Nom de Code Albane: Young Adult
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né le 16 janvier 1966, Christophe Renault est devenu un rêveur. Au collège, il s’imagine être comédien. Lui, si timide sur la terre, il se débride sur la scène. Une maîtrise de lettres entre les mains, il se dirige alors, vers une carrière dans l’enseignement en tant que professeur de français. Mais la marge le démange. Alors il écrit sur la pointe des mots, d’abord des pièces ; très vite, des romans ; aujourd’hui, des chansons.
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Aperçu du livre
Nom de Code Albane - Christohpe Renault
PROLOGUE
Elle s’appelle LUI-P3-6-99 – dite Albane pour les intimes, parmi lesquels, il y a son Pierre, le plus intime de tous puisqu’il est précisément son protégé.
Seulement, voilà ! Le métier d’ange gardien est en pleine restructuration. Les caisses de magie sont vides. On rogne sur tous les sortilèges. Avec tous ces fous de Dieu qui s’engagent, les uns après les autres, toutes les équipes sont sur les dents ! Du coup, on liquide. On fait la traque aux inutiles. La Grande Direction s’est réunie : on va éliminer les vivants qui ne vivent pas. À quoi bon leur dispenser de l’énergie ? C’est féerie perdue !
Pierre est de ceux-là. Il est donc voué à disparaître. Précisément, il va être envoyé en camp de rééducation. Un professeur l’y attend. Un prof d’un nouveau genre, capable de lui apprendre le goût de s’engager. D’exister. Sa méthode ? Citer du Walt Disney.
Pendant ce temps-là, Albane, elle, va devoir s’occuper d’un nouveau cas, un terroriste prêt à tout pour mettre le pays en sang.
1
Pierre
Un jour, on a reçu ce SMS : « Surveillez votre téléphone. Un message, à tout instant, peut y tomber. Vous y lirez : on vous attend. Comprenez : vous serez dans la rue, en promenade, en terrasse ou dans un magasin. Une voiture grise, immatriculée d’un G, d’un seul G, se garera. Vous la verrez. Forcément. Alors, vous devrez vous acheminer vers elle. Obligatoirement. Et monter par la porte du passager avant. Vous ne le ferez pas ? Alors le pire vous attendra… À bientôt. »
On a ri. Puis les premières voitures sont arrivées. On a vu des gens pâlir et abandonner séance tenante leur activité. Ils ont lâché une main, quitté une chaise, vidé un verre et sont montés. La jolie Cadillac grise, marquée d’un G, les a mangés. Impossible d’identifier ni le chauffeur ni les passagers. Les vitres teintées ont dégluti bouche fermée.
Les actualités ont fini par rendre compte de ces disparitions. Laconiquement. Les journalistes se sont contentés des faits. Au bout d’un mois, un bilan est tombé : près de mille personnes avaient été digérées dans les gaz d’échappement d’une Cadillac. Le président de notre République a fini par prendre la parole :
— À cette heure, aucune explication rationnelle ne vient percer ce mystère. Soyez sûre que nos ministères et leurs différents services font le maximum. Des caméras ont été placées à tous les endroits stratégiques de nos plus grandes villes. Rien ne distingue ceux qui ont été enlevés de nos autres concitoyens. Ni couleur, ni sexe, ni religion, ni marque sociale. Les victimes ont entre quinze et soixante-quinze ans. Nous avons interrogé chaque famille : personne ne comprend.
En classe, les professeurs ont fini par céder sous la déferlante des questions. Aucun n’a su trouver les mots. Seul Boulin, notre prof d’histoire, a pu soulager quelques craintes :
— Puisqu’a priori, la cible n’est jamais choisie sur des critères précis, rien ne sert de paniquer. C’est de la règle dont découle la peur : le juif qui refuse l’étoile jaune, le résistant qui ignore le couvre-feu, la musulmane qui retire son voile, eux, oui, forcément sont légitimement habités par la crainte. Mais nous… Qu’est-ce qu’on risque ? Rien qu’un hasard malheureux, aussi bête et tragique qu’une écharde dans un plancher, qu’une grippe, qu’un cancer, qu’un accident de la route ou qu’une balle perdue. Or, vous y pensiez, vous, jusqu’alors, à ce fichu drame qui, à tout instant, peut briser une vie ? Non ! Sincèrement ? Non ! Eh bien, dites-vous que cette Cadillac n’est jamais qu’une flèche de plus dans le carquois de la destinée. Il sera toujours temps de réagir si vous avez le malheur d’être visés… Pour l’instant, vivez ! Le plus intensément possible puisque la preuve est encore faite que tout peut tellement vite s’arrêter.
Albane, elle, ne l’entend pas ainsi : on doit comprendre ! Elle est même furieuse devant la passivité de sa classe. On doit comprendre ! Par respect de tous ceux que la Cadillac a digérés, avant qu’un de nos proches ne soit avalé à son tour, pour mériter et affirmer notre liberté, on doit absolument comprendre !
Chaque élève semble pourtant se rallier à Boulin : mieux vaut faire l’autruche et entretenir l’insouciance.
— Et toi ?
Pour la première fois de l’année, les yeux d’Albane m’interpellent. Je bafouille :
— Moi ?
— Oui, toi. Tu en penses quoi ?
Je n’en sais foutrement rien. Je vois deux yeux verts et je rougis. Un doux feu m’enivre et me consume en silence.
2
Léo-Paul
On le croit tous : on a sa vie. Propriété privée. Pour être une roulotte, la mienne est encore plus secrète que les autres : elle est calée dans la forêt, bien à l’abri des regards et des intrusions. Alors, j’ai d’abord imaginé un délire de mon cru. Une illusion d’ivrogne ! Il n’était pas possible qu’on vienne jusque chez moi en voiture américaine. Elle s’est garée. Un gars tout en veston et pantalon plissé en est sorti. Il est venu à ma porte pour tonitruer :
— Il y a quelqu’un ?
J’ai montré la tête :
— Qu’est-ce que vous voulez ?
— Vous êtes Léo-Paul Beauregard ?
J’ai bougonné :
— Oui.
L’homme a sorti une lampe de poche. Il a dit :
— Vous allez me suivre.
— Sur quel motif ?
— Sur le motif que je vous le demande. Avec une politesse qui ne vous aura pas échappé, mais qui, à tout instant, peut radicalement se crisper.
— Se crisper à quel point ?
L’homme a lancé le faisceau de sa lampe dans ma direction. Une violente secousse électrique m’a brûlé jusqu’aux tripes. Il a souri :
— Une autre question ?
3
Pierre
Très vite, la peur a généré les accusations : c’est un nouveau coup des fous de Dieu. Enrôler par la parole n’est plus suffisant : désormais, ils braconnent. Ils prennent sur le vif et d’autorité. Ils lavent les cerveaux et arment les bras. Ils ont besoin de guerriers ralliés à leur foi ! La terre n’en manque pas : il n’y a qu’à se servir en moissonnant à la Cadillac grise.
Albane en est sûre : il faut lutter !
J’ai pris mon courage à deux mains et je suis allé la voir :
— Je suis de ton côté, tu sais. Mais…
— Mais ?
— Mais je ne vois vraiment pas comment je pourrais t’aider.
— Commençons par le plus simple.
— C’est-à-dire ?
— Paye-moi un verre.
Albane me surprend d’un sourire et m’arrache le peu de contenance que j’ai mobilisée. Je dois être rose fuchsia. Elle passe devant moi et me fixe l’itinéraire en le traçant d’une croupe entraînante. Je la suis en rassemblant mes esprits qui s’éparpillent en interrogations : que dirai-je ? Est-ce que je lui plais ? Comment suggère-t-on ses sentiments ?
On s’assoit à la terrasse du Morrison. Quelques élèves nous remarquent. Leur murmure me flatte. Albane prend un Perrier citron. Je commande comme elle. Déjà elle me provoque :
— Ça t’arrive de faire autrement que les autres ?
— Quoi ?
— Les garçons jouent au foot : tu te glisses sur le terrain. Les profs demandent la moyenne : tu l’obtiens. Je réclame un Perrier rondelles : tu te découvres une passion pour l’eau gazeuse.
Je bafouille :
— Pas du tout…
— Quoi ? Tu aimes jouer au foot ?
— Pas trop. Mais…
— Quoi ?
— Il faut bien s’adapter.
— Pas du tout. Tu peux prendre un livre et laisser les brutes entre elles !
— Je ne suis pas sûre…
— Je le sais bien que tu n’es pas sûre. Sûre de rien. Jamais. Et c’est même la seule vraie qualité que je te reconnais !
La formulation m’amuse. Précisément, elle me comble ! Elle insinue une intimité dont j’ai assez rêvé pour rester muet. Albane le comprend. D’ailleurs, que ne comprend-elle pas ? Tout d’elle semble contenir mes secrets. Elle attaque :
— Ça t’étonne, hein ?
— Quoi ?
— Que je puisse te connaître aussi bien ?
— Un peu…
— Tu es né le 3 juin 1999. Ta mère s’appelle Juliette Vauchel. Elle est professeur de sport. Ton père est inconnu. Très vite, tu as fait une allergie au lait maternel. On t’a nourri à base de produits conçus tout spécialement pour ton estomac. Pendant seize mois, tu as gueulé. Jour et nuit. Ta mère a failli t’éjecter par le balcon. Puis, soudain, miracle ! Tu rentres à l’école et dans le rang. Silence total. Tu t’éclipses et joues les enfants sages. Quand tu découvres l’absence et l’ingratitude de ton géniteur, tu mouilles l’oreiller, mais ne bronches pas. Les adultes font des choix : tu n’as pas à les condamner. Tu deviens triste. Tu te replies sur tes rêves. Tu fuis le monde, ses dangers et ses rires. Les mots et les expressions circulent à ton sujet. Tu entends des moqueries. Or, c’est très simple : tu ne peux pas te confronter au monde extérieur sans être atteint d’une panique irrépressible. À douze ans, tu cries grâce : tu t’enfermes ! Tu refuses la rue et la belle étoile ! Ta mère ne supporte plus cette situation. La médecine intervient et conclut à la phobie sociale. Désormais, tu prendras des médicaments. Deux gélules vertes et une pilule blanche chaque matin. Pas une seule fois, tu n’as failli à l’ordonnance ! Je dis bravo ! Une soumission à la posologie qu’on a rarement observée chez le spécimen humain.
Mon visage résiste. Grâce soit rendue aux fameux comprimés. Mon corps tout entier fait face quand tout mon esprit vacille, secoué par un choc qui pulvérise la plus ancrée de mes certitudes. Je cherche un souvenir : il m’échappe. Je veux un mot : il se cache. J’espère une explication : la brume s’épaissit. C’est une explosion mentale dans laquelle la raison laisse sa dépouille. Une furie intérieure dans laquelle l’angoisse et la honte ajoutent leurs flammes. De quel don est investie Albane pour connaître aussi précisément ma vie ? Par quel sortilège puis-je être aussi transparent ?
Albane, d’un sourire que je ne comprends plus, ajoute :
— Tu es né précisément un matin, le 3 juin