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Le faux pas d'un maçon creusois
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Le faux pas d'un maçon creusois
Livre électronique216 pages2 heures

Le faux pas d'un maçon creusois

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À propos de ce livre électronique

Retour dans les années 70 en Creuse, où toutes nos certitudes voleront en éclats...

1973, dans les environs de Bourganeuf en Creuse, un maçon tombe d’un toit. Plus de deux ans ont passé lorsque la sœur de la victime fait part de ses soupçons au commissaire de Guéret. Pour elle, il ne s’agit pas d’un accident.
Elle ne convaincra pas le policier…. Jusqu’au moment où un indice validera la thèse de l’agression. Pepito Rossi n’avait pas d’ennemis, pourquoi l’a-t-on assassiné ? Les pistes seront nombreuses, elles amèneront Martine et Diégo à sillonner une nouvelle fois les petites routes creusoises à bord de la tapageuse R12 Gordini. Les rebondissements conduiront les inspecteurs dans le milieu des tailleurs de pierre de Sardent, puis dans les gangs marseillais et grenoblois des années 70…

Retrouvez Jacques Jung dans cette nouvelle enquête aux multiples rebondissements !


À PROPOS DE L'AUTEUR


Jacques Jung est retraité d’une carrière dans la fonction publique au service de la défense du consommateur, il a également exercé les activités de correspondant de presse et de chroniqueur radio. L’auteur a déjà publié un roman historique « La Brême d’Or » sur l’histoire tourmentée d’une famille en Moselle. Ce roman figurait dans la première sélection du Goncourt lorrain 2013 (prix Erckmann-Chatrian). Il vit à Saint-Gély-du-Fesc (34).

LangueFrançais
Date de sortie8 nov. 2021
ISBN9791035314989
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    Aperçu du livre

    Le faux pas d'un maçon creusois - Jacques Jung

    Lundi 6 octobre 1975

    Onze heures du matin, les pas rapides de Nadine, la secrétaire du commissariat de Guéret, résonnèrent dans le couloir. Du sommet de ses escarpins noirs, elle ouvrit la porte sans frapper, se planta devant les inspecteurs Martine et Diégo la mine renfrognée, le regard sombre pour grommeler :

    — Le chef veut vous voir maintenant et tous les deux.

    Elle tourna les talons sans plus de commentaire.

    — Hum, elle s’est levée du pied gauche, commenta Martine.

    — Quelque chose la contrarie, j’en suis sûr, renchérit Diégo.

    — J’ai ma petite idée, elle a raté son concours de secrétaire principale ! C’est la soupe à la grimace assurée pour plusieurs jours.

    Le principal Diégo Castellon et la jeune inspectrice Martine Malicette travaillaient en équipe depuis plusieurs années. Les vingt ans qui les séparaient et leurs méthodes de travail divergentes avaient nourri bien d’âpres débats entre eux. Au fil du temps leurs discordes s’étaient transformées en une collaboration efficace, en duo de choc.

    Le commissaire Claude Giraudin, surnommé Barbu Cendré pour sa barbe blanchissante, arrivait de Rouen et espérait bref son passage dans ce « petit département », une étape nécessaire pour accéder à des responsabilités prestigieuses, dignes de ses hautes compétences. Il en était convaincu. « Bien faire et le faire savoir », telle était sa devise.

    Aussi n’avait-il pas tardé à prendre sa première décision importante, à la hauteur de ses responsabilités : il avait fait installer une horloge dans le bureau du secrétariat. Une bonne secrétaire devait respecter les horaires et son chef devait le lui rappeler. Il suffirait qu’il pointe son doigt vers la pendule au moindre écart.

    Quand elle levait les yeux en direction de l’horloge, Nadine haussait les épaules et se moquait de lui. Il n’était pas matinal et n’arrivait guère avant dix heures, ce qui laissait à la secrétaire une grande latitude. à ce petit jeu, elle n’était jamais perdante. Dans peu de temps il me mangera dans la main s’il veut que son travail avance ! songeait-elle.

    Lorsque les inspecteurs arrivèrent dans le bureau de Nadine, des cris perçants s’échappaient de la porte du commissaire.

    — ça barde là-dedans ! lança la secrétaire aux inspecteurs, agitant rapidement sa main pour souligner sa remarque.

    En bras de chemise, debout, arc-bouté, Barbu Cendré peinait à contenir les assauts d’une matrone ébouriffée à la voix de stentor. La brune à la coiffure tombant en longues mèches dans le cou portait un manteau noir avec un col en fourrure mode années 1950. Les visages se défiaient dans un face-à-face rapproché, joues écarlates pour la femme dodue, blêmes comme une statue pour le commissaire. Les inspecteurs hésitèrent à pénétrer dans le champ de bataille.

    — Entrez, éructa Barbu Cendré, les apercevant hésitants devant la porte. Je vous présente Francesca Bournier, continua-t-il, s’affalant sur son siège dans un long soupir. Il y a deux ans, son frère s’est tué en tombant accidentellement d’un toit, il exerçait le métier de maçon à Sardent.

    — Pas accidentellement ! coupa la matrone comme électrisée, je m’échine à vous expliquer qu’il a été poussé. Vous ne m’écoutez pas !

    La pointe de son nez bourbonien disgracieux montait et descendait au gré de ses paroles, accrochant le regard de ses interlocuteurs.

    — Vous vous pointez ici deux ans après les faits, dénonça Barbu Cendré sur le même ton acerbe, pourquoi devrais-je vous croire ?

    — Au début, je ne me doutais de rien. Le soupçon s’est insinué dans ma tête au fur et à mesure après le décès.

    La femme était assise au bord de sa chaise, trop pressée de raconter pour s’installer vraiment. Martine quitta la pièce et réapparut avec le magnétophone qu’elle mit en route. Cette interruption calma les esprits.

    Le frère de Francesca dirigeait une entreprise de maçonnerie. L’activité était florissante, Pepito Rossi employait une dizaine de salariés et avait acquis du matériel moderne, deux camions, un fourgon Peugeot, une 404 bâchée et une 4 L fourgonnette.

    — Tout se passait bien sauf que sa femme Anne-Marie le trompait avec un des employés, mon frère l’a alors renvoyé sous un faux prétexte.

    — Quel prétexte ? interrogea le commissaire.

    — Pepito disait qu’il ne foutait rien, la vérité c’est qu’il avait tout découvert. à la campagne, tout se sait tôt ou tard.

    — Le nom de l’amant ?

    — Fernand Strouble.

    — Bon, continuez, soupira Barbu Cendré, allez à l’essentiel.

    Le regard brun de la femme s’anima :

    — Fernand n’a même pas attendu l’enterrement de son patron pour s’installer chez ma belle-sœur Anne-Marie. Ils sont partis ensemble à l’église et au cimetière le jour même des obsèques. Tout naturellement, il a pris la tête de l’entreprise, il a commencé à se pavaner en costume trois-pièces et foulard de soie, jouant au patron dans un accoutrement de malfrat. Quant à Anne-Marie, jusque-là c’était une femme à la mise simple, à la silhouette empâtée, elle ne mettait jamais les pieds chez le coiffeur. Du jour au lendemain, elle a soigné sa ligne et porté des vêtements de luxe pour déambuler au bras de ce malappris comme une pin up, ou dans leur Alpha Roméo rouge décapotable.

    Le débit rapide et sans hésitation laissait penser qu’elle avait ressassé tous les détails bien des fois.

    Elle se tut, plantant son regard sur le commissaire. à ses yeux, cette indécence des amants prouvait à elle seule leur culpabilité dans le décès de son frère Pepito.

    — Je comprends que vous soyez blessée par leur attitude, les gens ont parfois un comportement infâme, mais où voulez-vous en venir ? s’impatienta Barbu Cendré, quelque peu agacé par ce qu’il estimait être une perte de temps.

    — Il ne s’agit pas de moi, mais la rapidité avec laquelle cette nouvelle vie s’est mise en place m’interpelle, c’est une preuve, non ? renchérit Francesca.

    Elle reprit, le souffle court :

    — L’entreprise n’a pas fait long feu. Jusque-là prospère, elle a sombré en quelques mois, entraînant avec elle la perte de la maison. Les créanciers ont tout saisi. Le couple a éclaté, Fernand est retourné vivre chez sa mère dans l’attente d’un nouveau coup à monter et ma belle-sœur s’est installée dans une HLM à Guéret. Maintenant elle fait le ménage au lycée de filles.

    — Bien, soupira le commissaire, soucieux de mettre un terme à ce qu’il considérait de plus en plus comme une construction tout droit sortie de l’imagination de cette femme qui cherchait désespérément un responsable à son malheur. Nous allons vérifier tout ça, vous auriez dû venir nous faire part de vos doutes plus tôt, aujourd’hui ce sera plus difficile, mais je vous promets de reprendre l’enquête.

    — Agile comme un funambule, mon frère n’est pas tombé tout seul d’un toit, conclut Francesca.

    Le commissaire se leva pour signifier la fin de l’entretien, il raccompagna Francesca Bournier et referma la porte derrière elle.

    —  Tout ça m’apparaît bien léger.

    Il jeta un œil interrogateur en direction des inspecteurs, dont la mine exprimait le même doute quant au sérieux de l’affaire.

    — Allez, enquête de routine, on verra bien ce qu’il en ressortira. On commence par les gendarmes pour connaître les circonstances de l’accident et ensuite, on enchaînera avec une visite aux anciens amants.

    Pour gagner du temps, Martine et Diégo prirent leur repas à la cantine. Après avoir ingurgité une entrée de carottes râpées baignant dans une vinaigrette à l’acidité redoutable même pour les estomacs les plus blindés, Martine se contenta de triturer les morceaux de viande qui nageaient dans une sauce brune sans pouvoir identifier la nature du plat :

    — Bœuf bourguignon, lança Diégo qui leva vers elle un regard incrédule.

    — Ah oui ?

    — Tu veux vérifier ? interrogea Diégo en lui tendant le menu du jour.

    Ils se promirent de retourner dans leur gargote favorite, Les routiers sont sympas, en référence à la célèbre émission de Max Meynier diffusée le soir sur RTL. Elle était située au bord de la RN 145 vers Ajain et la bande d’habitués qui avait pour habitude de s’y retrouver se donnait rendez-vous « Chez Maxim’s », en référence au chef Maxime Legot qui était aux fourneaux.

    — Commençons par les gendarmes, proposa Diégo tout en filant à vive allure sur l’avenue de la Sénatorerie au volant de sa R12 Gordini. Martine accrochée à la poignée de la portière tentait désespérément de repérer les lieux qui défilaient à toute vitesse.

    L’automne avait revêtu son manteau gris. Au loin, les vallons aux formes douces flottaient dans une brume tenace. C’était le type même de journée au temps immobile. Les heures s’égrenaient sans qu’on distingue le matin de l’après-midi.

    — Quel décor morne ! bâilla Martine, le regard planté sur la campagne. Calée sur son siège, elle ne tarda pas à sentir une douce torpeur l’envahir comme si la ouate de la brume avait fini par entrer dans l’habitacle et la pénétrer tout entière.

    Jeune, maigre et pète-sec au visage osseux, Rufus Smart, chef de la brigade de Pontarion, les reçut dans son bureau. Il prit place dans son fauteuil et invita d’un geste les inspecteurs à s’asseoir face à lui. Le képi qu’il venait de quitter et de déposer sur son bureau exposa au grand jour une large calvitie.

    Le gendarme ouvrit un dossier jaune d’un geste rapide et commença la lecture du procès-verbal de constat : « Le mercredi 6 juin 1973, à 17 h 35, nous nous sommes transportés sur les lieux d’un accident du travail survenu sur le territoire de la commune de Janaillat. Eugène Kaopicrin, propriétaire d’une habitation à Sardent, route de Pontarion, nous avait informés de la chute mortelle du couvreur chargé de réparer le toit de sa maison. Aux jours et heures susindiqués, le docteur Loussiard se trouvait sur les lieux et venait de constater le décès. Le corps gisait dans une grande flaque de sang répandue sur le béton d’une cour près d’une échelle probablement tombée du toit. Une seconde échelle était restée sur ledit toit (photos en supra). Le véhicule utilitaire type Renault Super Goélette à benne basculante de couleur bleue de la victime stationnait à proximité. »

    Il tourna la page et reprit : « L’homme au sol se nommait Pepito Rossi, artisan maçon. Interrogé dans la soirée à son domicile à Sardent, Raoul Mangin, un de ses employés, nous a déclaré qu’il s’agissait d’un travail rapide et que le patron avait préféré s’en charger lui-même plutôt que d’envoyer un ouvrier. 

    La résidence secondaire appartient à Eugène Kaopicrin, absent des lieux au moment des faits.

    La chute par accident ne fait aucun doute, et l’absence de dispositif de sécurité genre harnais ou cordage l’a rendue mortelle. »

    — Qu’est-ce qui vous amène ? L’intonation de la voix laissait transparaître son étonnement. Il continua : D’habitude, nous traitons directement ce type d’accident, la police ne se déplace pas.

    — Dans cette affaire, la famille conteste la thèse de l’accident. Plus précisément, la sœur de Pepito Rossi, Francesca Bournier, affirme que son frère a été tué. Vous la connaissez ?

    — Négatif, c’est curieux qu’elle ne soit pas venue nous voir. Les accidents de ce type ne sont pas rares, la famille a souvent du mal à l’accepter. Un manque d’attention et vous vous retrouvez six mètres plus bas.

    — Nous souhaitons emporter le dossier pour étudier les photos, indiqua Diégo.

    — Affirmatif, répondit le gendarme. Faites un tour à la mairie, moi je n’ai pas d’autres informations, je n’étais pas encore en poste ici à l’époque, je connais peu la famille.

    à la mairie de Sardent, une jeune femme brune au visage empâté les accueillit. Aussitôt leur requête formulée, elle interpella l’homme mince d’une cinquantaine d’années qui passait non loin de là. Il souleva et reposa rapidement son béret sur la tête :

    — Bonjour, Agostino Romani, adjoint aux finances, que puis-je pour vous ? questionna-t-il en tendant une main calleuse.

    Après s’être présenté, Castellon lui demanda de décrire Pepito Rossi.

    L’élu dodelina de la tête.

    — Pepito ? lança-t-il le regard vif. Un brave gars, son entreprise tournait bien. Nous avions les mêmes origines, nos parents ont fui le fascisme des années 20 en Italie. Nous parlions souvent du pays, des difficultés que nous rencontrions en France, les sobriquets de rital ou de macaroni qu’il fallait supporter. Yves Montand a très bien parlé de ces choses avec sa simplicité chaleureuse. Nos pères sont communistes, celui de Pepito s’appelle Mario Rossi, un vieux madré celui-là. Ils travaillaient ensemble dans les carrières pour des salaires de misère, des travaux de forçats, ils cassaient la pierre par tous les temps, y compris lorsqu’il gelait dur. Le boulot était risqué, des éclats de granit pouvaient provoquer de graves blessures, quand il n’y avait pas d’accidents mortels. Le travail harassant les usait, les rendait parfois infirmes¹. Voilà notre histoire, Pepito n’a pas voulu rester

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