A Montmartre le soir
Lucienne avait 15 ans lorsqu’un soir de mai 1885 sa mère succomba à la grippe. Son père les ayant abandonnées toutes deux dès sa naissance, elle se retrouva orpheline.
Elle fut alors recueillie par sa tante Augustine. Blanchisseuse, elle tenait une boutique à Montmartre et louait au-dessus de celle-ci un petit appartement.
Lucienne, reconnaissante, voulut l’aider dans son travail et Augustine accueillit cette proposition avec soulagement. La besogne à la lingerie ne manquait pas et elle peinait à la tâche. Son mari, charpentier, avait trouvé la mort neuf ans plus tôt en tombant d’un toit qu’il réparait. Contrainte de vivre avec un seul revenu, elle avait dû congédier son employée.
Elle donnait à sa nièce des tâches simples, comme le repassage des serviettes de table, des draps, et autres tissus sans plis. Elle se réservait celles plus complexes du linge de corps.
Elle avait une clientèle hétéroclite, qui allait des petites-bourgeoises aux danseuses qui animaient des bals. Les unes comme les autres possédaient des dessous à volants délicats et difficiles à défroisser. Augustine aimait voir son établissement fréquenté par ces jeunes femmes libres qu’étaient les danseuses. Elles apportaient de la fantaisie, de la gaieté à son quotidien.
L’une d’elles l’avait un jour invitée à venir la voir danser à l’Elysée-Montmartre. Chaque soir, il s’y donnait un bal où elle se produisait au milieu des clients. L’établissement se trouvait non loin du domicile de la lingère. Ce qui l’avait convaincue de s’y rendre. Elle se levait de très bonne heure et n’aurait pas ainsi à grignoter sur ses heures de sommeil. Lucienne l’avait accompagnée à cette soirée et, l’une comme l’autre, elles en étaient ressorties enchantées.
Depuis, la tante et la nièce se rendaient une fois par semaine dans ce lieu festif. On y dansait le quadrille. Bien détourné de ses pas d’origine, celui-ci laissait place désormais à des compositions plus libres, voire athlétiques, de la part des danseurs professionnels mêlés aux clients. L’enthousiasme d’Augustine était
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