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La fleur des pharaons
La fleur des pharaons
La fleur des pharaons
Livre électronique332 pages4 heures

La fleur des pharaons

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À propos de ce livre électronique

Que peut bien faire un égyptologue à une soirée mondaine à Paris, organisée par la Société Française des Parfumeurs ?
Voilà ce que se demande Savannah, parfumeuse jongleuse, oeuvrant pour la maison Hermès, lorsque le célèbre Malik Saleh
l’aborde inopinément pour une mission secrète bien particulière.
Intriguée et troublée par son charisme envoûtant, elle se jettera à corps perdu dans une aventure rocambolesque qui la mènera
du Caire aux confins du Soudan, à la recherche d’une mystérieuse fleur bleue. Celle-ci, d’après la rumeur, serait l’un des ingrédients composant
un onguent magique découvert dans le sarcophage d’ébène de la sublime Néfret, mère de Pharaon…
Prise entre aventures, mystères, passion et mensonges, Savannah saura-t-elle faire le choix entre
une vie sécuritaire toute tracée et un amour quasiment impossible ?
LangueFrançais
Date de sortie12 déc. 2023
ISBN9782898181368
La fleur des pharaons
Auteur

Francine Schaller

Née en Alsace en 1958, Francine Schaller fait des études de secrétariat et travaille plusieurs années en Allemagne en tant que correspondante en langues étrangères, avant d’immigrer en 1995 avec son conjoint et ses enfants au Québec, où elle s’établit dans la région des Laurentides. Passionnée depuis son plus jeune âge par l’Autriche, elle développe en 2000 un intérêt tout particulier pour la tragédie de Mayerling, suite à une rencontre sur le net avec un journaliste allemand.

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    Aperçu du livre

    La fleur des pharaons - Francine Schaller

    Prologue

    L’astre du jour se lève sur le désert près de Amenemhat Itchtaouy, résidence royale du pharaon Amenemhat 1er. Ses rayons dorés jouent avec les dunes, dans d’étonnants mélanges d’arêtes et de modelés, de vigueur et de courbes, découvrant çà et là de petits espaces rocheux, îlots perdus au milieu des étendues de sable blanc.

    Amonis termine l’embaumement rituel. Il vient de poser la dernière bandelette de lin qui doit masquer à jamais le regard éteint de la femme. Investi de solides connaissances théologiques, médicales et astronomiques, il est prêtre ritualiste et prêtre-embaumeur, tout comme l’avait été son père avant lui, et sert la maison royale depuis son arrivée dans la région.

    Avec émotion, il recule d’un pas et contemple son œuvre. Devant lui repose la sublime Néfret, mère de Pharaon et épouse de Senousret, ancien prêtre de Thèbes. Elle n’avait jamais porté de titre royal, mais avait eu sa place dans le palais de son fils. Il se rappelait douloureusement sa présence toujours silencieuse lors des cultes, se tenant très près à ses côtés, devant l’autel, pieds nus tout comme lui, alors qu’il disposait les offrandes de nourriture destinées aux dieux avant les incantations et les fumigations.

    Il n’avait jamais vu, de toute sa vie, une femme plus belle. De tout son être émanait quelque chose d’irréel. Elle avait cette beauté sauvage des femmes du pays de Nubie, des lignes nobles et fines avec une peau d’une douceur extrême et d’une couleur dorée qui rappelait les pains de miel. Toujours à la recherche de la perfection, elle utilisait quotidiennement maquillage, onguents et parfums pour sublimer encore plus cette vénusté toute en majesté.

    Cette beauté, Amonis devait la prolonger dans l’au-delà, pour l’éternité. C’est la mère du Pharaon elle-même qui avait demandé qu’il s’occupe personnellement de la préparer pour son ultime voyage. Honoré de cette confiance, il avait dicté au scribe, présent lors des diverses étapes de la momification rituelle, l’histoire inusitée de cette beauté métissée.

    Chapitre 1

    Il manquait, selon elle, un soupçon de myrrhe ou de réglisse pour peaufiner le savant mélange qu’elle était en train de créer. Assise devant son orgue à parfum tel un musicien devant son clavier, Savannah de Rodières huma la mouillette tout en fermant les yeux pour se laisser enivrer par l’effluve subtil lorsqu’une main sur son épaule la tira à contrecœur de ses réflexions. Elle reconnut sa directrice et l’accueillit d’un sourire triomphant.

    — Je crois bien que nous avons là quelque chose de prometteur. Peut-être ajouterais-je seulement un peu de myrrhe.

    Elle lui tendit la mouillette que la directrice huma à son tour tout en hochant la tête en guise d’approbation silencieuse.

    Savannah de Rodières travaillait en tant que « nez », communément appelé compositeur de parfum, dans la prestigieuse maison Hermès, fondée en 1837. Dans le métier, elle était ce qu’on appelait un parfumeur-jongleur, c’est-à-dire qu’elle pouvait travailler pour plusieurs maisons selon la demande. Sortie de l’École de parfumerie de la firme Givaudan sept ans auparavant, elle avait tout de suite été repérée par la maison Lancôme au sein de laquelle elle avait œuvré à développer sa signature olfactive propre et son style particulier. En 2012, elle avait participé, à très petite échelle, à la création de La Vie est belle.

    Depuis, elle avait rejoint Hermès et son équipe où elle avait amélioré l’analyse et la synthétisation des matières premières odorantes que la directrice maîtrisait très bien depuis son passage chez Firmenich, le fabricant suisse d’arômes, de parfums et d’ingrédients actifs cosmétiques. Tout comme sa supérieure, Savannah aspirait, elle aussi, à s’élever un jour au titre de « premier nez ». Consécration ultime, elle atteindrait ainsi le poste de premier parfumeur attitré pour une grande maison de composition.

    Hermès avait eu une commande spéciale pour un parfum unique afin de souligner l’anniversaire de l’épouse du directeur de la banque de France. Déjà occupée à élaborer un parfum, la directrice avait confié cette commande à Savannah qui avait été très honorée de sa confiance.

    Quatre heures plus tard, Savannah gara sa Mégane cabriolet devant le restaurant Casa Luca, une trattoria chic et décontractée au cœur de Paris. Paul l’y attendait pour fêter leurs cinq années de complicité et d’amour. C’était là qu’ils s’étaient rencontrés lors de fiançailles d’amis respectifs. Un court message texte dans l’après-midi l’y avait convié. Paul n’oubliait jamais rien.

    Lui-même était arrivé quinze minutes plus tôt et s’agitait sur sa chaise tel un enfant impatient. Il toucha plusieurs fois le petit écrin de velours qui reposait dans sa poche, comme pour s’assurer qu’il était toujours bien là. Il était décidé, cette fois-ci, à se lancer. Il aimait Savannah pour bien plus que son visage tout en douceur, ses magnifiques yeux bleus et son sourire déroutant. Il l’adorait pour sa détermination, son ambition et sa persévérance. En trois ans, elle avait gravi peu à peu les échelons d’un métier difficile, une marche à la fois, sans jamais se décourager. Elle était passionnée par ce qu’elle faisait, tout comme il était passionné par son travail de journaliste. Or, à l’approche de la quarantaine, il aspirait désormais à fonder une famille dans un foyer qui serait le leur. Il n’était pourtant pas persuadé que Savannah caresse les mêmes ambitions que lui. Tous deux s’autorisaient une liberté nécessaire aussi bien à leur équilibre personnel qu’à leur couple. Ils avaient, chacun de leur côté, leurs activités et leurs obligations et cela lui convenait parfaitement bien, jusqu’à dernièrement où, ayant réalisé que le temps s’égrenait trop rapidement, il se sentait désormais prêt pour une réelle vie de famille.

    À son arrivée, il se leva et l’accueillit avec un sourire avant de l’embrasser.

    — Salut, toi ! fit-elle gaiement.

    — Joyeux anniversaire ! dit-il en lui tendant une rose rouge qu’elle prit délicatement.

    Luigi s’était approché pour la débarrasser de son manteau. Au passage, il fit un clin d’œil discret à Paul, une manière de lui rappeler qu’il était toujours son complice. Savannah ne remarqua rien. Elle se contenta de le remercier de sa galanterie et prit place en face de Paul tout en humant le délicat parfum de la rose.

    — Ce n’est pas une rose de Damas, commença-t-il, comme pour s’excuser.

    — Elle est parfaite, Paul. Merci.

    — Tu as faim ?

    — Oui, très. Je n’ai pas eu le temps de déjeuner. J’ai bien avancé, je suis très satisfaite. Je pense pouvoir respecter l’échéancier imposé par la directrice.

    Tandis qu’elle se lança dans d’intarissables explications dont elle avait l’habitude, Paul l’écouta tout en la dévorant des yeux. Il aimait ces petits plis, là, juste au bord de ses magnifiques yeux lorsqu’elle souriait, cette bouche rosée aux lèvres pleines, ces mèches rebelles qui s’échappaient de sa queue de cheval. Sa joie de vivre et son incroyable optimisme, quand ce n’était pas sa simple présence, avaient cette capacité d’illuminer la plus morose des journées. Dès qu’ils furent servis, elle mangea avec appétit, alors que lui picorait à peine dans son assiette. Plus le temps s’égrenait et plus il devenait nerveux. Il attendait le bon moment.

    Depuis le bar, Luigi lui faisait signe de temps en temps en lui montrant la bouteille de champagne. Il s’efforça tant bien que mal de communiquer avec lui par d’autres gestes furtifs, de crainte d’attirer l’attention de Savannah. Ce fut peine perdue. Suivant le regard de Paul, se retournant vers le bar, elle prit conscience du manège silencieux qui se déroulait sous ses yeux.

    — Qu’est-ce que vous manigancez tous les deux ? dit-elle avec un sourire aux lèvres.

    Il était désormais trop tard pour reculer, aussi Paul se lança après avoir pris une profonde inspiration. Il lui tendit les deux mains, l’invitant par un signe de la tête à lui donner les siennes. Elle vit à son air sérieux qu’il allait lui annoncer quelque chose d’important.

    — Savannah.

    Il émit un petit rire nerveux.

    — Je ne suis pas très à l’aise, bafouilla-t-il.

    — Je vois cela. Il s’est passé quelque chose de grave ? Une mauvaise nouvelle ?

    — Non, rien de cela. Tout va bien.

    Il se racla la gorge dans un toussotement nerveux.

    — Savannah, je suis tombé amoureux fou de toi la première fois que je t’ai vue, à cette même table, il y a cinq ans. Depuis, tu me combles de bonheur. Quand je me plonge dans le bleu de tes yeux, j’y vois tout mon avenir. Un avenir à tes côtés. En fait, ce que je veux te dire…

    Il lâcha ses mains pour sortir de sa poche le petit écrin et l’ouvrit sur une bague très discrète en or blanc sertie de minuscules diamants.

    — Je t’aime, Savannah. Veux-tu m’épouser ?

    Savannah mit ses mains devant sa bouche sous l’effet de la surprise. Tout se bouscula dans sa tête à la vitesse de l’éclair. Elle ne se sentait pas prête à s’engager pour la vie, même si elle avait passé la trentaine. Elle vit Luigi et les autres clients qui regardaient vers leur table, dans l’attente d’une réponse. Paul, angoissé par son silence, se leva pour la rejoindre.

    — Je peux me mettre à genoux si tu y tiens absolument ?

    Il essaya tant bien que mal de meubler le silence qui durait.

    Savannah perdit son sourire habituel. Une ride prit naissance à la base de son front alors qu’elle fronçait les sourcils.

    — Je… Je ne sais pas quoi dire. Je ne m’attendais pas à cela, bégaya-t-elle.

    — Il te suffit de dire oui.

    Elle devait réfléchir, et vite. Seigneur, quel poids émotionnel pour ce pauvre Paul ! pensa-t-elle. Comment lui faire comprendre tout ce qu’elle ressentait sans que ce soit trop humiliant pour lui ? Pourtant, elle se devait d’être sincère.

    — Paul, je t’en prie, assieds-toi. Tu me mets mal à l’aise. Non, attends. Viens, sors avec moi.

    Elle le prit par la main pour l’emmener à l’extérieur.

    Paul ne comprit pas vraiment ce qu’il avait mal fait et la suivit à contrecœur, avec un sinistre pressentiment à l’âme. Une fois sur le trottoir, elle lui fit face et lui prit les mains dans un geste se voulant rassurant, puis se mit à parler d’une voix très douce et très calme.

    — Paul, ta demande m’honore beaucoup. Tu es quelqu’un de formidable et je t’aime de tout mon cœur, tu le sais, mais le mariage ne fait pas vraiment partie de mes projets, du moins pas pour l’instant.

    — Mais je te veux dans ma vie, affirma-t-il d’une voix brisée.

    — Tu m’as déjà dans ta vie. Pourquoi changer tout ce qui va très bien ?

    — Nous ne vivons même pas ensemble. Je veux une famille, des enfants.

    Savannah baissa les yeux, à la recherche des bons mots.

    — Tu ne crois pas en nous, dit-il sur un ton amer en se détachant d’elle. Tu n’y as jamais cru, je le savais.

    Savannah soupira.

    — Je comprends que tu sois déçu de ma réponse. Je crois en nous, mais pas de cette manière. Le mariage n’est pas à prendre à la légère.

    Se retournant, il se mit à se parler à lui-même comme s’il n’était plus conscient de sa présence.

    — Pourquoi faut-il toujours qu’il y en ait un qui aime plus que l’autre ?

    — Paul, je t’en prie. Essaye de me comprendre.

    Elle voulut faire un pas vers lui, mais il leva la main pour l’arrêter.

    — Non, c’est bon, j’ai compris, dit-il sur un ton las, avant de s’éloigner d’un bon pas.

    Elle n’essaya pas de le retenir. Il ne l’écouterait pas de toute façon.

    Je lui parlerai demain ! se dit-elle.

    Elle retourna dans le restaurant payer l’addition et s’excusa auprès de Luigi aussi mal à l’aise qu’elle.

    Bien qu’elle ait des sentiments très forts et très sincères pour Paul, elle caressait de plus hautes ambitions que celles de mener une vie rangée de mère et d’épouse. Dans le tourbillon de sa vie et de sa carrière, Paul lui suffisait pour l’instant. Mais, au fond d’elle-même, elle avait toujours eu quelques doutes quant à la durabilité de cette union. Elle ne pouvait se l’expliquer, mais elle savait, elle en était même intimement convaincue, que sa vie ne se limiterait pas à Paul.

    Chapitre 2

    Le sexe à l’aube ! Malik adorait faire l’amour au petit matin, lorsque le soleil levant filtrait à travers les persiennes, faisant étinceler les minuscules particules de poussière flottant dans l’air et qui semblaient caresser la peau très claire de la femme qui ondulait au-dessus de lui. Le spectacle de ces seins gonflés sous les caresses expertes de ses mains l’excitait. La plupart du temps, ses coups de reins étaient comptés, ciblés, il ne faisait jamais trop durer ses ébats. Quant aux sentiments, il n’en avait que faire. Toutes ces femmes avaient beau éprouver de l’amour à son égard, c’était pour lui un aller sans retour. Aucun sentiment, jamais ! En revanche, il avait besoin de sexe comme il avait besoin d’air pour respirer. À vivre à longueur d’année avec les morts, faire l’amour était pour lui le seul moyen de se sentir vivant.

    Malgré ses principes, avec elle, il aimait prendre son temps, depuis les préliminaires jusqu’au coït final. Elle, c’était Hélène, agente de bord pour Air France, détachée sur les vols réguliers entre Paris et Le Caire, malheureuse et coincée dans un mariage ennuyeux qui avait le seul avantage de la sécuriser. Un amant en Égypte, qu’elle pouvait voir régulièrement lors de ses escales, était une échappatoire fort agréable et excitante à souhait.

    À part elle, il y avait Djamina, la secrétaire du directeur du musée du Caire, qui avait vécu quelque temps à Paris, tout comme lui. Elle en avait gardé une liberté d’esprit et de mœurs en totale rupture avec la culture de son pays, les femmes musulmanes égyptiennes n’ayant pour la majorité pas de relations sexuelles avant le mariage. Heureusement, il y avait toujours des exceptions qui faisaient le bonheur des hommes en quête d’aventures tels que Malik. Bien sûr, aucune de ses deux maîtresses ne connaissait l’existence de l’autre. Cependant, chacune savait à quoi s’en tenir avec lui. Il les comblerait sexuellement, mais elles ne devaient pas s’attendre à plus de sa part, jamais ! Vue de l’extérieur, cette attitude aurait pu témoigner d’une forme d’égoïsme narcissique ; Malik, lui, s’en moquait.

    L’orgasme le laissa pantelant durant quelques minutes, puis il se leva et jeta le préservatif rempli de sperme pour se glisser sous la douche.

    Seule avec elle-même, Hélène se lova dans les draps de coton égyptien. Elle allait pouvoir dormir encore quelques heures avant de partir pour l’aéroport. Un instant, elle admira avec un sourire le corps basané tout en muscles, les fesses fermes et rondes de son amant qui se dirigeait vers la salle de bain. Elle se moquait bien de son semblant d’indifférence, tant qu’il l’acceptait dans son lit, ce qu’il faisait d’ailleurs à chacune de ses visites. Durant leurs ébats, il pouvait être à la fois affectueux puis soudainement brutal, comme s’il voulait la punir, elle, d’avoir occasionnellement des élans de tendresse. Depuis le temps qu’elle le connaissait, elle l’avait cerné et avait compris que si elle voulait le garder, elle devait respecter son besoin de se sentir libre de toute attache. Bien souvent, elle arrivait très tard dans la nuit et il l’accueillait chaque fois avec des baisers enflammés, tout en la déshabillant avec hâte. Seigneur ! Il embrassait comme un Dieu, sans parler du reste… Le sommeil la gagna rapidement.

    Malik s’approcha silencieusement du lit pour prendre ses clés de voiture et s’arrêta un instant pour admirer son amante. De longues boucles blondes encadraient un visage sans défaut. Son regard caressa un instant son cou gracile, ses épaules et son dos nu. Puis, il remonta dans un geste machinal le drap sur ses épaules. Cette nuit les avait, comme chaque fois, privés d’heures de sommeil qu’il comptait bien rattraper en attendant son prochain rendez-vous amoureux. Il griffonna rapidement quelques mots sur un bout de papier et le déposa bien en vue sur la table de nuit, puis il quitta son appartement. On pouvait y lire en français : « Merci. Bon retour. Salue Paris de ma part. À samedi. ». Il avait dessiné un semblant de cœur après son nom. Se ravisant, il l’avait transformé en gribouillis. Surtout pas de sentiments, jamais !

    Le café Greco était, au petit matin, le rendez-vous des habitants de El Maadi, un quartier résidentiel très prisé par les expatriés français, situé à vingt-cinq minutes du centre-ville du Caire. Malik aimait ce quartier de verdure, dans lequel se dressaient beaucoup d’arbres centenaires et qui lui rappelait toutes ces années passées à Paris lors de ses études à la Sorbonne. Bien qu’il soit Égyptien de naissance et très attaché à son pays et ses racines, il avait aimé le rythme de vie de la France, lequel n’était pourtant pas très différent de celui du Caire, où culminaient la pollution, un gigantisme et une saleté hors du commun. Quatre-vingts pour cent de la population totale du pays y était d’ailleurs entassée. Comparé au reste de la ville, El Maadi semblait presque paisible, du moins à l’abri du tumulte du centre-ville.

    — Bonjour, dit-il en français tout en saluant les serveurs. Un café et un croissant, s’il vous plaît !

    Il rejoignit au fond du café son ami et voisin de palier Guillaume Séguin, originaire de Montréal, qui œuvrait en tant qu’ingénieur pour une compagnie canadienne spécialisée dans la construction d’immeubles de prestige.

    — Bon matin, Malik ! J’me doutais que tu n’étais pas encore parti pour Licht. J’suis mal pris. Ma voiture est encore en panne. Tu peux-tu me déposer ?

    — Tu devrais peut-être te procurer un autre véhicule. Je vais devoir faire un détour. Tu sais bien que ce n’est pas ma direction.

    — J’savais que je pouvais compter sur toi, mon chum, répondit Guillaume avec un large sourire.

    Il avait omis volontairement de réagir à sa remarque.

    Malik hocha la tête de gauche à droite en signe de découragement avant de mordre à pleines dents dans le croissant qu’Hakim venait de déposer devant lui.

    Ils conversaient toujours entre eux en français, ce qui n’était même pas exceptionnel dans ce quartier très européanisé. Guillaume le faisait avec sa parlure québécoise pleine de contractions, Malik avec un soupçon d’accent arabe dans un français impeccable.

    — Pis ? Vos fouilles ? Vous en êtes rendus où ?

    Guillaume faisait référence aux fouilles archéologiques que dirigeait Malik à la nécropole de Licht située à une soixantaine de kilomètres au sud du Caire et qui regroupaient plusieurs pyramides et mastabas de la douzième dynastie. Égyptologue rattaché au musée du Caire, dont le directeur n’était nul autre que son propre père, Malik Saleh comptait parmi les meilleurs spécialistes de l’Égypte antique. Il était l’auteur de plusieurs articles dans des revues spécialisées, donnait de multiples conférences à travers le monde et assistait régulièrement à des colloques internationaux entre chercheurs. Malgré cela, ce qu’il affectionnait le plus était le travail sur le terrain. Il excellait en épigraphie et maîtrisait parfaitement le français, l’anglais et même l’allemand, un atout non négligeable, plus d’un tiers des publications égyptologiques étant rédigé dans la langue de Goethe.

    — Nous avons découvert deux sarcophages dans le mastaba près de la tombe d’Amenemhat 1er. Nous pensons que ce sont ceux de ses parents. Il y en a un qui est en ébène, sans aucune décoration. Ce n’est pas très usuel, car l’ébène est un bois très lourd et très dense. Normalement, les anciens utilisaient du cèdre, du ficus et du sycomore. Nous avons cru au départ que c’étaient les pigments de peinture qui rendaient le bois aussi sombre, mais lorsque nous avons voulu le soulever, nous avons vite compris que nous faisions erreur. Nous devons les rapatrier au musée aujourd’hui pour les ouvrir et les étudier. Sur le mur de la chambre funéraire sont gravés des hiéroglyphes que je vais également étudier. Donc, beaucoup de travail en perspective.

    La sonnerie de son téléphone portable l’interrompit dans ses explications.

    — Allô ? Oui, c’est Malik, répondit-il en arabe, alors que Guillaume se reconcentra sur son café. Il écouta son interlocuteur tout en hochant la tête par moments. Bien, je dois faire un détour par Al Qahira et j’arrive.

    Il se leva tout en appuyant sur la touche « fin ».

    — Si tu veux que je te dépose, c’est maintenant. Ils m’attendent sur le site. Ils s’apprêtent à sortir le premier sarcophage.

    Guillaume ne se fit pas prier. Quelques minutes plus tard, il prenait place sur le siège passager du Land Rover poussiéreux de Malik.

    Le mastaba portant le numéro quarante-deux était une structure en pierre de forme quadrangulaire aux murs légèrement inclinés. À l’intérieur s’y trouvaient : une chapelle, dans laquelle était célébré le culte funéraire ; une pièce fermée renfermant les statues du défunt ; enfin, à une profondeur de près de vingt mètres, accessible par un puits, la chambre funéraire où se trouvaient le sarcophage ainsi que les biens qui devaient accompagner le mort dans son autre vie.

    Les décorations murales de la chapelle montraient des scènes de la vie quotidienne, de dévotion ou d’offrandes et ressemblaient à celles que l’on trouvait partout ailleurs dans d’autres monuments de la sorte.

    Malik s’intéressait davantage aux hiéroglyphes qui racontaient l’histoire des occupants. Il les étudia durant plus de cinq heures et fut très surpris de la manière dont on décrivait la femme que l’on avait amenée ici il y avait de cela près de quatre mille ans. Non seulement elle semblait surpasser toutes les femmes de l’époque par son charme exceptionnel, mais il semblait également, selon les écrits, que le temps n’avait eu aucune emprise sur son corps qui, à presque cinquante ans, avait encore la souplesse et les courbes d’une adolescente. Le syndrome de Highlander, qui provoque une évolution du corps cinq fois moins vite que chez une personne normale, aurait-il déjà existé au temps de l’Égypte ancienne ? Ou bien les anciens Égyptiens auraient-ils trouvé un moyen de ralentir le processus de vieillissement ? Malik sourit à cette idée et admira une nouvelle fois la statue qu’ils avaient trouvée dans la pièce contiguë à la chapelle. Comme tout le monde, il connaissait le fameux buste de Néfertiti, grande épouse royale du pharaon Akhénaton de la huitième dynastie, œuvre qui trônait au musée de Berlin et qui représentait un idéal esthétique, mais il dut admettre que la statue de cette inconnue, qui semblait le regarder d’un œil bienveillant, surpassait de loin tous les canons de vénusté qu’il connaissait. Le visage présentait une symétrie exacte, une peau sombre, un nez assez long et large à sa base avec des narines très ouvertes, une bouche pleine et harmonieuse, des yeux en forme d’amande et un regard qu’il ne pouvait réellement décrire. Elle lui rappelait les traits sensuels et mystérieux des femmes du cœur de l’Afrique et dont les gènes perduraient également dans le peuple égyptien. Il en était intrigué et avait hâte d’en apprendre un peu plus sur l’occupante insolite de cette tombe.

    Chapitre 3

    Le lendemain matin, très tôt, Malik se présenta au laboratoire de restauration du musée du Caire où l’on devait ouvrir les deux sarcophages rapportés du mastaba. Il en savait désormais un peu plus sur la femme qui devait probablement reposer dans le sarcophage d’ébène. Le déchiffrage des hiéroglyphes de la chapelle funéraire avait révélé qu’il s’agissait bien de la mère du roi Amenemhat 1er.

    Elle se nommait Néfret et était originaire de la région de Ta-Seti, cette Nubie des temps anciens longeant le Nil, aujourd’hui une région du Soudan et de l’extrême sud de l’Égypte. Elle avait épousé à l’âge de quatorze ans son cousin Sénousret, de neuf ans son aîné, qui officiait en tant que prêtre au grand temple de Thèbes, alors capitale administrative du sud de la Haute-Égypte. À cette époque lointaine, les prêtres étaient très respectés et célébraient les cultes à la place de Pharaon, leur charge se transmettant de père en fils. De l’union de Néfret et de Sénousret naquirent trois filles et deux garçons, dont le plus âgé, Amenemhat, devint le premier ministre du pharaon Moutouhotep IV. Cette charge administrative était réservée à certains prêtres. Après que son fils eut pris le

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