Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

CE MATIN-LÀ
CE MATIN-LÀ
CE MATIN-LÀ
Livre électronique126 pages1 heure

CE MATIN-LÀ

Évaluation : 5 sur 5 étoiles

5/5

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Ce matin-là est l’histoire dramatique de Matt. Entre une famille d’accueil froide et distante, une mère toxicomane, des cours ennuyants et des jeunes intimidateurs, Matt est tourmenté et malheureux. Il essaie de s’exprimer, mais n’y arrive pas. Sa souffrance reste cachée au fond de lui. Heureusement, Julia est là pour panser un peu ses blessures.  

Un matin, en sortant de l’autobus scolaire, Matt fera un choix qui bouleversera sa vie et celle des élèves de son école. Des pensées sombres tournoient dans sa tête et des montagnes russes d’émotions prennent toute la place dans son cœur. Matt réussit malgré tout à élaborer un plan. Un très mauvais plan qui restera gravé pour longtemps dans la mémoire de sa polyvalente sans histoire. Et si ce matin-là était son dernier ?
LangueFrançais
Date de sortie23 janv. 2023
ISBN9782897757267
CE MATIN-LÀ

Auteurs associés

Lié à CE MATIN-LÀ

Livres électroniques liés

Fiction générale pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur CE MATIN-LÀ

Évaluation : 5 sur 5 étoiles
5/5

1 notation1 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

  • Évaluation : 5 sur 5 étoiles
    5/5
    Wow! La fin est percutante! J’ai adoré le langage ado de l’autrice.

Aperçu du livre

CE MATIN-LÀ - Sonia Sévigny

-1-

Quelques gouttes dans l’océan

Matt

Je m’appelle Matt, j’ai seize ans et je suis en secondaire trois. J’ai doublé mon secondaire un.

Je suis un enfant de la DPJ¹. J’ai vécu avec les Cadieux, les Godbout et les Thériault. Maintenant, j’habite chez les Gélinas. C’est correct avec eux. Ils sont plates et ils me tombent sur les nerfs, mais au moins, ils me disent pas de lâcher mon cellulaire. Bref, j’ai la paix, même si c’est pas tous les jours le fun de vivre avec des gens que je connais pas vraiment.

Quand j’avais dix ans, un matin que j’écoutais mon émission à la télévision, la dame d’à côté a aperçu mes parents ou mon père pis son ami, je sais plus trop, qui étaient penchés au-dessus de la table du salon de notre appartement. Ils sniffaient de la coke. La porte d’entrée de notre loyer était ouverte. Madame Poitras – c’était notre voisine – a appelé la DPJ.

C’est là que ma vie a basculé.

C’est pas l’idéal d’avoir des parents toxicomanes. En même temps, je m’en rendais pas vraiment compte. L’intervenante m’a dit que les fréquentations de mes parents et leur consommation de drogue leur permettaient pas de bien me nourrir et de s’occuper de moi, qu’il vaudrait mieux que j’aille vivre ailleurs et tout le baratin qu’on peut lancer à un pauvre gamin. Mes parents sont tous les deux enfants uniques, alors j’ai pas eu la chance d’aller chez une tante célibataire cool qui habite le centre-ville. À la place, j’ai été envoyé en famille d’accueil.

Cette journée-là, j’ai pris ma petite valise et j’ai retenu mes larmes pour pas faire pleurer ma mère. Je préférais la voir sourire, parce qu’il a toujours été merveilleux, son sourire. Il réchauffait la pièce dans laquelle je me trouvais. Mais malgré mes efforts, des rivières salées se sont formées sur ses joues. Mon père, lui, était absent quand je suis parti avec la DPJ. J’ai jamais été doué avec les mots. J’ai rien dit et je suis parti.

Je sais pas pourquoi on m’a autant fait déménager. Je suis pas très habile socialement, mais je dérange pas trop non plus. Je vis beaucoup dans ma tête. Je pense que c’est une question de budget ou d’administration, tous ces changements de familles. Je comprends pas tout et c’est pas grave. Pour l’instant, j’habite chez Pauline et Pierre Gélinas. Ils sont plus vieux que la majorité des parents d’ados, c’est certain. On s’en doute un peu quand on se rappelle l’histoire du Québec : quelque part avant 1981, les femmes changeaient de nom de famille pour celui de leur conjoint quand elles se mariaient. Pauline et Pierre Gélinas. C’est évident qu’ils sont ensemble depuis des lunes et qu’ils sont ben plus des grands-parents que des parents.

À mon arrivée au secondaire, on m’a placé dans un programme spécial parce qu’en sixième année, la prof a trouvé que je réagissais pas rapidement et que ma réflexion était lente. Je lui avais jamais dit que ses problèmes de maths et ses participes passés, je les comprenais, mais que j’en avais rien à foutre. Je me taisais. Quand elle insistait, je finissais par répondre que je comprenais pas bien et que je devais réfléchir plus longtemps. Mes résultats scolaires en souffraient, évidemment. J’avais pas envie de faire des efforts et, encore aujourd’hui, je vois pas l’intérêt de tous ces cours. On dit de moi que je suis un « passif-agressif ». J’ai cherché sur Internet pour comprendre ce que c’est. En gros, c’est quand les gens refusent de se soumettre, mais sans le dire clairement. Ouais, c’est bien moi, ça. Une vraie grosse tête de cochon.

Ces jours-ci, je me sens frustré. J’ai pas beaucoup de nouvelles de ma mère biologique depuis qu’on s’est quittés. Je la visite quelques heures une fois par mois avec une intervenante depuis deux ans, pis c’est tout. « Des visites supervisées », une journée aux quatre semaines. C’est pas là qu’on va se faire des confidences. Elle est pas encore super stable mentalement, alors je suis pas retourné chez elle. Mon père, lui ? Pfff ! Je l’ai pas vu depuis des lustres et il est pas important pour moi. C’est ma mère qui a toujours été là quand j’étais petit. C’est ma mère qui fait des efforts pour reprendre la bonne voie et me faire revenir à la maison.

Mon intervenante a deviné un peu mes émotions sans que je lui en parle. Elle m’a dit que c’était normal de ressentir de la tristesse ou de la frustration et que je dois pas m’en faire. Que c’est déjà bien de pouvoir voir sa mère une fois par mois. Elle me répète aussi qu’il faudrait que j’occupe mon temps, que je me trouve une passion. J’aime bien la guitare, mais Pauline et Pierre trippent pas quand y a trop de bruit dans la maison, alors j’en joue pas, pour pas les embêter. Je voudrais pas qu’ils se lassent de moi, eux autres aussi. Je suis tanné de changer de chambre. Je veux que ça arrête. Mais je m’évade quand même dès que j’en ai l’occasion, grâce à la musique que j’aime et que je fais jouer fort dans mes écouteurs. Ça me soulage du quotidien.

L’autre soir, comme ça, pendant le souper, Pierre m’a posé une question. À mon avis, il devait répondre au questionnaire « Connaissez-vous votre ado ? » de la DPJ, sinon, je vois pas pourquoi il se serait soudainement intéressé à moi de même.

— Pis toi, Matt, ça te dirait de jouer d’un instrument de musique ?

— Ouais, que j’ai répondu entre deux bouchées de patates frites.

— Ah oui ? Lequel ?

— La guitare.

— Oh ! s’est exclamée Pauline en unissant ses mains devant sa poitrine. La guitare est un si bel instrument ! Il y a tellement de belles pièces instrumentales à la guitare. La classique, c’est la meilleure !

Pauline semble toujours heureuse. Elle est du genre à s’émerveiller devant une fleur qui a poussé dans un des bacs de la cour, à l’arrière de la maison. Du genre à clamer qu’il faut avoir le bonheur facile, de profiter de chaque moment, que le présent est un cadeau, pis d’autres phrases quétaines de connexion avec la nature sans WiFi… Elle est abonnée à Pinterest sous la section Pensées du jour, c’est certain.

Moi, ça M’ÉNARVE ! Un rayon de soleil qui t’éblouit la face à temps plein, ça gosse. En plus, elle parle en chantant et elle met souvent l’emphase sur ses siiii et ses Oh ! mon Dieu ! en posant sa main sur son cœur. Elle est siiii expressive que je la trouve pas trop sincère. Autant d’enthousiasme, ça cache forcément quelque chose.

— Claude Debussy² a composé des pièces qui sont grandioses, magnifiques ! J’ai entendu une version de Clair de lune à la guitare, c’était F-A-B-U-L-E-U-X ! T’aimerais ça en écouter, Matt ?

Claude Debu quelque chose… Je suis même pas allé voir qui c’est sur le Net après le souper. J’ai aucun intérêt. La lune ! Ils peuvent être niaiseux, des fois, Pauline et Pierre. Moi, c’est le grunge et du rock alternatif que j’aime, comme Nirvana et les Red Hot Chili Pepper. Ils sont écœurants ! Kurt Cobain, le leader qui était à la tête de Nirvana, est mon idole, même si aujourd’hui il est mort. Je l’adore, ce mec. Il a aussi Puddle Of Mudd dans les trucs plus récents. Ça me fait planer. Décoller. Quand j’écoute ça, je suis plus tout à fait sur Terre. Le classique ! Pfff ! C’est plate en ta’, le classique !

— Euh… non.

— Non ?

Pauline est restée surprise. Elle a réellement pensé que j’aimerais son idée de classique.

— Moi, c’est la guitare électrique qui me fait tripper, que j’ai précisé.

— Mouais, bof… C’est bruyant et…

Pierre a posé une main sur l’avant-bras de sa femme pour l’arrêter sur sa lancée. Il m’a observé longtemps pendant que Pauline l’interrogeait du regard. Ils ont eu l’air de deux beaux débiles à rester comme ça, dans le silence. Moi, j’ai regardé le fond de mon assiette et j’ai attendu. Au moins, Pauline s’est tue. Elle est assez fatigante quand elle part, elle, surtout quand c’est pour exposer ses idées super arrêtées. On dirait qu’il y a qu’une opinion dans vie, pis que c’est la sienne. Heureusement, Pierre est moins con.

Plus tard dans la soirée, Pierre a cogné à la porte de ma chambre, s’est assis sur

Vous aimez cet aperçu ?
Page 1 sur 1