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Sacrées voies du Seigneur !
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Livre électronique146 pages1 heure

Sacrées voies du Seigneur !

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À propos de ce livre électronique

La famille Brunet est-elle victime d’une malédiction ?
Agathe va-t-elle mourir elle aussi ?
Une ancienne amie de la famille, Marie Dupuis, surnommée L’Araignée par ses élèves, tentera de mettre la jeune fille en garde en lui révélant les secrets et les drames successifs que sa famille a vécu mais qu'Agathe ignore...
LangueFrançais
Date de sortie7 oct. 2016
ISBN9782312048314
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    Aperçu du livre

    Sacrées voies du Seigneur ! - Arlette Lameyre

    LIRE !

    Mercredi 19 avril 1978

    Extrait du journal d’Agathe Brunet

    Aujourd’hui j’ai 17 ans mais je n’ai pas voulu de festivités pour l’occasion. Maman m’a demandé ce qui me ferait plaisir et j’ai suggéré un voyage en Corse en tête à tête avec elle. Elle m’a observée, étonnée, et a répondu « Très bonne idée. »

    Il y a un an, pour mes 16 ans, c’était une fête super-sympa : les parents m’avaient abandonné la maison et j’avais invité tous mes copains. Je me souviens de chaque instant mais surtout de mon bonheur et de mon insouciance.

    C’était sans compter sur l’Araignée, notre prof d’anglais. Personne ne l’aime, elle fait peur : toujours de noir vêtu, un teint très blanc, une maigreur maladive (elle serait, paraît-il, anorexique) avec ses bras et ses jambes qui se répandent, s’étalent, s’agitent comme si elle allait nous emprisonner dans sa toile. Pourtant elle a des yeux magnifiquement verts mais même ces yeux-là nous foutent la trouille (ils doivent être phosphorescents la nuit !). Bien entendu elle n’était pas invitée à la fête de mon anniversaire mais m’avait demandé de passer la voir le lendemain. J’étais très étonnée. Un cadeau ? Pour un cadeau, c’en fut un tout pourri. Je me suis donc rendue chez elle pour apprendre, ô surprise, qu’elle avait des révélations à me faire sur ma famille. De quel droit ? Il paraît qu’elle l’avait beaucoup fréquentée jadis.

    J’ai freiné des quatre fers, je ne voulais pas entendre ses commérages. Mais cette peau de vache d’Araignée est rusée et, n’ayant pas pu jeter son venin oralement, elle a écrit ce qu’elle a nommé pompeusement « Histoire d’Anna Brunet-Gugliani et de sa famille » c’est-à-dire ma mère, Anna, et ma famille, les Brunet. Elle m’a expédié le document par la poste ; je ne l’ai pas déchiré et puis, curiosité oblige je l’ai lu, relu et rerelu. Ce n’étaient que quelques feuillets qui narraient froidement la destinée de personnes que je n’ai, pour la plupart, pas connues, me dévoilant ainsi des secrets soigneusement cachés par mes parents. Cette femme a parasité ma famille durant des années, l’a étudiée, surveillée, espionnée puis elle a tissé sa toile et m’a emprisonnée dans sa vérité. Mais était-ce vraiment LA vérité ou un tissu de mensonges ? Que faire d’autre que tenter d’enquêter moi-même.

    Un passage m’a intrigué dans le récit de l’Araignée, celui ou elle parle d’une photographie de mon père Philippe en Corse au moment de sa rencontre avec ma mère Anna. Une photo ? Je n’en ai jamais vu aucune dans cette maison à l’exception des deux qui trônent sur la commode de la chambre des parents : leur mariage et tante Angelina jeune, d’une beauté à couper le souffle. Alors j’ai cherché. Pour la première fois de ma vie je suis allée fouiller dans la chambre des parents. Jamais je n’aurais commis une telle indiscrétion avant ça. Et j’ai trouvé : une petite valise noire tout en bas de la penderie. Pas même fermée à clef. Tout y était. Les albums photos, les actes de naissance et de décès, le livret de famille, les médailles militaires de Pierre…

    J’ai dû me rendre à l’évidence : le récit de l’Araignée est vrai.

    Aujourd’hui j’ai 17 ans et j’ai décidé de tuer maman.

    Histoire d’Anna Brunet-Gugliani et de sa famille

    Agathe, si je commence le récit par tes ancêtres que tu connais mal ou même peut-être pas du tout, c’est pour que tu comprennes l’enchaînement et le rôle de chacun dans cette histoire. D’abord ta famille maternelle, les grands-parents d’Anna.

    Les Bartolomeo étaient, au xixe siècle, des armateurs Toscans à la tête d’une flotte de bateaux à vapeur assurant un service maritime entre l’Italie et la Corse. Ils vivaient à Gênes mais possédaient sur l’île une propriété où la famille séjournait durant l’été.

    À 47 ans, Sophia, l’épouse de ton grand-père Alessandro Bartolomeo, meurt en laissant un veuf avec quatre enfants. Ton ancêtre est accablé de chagrin, désemparé, incapable d’assumer les responsabilités de chef d’entreprise et de père de famille. Il charge Angelina, sa fille aînée, alors âgée de 18 ans, de s’occuper de l’intendance. Ses frères et sœur, Luciano, Sergio et Maria se laisseront conduire par celle qui s’est installée, de gré ou de force, aux commandes.

    Face à la concurrence française, le lent déclin de l’agence maritime Bartolomeo s’amorce, bientôt aggravé par des querelles familiales entre Alessandro le patriarche, et ses deux fils, qui lui reprochent sa gestion désastreuse de la compagnie. Il est vrai que le vieil homme supporte mal son veuvage. Las, au lendemain de la Première Guerre mondiale, il abandonne la gestion de sa société à ses fils, Luciano et Sergio, et se retire définitivement en Balagne avec ses filles Angelina et Maria, sa cadette de dix ans.

    La grande bâtisse des Bartolomeo est imposante ; couronnant un piton rocheux elle domine le village balanin situé à quelques kilomètres d’Île Rousse. Depuis des années la famille Bartolomeo passe ses vacances d’été dans ce hameau et les jeunes filles ont été adoptées par les villageois qui apprécient leur courtoisie et leur serviabilité. Et puis l’Italie n’est-elle pas cousine de la Corse ? Bastia fut même une ville génoise avant que l’île ne soit vendue au Royaume de France.

    La Première Guerre mondiale fit beaucoup de ravages et les hommes payèrent un lourd tribut : ceux qui n’étaient pas morts au combat, ou invalides, demeurèrent sur le continent contribuant au dépeuplement de l’île. Les terres furent abandonnées, le chanvre, le lin et les céréales n’étaient plus cultivés, la vigne se mourait de phylloxera. Restaient les oliveraies et les châtaigneraies mais, faute de bras, les arbres furent peu ou mal entretenus et les fruits non cueillis.

    Malgré cette absence d’hommes Maria Bartolomeo, la benjamine, n’eut pas à chercher très loin son futur époux : il résidait dans son village (je crois savoir qu’elle était un peu plus âgée que lui) et il était sans doute trop jeune au début de la guerre pour être mobilisé ; Antoine Gugliani et elle s’unirent sans attendre. Sans doute était-elle déjà enceinte.

    Sur lui je ne sais pas grand-chose en dehors du fait que son père tenait l’unique café du village.

    Les Corses abandonnent leur île. Presque toujours. Ils ont le choix entre deux options, c’est ce que soutient la rumeur populaire : gendarme ou voleur. Antoine avait le goût des armes, c’était un marcheur infatigable et un patriote, il aurait pu être brigand ; il se laissa pousser la moustache et opta pour la gendarmerie. Oui, à l’époque le port de la moustache était obligatoire pour être gendarme, il paraît que cela leur donnait une certaine autorité.

    Je suppose que c’est le mariage qui poussa le jeune homme à s’engager dans la force publique. Les conditions de vie d’un auxiliaire de gendarmerie étaient plutôt misérables à l’époque ; le salaire était quatre fois moins élevé que celui d’un ouvrier qualifié mais d’autres avantages avaient convaincu Antoine d’opter pour cette profession : la gratuité des soins, des permissions régulières, la retraite à cinquante-cinq ans.

    De cette union naquit, le 2 mars 1919, dans la maison familiale des Bartolomeo, Anna Gugliani, future Anna Brunet. Antoine, son père, regagna sa caserne et sa mère Maria s’abandonna, comme elle l’avait toujours fait, à la bienveillance de sa sœur Angelina.

    Le soir du 31 mars 1919, la jeune accouchée étant souffrante, son nourrisson fut confié pour la nuit à la garde de sa tante Angelina. Quant à la malade, on lui prépara un lait de poule sucré au miel, chaud et mousseux et elle s’endormit calmement pour ne jamais se réveiller, le poêle de sa chambre ayant dégagé un gaz mortel. « Le monoxyde de carbone a fait une victime en Balagne » c’est sous ce titre que la presse locale relata l’événement. Lorsqu’Antoine Gugliani racontait l’accident, il concluait ainsi : « ma pauvre femme aurait fêté ses 20 ans le lendemain, le premier avril… et si j’avais eu à choisir j’aurais préféré que ce soit la petite qui y passe… des enfants on peut toujours en faire d’autres, mais une épouse comme Maria… ». Antoine ne se remaria jamais.

    Voilà, c’est le premier mort dans la vie d’Anna, âgée alors d’un mois. Le premier d’une longue série où aucune victime n’atteindra sa vingtième année.

    À 30 ans, Angelina eut en charge son père veuf et sa nièce orpheline. Elle gardait un souvenir douloureux des vêtements de deuil qu’elle avait porté après la mort de sa mère, une année durant ; elle détestait cette couleur qui lui rappelait sans cesse qu’on ne devait pas rire, qu’il fallait parler bas, que le rouge à lèvres était prohibé. Elle ne souhaitait pas élever Anna dans la tristesse de cette couleur de mort : le blanc serait plus approprié pour s’occuper d’un nourrisson. Je l’ai toujours vue vêtue ainsi, cela ajoutait à son charme naturel, lui conférait une certaine classe et les inconnus qu’elle croisait la désignaient comme « la dame en blanc ». En conséquence Anna fut élevée par sa tante Angelina (Tantange) jusqu’au jour où son père décida qu’il était temps qu’elle suive une éducation scolaire plus rigoureuse.

    Deux tempos rythmèrent l’enfance d’Anna, l’un doux et tendre, celui passé auprès de sa tante durant les six premières années de sa vie puis ponctué par les vacances scolaires les douze années suivantes ; l’autre imprégné de froideur et de discipline, temps lui semblant s’écouler trop lentement, entre son père et les pensionnats auxquels il la confiait en fonction de ses affectations.

    Si je me réfère à la brochure d’un collège de jeunes filles où séjournèrent Anna et ma mère (Geneviève de Breuil épouse Dupuis) dans les années trente, je ne peux que déplorer l’éducation qu’elles y reçurent en lisant ce postulat : « La jeune fille, futur pivot de la famille, a le sens

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