La maison près de l’étang

La tante Adèle ne laissait qu’un vague souvenir à Irène.

Dans la famille, on disait que c’était une excentrique, collectionneuse d’aventures sentimentales. C’était sûrement grâce à l’un de ses amants qu’elle avait réussi à acheter cette magnifique maison en Sologne, car même si elle était l’auteure de tableaux assez cotés, nul n’ignorait que l’argent lui avait toujours filé entre les doigts.

Irène regrettait maintenant de ne pas avoir tenté de mieux connaître cette femme qui, en mourant sans enfant, venait de la faire héritière.

La jeune femme ouvrit son sac à main et en sortit un trousseau d’une dizaine de clés de toutes tailles. Sur chacune était accrochée une étiquette mentionnant quelle porte elle ouvrait. Au bout du chemin, à cent mètres, se dressait une grille noire. De là, on ne pouvait pas encore voir la maison : des buissons et des arbustes bordaient la sinueuse allée centrale. Mais Irène avait vu des photographies chez le notaire et elle savait très bien ce qu’elle allait trouver. Elle n’ignorait pas non plus qu’au fond du parc se trouvait un étang assez grand pour y faire de la barque ou du pédalo et qu’une vieille gloriette, installée sur son bord, avait abrité les soupirs amoureux et les pleurs d’une fille de notable, Jeanne, morte de chagrin au couvent à l’âge de 20 ans, au siècle dernier. On prétendait, encore aujourd’hui, qu’elle hantait le parc. Ces détails, ainsi que bien d’autres, figuraient dans une annexe au titre de propriété et Irène, passionnée d’histoire et de légendes, avait lu tout cela avec beaucoup d’intérêt. Au moment où elle allait sortir de la voiture, son téléphone sonna. C’était sûrement Jérôme, son mari.

– Allô, Jérôme ?

– Tu es arrivée, ma chérie ?

– Je suis encore devant la grille… J’aimerais tellement que tu sois là.

– Je serai près de toi dans quelques jours.

– J’ai l’impression que tu es au bout du monde.

– Juste à Londres, et ça n’arrivera plus très souvent, tu sais que j’ai demandé un poste fixe dans le