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Tante Irma
Tante Irma
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Livre électronique465 pages6 heures

Tante Irma

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À propos de ce livre électronique

Au sein de la famille Pelletier, les décisions des uns et des autres sont loin de toujours faire l'unanimité. Ayant besoin de tout contrôler, Sylvie ne manque pas de surveiller tout son monde de près. Les cachotteries de sa tante, les chums successifs de Sonia, le départ de Junior de la maison, le nouvel ami de Luc : tout est prétexte pour dire sans ménagement à ceux qu'elle aime qu'ils auraient dû agir autrement. Même tante Irma a droit à ses sautes d'humeur !
Entre une naissance impromptue et une autre attendue avec impatience, une visite imprévue et un voyage subit à New York, les Pelletier essaient de traverser les hauts et les bas de leur vie du mieux qu'ils peuvent. Si, pour certains, tout va comme sur des roulettes, pour d'autres, un vent de panique souffle parfois à leurs oreilles.
Tandis qu'entre deux mauvais coups les jumeaux prennent en charge un pauvre garçon, Luc s'égare du droit chemin, aux dires de toute la famille. Alors qu'au grand plaisir de Xavier, Sylvie décide de devenir chanteuse d'opéra, Michel se débat comme un diable dans l'eau bénite avec son diabète. Quant à Junior, il doit prendre d'importantes décisions qui risquent de chambouler complètement sa vie et de soulever beaucoup d'insatisfaction autour de lui.
Heureusement pour tous ceux qui rêvent de changement, tante Irma fait diversion avec ses projets ambitieux, dirigeant sur elle les feux de la rampe au moins pour un petit moment…
LangueFrançais
Date de sortie29 mai 2013
ISBN9782895854708
Tante Irma
Auteur

Rosette Laberge

Auteure à succès, Rosette Laberge sait comment réaliser les rêves, même les plus exigeants. Elle le sait parce qu’elle n’a jamais hésité à sauter dans le vide malgré les risques, les doutes, les incertitudes qui ne manquaient pas de frapper à sa porte et qui continuent à se manifester au quotidien. Ajoutons à cela qu’elle a dû se battre férocement pour vivre sa vie et non celle que son père avait tracée pour elle. Détentrice d’un BAC en communication et d’une maîtrise en gestion, Rosette Laberge possède une expérience professionnelle riche et diversifiée pour tout ce qui a trait à la réalisation des rêves et des projets.

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    Aperçu du livre

    Tante Irma - Rosette Laberge

    Souvenirs5.jpg

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales

    du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Souvenirs de la banlieue

    Sommaire : t. 5. Tante Irma.

    ISBN 978-2-89585-470-8

    I. Titre. II. Titre : Tante Irma.

    PS8623.A24S688 2012 C843’.6 C2011-942894-6

    PS9623.A24S688 2012

    © 2013 Les Éditeurs réunis (LÉR).

    Image de la couverture : © 123RF

    Les Éditeurs réunis bénéficient du soutien financier de la SODEC

    et du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec.

    Nous remercions le Conseil des Arts du Canada

    de l’aide accordée à notre programme de publication.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada

    par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.

    Édition :

    LES ÉDITEURS RÉUNIS

    www.lesediteursreunis.com

    Distribution au Canada :

    PROLOGUE

    www.prologue.ca

    Distribution en Europe :

    DNM

    www.librairieduquebec.fr

    missing image file Suivez Les Éditeurs réunis sur Facebook.

    Pour communiquer avec l’auteure : rosette.laberge@cgocable.ca

    Imprimé au Canada

    Dépôt légal : 2013

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque nationale du Canada

    Bibliothèque nationale de France

    TitreSouvenirs5.jpg

    De la même auteure

    Souvenirs de la banlieue – tome 1. Sylvie, roman, Les Éditeurs réunis, 2012.

    Souvenirs de la banlieue – tome 2. Michel, roman, Les Éditeurs réunis, 2012.

    Souvenirs de la banlieue – tome 3. Sonia, roman, Les Éditeurs réunis, 2012.

    Souvenirs de la banlieue – tome 4. Junior, roman, Les Éditeurs réunis, 2013.

    Maria Chapdelaine – Après la résignation, roman historique,

    Les Éditeurs réunis, 2011.

    La noble sur l’île déserte – L’histoire vraie de Marguerite de Roberval, abandonnée dans le Nouveau Monde, roman historique,

    Les Éditeurs réunis, 2011.

    Le roman de Madeleine de Verchères – La passion de Magdelon, roman historique, Les Éditeurs réunis, 2009.

    Le roman de Madeleine de Verchères – Sur le chemin de la justice, roman historique, Les Éditeurs réunis, 2010.

    Le roman de Madeleine de Verchères – Les héritiers de Verchères, roman historique, Les Éditeurs réunis, 2012.

    Sous le couvert de la passion, nouvelles, Éditions du Fada, 2007.

    Histoires célestes pour nuits d’enfer, nouvelles, Éditions du Fada, 2006.

    Ça m’dérange même pasv!, roman jeunesse, Éditions du Fada, 2005.

    Ça s’peut pas !, roman jeunesse, Les Glanures, 2001.

    Ça restera pas là !, roman jeunesse, Les Glanures, 2000.

    À mon frère Rémi dont j’envie parfois la douce folie

    et que j’aime de tout cœur.

    Chapitre 1

    Longueuil, le 17 septembre 1971

    — Tu ne sais pas la meilleure ! s’écrie Irma. Figure-toi que je me suis fait réveiller par un oiseau au beau milieu de la nuit !

    Sonia regarde sa tante d’un drôle d’air.

    — Depuis quand avez-vous un oiseau ?

    — Je n’en ai pas. J’aime beaucoup la gent ailée, mais dehors. J’imagine que l’oiseau a dû en profiter pour entrer quand on a ouvert la porte. Ce ne sont pas les oiseaux qui manquent par ici. J’ai d’abord senti comme un coup de vent sur mon visage. Je me suis réveillée en sursaut. J’ai ouvert les yeux et j’ai attendu dans la noirceur sans bouger. J’avais l’impression d’être en plein cauchemar. Pour une fois, j’aurais aimé dormir sans toile ni rideaux comme toi. Je commençais à avoir vraiment peur dans le noir ; j’ignorais totalement à quoi j’avais affaire. Mais je n’ai pas eu à attendre longtemps. Quelques secondes plus tard, j’ai entendu des battements d’ailes. On aurait cru que l’action se passait à quelques pouces au-dessus de ma tête.

    Plus Sonia écoute sa tante, plus elle fronce les sourcils. Il y a quelque chose qu’elle ne comprend pas.

    — Il me semblait que vous dormiez la porte fermée…

    — Oui ! Mais laisse-moi finir mon histoire. Je me suis dépêchée d’aller allumer la lumière et ouvrir ma porte de chambre. Mais je n’ai jamais trouvé l’oiseau. Je ne suis pas folle ; je n’ai pas inventé tout ça. J’ai même allumé toutes les lumières de la maison et j’ai fait le tour des pièces sans rien trouver. Et ce matin, au déjeuner, quand j’en ai parlé, tout le monde m’a regardée d’un air bizarre.

    Après une courte pause, Irma reprend, en insistant sur chaque mot :

    — Il y a un oiseau qui a volé au-dessus de ma tête à deux reprises la nuit passée et je n’arrive pas à le retrouver.

    Puis, d’un ton radouci, elle poursuit en faisant un geste de la main vers le haut :

    — Inutile d’ajouter que je n’ai pas fermé l’œil du reste de la nuit. Il s’en est même fallu de peu pour que je laisse le plafonnier allumé. En fait, je peux bien te l’avouer, je suis allée chercher ma lampe de poche et je l’ai gardée allumée dans ma main jusqu’à ce que le soleil se lève enfin.

    Dans un autre contexte, Sonia aurait taquiné sa tante. Mais là, elle est désarçonnée.

    — Ça ne marche pas, votre affaire, déclare Sonia en plissant les yeux. Si c’était un oiseau, vous l’auriez retrouvé.

    — J’espère que tu n’es pas en train de mettre ma parole en jeu ? s’enquiert Irma, l’air faussement offusqué.

    — Non ! Mais ça ne se peut pas. S’il s’agissait d’un oiseau, il serait sorti de votre chambre au moment où vous avez ouvert la porte. Ensuite, il aurait volé dans toute la maison pour trouver une issue.

    Depuis que sa tante a commencé son récit, Sonia cherche où elle a déjà entendu une histoire semblable. Mais qui a bien pu la lui raconter ? Elle repasse rapidement dans sa mémoire tous les gens qu’elle connaît. Tout à coup, cela lui revient.

    — Je m’en souviens maintenant ! s’écrie-t-elle. C’est chez Langis ! Oui, c’est ça !

    — Pourrais-tu être plus claire ? demande Irma qui n’y comprend rien.

    — Préparez-vous parce que vous n’aimerez pas ce que vous allez entendre. Je mettrais ma main au feu que votre visiteur est une chauve-souris !

    La simple évocation du mot chauve-souris fait non seulement grimacer Irma, mais un grand frisson la parcourt de la tête aux pieds. Elle a beau aimer les animaux, elle ressent du dédain pour les chauves-souris. Même si elle reconnaît la grande utilité de ces petites bêtes – Lionel lui en a souvent parlé –, la seule pensée d’avoir partagé sa chambre avec l’une d’entre elles lui donne mal au cœur. Et si la chauve-souris l’avait mordue pendant son sommeil ? Et si elle lui avait donné la rage ?

    — Mais où est-elle, alors ? laisse-t-elle tomber d’un ton qui trahit son énervement.

    — Si je me souviens bien de ce que j’ai appris en biologie, les chauves-souris ne sont actives que la nuit. Le jour, il paraît qu’elles dorment.

    — Es-tu en train de me dire qu’il y a des chances pour qu’elle soit encore dans ma chambre ? s’inquiète Irma. Non !

    Sonia regarde sa tante en souriant. Celle-ci a l’air d’une petite fille totalement dépassée par les événements.

    — Langis m’a dit que les chauves-souris aiment se cacher derrière les rideaux. Il paraît qu’elles se roulent en boule et attendent sagement que la noirceur tombe pour se manifester à nouveau.

    — Il est hors de question que je passe une autre nuit avec elle. Il faut absolument qu’on la trouve.

    Irma réfléchit quelques secondes. Comme elle n’a aucune envie de chercher elle-même la chauve-souris, elle propose un marché à Sonia.

    — Je te donne tout ce que j’ai dans mon porte-monnaie si tu m’en débarrasses.

    Sonia voit bien à quel point sa tante est désemparée. En revanche, la chasse à la chauve-souris est loin de la réjouir. Outre le fait qu’elle ait déjà vu chez ses grands-parents paternels des chauves-souris et qu’elle les trouve très laides, elle ne se sent pas très brave pour en capturer une. Elle fait partie de ceux qui aiment les animaux à distance – hormis les chiens et les chats, et seulement lorsqu’elle les connaît. Par contre, elle aime trop sa tante pour la laisser se débrouiller toute seule. Elle pourrait attendre que Renaud rentre, mais ça risque d’être long.

    Sonia prend son courage à deux mains.

    — C’est bien parce que c’est vous ! dit-elle. Mais ce n’est pas la peine de me donner de l’argent. Il faut vraiment que je vous adore pour accepter d’attraper votre chauve-souris. Il me faudrait un pot de verre et une cuillère de bois. Ah oui ! Et des gants de caoutchouc aussi, si vous en avez.

    — J’ai tout ça, répond promptement Irma en se levant de table.

    — Et j’aurais également besoin de votre petit escabeau de cuisine.

    Armes en main, Sonia se dirige vers la chambre de sa tante. Elle frissonne déjà à l’idée de trouver une chauve-souris sous les tentures ou sous la toile. Irma sur ses talons, la jeune femme avance jusqu’à la fenêtre. Elle prend une grande respiration avant de soulever un pan du rideau. Pendant qu’Irma balaie l’espace de sa lampe de poche, Sonia observe attentivement.

    — Je ne vois rien. Je vais faire la même chose de l’autre côté.

    Aussitôt dit, aussitôt fait. Nulle trace de la chauve-souris…

    — Préparez-vous, tante Irma, avertit Sonia. Je vais soulever la tête de la toile.

    Au premier coup d’œil, les deux femmes ne voient rien. D’une certaine façon, Sonia s’en réjouit. Mais elle sait très bien que la petite bête est forcément quelque part dans la maison.

    — Elle est ailleurs, dit-elle d’un ton légèrement impatient. Je vais soulever à nouveau la toile. Éclairez bien sur toute la longueur, tante Irma.

    Et c’est là que Sonia découvre une petite boule brune, pas plus grosse qu’un jaune d’œuf cuit, bien serrée entre le mur et la toile.

    — Je la vois ! s’exclame-t-elle. Beurk ! C’est vraiment laid. Il n’est pas question que j’y touche, même avec des gants.

    Comme si elle avait peur que la chauve-souris se jette sur elle, Irma laisse tomber sa lampe de poche. Sonia sursaute.

    — Vous m’avez fait peur ! s’exclame-t-elle. Maintenant qu’on a trouvé la chauve-souris, il faut la sortir de la maison.

    Sonia analyse la situation. Elle se demande comment s’y prendre pour faire entrer la chauve-souris dans le pot de verre. La tête inclinée sur le côté et le nez plissé, elle se gratte la tête. Les paroles de Langis lui reviennent alors en tête : « Crois-moi, ce n’est pas facile de faire bouger des chauves-souris. C’est comme si quelqu’un les avait collées là où elles se trouvent. »

    — Il ne faut pas la tuer, déclare Irma. J’ai beau ne pas l’aimer, je ne lui veux aucun mal.

    — Moi non plus ! consent Sonia avant d’avaler difficilement sa salive. Je vais monter sur l’escabeau et je tenterai ensuite de la faire tomber dans le pot. Approchez ; c’est vous qui allez tenir le pot en dessous d’elle.

    Irma se fige aussitôt.

    — Avancez, tante Irma ! déclare Sonia. Comme dirait mon père, il n’y a aucun danger qu’une petite bête mange une grosse bête.

    — Je veux bien croire, mais je n’aime pas ça du tout.

    — Allez ! l’encourage Sonia. La chauve-souris ne peut pas vous toucher à travers le verre. Écoutez bien. Je vais la faire tomber dans le pot ; aussitôt qu’elle sera dedans, vous vous dépêcherez de mettre le couvercle. M’avez-vous bien comprise ?

    — Oui, soupire Irma, en allongeant le bras pour positionner le pot sous la petite bête.

    Irma déteste tellement l’opération en cours qu’elle garde les yeux fermés. Aussitôt que Sonia s’en rend compte, elle dit à sa tante :

    — Comment allez-vous savoir que la chauve-souris est dans le pot si vous ne regardez pas ?

    À contrecœur, Irma ouvre les yeux.

    — Je t’en supplie, Sonia, fais vite ! implore-t-elle.

    — Croyez-moi, je n’ai pas l’intention d’y passer la journée, d’autant que j’ai un cours dans deux heures. Un, deux, trois, go !

    Sonia a beau frapper au-dessus de la chauve-souris, elle comprend rapidement que celle-ci ne sautera pas dans le pot d’elle-même. C’est alors que la jeune femme commence à cogner plus fort, sans toutefois obtenir le résultat escompté.

    — Dépêche-toi ! décrète Irma. J’ai le bras mort.

    Sonia se contente de soupirer un bon coup. Elle monte une autre marche de l’escabeau. Elle voit maintenant très bien la cachette de la chauve-souris. Sonia sait qu’elle devra agir avec plus de fermeté pour sortir de cette impasse.

    — Préparez-vous, ordonne-t-elle à sa tante. Je vais pousser la chauve-souris avec ma cuillère, sinon on va y passer la journée.

    Sitôt dit, sitôt fait. La petite bête se retrouve instantanément au fond du pot.

    — Vite, tante Irma ! s’exclame Sonia. Mettez le couvercle et vissez-le bien.

    — Mais elle va mourir si elle manque d’air ! s’indigne Irma. Je vais la porter dehors.

    — Faites comme vous voudrez, réagit Sonia. Mais si elle revient, je vous avertis : ce n’est pas moi qui vais venir la capturer. Langis m’a dit que les chauves-souris sont des êtres d’habitude et qu’elles reviennent toujours au même endroit. Si je me souviens bien, ils en ont eu trois fois chez lui. Comme sa mère se contentait toujours d’aller porter la chauve-souris au fond du jardin, il y a fort à parier que c’était la même qui revenait. La dernière fois, c’est Langis qui s’en est occupé. Il a tué la chauve-souris – il ne l’a pas dit à sa mère, bien sûr. Depuis, ils n’en ont pas eu d’autres ; enfin, à ce que je sache.

    — Il n’est pas question que je prenne de chance. Laisse-moi le temps d’aller porter le pot dans la poubelle du garage et je reviens. Il faut qu’on découvre par où elle a bien pu entrer.

    — J’ai l’impression qu’elle est passée par la porte. Vous n’avez même pas de cheminée.

    Sonia se souvient que son professeur a expliqué qu’une chauve-souris pouvait s’introduire par un trou pas plus gros qu’un 10 sous. Mais pour le moment, il vaut mieux ne pas révéler cette information. Sa tante a eu sa dose d’émotion pour aujourd’hui.

    À son retour, Irma va chercher son sac à main. Au moment où elle va ouvrir son porte-monnaie, Sonia déclare, en posant sa main sur l’objet :

    — Il n’est pas question que vous me payiez. Vous en faites déjà assez pour moi.

    — Un marché, c’est un marché. Tu n’auras qu’à t’offrir une petite douceur. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi. Mais attends avant de te réjouir. Tu me connais : mon porte-monnaie contient peut-être seulement quelques sous !

    Tout à coup, une idée traverse l’esprit d’Irma. Elle arrête tout mouvement et ajoute d’une voix remplie d’inquiétude :

    — Et si la chauve-souris m’avait mordue pendant mon sommeil ?

    Sonia saisit alors à quel point cette aventure a affecté sa tante. Elle prend celle-ci par les épaules et lui dit d’une voix douce :

    — Vous devriez appeler Shirley. Elle saura sûrement quoi faire. Et pour l’argent, laissez faire ça, insiste-t-elle. C’est tout à fait normal que je vous aide. Vous êtes toujours là pour moi ! Assoyez-vous ; j’ai juste le temps de jaser un peu avant de me rendre à mon cours. Dites-moi comment vous allez.

    Irma prend quelques secondes avant de répondre. Depuis le temps, elle a pris l’habitude d’ajuster sa réponse selon la personne qui lui pose la question. Ce n’est pas pour se protéger, car elle est capable de se défendre. C’est plutôt pour éviter les questions inutiles et, surtout, pour ne pas être obligée d’étaler sa vie aux quatre vents. Ses années au couvent lui ont appris à se taire plutôt qu’à parler ; du moins, sur tout ce qui la concerne directement. Et s’il y a une chose qu’elle veut conserver de son ancienne vie, c’est la discrétion. Elle veut bien se dévoiler, mais seulement à ceux qu’elle a choisis. Bien sûr, Sonia fait partie de ces derniers.

    — C’est une bien grande question, ma petite fille. La plupart du temps, je vais plutôt bien. Quand je suis occupée, je n’ai pas le temps de penser à Lionel. Mais lorsque je m’installe devant la télévision, plus souvent qu’autrement je pars dans mes pensées. Ce n’est que lorsque quelqu’un entre dans le salon que je réalise que je n’ai rien entendu de l’émission qui joue. Mon homme me manque, c’est certain. Et beaucoup, à part ça. Et je pense que je n’ai pas fini de m’ennuyer de lui. C’est un peu gênant à avouer, mais il m’arrive encore de lui parler comme s’il était là. Tu sais à quel point j’aimais Lionel.

    — Pauvre vous !

    — Il ne faut pas me plaindre. J’ai eu la chance de connaître l’amour, et j’en remercie Dieu chaque jour. Lionel était vraiment un homme exceptionnel.

    — Seriez-vous prête à vous remarier ? demande Sonia sans réfléchir.

    Irma sourit à sa nièce. Personne n’est au courant de ce qu’elle s’apprête à lui confier.

    — J’espère que tu ne me jugeras pas trop sévèrement. Mais si l’occasion se présente, oui, je me remarierai. Tu sais, contrairement à bien des femmes de ma génération, j’aime le quotidien avec un homme. C’est certain qu’il faudrait que l’heureux élu soit à la hauteur, mais quand je regarde ta grand-mère Marie-Paule et son mari René, je me dis que je n’ai pas le droit de refuser le bonheur si telle est la volonté de Dieu. D’ailleurs, c’est ce qu’aurait souhaité Lionel.

    — Êtes-vous en train de me dire que vous avez un prétendant ?

    — Non, et je n’ai pas l’intention de partir à la chasse au mari non plus. Mais je ne suis pas fermée à l’idée de rencontrer quelqu’un. Pour être honnête, je ne me vois pas finir mes jours toute seule. J’ai eu ma dose de solitude au couvent. Le jour où j’ai quitté cet endroit, je me suis juré de toujours m’entourer de gens que j’aime.

    — Vous êtes mon idole ! déclare Sonia.

    — Tu pourrais t’en choisir une bien plus belle ! s’exclame Irma. Je pourrais même te faire quelques suggestions à ce sujet, si tu veux. Mais farce à part, promets-moi de ne rien dire à ta mère, ajoute-t-elle sur un ton joyeux.

    — Vous n’avez pas à vous inquiéter. S’il fallait qu’elle sache que vous aimeriez vous remarier, elle ferait sûrement une crise d’apoplexie. Pauvre maman, elle a plus de principes que tous mes grands-parents réunis ! Mais peut-être qu’avec vous, ce serait différent… Elle vous aime tellement.

    La vie n’est pas toujours facile pour Sonia avec sa mère. La jeune femme a même l’impression que plus elle vieillit, plus Sylvie essaie de contrôler ses moindres faits et gestes. Si son père et son oncle Paul-Eugène ne veillaient pas au grain, la vie de Sonia pourrait devenir un enfer à cause de sa mère. La situation a même empiré depuis que Junior habite chez Édith. Sylvie n’a pas encore digéré le départ de son fils. Celle-ci ne laisse rien paraître quand elle n’est pas seule avec Junior, mais si Sonia se fie à ce que son frère lui a confié récemment, Sylvie se reprend doublement quand elle se retrouve en tête à tête avec Junior. Il paraît qu’elle se contente de répondre par oui ou par non à ses questions. La dernière fois que Junior est venu voir sa mère, il lui a dit sa façon de penser : « Si tu veux que je revienne, il va falloir que tu changes d’attitude envers moi. Je n’avais pas le choix de partir comme un voleur et tu le sais très bien. Tu as le droit de m’en vouloir, mais ça ne changera rien à ma décision. Je suis heureux avec Édith, et c’est tout ce qui compte pour moi. » Sonia a beau réfléchir aux raisons qui poussent sa mère à agir ainsi, elle ne comprend pas. Le souhait de tout parent n’est-il pas que ses enfants soient heureux ? Son père n’en a pas fait tout un plat, lui. Certes, il a été surpris comme le reste de la famille, mais il est vite passé à autre chose. Et la semaine d’après, il a joué de la guitare avec Junior comme d’habitude. Ce n’est pas parce que quelqu’un est en désaccord avec soi sur un point précis qu’on a le droit de lui faire la tête pour tout le reste. Sonia se demande parfois pourquoi les hommes sont si différents des femmes. Elle n’a qu’à regarder Isabelle avec sa mère. Shirley vient voir sa fille de temps en temps, mais il plane toujours une tension qui n’existait pas entre elles avant qu’Isabelle lui annonce sa grossesse. Et Sonia a constaté que ses amies vivent toutes des difficultés avec leur mère. Pourquoi les femmes se montrent-elles si dures envers leurs filles ? Pourquoi sont-elles incapables de simplement les aimer, avec tout ce qu’elles possèdent de beau et de moins beau aussi ? Pourquoi sent-on toujours une sorte de rivalité entre elles ? Sonia paierait cher pour le savoir.

    — Mais changeons de sujet, indique Irma. Est-ce que tu voudrais m’accompagner à l’opéra samedi prochain ? Lionel et moi avions réservé des billets au début de l’année.

    — Avec grand plaisir !

    Chapitre 2

    Alors qu’elle retourne à la maison, Sylvie est sur le point de s’engager dans la rue où se trouve le magasin de Michel quand son auto connaît des ratées. Quelques pieds plus loin, le moteur s’éteint subitement. Prise au beau milieu de la voie, Sylvie se hâte d’allumer les feux de détresse du véhicule. Deux autos arrivent dans sa direction. « Il faut au moins que je réussisse à me ranger sur le côté. » Elle essaie de redémarrer sa voiture. Malgré plusieurs tentatives, rien n’y fait. De grosses gouttes de sueur commencent à perler sur le front de Sylvie. Heureusement, le magasin de son mari est tout près. « Je vais aller chercher Michel. Il va sûrement savoir quoi faire. » Elle traverse la rue et presse le pas jusqu’à ce qu’elle se retrouve enfin devant la porte du commerce. Elle entre en trombe. Sylvie crie suffisamment fort pour que Michel l’entende, où qu’il se trouve dans le magasin :

    — Il faut que tu viennes m’aider ! Mon auto s’est arrêtée au beau milieu de la rue. Je n’arrive pas à la faire redémarrer.

    Occupé avec une cliente au fond du magasin, Michel s’excuse auprès de celle-ci et vient à la rencontre de Sylvie. Il n’a pas tout compris, mais au timbre de voix de sa femme, il a deviné son désarroi. En voyant Michel, Sylvie déclare :

    — Viens ! Il faut vite qu’on pousse mon auto sur le bord du trottoir.

    Sylvie est si énervée que Michel se contente de dire le strict minimum.

    — Donne-moi le temps de demander à Paul-Eugène de venir s’occuper de ma cliente et je te suis.

    Du fond du magasin, une voix féminine douce mais ferme se fait entendre :

    — Ce n’est pas la peine, je reviendrai demain. C’est avec vous que je veux traiter.

    À un autre moment, Sylvie aurait sûrement relevé le commentaire de la femme. Mais là, elle n’y prête pas la moindre attention tellement elle est énervée. Pour l’instant, tout ce qu’elle veut, c’est que Michel et elle dégagent son auto de la rue. S’il fallait que quelqu’un emboutisse sa Mustang…

    Lorsque Michel aperçoit la voiture, il donne ses instructions à sa femme :

    — Va t’asseoir derrière le volant et mets l’auto au neutre. Je vais pousser la Mustang pour que tu puisses la stationner près du trottoir. Après, tu essaieras de la partir.

    Aussitôt son auto garée sur le côté de la rue, Sylvie demande à Michel :

    — Veux-tu que j’ouvre le capot ?

    — Depuis le temps qu’on est ensemble, tu devrais savoir que je ne connais rien aux moteurs, répond-il promptement. Essaie de la faire démarrer. Si ça ne marche pas, il faudra appeler une dépanneuse.

    Sylvie tourne et retourne la clé, mais rien n’y fait. Aucun son ne se fait entendre.

    — La batterie est peut-être morte, indique Michel. Ou bien, le moteur a rendu l’âme. Bon, il faut que je retourne au magasin. Je peux téléphoner à une dépanneuse, si tu veux.

    — Ce n’est pas la peine, je m’en occupe. Je vais aller appeler au petit restaurant de l’autre côté de la rue. On se revoit au souper.

    Avant de tourner les talons, Michel embrasse sa femme sur la joue.

    — Ne t’en fais pas avec ça, lui dit-il. Ce n’est que de la tôle.

    — Pour toi peut-être, mais pour moi c’est bien plus que ça.

    Tant qu’elle n’avait pas d’auto, Sylvie ignorait tout ce qu’elle manquait. Mais depuis qu’elle possède une voiture, personne – pas même Michel – ne pourra la faire renoncer à ce plaisir. Elle va où elle veut, et surtout quand elle le veut. Chaque fois qu’elle s’installe au volant de sa Mustang, elle se demande comment elle a fait pour se passer d’une voiture si longtemps. Ce n’était pas la première fois que son auto fonctionnait mal, mais celle-ci n’était jamais tombée en panne en plein milieu de la rue. Il faut reconnaître que la Mustang commence à avoir de l’âge. La dernière fois que Sylvie l’a conduite au garage, le mécanicien lui a dit qu’elle devrait penser à changer d’auto. C’est bien beau tout ça, mais elle s’est attachée à sa Mustang rouge.

    Comme il doit passer devant la maison des Pelletier pour se rendre au garage, le conducteur de la dépanneuse propose à Sylvie de la déposer chez elle. Le garagiste lui téléphonera aussitôt qu’il aura eu le temps de jeter un coup d’œil à son auto, ce qui devrait aller au lendemain.

    Ce n’est qu’une fois devant sa porte que Sylvie remarque l’heure qu’il est. Les jumeaux et Luc sont sûrement arrivés pour dîner depuis un bon quart d’heure. Elle a tout juste le temps de réchauffer une soupe Campbell. Pour compléter, un sandwich aux tomates fera l’affaire. Une fois dans la cuisine, elle découvre très vite que ses chérubins ne l’ont pas attendue pour manger. Le gros pot de beurre d’arachide et celui de confiture aux fraises trônent au milieu de la table. Un grand pain blanc repose à côté du pichet de Kool-Aid à l’orange. Trois couteaux, trois assiettes et trois verres reposent également sur la table, sur laquelle les trois garçons n’ont même pas pris la peine de mettre une nappe. Alors qu’elle s’empare du pain, Sylvie aperçoit un plein sac de peppermints roses. Une vague de colère l’envahit instantanément. Elle a interdit aux jumeaux d’entrer une seule peppermint rose dans la maison, et l’embargo n’a jamais été levé. Elle saisit le sac du bout des doigts et, quelques secondes plus tard, elle fait irruption dans la chambre des jumeaux sans même avoir frappé à la porte.

    — Je pensais pourtant avoir été claire, siffle-t-elle entre ses dents en levant l’objet du litige pour que François et Dominic le voient bien.

    Surpris, les jumeaux lèvent la tête de leur livre. Ils regardent leur mère avec des points d’interrogation dans les yeux.

    — Pourquoi tu cries après nous comme ça ? demande Dominic. On n’a rien fait.

    — C’est après Luc que tu devrais crier, riposte François. C’est lui qui a apporté les peppermints. On l’a même averti qu’il ferait mieux de les cacher avant que tu arrives.

    Sylvie file à la chambre de Luc. Prête à exploser de nouveau, elle tourne la poignée. Au moment où elle s’apprête à larguer son fiel, la mère de famille entend la voix de Dominic derrière elle :

    — Luc est parti tout de suite après avoir mangé.

    Sylvie va vider le sac de peppermints dans la poubelle du garage. De retour à la cuisine, elle s’active à ranger alors que normalement elle aurait ordonné aux jumeaux de procéder. Aujourd’hui, elle choisit la facilité. Quant à Luc, il ne perd rien pour attendre. Elle se promet bien de lui faire la leçon aussitôt qu’il se montrera. « S’il me cherche, il va me trouver ! »

    Alors qu’elle vient à peine de finir sa tâche, elle est soudainement prise d’une envie irrésistible de fumer. Elle se laisse tomber sur une chaise et, sans même s’en rendre compte, elle se met à tirer la peau autour de ses ongles. Quelques minutes suffisent pour que de petites gouttes de sang surgissent ici et là, ce qui a pour effet de secouer Sylvie. S’il y a une chose qu’elle déteste, c’est bien de voir ses mains après un de ses « exercices d’autodestruction », comme le dit Chantal. Chaque fois que les deux sœurs se voient, Sylvie passe immanquablement à l’inspection. « Vas-tu finir par arrêter de te mutiler ? Si ça continue, il va falloir que les manches de tes vêtements recouvrent tes mains en permanence. Je ne sais pas si tu es au courant, mais la première chose qu’un homme regarde chez une femme, ce sont ses mains. De quoi auras-tu l’air quand tu donneras un spectacle ? » Mais c’est plus fort que Sylvie ; quand elle est nerveuse, ou bien elle se ronge les ongles, ou bien elle tire les peaux autour d’eux. Il faut reconnaître qu’aujourd’hui, elle a eu sa dose d’émotion. Elle a commencé sa journée par une rencontre avec Xavier. Comme prévu il y a six mois, ils ont fait le point sur la suite des choses en ce qui concerne sa carrière. Sylvie se remémore leur conversation.

    — Pour ma part, a indiqué Xavier, je crois plus que jamais que tu as tout ce qu’il faut pour faire carrière, et pour réussir. Tu as beaucoup progressé depuis six mois, bien plus que je ne le croyais possible. En réalité, tu as fait un travail remarquable.

    Xavier l’a regardée quelques secondes avant de poursuivre. Il s’est passé la main sur la joue et sur le menton. Il connaissait l’importance de tout ce qu’il se préparait à dire. Le moindre petit faux pas pouvait tout faire basculer. Chantal avait eu beau le rassurer de toutes les manières, il n’aurait l’esprit en paix que lorsque Sylvie lui aurait confirmé qu’elle voulait continuer. Dans la situation contraire, il s’en voudrait de ne pas avoir été suffisamment convaincant.

    — J’admets que je t’en ai demandé beaucoup, mais je n’avais pas le choix. J’aimerais te dire que les choses vont être plus faciles à compter de maintenant, mais ce serait bien loin de la vérité. D’une certaine manière, on peut considérer que le pire est fait. Tu as réussi à t’imposer une routine et celle-ci va te servir chaque jour. Certes, tu risques de la trouver de plus en plus facile au fil du temps, mais il n’en demeure pas moins que le métier de chanteuse d’opéra est très exigeant. Maintenant, j’aimerais savoir ce que tu penses des six derniers mois et ce que tu as décidé de faire.

    Sylvie a souri à Xavier. Depuis plusieurs jours, elle retournait la question dans tous les sens. Elle en avait discuté avec Michel, avec son père, avec Chantal, avec tante Irma et aussi avec Marie-Paule. Elle leur avait tellement cassé les oreilles que c’était presque un miracle qu’ils lui parlent encore. Personne ne s’était permis de lui dire quoi faire. Tous s’étaient contentés de l’écouter et de l’interroger sur les avantages et les inconvénients, dans le cas où elle déciderait de foncer ou de simplement continuer avec l’ensemble lyrique dont elle fait partie. Sylvie a travaillé très fort ces derniers mois, c’est vrai, encore plus qu’elle s’en serait crue capable. Alors que tout le monde se la coulait douce autour d’elle, surtout pendant les vacances de la construction, elle a travaillé d’arrache-pied sans se plaindre. Ces derniers mois, elle s’est sentie vivante comme jamais auparavant. Aussitôt qu’elle ouvre la bouche pour chanter, elle se sent transportée dans un autre monde, ce genre de monde que l’on ne veut pas quitter tellement on s’y sent bien. Ce matin encore, avant que Michel parte travailler, elle lui a demandé ce qu’il en pensait. Il l’a prise dans ses bras et lui a dit que quelle que soit sa décision, il la supporterait.

    Xavier a respecté le silence de Sylvie. Une grosse boule lui pressait l’estomac, mais il était hors de question qu’il influence la décision de sa belle-sœur d’une quelconque façon ; il la respectait trop pour agir ainsi. Il a soutenu son regard en essayant de rester neutre et il a attendu patiemment qu’elle se décide à parler.

    — Eh bien, a commencé Sylvie, c’est la décision la plus difficile que j’aie eu à prendre de toute ma vie. Répondre à la demande en mariage de Michel, ce n’était rien à côté de ça ! Même si on a rêvé toute sa vie à quelque chose – et Dieu seul sait combien j’ai rêvé de devenir chanteuse d’opéra –, le jour où on nous offre enfin cette chance sur un plateau d’argent, la première idée qui nous passe

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