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Le ROMAN DE MADELEINE DE VERCHÈRES T.3: Les héritiers de Verchères
Le ROMAN DE MADELEINE DE VERCHÈRES T.3: Les héritiers de Verchères
Le ROMAN DE MADELEINE DE VERCHÈRES T.3: Les héritiers de Verchères
Livre électronique413 pages5 heures

Le ROMAN DE MADELEINE DE VERCHÈRES T.3: Les héritiers de Verchères

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À propos de ce livre électronique

Alors que Madeleine de Verchères est en France, dans l'espoir de se présenter devant le roi, la vie continue pour ses quatre enfants dans sa seigneurie, en Nouvelle-France.
Charles François Xavier poursuit des études en médecine à Montréal. Tout comme sa mère, il souhaite défendre la veuve et l'orphelin. Louis Joseph suit pour sa part les traces de son père, Pierre-Thomas de la Pérade. Initié au monde des affaires par ce dernier, le jeune homme se montre avide et possessif à un degré encore plus élevé que son maître. Louis Joseph adopte une attitude intransigeante, commandant les domestiques et les colons. Si sa mère voyait ce qu'il devient…
Marguerite, la seule fille de la famille, connaît des moments difficiles et trouve réconfort auprès de Charles François Xavier, venu habiter chez elle pendant ses études. Quant à Jean Baptiste Léon, le petit dernier, il se soulève contre son frère tyrannique et prie pour le retour de leur mère. Voyant comment son paternel agit envers ses frères et sa soeur comme envers lui-même, le garçon prend son avenir en main et défie l'autorité suprême.
Rien n'est simple pour les héritiers de Verchères qui, à l'aube de l'âge adulte, mèneront leur propre combat, à l'instar de Madeleine de Verchères et Pierre-Thomas de la Pérade avant eux.
LangueFrançais
Date de sortie6 sept. 2012
ISBN9782895853909
Le ROMAN DE MADELEINE DE VERCHÈRES T.3: Les héritiers de Verchères
Auteur

Rosette Laberge

Auteure à succès, Rosette Laberge sait comment réaliser les rêves, même les plus exigeants. Elle le sait parce qu’elle n’a jamais hésité à sauter dans le vide malgré les risques, les doutes, les incertitudes qui ne manquaient pas de frapper à sa porte et qui continuent à se manifester au quotidien. Ajoutons à cela qu’elle a dû se battre férocement pour vivre sa vie et non celle que son père avait tracée pour elle. Détentrice d’un BAC en communication et d’une maîtrise en gestion, Rosette Laberge possède une expérience professionnelle riche et diversifiée pour tout ce qui a trait à la réalisation des rêves et des projets.

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    Aperçu du livre

    Le ROMAN DE MADELEINE DE VERCHÈRES T.3 - Rosette Laberge

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    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales

    du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Laberge, Rosette

    Le roman de Madeleine de Verchères

    Sommaire : t. 1. La passion de Magdelon –

    t. 2. Sur le chemin de la justice – t.3. Les héritiers de Verchères.

    ISBN 978-2-89585-390-9

    1. Verchères, Madeleine de, 1678-1747 - Romans, nouvelles, etc.

    I. Titre. II. Titre : La passion de Magdelon. III. Titre : Sur le chemin

    de la justice. IV. Titre : Les héritiers de Verchères.

    PS8623.A24R65 2009 C843’.6 C2009-941074-5

    PS9623.A24R65 2009

    © 2012 Les Éditeurs réunis (LÉR).

    Le poème Mon lac a été écrit par Claire Laberge.

    Image de la couverture : Les amoureux, par Émile Friant

    Les Éditeurs réunis bénéficient du soutien financier de la SODEC

    et du Programme de crédits d’impôt du gouvernement du Québec.

    Nous remercions le Conseil des Arts du Canada

    de l’aide accordée à notre programme de publication.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada

    par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.

    Édition :

    LES ÉDITEURS RÉUNIS

    www.lesediteursreunis.com

    Distribution au Canada :

    PROLOGUE

    www.prologue.ca

    Distribution en Europe :

    DNM

    www.librairieduquebec.fr

    missing image file Suivez Les Éditeurs réunis et les activités de Rosette Laberge sur Facebook.

    Pour communiquer avec l’auteure : rosette.laberge@cgocable.ca

    Imprimé au Canada

    Dépôt légal : 2012

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque nationale du Canada

    Bibliothèque nationale de France

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    À ma sœur Claire qui m’est si précieuse.

    Chapitre 1

    Sainte-Anne-de-la-Pérade, Nouvelle-France, mai 1733

    — Laisse-moi tranquille, espèce de buveur de lait ! hurle Louis Joseph en poussant son frère d’un geste brusque. Tu ne vis plus ici, alors mêle-toi de tes affaires.

    — Enlève tes sales pattes de sur moi ! rétorque Charles François Xavier en époussetant ses vêtements d’un air rageur. Je suis peut-être un buveur de lait comme tu dis, mais je préfère ça plutôt que d’être un vulgaire sauteur d’escaliers.

    — Bravo ! s’écrie Louis Joseph d’un ton ironique. Bravo, monsieur le futur médecin. La ville t’aura au moins appris à développer ton sens de la répartie. Il était temps ! Laisse-moi te dire que ce n’est pas en soignant les habitants de la campagne que tu vas faire suffisamment d’argent pour faire vivre ta famille. Que tu le veuilles ou non, un jour ou l’autre, tu vas devoir soigner les gens de la ville. Et ce jour-là, tu seras toi aussi un sauteur d’escaliers si tu t’installes à Québec. Fie-toi à moi pour te le rappeler le moment venu.

    Ce n’est pas d’hier que les deux frères s’asticotent. Plus ils vieillissent, plus ils se cherchent. C’est ce que pense leur sœur Marguerite quand elle a la chance de les voir ensemble, ce qui est très rare. Charles François Xavier étudie en médecine à Montréal, et il habite chez elle, mais Louis Joseph s’occupe de plus en plus des affaires de leur père à Québec. Ce n’est pas nouveau que les gens de la ville traitent ceux de la campagne de buveurs de lait, mais ceux-ci leur rendent la monnaie de leur pièce en les qualifiant de sauteurs d’escaliers. La ville de Québec possède tellement d’escaliers afin de permettre le passage de la basse-ville à la haute-ville, et vice versa, que l’expression s’est imposée d’elle-même auprès de ceux qui ne vont qu’occasionnellement dans cette ville. Il faut voir les gens courir d’un escalier à l’autre à longueur de journée pour vaquer à leurs occupations. Le souffle court, les joues rouges, plus d’un cherche son air avant de pouvoir prononcer un seul mot. Comme Louis Joseph et son frère détestent se faire insulter, c’est chaque fois pareil : le ton monte vite. Quand ce n’est pas Louis Joseph qui lance l’injure suprême au visage de Charles François Xavier, c’est ce dernier qui passe à l’attaque. Cela leur donne une occasion en or de discuter un peu plus fort que d’habitude.

    — C’est bien mal me connaître, se dépêche de répondre Charles François Xavier. Je ne veux rien savoir de la ville, et cela vaut autant pour Montréal que pour Québec. J’aime bien mieux être entouré d’arbres et de chevreuils que de gens comme toi.

    — Il ne faut jamais dire : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau. » Tu vas faire comme les autres. Quand tu seras marié, tu verras les choses d’une autre façon, crois-moi.

    S’il y a un sujet dont Charles François Xavier ne veut pas entendre parler, c’est bien de mariage, surtout de celui que son père veut à tout prix organiser pour lui. Jusqu’à maintenant, il a pu s’en tirer, mais il ignore combien de temps encore il va pouvoir tenir bon avant d’être obligé de prendre ses jambes à son cou et de se sauver le plus loin possible pour échapper à un mariage forcé. Si ce n’était de sa tante Catherine qui raisonne son père chaque fois qu’il veut faire publier les bans, il y aurait longtemps que le jeune homme serait à court d’arguments. Mais peu importe les conséquences, il n’est pas question qu’il se marie sur commande pour servir les intérêts de son père, ça, jamais. Il a essayé d’expliquer son point de vue de toutes les façons possibles. Marguerite a plaidé sa cause auprès de Pierre-Thomas aussi, mais quand ce dernier a quelque chose en tête, ce n’est pas facile de le faire changer d’idée.

    Quand Pierre-Thomas vient à Montréal pour ses affaires, il en profite pour rendre visite à ses deux plus vieux. Chaque fois, il insiste pour que le mariage de Charles François Xavier ait lieu avant que Magdelon revienne de France. Aussi curieux que cela paraisse, la personne qui a le plus d’influence sur Pierre-Thomas, c’est Catherine. Alors Marguerite et son frère ont décidé de remettre une lettre à leur père pour Catherine, missive dans laquelle ils supplient leur tante de faire patienter leur paternel au moins jusqu’au retour de leur mère. Quand Magdelon sera là, Charles François Xavier n’aura plus de soucis à se faire. Elle le lui a souvent répété : jamais elle ne permettra à Pierre-Thomas d’utiliser ses enfants pour servir ses intérêts. Oui mais Magdelon ne reviendra pas avant le mois de juillet, et peut-être même seulement en août.

    — N’essaie pas de changer de sujet, rétorque Charles François Xavier. C’est de toi dont il est question.

    — Ménage ta salive. Je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi. Je suis assez vieux pour savoir ce que j’ai à faire.

    — Si maman était là, elle te secouerait par la peau du cou pour te faire entendre raison. Tu n’as pas le droit de traiter les domestiques comme tu le fais et tu le sais très bien.

    — Je vais les traiter comme je veux, que ça te plaise ou non. Tu ne me fais pas peur. Et puis tu n’habites même plus ici. Je te le répète, mêle-toi de tes affaires.

    — Je suis le plus vieux des garçons et tu vas m’écouter, que tu le veuilles ou non.

    Louis Joseph regarde son frère d’un air frondeur. Depuis que leur mère est partie en France – au mois d’août de l’année dernière – et que leur jeune frère, Jean Baptiste Léon, habite chez leur tante Catherine en attendant son retour, il fait la pluie et le beau temps au manoir. Il a beau jeu car, plus souvent qu’autrement, il est tout fin seul avec les domestiques. Et quand son père daigne faire un saut au manoir, père et fils s’entendent comme larrons en foire. Louis Joseph traite Étienne et Alexis, les deux domestiques, comme des chiens. Il a commencé à leur servir sa médecine bien avant que sa mère parte pour la France. Certes, elle l’a arrêté chaque fois qu’elle l’a pris sur le fait, mais ce n’était rien comparativement à tout ce qu’il fait maintenant endurer à Étienne et Alexis. Il ne leur parle pas, il leur crie après. Avec lui, un ordre n’attend pas l’autre. Les deux garçons ont tellement peur de Louis Joseph qu’ils tremblent de tout leurs corps dès qu’ils entendent sa voix. Il ne se passe pas une journée sans qu’ils implorent Dieu de vite faire revenir leur maîtresse au manoir. Tant qu’il y avait de la neige, ils prenaient leur mal en patience, mais maintenant que le beau temps est revenu, ils prêtent attention au moindre petit bruit pouvant signaler le retour de Magdelon, comme si elle risquait d’apparaître soudainement.

    Au moment où Charles François Xavier s’apprête à ajouter quelque chose, une belle et grande jeune fille sort du moulin banal. Elle se dirige dans la direction des deux frères. Dès qu’elle les aperçoit, elle baisse les yeux et se contente de regarder le bout de ses souliers de bœuf. Alors que Louis Joseph sourit de toutes ses dents, Charles François Xavier est sous le choc. Il n’a encore jamais vu cette fille, quoiqu’il ait déjà sa petite idée sur la raison de sa présence au manoir.

    — Je te présente France, la nouvelle esclave de papa, lance Louis Joseph d’un ton léger. C’est un cadeau de l’intendant.

    Charles François Xavier aurait mis sa main au feu qu’il s’agissait encore d’une manigance de son père. On ne choisit pas son père et, peu importe ses travers, une certaine forme d’attachement nous lie à lui, qu’on le veuille ou non. Charles François Xavier déteste son père autant qu’il l’aime. Il l’aime parce qu’il a toujours pourvu aux besoins de la famille et aussi parce qu’en de rares moments il a été capable d’ouvrir son cœur et de montrer aux siens qu’il les aimait. Il l’apprécie également pour son intelligence, son sens des affaires. Quand il y a de l’argent à faire, Pierre-Thomas est habile à saisir l’occasion. Mais il le déteste pour toutes les occasions ratées de passer du temps avec sa famille, pour son manque de respect envers les gens – surtout à l’égard des domestiques et des esclaves. Il le déteste aussi pour la manière dont il traite sa mère. Il ne l’a jamais frappée, du moins il n’en a jamais eu connaissance, mais il lui en a tellement fait voir de toutes les couleurs que c’est tout comme.

    Une chose est certaine pour Charles François Xavier : jamais il ne s’inspirera de son père. Depuis qu’il est tout petit, son modèle a toujours été sa mère. Avec elle, il n’a jamais vécu de déceptions. Il l’aime de tout son cœur. Derrière ses airs sévères se cache une femme aimante, toujours prête à défendre la veuve et l’orphelin. Il a appris d’elle à aimer les gens et à les respecter, peu importe le poids de leur bourse. Malgré ses nombreuses occupations, elle trouve toujours du temps pour ses enfants, à qui elle tient comme à la prunelle de ses yeux. Le jeune homme n’oserait jamais prétendre qu’il est son préféré, mais il se trouve privilégié d’avoir pu passer autant de temps avec elle. S’il a peu de souvenirs avec son père, c’est tout le contraire avec sa mère. Elle lui a montré à chasser, à pêcher, à soigner les gens. Grâce à elle, il peut aller et venir à sa guise dans le village indien. Il garde un souvenir indélébile du grand chef. Pour Charles François Xavier, saluer le vieil homme avant que ce dernier n’aille rejoindre ses ancêtres était un incontournable. Il ne pourrait pas expliquer pourquoi, mais la première fois qu’il a franchi les limites du village indien, il s’est aussitôt senti chez lui. Chaque fois qu’il va là-bas, il passe le plus clair de son temps avec l’aïeule. Installés dans la tente de celle-ci, tous deux échangent leurs connaissances pour soigner les gens. Il adore apprendre, mais il préfère de loin acquérir des connaissances sur le terrain plutôt que dans les livres. Il l’a souvent répété à sa mère : il a appris plus avec elle et avec l’aïeule qu’il n’en apprendra pendant toutes ses études en médecine à Montréal. Si ce n’avait été de l’entêtement de son père, il se serait contenté de suivre les traces de sa mère. Mais entre étudier à Montréal ou prendre la relève du paternel, le choix était évident pour lui.

    Comme la jeune fille n’ose pas regarder Charles François Xavier, Louis Joseph l’agrippe par un bras et lui lance d’une voix autoritaire :

    — Lève la tête au moins et salue Charles François Xavier, mon charmant frère. Mais ne te fais pas d’illusions, France. Tu ne le verras pas très souvent, car il vit à Montréal. Alors inutile d’espérer qu’il va te sauver parce que je vais l’en empêcher.

    Charles François Xavier n’a pas besoin d’en voir davantage. Il comprend sur-le-champ que son frère suit les traces de son père. Louis Joseph a vite saisi que les esclaves sont un bien et il ne se prive pas d’utiliser la frêle jeune fille comme tout seigneur se doit de le faire. Charles François Xavier est hors de lui. S’il ne se retenait pas, il se ruerait sur son frère et le frapperait jusqu’à ce qu’il retrouve un peu de savoir vivre. Il a l’impression d’être revenu en arrière, au temps où son père se la coulait douce avec ses esclaves, aussi longtemps que sa mère n’envoyait pas les jeunes filles au loin. Charles François Xavier était jeune, mais il s’en souvient très bien. Toutefois, il vaut mieux qu’il ne fasse pas trop d’éclats avant d’avoir parlé de la situation avec Catherine.

    — Enchanté de faire votre connaissance, France, déclare-t-il d’une voix douce.

    — C’est tout ce que tu trouves à dire ? lui demande Louis Joseph d’un air surpris. Avoue qu’elle est belle…

    — Tu sais parfaitement ce que je pense de tout ça… Tu vas m’excuser, il faut que j’aille voir Jean Baptiste Léon.

    Puis, à l’adresse de la jeune fille, il ajoute :

    — Comme je suis ici pour quelques jours, on aura sûrement la chance de parler un peu ensemble.

    — Hé ! Je viens de te dire que c’est la nouvelle esclave de papa, pas une amie de la famille.

    — Je pense que tu es encore plus méchant et mesquin que la dernière fois que je suis venu ici. Ma parole, tu es pire que papa. Mon pauvre Louis Joseph, tu fais pitié à voir !

    — Garde ta pitié pour toi, je n’en ai pas besoin, riposte Louis Joseph. Aussi bien te l’annoncer tout de suite, ajoute-t-il avec un petit sourire en coin. Catherine et Charles ont déjà fait tout leur possible pour que papa retourne France à l’intendant. Mais comme tu peux voir, elle est toujours ici. Alors, si j’étais à ta place, je ne perdrais pas mon temps. Si tu veux, je pourrais même la partager avec toi. Il s’agirait…

    Mais Charles François Xavier ne lui laisse pas le temps de finir sa phrase. Il lui met son poing sur la gueule et, sans même se préoccuper de son état, il prend la direction de la maison de sa tante Catherine. Il est fou de rage.

    Le comportement de son frère n’a rien de neuf, c’est seulement que Charles François Xavier n’arrive pas à s’habituer à l’entendre parler des gens de cette façon. Son père n’est pas mieux. Pierre-Thomas agit de la même manière, mais au moins il se garde de crier sur tous les toits ses moindres faits et gestes, contrairement à Louis Joseph. Pendant la courte distance qui sépare le manoir de la maison de Catherine, Charles François Xavier songe qu’il doit sortir France des griffes de son père et de son frère, coûte que coûte. Il ne sait pas encore comment il va s’y prendre, mais il trouvera un moyen.

    Alors qu’il arrive devant la maison de sa tante, il entend une voix derrière lui.

    — Charles François Xavier ? s’écrie Catherine d’une voix joyeuse en s’essuyant les mains sur son tablier. C’est bien toi ? Je ne t’attendais pas avant deux jours. Viens que je te serre dans mes bras.

    Heureux de revoir sa tante, le jeune homme court jusqu’à elle.

    — Je suis si content de vous voir ! lance-t-il. Vous ne pouvez vous imaginer à quel point.

    — Il me semble que tu es encore plus beau que la dernière fois, commente-t-elle en lui pinçant une joue comme quand il était petit. C’est Jean Baptiste Léon qui va être content. Il m’a fait promettre d’aller le chercher aussitôt que tu arriverais. Il est allé jouer sur le bord de la rivière avec les autres enfants.

    — J’espère qu’il ne vous donne pas trop de fil à retordre.

    — Ne t’inquiète pas, il est sage comme une image. C’est ton portrait tout craché.

    — Je suis heureux d’entendre ça. Je vous avoue que lorsque maman est partie, j’avais un peu peur que Louis Joseph déteigne sur lui.

    — Pour ça, il faudrait qu’il le voie. Ton frère ne vient jamais ici et Jean Baptiste Léon ne demande jamais à aller au manoir, même lorsque ton père y est. L’autre jour, il m’a dit qu’il n’avait qu’un frère et une sœur. Quand je lui ai signalé qu’il oubliait Louis Joseph, il m’a répondu que si celui-ci était un vrai frère il viendrait le visiter.

    — Si vous voulez mon avis, moins Jean Baptiste Léon voit Louis Joseph, mieux il se porte. Figurez-vous que je viens de mettre mon poing sur la gueule de Louis Joseph.

    — Quoi ? s’exclame Catherine d’un air surpris.

    — Vous avez bien compris. Je l’ai frappé parce qu’il a manqué de respect à la jeune esclave qu’il venait de me présenter.

    — Ce n’est pourtant pas dans tes habitudes d’être violent.

    — Assez, c’est assez ! Je trouve que Louis Joseph dépasse les bornes. J’ai vraiment hâte que maman revienne pour mettre un peu d’ordre au manoir.

    — Est-ce qu’il saignait du nez ? s’inquiète Catherine.

    — Je n’en sais rien et, pour être honnête, je m’en fous éperdument. Il y a des limites à traiter les gens comme des moins que rien. Avant, on disait que Louis Joseph ressemblait à père, mais plus ça va, plus je trouve qu’il est pire que lui. Père a un cœur, lui, alors que mon frère, s’il en a un, le cache tellement bien que personne ne le voit. Mais bon, ce n’est pas aujourd’hui qu’on va changer Louis Joseph, n’est-ce pas ?

    — Aussi bien t’y faire. Si je me fie à mon expérience, je n’ai jamais vu quelqu’un changer réellement. Bons ou mauvais, les gens sont ce qu’ils sont. Sans vouloir parler en mal de ton frère, je dois admettre qu’il n’est pas près de remporter une médaille pour sa bonté et sa générosité… à moins qu’on le connaisse mal.

    — Alors on est plusieurs dans le même bateau parce que tous ceux qui le connaissent ou qui font affaire avec lui – à part, bien sûr, de ceux du même acabit que lui et papa – ont à redire sur ses manières d’agir. Mon frère n’aime que lui-même. Je veux sortir France de ses griffes. Acceptez-vous de m’aider ?

    — Oui, mais je ne sais pas quoi faire.

    — J’ai peut-être une idée, mais on en parlera plus tard. Ne faites pas de bruit, je vois Jean Baptiste Léon qui s’en vient. Je vais essayer de lui faire la surprise. Les enfants jouent probablement à la cachette, et c’est lui qui compte.

    Charles François Xavier s’approche sur la pointe des pieds jusqu’à la hauteur de son jeune frère. Celui-ci s’écrie :

    — Prêt, pas prêt, j’y v…

    Dès qu’il réalise que son frère préféré est devant lui, le garçon lui saute dans les bras. Il le serre tellement fort que Charles François Xavier a peine à respirer.

    — Je pensais que tu n’arriverais jamais ! s’écrie Jean Baptiste Léon. Est-ce que Marguerite est venue avec toi ?

    — Pas cette fois, mais elle m’a donné une lettre pour toi et un cadeau aussi. Elle m’a demandé de te serrer très fort pour elle, ajoute-t-il en joignant le geste à la parole.

    — Peux-tu me donner tout de suite la lettre et le cadeau ?

    Jean Baptiste Léon a beau avoir treize ans, le benjamin d’une famille reste jeune un peu plus longtemps que les autres enfants. Le garçon adore recevoir des présents, surtout de sa sœur qu’il aime de tout son cœur.

    — Non, parce que je les ai laissés au manoir. Mais si tu veux, on peut aller les chercher.

    — Ce ne sera pas nécessaire, je peux très bien attendre.

    — Mais ça ne serait pas long…

    — Je n’ai pas envie de voir Louis Joseph. Il est trop méchant avec moi.

    — Qu’est-ce que tu veux dire ?

    — Rien d’important… Viens avec moi, je vais te montrer mon nouveau cheval.

    — Mais je l’ai vu la dernière fois que je suis venu…

    — Mon cheval est mort il y a un mois. Personne ne sait pourquoi. Un matin, je suis arrivé à l’écurie et il était mort. Quand père a su ça, il m’en a offert un autre. Je l’ai appelé Tempête. Je suis certain que tu vas l’aimer.

    — Je te suis. Si tu veux, on pourrait aller chasser demain.

    — Oui, mais attends, il faut que je demande la permission à tante Catherine.

    Comme Catherine a tout entendu, elle se dépêche de répondre :

    — Pas de problème ! Avec Charles François Xavier, tu peux aller au bout du monde si tu veux.

    Content, le jeune garçon sourit à sa tante avant de poursuivre sa discussion avec son frère.

    — On part à quelle heure ? s’enquiert-il d’une voix enjouée. Est-ce que tu vas pouvoir me montrer à tirer ?

    — On va partir à six heures. Quant à ta deuxième question, on verra ça demain.

    — Est-ce qu’on va aller au village indien ? Est-ce qu’on va manger du saumon fumé ?

    — C’est sûr !

    — Il faut que vous m’en rapportiez, dit Catherine. Ça fait des jours que je rêve de manger du saumon fumé. Venez, le souper est sûrement prêt.

    Chapitre 2

    Le soleil est couché depuis très longtemps, mais Catherine, son mari Charles et Charles François Xavier discutent encore près du feu de camp, assis sur des bûches de bois.

    — Il ne faut surtout pas que Louis Joseph ou quiconque de la seigneurie voit France monter avec toi dans le canot quand tu vas partir, indique Catherine.

    — Si vous voulez mon avis, il ne faudrait surtout pas qu’elle embarque ici, conseille Charles.

    — C’est bien beau tout ça, lance Charles François Xavier, mais il n’y a pas trente-six manières d’arracher France des griffes de mon frère. Tôt ou tard, Louis Joseph va finir par s’apercevoir de sa disparition, surtout qu’il m’a confié qu’il ne prévoyait pas aller à Québec avant deux semaines. Si j’en crois ce que m’a dit Zacharie en me laissant ici, il devrait revenir au plus tard dans trois jours. Cela ne nous laisse pas beaucoup de temps.

    Zacharie est le mari de Marguerite. Étant donné qu’il arrive occasionnellement à son beau-frère de se rendre à Québec pour ses affaires, Charles François Xavier en profite pour venir à Sainte-Anne quand ses études le lui permettent, d’autant qu’il s’entend très bien avec Zacharie. Depuis qu’il vit chez lui, les deux hommes n’ont eu aucun différend. Bien qu’ils ne soient pas toujours d’accord, il existe un tel respect entre eux que jamais il ne leur viendrait à l’idée de s’en prendre à l’autre de quelque manière que ce soit. Charles François Xavier dit souvent au jeune homme pour plaisanter qu’il va demander à sa mère de l’adopter pour qu’il devienne son frère, ce à quoi Marguerite répond qu’elle préfère de loin le garder comme mari. Il ne faudrait surtout pas qu’elle perde son beau Zacharie. Elle l’a aimé dès qu’elle a posé les yeux sur lui. Et plus les années passent, plus elle l’aime, ce qu’il lui rend très bien.

    Charles François Xavier sait que Zacharie sera d’accord avec ce qu’il veut faire. Ils ont parlé d’esclavage à plusieurs reprises. Tous les deux, ils croient que cela ne devrait pas exister, ni ici ni ailleurs.

    — Attendez, j’ai une idée ! s’écrie Catherine. On n’a qu’à emmener France à Batiscan. Je suis certaine que Jeanne va accepter de la cacher le temps que tu passes la prendre.

    Jeanne est la meilleure amie de Magdelon. Elle connaît Pierre-Thomas car elle l’a servi pendant de nombreuses années. Elle sait comment il traite ses esclaves. Et elle ne se fait guère d’illusions sur Louis Joseph ; celui-ci est encore plus irrespectueux envers les gens que son père. Sans l’ombre d’un doute, Jeanne acceptera de cacher France un jour ou deux.

    — Je pourrais l’y emmener, propose joyeusement Charles. J’avais justement prévu aller voir le mari de Jeanne avant de commencer les semences.

    — Il faut tout de même qu’on réussisse à faire sortir France du manoir sans que mon cher frère s’en rende compte, en tout cas pas dans les minutes qui suivront son départ.

    — À quelle heure se lève Louis Joseph ? demande Catherine.

    — Depuis que je suis là, il se lève aux aurores, avant même que le coq n’ait chanté. Je le sais parce qu’aussitôt qu’il ouvre un œil il commence à hurler des ordres comme s’il était le roi de France. Et la première personne à qui il s’en prend, c’est France.

    — Alors il faut la faire sortir du manoir au moins une heure avant que Louis Joseph se réveille.

    — Ça ne nous donnera pas une grande avance… laisse tomber Charles en se frottant le menton.

    — Mais on pourrait prétendre que France s’est sauvée, suggère Catherine. Cela te permettrait, Charles, de l’emmener à Batiscan en toute tranquillité.

    — Vous connaissez bien mal mon frère si vous pensez qu’il ne fera rien pour retrouver son esclave, argue Charles François Xavier d’un ton sarcastique. Je peux vous garantir que si France disparaît en plein jour, il va ordonner à tous les hommes de la seigneurie de la chercher. Mon frère tient à son esclave, ou plutôt à l’esclave de papa, comme à la prunelle de ses yeux.

    — On n’a donc pas d’autre choix que de la faire sortir du manoir de nuit, commente Catherine.

    — Je m’arrangerai pour être prêt à partir dès que France viendra me rejoindre ici. Le mieux, ce serait qu’elle se cache pendant tout le voyage. Ainsi, si je croise quelqu’un – ce qui risque fort d’arriver –, il croira que je voyage seul. Cela me donnera une couverture si jamais Louis Joseph s’en prend à moi. D’ailleurs, je mettrais ma main au feu que ça va arriver à un moment ou à un autre. Ta tante et moi, on ne s’est jamais gênés pour lui faire savoir ce qu’on pense de l’esclavage.

    — Mais comment vas-tu faire pour voir le chemin ? s’inquiète Catherine.

    — Ne t’en fais pas avec ça. Mon cheval connaît le trajet par cœur. Et avec un peu de chance, la lune va éclairer ma route. Regarde, elle est presque pleine, ce soir. Et si je me fie à mon genou, il devrait faire beau les prochains jours.

    — Alors quand passe-t-on à l’action ? questionne Catherine. Demain ou après-demain ?

    — Je pense qu’il vaudrait mieux agir la nuit prochaine au cas où Zacharie arriverait en avance, répond Charles François Xavier. Demain, je vais m’arranger pour parler à France seul à seule.

    — Ça ne devrait pas être trop compliqué, espère Catherine.

    — Non, mais Louis Joseph est loin d’être bête, jette Charles François Xavier. À cause de ma réaction le jour où il m’a présenté France, il se doute sûrement que je vais tenter de la lui enlever. Il ne sait pas quand ni comment, mais je suis certain qu’il veille au grain comme une poule sur ses poussins.

    — Ce n’est peut-être pas une bonne idée, dans ce cas, de libérer France, lance Catherine. Qu’est-ce qu’on va faire s’il nous prend la main dans le sac ?

    — Ne vous inquiétez pas, la rassure Charles François Xavier. Si jamais notre plan échoue, je vais tout prendre sur moi. Il ne peut pas faire grand-chose contre moi, à part se plaindre à père. Et même si mon frère décidait de ne plus me parler, je vous jure que je survivrais très bien.

    — Il a raison, Catherine, dit Charles. Louis Joseph ne peut pas se venger contre nous, d’autant que Pierre-Thomas…

    Charles n’a pas le temps de finir sa phrase qu’une voix grave résonne.

    — Est-ce que Charles est encore en train de se moquer de moi ?

    Heureusement que Catherine, Charles et leur neveu ne sont pas en plein jour, parce que la couleur de leurs joues les trahirait. En entendant la voix de Pierre-Thomas, les trois complices ont rougi d’un coup. Tout ce qu’ils souhaitent maintenant, c’est que le nouveau venu n’ait saisi que la dernière phrase.

    — Ne vous dérangez pas pour moi ! s’écrie Pierre-Thomas d’une voix forte. Je viens d’arriver de Québec et Louis Joseph m’a dit que nous avions de la visite. Étant donné que mon futur médecin de fils ne se trouvait pas au

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