pas convaincue, la fillette ne protesta plus. Le silence revenu dans la pièce, Éliza s’adossa plus confortablement à son fauteuil et se lança dans son récit d’une voix douce.

    — Autrefois, la majorité des humains n’habitaient pas Maëlstria. Nos ancêtres habitaient la planète Terre, qui était très différente de la nôtre. Comme ici, la faune et la flore y étaient abondantes et la vie, généralement agréable.

    — Que s’est-il passé ? Pourquoi sont-ils partis de leur planète, si tout allait si bien ? questionna Amber, une ombre dans les yeux.

    — Tu le sauras bientôt si tu écoutes un peu, s’amusa Éliza avant de reprendre son récit. Comme je le disais, il y avait beaucoup d’espèces d’animaux, sur la Terre, et beaucoup différaient de celles qu’on retrouve ici.

    — Il y avait des gannas ? intervint cette fois la cadette, avec une pensée pour leur animal domestique.

    — Non, mais il y avait des loups, qui leur ressemblaient beaucoup à la seule différence qu’ils étaient beaucoup plus gros.

    — Et des mnows ?

    — C’était sensiblement la même chose que pour les gannas. Il n’y avait pas de mnows, mais plutôt des chats, qui se différenciaient d’eux par le fait qu’ils étaient domestiqués et que leurs griffes étaient beaucoup moins longues. Ils n’étaient donc pas dangereux.

    — Vous pouvez continuer, maintenant ? implora Anaelle, qui se fichait un peu de ces animaux qui n’existaient plus de toute façon.

    Éliza sourit devant son impatience et s’exécuta.

    — La Terre était une planète beaucoup plus petite que la nôtre et elle était également exposée aux rayons du soleil. C’est une des choses qui a causé sa perte. La grande stupidité des représentants de notre race en a été la seconde raison.

    À ces accusations surprenantes, les yeux de ses deux filles s’écarquillèrent. Depuis leur naissance, on les avait habituées à ne jamais porter de jugement sur des choses ou des personnes qu’elles ne connaissaient pas. Entendre leur mère, qui les avait éduquées en ce sens, violer elle-même ce règlement les choquait.

    Éliza savait que ses affirmations les troubleraient, mais jugeait que le moment était venu pour elles d’affronter cette vérité. D’ici peu, elles feraient leur véritable entrée dans le monde et il deviendrait beaucoup plus difficile de préserver leur innocence. Elles devaient comprendre dès maintenant que si l’intelligence qu’on leur avait donnée était un cadeau, elle pouvait également devenir une malédiction. Éliza espérait que cet enseignement permettrait d’éviter que les nouvelles générations reproduisent les erreurs de leurs prédécesseurs.

    Comme les deux petites se taisaient, Éliza poursuivit son récit.

    — Avant que vous me le demandiez, oui, je parle de stupidité. Je ne veux pas dire que les Terriens étaient des idiots. Seulement, ils ont utilisé leur grande intelligence pour faire des choses assurément stupides. Afin de satisfaire leur soif de pouvoir, ils ont anéanti l’endroit où ils habitaient sans même s’en rendre compte. Quand ils ont compris que ce qu’ils faisaient était mal, ils avaient atteint le point de non-retour. Ils ont tenté de renverser le processus, mais c’était impossible.

    » La température sur Terre se réchauffait inexorablement, de quelques degrés chaque année. Il y a d’abord eu une grande inondation, causée par la fonte des glaciers aux pôles, puis une grande sécheresse à laquelle aucune trace de végétation n’a pu résister. À ce moment, nos ancêtres ont dû se rendre à l’évidence : il fallait trouver une nouvelle planète. Mais où aller ?

    » La situation était désespérée. Des gens mouraient à un rythme de plus en plus soutenu et dans les villes, les gens paniquaient. Des gouvernements se sont effondrés et des nations entières ont disparu.

    — Mais ils ont forcément dû trouver une nouvelle planète, puisque nous sommes ici ! protesta Amber en se redressant à moitié, prise dans le feu du récit.

    L’aînée, elle, ne parlait pas. En contemplant ses yeux gris perle, Éliza put presque voir s’y refléter les images de cette malheureuse histoire. Y apercevoir la famine, les combats et l’anarchie. La petite comprenait.

    — On a envoyé des explorateurs à la recherche d’un nouveau monde où les humains pourraient s’établir. Il a fallu beaucoup de temps pour y arriver, mais après sept longues années de survie difficile, l’heure a été à la fête quand on a annoncé qu’une nouvelle planète habitable avait enfin été trouvée. Alors que tout allait pour le mieux pour la première fois depuis bien longtemps, on a fait une terrible annonce : il n’y avait pas suffisamment de place dans les vaisseaux pour amener tous les humains toujours en vie.

    » Les gouvernements s’étant déjà beaucoup affaiblis, il n’en a pas fallu davantage pour qu’ils perdent complètement l’emprise sur les populations qu’ils avaient à leur charge. Bientôt, en plus des guerres civiles, une guerre mondiale a éclaté. La troisième dans l’histoire de l’humanité. Plusieurs pays étaient lourdement armés et la situation de la planète, déjà lamentable, a sombré encore davantage.

    » Plus courte que les précédentes, la guerre n’a duré que quelques semaines. Tous étaient à court de ressources et d’énergie. En se bousculant, les plus puissants êtres humains de la planète sont montés dans les vaisseaux, ne laissant que mort et destruction derrière eux. Dans le voyage, ils ont apporté quelques races d’animaux faciles à transporter ainsi qu’une minuscule partie de la technologie terrienne. Une nouvelle vie commençait.

    Il y eut un moment de silence. Les deux enfants, leur douillette remontée jusqu’au menton, ouvraient de grands yeux inquiets, captivées par le récit. Aucune n’osa ouvrir la bouche pour savoir si c’était ainsi que le récit se terminait. Il leur semblait qu’il manquait quelque chose et elles ne se trompaient pas.

    Dans les circonstances, le silence d’Éliza avait deux buts. Tout d’abord, ajouter quelques effets à son récit. Ensuite, rassembler toutes les informations dont elle disposait au sujet de cette histoire ancienne que beaucoup avaient oubliée. Le départ de la Terre était un épisode douloureux que de nombreuses personnes ne souhaitaient pas se remémorer. La majorité des Gaïaques (c’était le nom qu’avaient pris les Terriens à leur arrivée sur Maëlstria) préféraient plutôt fuir le souvenir de ces temps difficiles où des milliers d’entre eux avaient perdu la vie. C’était le plus grand échec de l’histoire de l’humanité.

    — Nos ancêtres ont mis le pied sur ce qui s’avérerait plus tard être le royaume du Changement. Ils ont d’abord exploré leur nouveau territoire pendant plusieurs jours avant de remarquer des anomalies. Des objets qui changeaient d’endroit, des traces qui ne leur appartenaient pas. Puis, ils ont enfin découvert la vérité : ils n’étaient pas seuls ! D’autres êtres peuplaient la planète. D’autres humains !

    — D’autres humains ! s’émerveilla la cadette en ouvrant grand les yeux. Mais pourquoi les explorateurs ne les ont-ils pas vus ?

    — Patience, ma chérie, s’amusa Éliza. Tu comprendras tout dans quelques minutes. Sache, du moins, que la présence de ces voisins inattendus a réjoui les Gaïaques, qui ont aussitôt sympathisé. Ils ont appris que cette planète se nommait Maëlstria, et que ceux qui la peuplaient étaient les Espérits. La planète comptait de nombreux royaumes reliés entre eux par des portails, car ils se trouvaient dans différentes dimensions. Aussi, bien qu’ils soient tous très différents du point de vue du climat, de la faune et de la flore, tous les royaumes partageaient la même plage horaire.

    » Quand les Espérits ont refusé d’expliquer aux Gaïaques l’origine de ces étranges portails, les nouveaux arrivants ont entrepris de gagner leur confiance pour en apprendre davantage. En échange de leurs connaissances, ils ont offert aux habitants de Maëlstria de partager les quelques ressources qu’ils avaient apportées de la Terre.

    » Il y en avait peu, puisqu’ils avaient préféré laisser derrière eux la majorité des technologies qu’ils estimaient responsables de leur déchéance. Ils avaient ainsi délaissé les moyens de transport polluants et la majorité des appareils produits à la chaîne dans les usines, qui avaient détruit leur environnement. Dans l’espoir qu’en même temps que leur planète, ils abandonnaient aussi la guerre, les Gaïaques s’étaient aussi débarrassés des armes à feu, ne prenant avec eux que quelques armes blanches. Le contenu de leurs valises se résumait donc surtout à de la médication, des denrées de survie, des vêtements pour s’accoutumer à différents environnements et des outils de base pour les soutenir dans la construction de nouvelles habitations.

    » Les Espérits n’étaient pas intéressés par les babioles qu’on leur proposait. Ils n’éprouvaient pas le besoin de posséder quoi que ce soit provenant d’une autre planète, mais ils ont néanmoins fini par consentir à enseigner aux Gaïaques la façon d’utiliser les portails.

    — Pourquoi n’en voulaient-ils pas ? s’informa Anaelle, les sourcils arqués.

    Elle trouvait étrange que les Espérits refusent l’aide de leurs nouveaux alliés et ne comprenait pas ce qui les motivait.

    — Ils disaient s’estimer déjà heureux avec ce qu’ils avaient, expliqua Éliza. Ces déclarations ont provoqué encore plus de questions chez les Gaïaques. Effectivement, malgré leur échec sur Terre, une terrible soif de pouvoir grondait toujours en eux. Pour cette raison, en comprenant que les Espérits possédaient une technologie qui leur échappait, ils n’ont pu réprimer un besoin irrésistible de savoir de quoi il s’agissait.

    » En premier lieu, ils ont posé des questions. N’obtenant aucune réponse, ils sont allés jusqu’à espionner leurs nouveaux alliés. C’est finalement par un beau soir d’été qu’au royaume des Ténèbres, la vérité a été découverte. Quand ils ont finalement élucidé le mystère, les Gaïaques étaient terrifiés. Les Espérits n’avaient pas menti quand ils avaient affirmé posséder de quoi remplacer la technologie terrienne. Ils étaient magiques. Littéralement.

    — Vous voulez dire magiques comme Ouuuhhh ! Je te transforme en crapaud ? s’exclama Amber, les yeux écarquillés.

    — Pas exactement, s’amusa Éliza. Le pouvoir des Espérits dépendait du royaume où ils se trouvaient. Par exemple, ceux de Lumeyra manipulaient la lumière, ceux de Balaur maîtrisaient de redoutables reptiles ailés, ceux d’Aquarylis pouvaient faire tomber la pluie et provoquer des raz-de-marée et ainsi, les pouvoirs variaient d’un endroit à l’autre.

    — Alors, c’est pour ça que les explorateurs ne savaient pas qu’il y avait d’autres humains ? Ils se sont cachés avec la magie ? comprit Anaelle avec vivacité.

    — C’est pour cette raison, oui, lui confirma sa mère. Les Espérits du royaume du Changement possédaient l’étonnante capacité d’influer sur leur environnement. C’est ainsi qu’ils sont parvenus à préserver leurs cités quand les explorateurs terriens se sont rendus sur Maëlstria. Leurs dons sont toutefois limités, et quand il est apparu que les Gaïaques étaient là pour de bon, ils ont été forcés de révéler leur présence.

    Éliza ne s’était pas leurrée quand elle avait assuré à ses filles que cette histoire serait palpitante. Les deux enfants étaient subjuguées, surtout parce qu’elles savaient que ces évènements s’étaient réellement produits. C’était d’ailleurs précisément ce qui rendait l’histoire si intense. Le fait de découvrir quelles erreurs avaient été celles de leurs ancêtres et quelles en avaient été les conséquences. Avant ce soir, elles n’avaient jamais même entendu parler de la Terre, et Éliza savait pertinemment qu’elles passeraient toutes les deux beaucoup de temps à essayer d’imaginer ce qu’avait pu être la vie là-bas. Tout y était pourtant si différent de sur Maëlstria qu’elle savait d’ores et déjà qu’elles n’y parviendraient pas. Pas réellement.

    — Devant la magie des Espérits, reprit-elle, les Gaïaques ont été terrifiés. C’était la première fois qu’ils avaient une telle chose sous les yeux et ils étaient incapables de comprendre comment ce pouvait être possible. Par contre, cela expliquait le comportement étrange des habitants de Maëlstria, ainsi que la présence de portails dimensionnels, qui n’étaient finalement pas issus de la technologie. À partir du moment où ils ont découvert leur particularité, nos ancêtres ne voulaient plus rien avoir à faire avec les Espérits. Ils refusaient d’être comme ces… monstres qui se jouaient des lois de la nature comme bon leur semblait. C’était impossible. Tout à coup, ceux qu’ils avaient considérés comme de précieux alliés s’étaient métamorphosés en créatures du mal, des créatures sans foi ni loi qu’il leur fallait bannir. Il fallait se débarrasser de ce fléau.

    — Mais, c’est horrible…, murmura la plus jeune, choquée.

    — Tout d’abord, les Gaïaques ont tenté d’oublier jusqu’à l’existence même des Espérits. Cependant, la crainte les ayant rendus paranoïaques, ils n’ont pas tardé à abandonner cette tactique pour plutôt éradiquer sans scrupules le peuple qui les avait accueillis. Peu ont survécu au carnage. Les tribus rescapées ont dû se recueillir dans des territoires peu fertiles. C’était une décision difficile à prendre, mais avaient-ils réellement d’autres choix ?

    » À l’issue du massacre, il y a eu une grande assemblée réunissant tous les Gaïaques. Cette rencontre avait pour but de remodeler Maëlstria selon leurs désirs.

    » On voulait éviter à tout prix que cette nouvelle planète subisse le même sort que la première. Avant d’entreprendre leur installation, ils ont promu l’importance de n’utiliser que de l’énergie verte. Nos ancêtres ont également convenu d’adopter une langue universelle, de façon à pouvoir converser plus facilement qu’au temps de la Terre. Comme on souhaitait oublier l’existence de la magie, il a été décidé que l’utilisation des portails serait limitée au maximum, sans pour autant être proscrite.

    » Les Gaïaques, qui s’étaient répartis dans les différents royaumes, ont pris la tête de la planète. Les monarchies sont revenues en force, les chefs des plus grandes sociétés obtenant le titre de rois. On a également constitué le premier grand Conseil, qui regroupait alors une trentaine de dignitaires provenant de différentes souches. À l’inverse des familles royales, qui avaient pour tâche de régenter les ressources internes des royaumes, le Conseil devrait gérer les problématiques internationales. Travaillant de pair, les deux associations assureraient la prospérité de la race dans ce nouveau départ.

    » Sous la direction du roi Frederick et de la reine Sylvia Davis, notre contrée a été la première à abandonner tous gestes barbares à l’égard des Espérits, et nous pouvons en être fiers. Notre royaume compte donc plusieurs villages espérits encore aujourd’hui, à l’opposé par exemple de Tenebrae, où ils ont été totalement exterminés.

    » À la suite de la division de la population dans les différents royaumes, on a entrepris de les classer par ordre de puissance. Lumeyra, le royaume de la Lumière, a été placé à la tête de tous étant donné l’intégrité de ses dirigeants et le nombre de ses habitants. Un facteur qui a également été pris en compte est le fait que de nombreux Espérits lumériens, dont la puissance était de notoriété publique, s’y trouvaient toujours.

    Son histoire enfin terminée, Éliza attendit d’être assaillie par les nombreuses questions qui devaient voler dans la tête de ses filles. Pourtant, ni l’une ni l’autre n’ouvrit la bouche, toutes deux plongées dans leurs pensées. Éliza aurait bien aimé connaître leur état d’esprit, mais n’osa pas les brusquer. Elle se releva donc calmement, et après leur avoir souhaité une bonne nuit, elle quitta la pièce aux murs jaune et crème, sachant que, raisonnables, les deux fillettes discuteraient un peu de ce qu’elles venaient d’entendre et s’installeraient bien vite pour la nuit.

    Malgré leur jeune âge, elles étaient très matures. En ce point, Éliza et son mari n’avaient aucune raison de se plaindre, bien au contraire. C’était l’une des nombreuses qualités qui leur seraient indispensables pour diriger le royaume, d’ici quelques années.

    Effectivement, la famille d’Éliza n’était pas ordinaire. Domeka, son mari, était le roi du royaume de la Lumière. Elle-même en était la reine.

    En se rendant à sa chambre, la femme croisa quelques serviteurs qui la saluèrent chaleureusement. Lorsqu’elle pénétra dans la pièce aux murs vert clair et aux boiseries abondantes, elle constata que son mari ne dormait toujours pas, bien que la fatigue se lisait sur son visage. Une fois changée, elle s’installa à ses côtés dans le grand lit moelleux qu’était le leur et déposa un baiser sur ses lèvres.

    — Tu as été longue à revenir, déclara doucement Domeka. Tu ne devrais pas garder les enfants éveillées aussi tard.

    — Je leur ai raconté une histoire et je n’ai pas vu le temps passer, souffla-t-elle.

    — Laquelle ? La nuit éternelle ? Je sais qu’elles l’aiment beaucoup.

    — Non, elles voulaient entendre quelque chose de nouveau, alors j’ai pensé que je pourrais leur parler de la Terre.

    Domeka se crispa. À peine, mais elle perçut tout de même le changement.

    — Déjà ? s’étonna-t-il. Tu crois réellement qu’à leur âge, elles étaient prêtes à être confrontées à la réalité de la guerre ?

    — Je n’ai pas beaucoup développé le sujet du massacre des Espérits, le rassura-t-elle d’un ton doux. J’ai insisté sur le fait que notre royaume avait été le premier à les accepter, et que c’était très bien ainsi. Tu sais aussi bien que moi qu’elles seront mêlées à ces histoires avant d’être en âge, alors je préfère commencer dès maintenant à les y préparer. Le bal se tiendra dans quelques semaines à peine.

    Il lui était difficile d’expliquer à son mari qu’elle voyait en ses deux filles un grand potentiel, la capacité de changer le monde. Elle soupira en songeant que tous les parents partageaient cette certitude, tel un espoir de grandeur pour leurs rejetons.

    Puisqu’elle n’avait que 30 ans, diriger le royaume avec Domeka devenait parfois une charge écrasante. Elle n’aimait pas du tout de se faire appeler Votre Majesté alors qu’elle avait encore l’impression de ne rien connaître à la vie. Dans sa jeunesse, elle rêvait de découvrir le monde, de visiter les autres royaumes. Tout ce qu’elle en avait vu, après être devenue reine, c’était des palais et des ambassades.

    Elle était mère de deux enfants, mais avait constamment l’impression de mal s’y prendre. Personne ne lui avait enseigné ce qu’elle devait leur apprendre ou ce qu’elle devait leur laisser découvrir par elles-mêmes. Elle avançait les yeux fermés avec la certitude qu’elle finirait par se perdre dans ce monde immense.

    Personne ne devrait avoir à vivre une telle chose. Son avenir était encore plus incertain que celui des citoyens de son royaume. Qui savait combien de temps ses filles pourraient compter sur elle ? Ses propres parents avaient été assassinés lâchement quelques années plus tôt. Ce genre de chose arrivait souvent, dans la monarchie.

    En dépit des épreuves qu’ils avaient rencontrées, les êtres humains n’avaient jamais cessé de se sentir menacés les uns par les autres. Aussi, dès qu’ils avaient été répartis dans les 17 royaumes, ils avaient recommencé à s’entre-tuer, désirant obtenir le plus haut statut possible.

    En politique comme ailleurs, on était soit l’attaquant, soit l’attaqué. Comme Éliza et Domeka étaient principalement pacifiques, ils jouaient généralement le deuxième rôle. Heureusement, leurs gardes étaient efficaces et jusqu’à présent, ils s’en étaient tirés à assez bon compte. Cependant, qui savait combien de temps encore ils auraient cette chance ?

    Au cas où elle serait appelée à disparaître soudainement, Éliza jugeait qu’il était de son devoir d’enseigner autant de choses que possible à ses enfants.

    Cependant, elle savait bien que peu importe ce qu’elle dirait ou ferait, seul le temps permettrait de découvrir comment les deux princesses pourraient vivre leur vie. Serait-ce dans la paix et la sérénité, ou dans une guerre éternelle ?

    CHAPITRE

    1

    Dans la tour est du palais royal de Solembia, Anaelle Davis ouvrit soudainement les yeux. La sonnerie de son réveille-matin résonnait dans la pièce d’une façon dérangeante et elle l’arrêta. Ignorant la fatigue qui l’habitait toujours, elle se força à poser les pieds sur le sol à côté du lit. Elle prit ensuite quelques minutes pour s’étirer, se préparant à passer aux choses sérieuses.

    À l’extérieur, le soleil était tout juste levé, mais ses rayons commençaient déjà à réchauffer la pièce. Parfait. À cette heure, les serviteurs étaient encore occupés à préparer le petit-déjeuner à la cuisine et ne risquaient donc pas de remarquer sa disparition avant qu’elle soit suffisamment loin pour qu’on ne la retrouve pas.

    Comme c’était le cas pour chacune de ses fugues, Anaelle ne comptait pas s’aventurer bien loin. Elle avait besoin de s’échapper un peu, aujourd’hui plus que les autres jours. Son cœur se serra lorsqu’elle se rappela ce qui la motivait à s’éloigner ainsi, mais elle se reprit rapidement et engagea ses préparatifs.

    Le soir précédent, pendant le repas, elle avait discrètement dissimulé quelques morceaux de pain frais et de fromage dans une serviette et les avait rapportés à sa chambre. Elle les sortit de leur cachette pour les transférer dans son sac à dos, où se trouvaient déjà un imperméable, une boussole (au cas où), et quelques babioles. Après avoir confirmé qu’elle avait tout, la princesse s’efforça d’écrire un message à sa mère. Elle espérait, sans vraiment y croire, parvenir à lui faire comprendre qu’il n’était pas nécessaire de la chercher puisqu’elle comptait être de retour avant la fin de la journée. Ce n’était donc pas la peine de faire un cas de son absence.

    Ses préparatifs terminés, Anaelle se changea. Son but étant de se fondre dans la foule de Solembia, elle mit les vêtements les plus banals de sa garde-robe : un sweat gris foncé à capuchon et un jean noir. Elle attacha ensuite ses cheveux bruns en une longue queue de cheval, dégageant ses yeux gris perle à l’éclat argenté. Fin prête, elle contempla son reflet dans le miroir pendant quelques secondes avant de se déclarer satisfaite.

    Veillant à ne pas faire trop de bruit, Anaelle entreprit de déplacer sa coiffeuse. Elle ne tenait pas à ce qu’un serviteur curieux remarque quelque chose et vienne voir ce qu’elle fabriquait. L’opération lui sembla durer une éternité, mais centimètre après centimètre, elle parvint à son objectif : la zone ainsi dégagée, elle put sans difficulté soulever l’une des lattes du plancher, libérant un espace creux duquel elle retira ce qui ressemblait à un amas de vêtements. Il n’en était rien. Enfin, oui, il s’agissait bel et bien de vêtements, mais ils n’avaient plus la fonction d’habiller les gens.

    Princesse héritière du plus grand royaume de Maëlstria, Anaelle menait depuis toujours une existence dirigée. Tout le monde cherchait à décider pour elle comment coiffer ses cheveux, quels vêtements porter et parfois, on poussait même jusqu’à lui dire à qui elle devait sourire. Elle détestait vivre ainsi.

    Ce qui la dérangeait plus encore, c’était de n’être jamais vraiment seule, même si les choses s’étaient un peu calmées les années passant. Alors qu’autrefois elle ne pouvait pratiquement pas quitter le palais sans être accompagnée d’une dizaine de gardes, elle était parvenue, au terme d’un nombre d’efforts inimaginable, à négocier un accord avec sa mère. Gabriel, un garde avec qui elle s’était liée d’amitié des années plus tôt, était ainsi devenu son unique garde du corps attitré. Elle l’appréciait beaucoup, certes, et c’était en partie grâce à son amitié qu’elle parvenait à tenir le coup, mais quelquefois, elle aurait aimé pouvoir profiter d’un petit moment juste à elle. Sans surveillance.

    Pourtant, ces mesures n’avaient pas été établies pour rien. Les dernières années avaient été mouvementées et plus d’un attentat avait secoué la famille royale de Lumeyra. Si la plupart des assassins avaient été réprimés par une garde royale très efficace, trois ans auparavant, l’un d’eux avait fini par atteindre son objectif, et Domeka Davis, le père d’Anaelle, avait trouvé la mort dans un empoisonnement.

    De nombreuses enquêtes avaient fait suite au tragique évènement. Malheureusement, il était à ce jour demeuré impossible de découvrir le commanditaire cette attaque. On soupçonnait toutefois l’assassin d’être originaire du royaume des Ténèbres, dont le dirigeant était réputé pour son ambition d’accéder à la position de Premier royaume. Faute de preuve, il était pourtant demeuré impossible d’obtenir un jugement du grand Conseil, qui ne disposait pas d’une autorité suffisante pour mener l’enquête au sein des familles royales.

    Le résultat de ce drame était qu’Éliza, la mère d’Anaelle, déjà très protectrice à son égard, l’était devenue encore davantage. À plus d’une occasion, l’adolescente avait remarqué qu’elle était discrètement suivie par plusieurs soldats de la garde personnelle de la reine. Au début, elle n’avait pas raillé. Aussi irritante que puisse être la tendance d’Éliza à vouloir diriger sa vie, elle ne cherchait qu’à la protéger. Pendant un long moment, Anaelle avait donc continué à faire comme si elle n’avait rien remarqué.

    Son enfance mouvementée l’avait rendue beaucoup plus mûre que ses 15 ans le suggéraient, ce qui expliquait ses efforts pour se plier aux désirs de sa mère. Au bout du compte, elle en ressortait avec la certitude que la vie de palais n’était pas faite pour elle. Sa petite sœur jouait son rôle avec beaucoup plus d’efficacité qu’elle, prenant plaisir à apprendre la politique et à se mêler aux nobles. Amber était une parfaite petite princesse.

    Anaelle rêvait seulement de s’évader pour se mêler aux citoyens ordinaires. Son premier acte de rébellion avait toutefois attendu jusqu’à l’année précédente. À ce moment, sans plus se soucier de ce qu’on exigeait d’elle, la princesse avait insisté pour qu’on lui obtienne des vêtements ordinaires au lieu des robes très habillées dont elle héritait ordinairement, puis avait commencé à refuser catégoriquement de porter quelque parure que ce soit.

    Quand sa mère avait voulu intervenir, lui signifiant que ce n’était pas ainsi que devait agir une dame de la cour, Anaelle avait cédé à la frustration qui montait en elle depuis plusieurs années. En levant le ton plus que nécessaire, elle lui avait fait remarquer que personne ne semblait se soucier de ce qu’elle désirait et qu’elle en avait plus qu’assez. Éliza lui avait répondu sur le même ton qu’être une princesse était une obligation, pas un choix. Elle était née pour servir le peuple, que son rôle lui plaise ou non.

    Mère et fille avaient longuement débattu afin de définir une limite entre les droits et les devoirs de la princesse insoumise. Après maints cris de colère, Anaelle avait donc finalement reçu l’autorisation de s’habiller comme elle le désirait en dehors des évènements officiels et avait également négocié le droit de sortir à l’occasion pour passer du temps en ville avec sa meilleure amie, Karina, à condition qu’elles soient accompagnées d’un garde.

    D’abord satisfaite de ce qu’elle avait obtenu, elle avait bavé de jalousie quand Karina avait commencé à lui parler de la rentrée scolaire qui l’attendait. Confinée au château depuis toujours, Anaelle n’avait jamais eu la chance de côtoyer les jeunes de son âge et avait jugé que le moment était venu pour elle de se mêler à la société.

    La première fois qu’Anaelle avait formulé sa demande d’être inscrite au pensionnat de Solembia, Éliza avait été catégorique : sa fille était une princesse, elle se devait donc d’être éduquée au palais et non pas à l’école. Cependant, non contente d’être une princesse, elle était aussi particulièrement persistante. À force de récidive et d’argumentation, elle était venue à bout des réticences de sa mère. Deux mois plus tôt, Anaelle avait ainsi commencé les cours en compagnie de Karina à la seule condition qu’elle rentre régulièrement au palais.

    Prenant plaisir à la liberté dont elle jouissait enfin, Anaelle se sentait d’autant plus déprimée quand elle rentrait au palais. Les conseillers profitaient de ses jours de congé pour lui bourrer le crâne de discours politiques à un tel point qu’elle manquait parfois de temps pour faire ses devoirs. Exaspérée, elle avait fini par faire sa première fugue.

    Environ deux semaines après le début des cours, Anaelle avait confectionné le dispositif qui lui permettrait de sortir un peu. Extirpant de son placard tous les vêtements dont elle n’avait plus besoin, elle s’en était servi pour fabriquer une longue échelle de tissu, qu’elle avait ensuite dissimulée sous les lattes de son plancher en attendant l’occasion de s’en servir.

    L’étape suivante avait été de se rendre au centre-ville pendant l’une de ses heures de déjeuner. Après s’être assurée que personne ne la suivait, elle avait déniché une boutique où elle avait acheté deux robustes crochets. Le soir même, de retour au palais, elle les avait fixés solidement sous la fenêtre de sa chambre. Le dispositif avait pourtant dû attendre près d’un mois avant d’avoir l’occasion de se rendre utile.

    Cette occasion s’était présentée en plein samedi soir. Le repas avec sa mère et sa sœur avait été particulièrement tendu, et Anaelle avait ressenti un besoin pressant de s’échapper. De retour dans sa chambre, elle avait sorti son échelle, l’avait attachée aux crochets et, après avoir vérifié la solidité de l’ensemble, avait quitté les lieux.

    Elle n’était pas allée loin. Le soleil était couché et bien qu’elle était un peu rebelle, Anaelle n’était pas pour autant dénuée d’intelligence. Elle s’était contentée de se rendre aux abords de la

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