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Vendu soit le Seigneur du Ciel !
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Livre électronique159 pages1 heure

Vendu soit le Seigneur du Ciel !

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À propos de ce livre électronique

Le commissaire Wang et un vieux missionnaire français, le père Lavieil, s'associent pour résoudre le mystère de l'assassinat du petit-neveu du second sur l'île de Weizhou, perdue au milieu de la mer de Chine, autrefois siège d'un séminaire catholique.

L'enquête n'avance certes pas du feu de Dieu, mais les petits plats que ces deux-là se préparent pour se réconforter les portent aux anges.

La gourmandise leur est un saint-baume sur les soucis que leur infligent :

— un ethnologue allemand prétentieux et son assistante ;

— un couple de vieux Nippons revêches ;

— un évangéliste normand hérétique trépassé depuis longtemps mais se rappelant à leur bon (ou mauvais) souvenir ;

— enfin, les épouses de quelques ouvriers mystérieusement disparus sur un chantier.

LangueFrançais
Date de sortie7 févr. 2024
ISBN9798224053568
Vendu soit le Seigneur du Ciel !

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    Vendu soit le Seigneur du Ciel ! - FAN TONG

    Fan Tong

    VENDU

    SOIT

    LE SEIGNEUR DU CIEL !

    © François Boucher 2020

    Tous droits réservés

    À Raj et Élisabeth de Condappa.

    Table des matières

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    Du même auteur

    1

    C'ÉTAIT PRESQUE devenu un jeu : chaque matin, lorsqu'il arrivait à son bureau, le commissaire Wang s'empressait d'en baisser les stores, que le personnel de ménage relevait immanquablement la veille au soir.

    Il avait bien mis un mot, une fois :

    SVP, ne touchez pas aux stores.

    Sans aucun effet, bien qu'il eût laissé le message sur sa table pendant toute une semaine. Peut-être ces gens ne savaient-ils pas lire. Ou bien ils passaient outre. Délibérément, pour son bien : l'occupant du lieu dont on leur avait confié la propreté ne se privait-il pas bêtement, en vivant dans la pénombre, d'une vue imprenable sur le port de Beihai ? Incontestablement. Wang lui-même, au début, s'était acheté une paire de jumelles pour mieux observer le va-et-vient des navires, les manœuvres des grues et le jeu de construction toujours changeant des conteneurs. Il avait fini par la remiser au fond d'un tiroir. On se lasse de tout : à présent, le chatoiement des eaux fatiguaient ses yeux et provoquaient en lui il ne savait quel vague à l'âme.

    N'était-ce pas, plus généralement, le temps, invariablement beau, qui lui pesait ? Il vivait perpétuellement en chemisette, et ne sortait plus sans lunettes de soleil. Ainsi accoutré, il se trouvait l'allure d'un cadre du Parti en tournée chez les producteurs d'ananas. Ridicule ! Même là, alors que l'on n'était que début mars, la ville subissait ce soleil béat, ce ciel bleu immaculé et lui ne pouvait se départir de son accoutrement. À en rêver de brume, de froid et de crachin, à en rêver de Xi'an.

    Sa ville natale. Il aurait pu y retourner. Un poste était libre, quand il avait décidé de quitter Canton. Mais peut-on être policier là où l'on a passé son enfance ? Il avait postulé pour Beihai, tout au sud.

    Sa femme s'était remariée à un industriel de Chengdu, et son fils allait entrer à l'université de Dalian. Aussi bien, à eux trois, couvraient-ils les deux-tiers du territoire chinois. À croire qu'ils l'avaient fait exprès de s'éparpiller ainsi. Quand on se quitte, quand on va vivre sa vie, autant le faire pour de bon, mettre les distances qu'il faut, non ? Ainsi s'expliquait peut-être aussi son choix de Beihai : logique de dispersion.

    On frappa à sa porte.

    « Entrez », dit Wang en faisant mine de remettre un dossier en ordre.

    C'était l'inspectrice Ping, son adjointe.

    « Commissaire, les trois paysannes…

    – Ah ! Oui… c'est vrai. »

    Il les avait oubliées et se serait bien passé de les recevoir. Mais l'inspectrice Ping aurait pris cela pour de la désinvolture. Elle était jolie, sérieuse et compétente… Trop même, peut-être. Jamais en retard ni en défaut d'attention, elle dégainait aussi bien le stylo que le pistolet. Elle venait au bureau sur une petite moto, la tête enchâssée dans un gros casque noir à visière fumée. On aurait dit une mouche. Lorsqu'elle le retirait, elle découvrait une virevoltante chevelure jais et un sourire entre la midinette et la princesse Tang, qui ravissait habituellement le commissaire, sauf certains jours où il hérissait son mauvais poil : par quel mystère mademoiselle Ping continuait-elle d'arborer perpétuellement cet air de naïveté enjouée des stagiaires frais émoulus de l'école de police, alors qu'elle avait déjà à son actif trois ou quatre ans de service ?

    Fei, son deuxième adjoint, était l'exact contraire. Obèse et hypocondriaque, il passait six mois par an dans les hôpitaux et autres institutions de convalescence. D'ailleurs, ce jour-même, on lui radiographiait la colonne vertébrale ou les hanches – le commissaire ne savait plus et cela n'avait guère d'importance, puisqu'il s'agissait de tirage-au-flanc caractérisé. Le gredin aurait dû depuis longtemps être chassé de la police, s'il n'avait bénéficié d'appuis aussi mystérieux que puissants.

    Les paysannes annoncées se serraient, timides, dans le sillage de mademoiselle Ping. Elle avait fait leur connaissance la veille, dans une gargote voisine du commissariat, où elle avait l'habitude de manger ses nouilles.

    « Ah ! Mademoiselle Ping ! Vous tombez bien, j'ai de la clientèle pour vous », lui avait lancé la mère Ma, la tenancière, lorsqu'elle était entrée dans l'établissement.

    La matrone s'était ensuite adressée à trois femmes attablées :

    « Vous qui vouliez parler à la police… »

    Elle avait installé d'autorité l'inspectrice à la même table que ses protégées, effectué les présentations et assuré :

    « Je vous laisse vous expliquer entre vous. »

    Omettant de joindre le geste à la parole, elle était restée écouter, le menton doublé par une moue dubitative et critique, le récit des trois paysannes. Celui-ci tant bien que mal achevé :

    « Moi, ma petite mademoiselle Ping, vous savez que je n'y connais rien. Le diable me garde d'ailleurs de me mêler de ce qui ne me regarde pas. Mais tout de même, vous ne la trouvez pas louche, cette histoire ? À votre place… »

    À sa place, la mère Ma eût sur le champ procédé à plusieurs dizaines de perquisitions et arrestations. L'inspectrice, certes intriguée et émue par les paysannes, s'était contentée d'une promesse plus modeste : en parler à son chef.

    Elle avait tenu parole.

    D'après la fiche que mademoiselle Ping avait rédigée à leur propos, mesdames Fang, Li et Li – tels étaient leurs noms – âgées respectivement de 37, 33 et 31 ans, avaient fait le déplacement depuis Nanlin, leur village du Jiangxi. Soit près de 700 kilomètres, en autocar puis en train, et naturellement pas dans les classes supérieures ni les express. Les pauvresses avaient dû passer la nuit dans une auberge de troisième zone, et mal dormir, ce que Wang déduisait de leurs visages fripés, au teint cuivré de patate douce. Elles ne s'asseyaient pas, malgré que, d'un geste sans doute trop vague, il les y eût invitées. Mademoiselle Ping les poussa presque vers les chaises.

    « Je vous écoute », entama le commissaire.

    L'aînée, madame Fang, qui était aussi la plus costaude, répondit pour le trio. Elle mêlait le mandarin et son patois dans un sabir pas aisé à comprendre, et marquait un fort penchant pour la digression, que Wang contenait tant bien que mal.

    « Les faits, madame Fang, les faits… Quels sont-ils ? »

    Il les connaissait déjà en gros, puisqu'ils figuraient dans les notes de son adjointe :

    « Bref, vos maris sont arrivés à Beihai il y a deux mois, pour y effectuer un chantier…

    – Juste comme je vous disais ! C'est dur de gagner sa croûte par chez nous…

    – J'ai compris. Vous maris donc, depuis près de trois semaines…

    – Ont disparu.

    – Attendez, modéra Wang. Vous avez simplement déclaré à mademoiselle Ping que vos époux ne vous téléphonent plus, comme ils avaient l'habitude de le faire auparavant…

    – Voilà ! Ils ont disparu, qu'on vous répète !

    – Hum… Sur quel chantier travaillaient-ils ?

    – Un bâtiment.

    – Un bâtiment ? Quel genre de bâtiment ? Une école, un hôpital, des logements ?

    – Ils nous ont pas précisé. Souvent ils savent pas eux-mêmes : ils font que remuer des brouettes !

    – Je vois… Mais peut-être pourriez-vous me donner le nom de l'entreprise de construction ? Leur employeur, en somme… »

    Les trois femmes se concertèrent du regard, puis :

    « C'est le borgne, cracha l'aînée.

    – Le borgne ?

    – Je pense qu'il s'agit d'une sorte d'intermédiaire, intervint mademoiselle Ping.

    – C'est exactement ça ! Le borgne vient par chez nous une fois l'an, à la fin de l'été, et il propose des places à nos hommes, pour la morte saison…

    – Donc, vous le connaissez ?

    – Non. C'est juste que tout le monde l'appelle le borgne, rapport à son œil en moins, et qu'il doit être de par chez vous. »

    Wang faillit répliquer qu'il n'était pas d'ici.

    « Un borgne, répéta-t-il. Ce n'est déjà pas si mal. »

    Après tout, certaines enquêtes démarraient avec moins que ça. Ce borgne, s'il était un recruteur pour les chantiers du coin, devait être connu et on mettrait vite la main dessus. Serait-ce utile pour autant ? Les maris avaient pu tout simplement se faire renvoyer, pour une raison ou une autre, par le chef de chantier. Ils pouvaient aussi avoir dilapidé leur paie en boissons, en jeux et en filles… Combien de fois cela n'arrivait-il pas ? Le temps de réembaucher ou de se refaire, le silence radio avec leurs femmes leur évitait une engueulade.

    « Vous avez des photos de vos époux ? »

    Les deux plus jeunes en sortirent une de leurs effets, et la troisième tendit son livret de famille, avec un minuscule cliché médaillon la représentant elle et son conjoint. Elle laissa échapper une larme. Le commissaire fit semblant de ne rien remarquer. Une parole de consolation de sa part, et le flot risquait non seulement de gonfler, mais de s'étendre aux deux autres.

    En tout cas, il venait de décider :

    « Mademoiselle Ping va s'occuper de votre cas. »

    L'inspectrice accueillit la mission avec un sourire aussi épanoui que celui de la présentatrice du journal télévisé.

    « En attendant, rentrez chez vous, au Jiangxi, suggéra-t-il. On vous tiendra informées. »

    Avant de s'enquérir :

    « Vous avez de quoi ? »

    Elles confirmèrent mollement.

    2

    L'ARCHIPEL DE WEI n'est guère connu. Même les Chinois le visitent peu, et un Pékinois ou un Shanghaïen ne le situera pas aisément sur une carte. (Mais quid, en France, de Tatihou ?) Quelques précisions géographiques liminaires s'imposent donc : Wei se dresse en mer de Chine du sud, à une dizaine de milles nautiques de Beihai, principal port de la province du Guangxi.

    Parmi la douzaine d'îles et d'îlets qui le composent, deux seulement sont habités : Weizhou et Weishan. Séparées par un bras de mer qu'un courant violent agite en permanence, rendant souvent périlleuse sa traversée, ces deux terres sœurs se font face, ou plutôt, se tournent le dos. Weizhou l'occidentale, plate, fertile et accueillante, ne pourrait se reconnaître, si le ciel se faisait

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