Sortie de route en Creuse: Polar régional
Par Jacques Jung
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À propos de ce livre électronique
Une voiture dévale au fond d’un ravin près d’Evaux-les-Bains. Seul à bord, David Katze est tué sur le coup. Ce banal accident de la route aurait pu rester dans la rubrique des faits divers sans la perspicacité d’un garagiste. David Katze revenait des obsèques de Léonie Dorant qui l’avait caché lorsqu’il était enfant pendant l’Occupation. L’enquête va mener Martine et Diégo, policiers du commissariat de Guéret, au château de Chaumont près de Mainsat en Creuse, un lieu qui fut le refuge pour de nombreux enfants juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Les découvertes et les rebondissements de cette nouvelle affaire mettront à mal les nerfs des deux inspecteurs et du substitut Dura Lex.
Pénétrez dans le château de Chaumont en Creuse pour une enquête pleine de rebondissements, liée à la Seconde Guerre mondiale, dans ce roman policier régional trépidant !
EXTRAIT
De retour au bureau, Castellon traça ses perpétuels tableaux et se planta devant.
— Qu’est-ce que tu penses de tout ça ? demanda-t-il à Martine.
— Le coupable ne se trouve pas du côté de Mainsat.
— Du côté de Biarritz ? Le comportement de la demi-sœur est curieux ! dit Diégo, le doigt pointant le nom du couple.
— Et peu crédible ! estima Martine. Elle écrit : « Le ministère des Affaires étrangères m’a appris que j’avais un demi-frère domicilié en Creuse », cela voudrait dire que son père lui aurait caché l’existence de David pendant toutes ces années. Et pour quelle raison ? C’est peu plausible, ça.
Diégo douta :
— Que son père n’ait pas recherché son fils après la guerre, c’est un fait, mais de là à penser qu’il n’a jamais abordé le sujet en famille, c’est peu probable. Je pense que Rachel s’est appuyée sur ce manque d’intérêt pour justifier son attitude. Elle s’est sentie obligée d’écrire cette lettre après l’intervention du ministère, sa réponse devait couper court à toute relation ultérieure. Mais pourquoi ?
— Et le collabo ? fit Martine pointant de l’index le nom d’Edmond Delahir.
— Se venger trente ans plus tard, ce serait du réchauffé et rien ne dit qu’il connaissait la victime.
— Rien ne dit non plus qu’il ne la connaissait pas !
— Le comportement de la demi-sœur est incompréhensible, ce demi-frère est la seule famille qui lui reste, elle n’a pas d’enfant, elle aurait dû saisir la main qui lui était tendue. Or elle a dressé un mur, mais pour quelle raison ? Il y en a forcément une ! affirma le principal.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Aujourd’hui retraité, Jacques Jung a grandi à Chénérailles dans la Creuse. Il a fait une carrière dans la fonction publique avant de devenir correspondant de presse et chroniqueur radio. Après un premier roman historique, Sortie de route en Creuse est son quatrième polar ayant pour cadre ce département.
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Aperçu du livre
Sortie de route en Creuse - Jacques Jung
SORTIE DE ROUTE EN CREUSE
© – 2019 – 79260 La Crèche
Tous droits réservés pour tous pays
Jacques Jung
SORTIE DE ROUTE EN CREUSE
Avant-Propos
La Creuse a accueilli pendant la Seconde Guerre mondiale environ 2 800 enfants juifs.
L’Œuvre de secours aux enfants (OSE) gérait trois établissements laïques dans le département :
– Chaumont, près de Mainsat ;
– Le Masgelier, près du Grand-Bourg ;
– Chabannes, près de Fursac.
Avertissement
Ce roman est une pure fiction, le crime ainsi que l’enquête policière qui y sont relatés n’ont jamais existé et toute ressemblance avec la réalité ou avec des personnes vivantes ou ayant vécu serait pure coïncidence et totalement fortuite.
Il n’existe aucun lien entre les lieux et les événements décrits.
Jeudi 9 janvier 1975
Le principal Diégo Castellon musardait entre la machine à café et son bureau lorsque Nadine, la virtuose de la sténo, mit un terme à ce petit moment de détente :
— Diégo, le substitut te demande au téléphone.
Aussitôt dit, elle tourna les talons pour regagner sa machine à écrire d’un pas vif et sonore, satisfaite de sa petite intrusion.
— Pas moyen de souffler ! marmonna Castellon en saisissant le combiné.
Le substitut Jean Leboyer, Dura Lex pour les intimes, lui ordonnait d’auditionner rapidement Guénolé Vilaire, garagiste à Évaux-les-Bains au sujet d’un accident de voiture.
Diégo Castellon sortit de son bureau et interpella au passage sa coéquipière :
— Viens, on file à Évaux, ordre de Dura Lex.
Martine Malicette leva les yeux, bien contente de lâcher l’ennuyeux rapport sur lequel elle peinait depuis des heures. Elle passa avec fierté son superbe manteau en daim d’un lumineux beige clair, acheté la veille dans une boutique de la place du marché à Guéret, et se précipita derrière la haute stature qui s’éloignait déjà au fond du couloir.
— Attends-moi, mais où vas-tu ? La sortie, c’est par là !
— Oui, mais la machine à café est par là.
Martine se posta devant Diégo.
— On avertit Raoul¹ ?
— On le fera en temps voulu, opposa le principal, sans porter la moindre attention au magnifique manteau en daim, acheté la veille, place du marché…
Déçue, elle dédaigna l’offre de café et préféra attendre seule dans le froid vif du parking, plutôt que de tenir compagnie à ce pignouf.
Dehors, elle eut beau resserrer son col, elle ne parvint pas à empêcher les tremblements qui la gagnaient. Le visage crispé, elle commençait à danser d’un pied sur l’autre, lorsqu’elle aperçut enfin la canadienne noire et la casquette à carreaux de Diégo.
Elle rejoignit le principal déjà assis au volant d’une nouvelle voiture, sa Disque Bleu filtre accrochée au coin des lèvres, l’œil droit fermé par le picotement de la fumée.
— T’as encore changé de bagnole ! fit-elle.
— Oui, la 304 était une voiture de pépère, j’ai acheté cette R12 Gordini d’occasion, modèle 73, c’est autre chose.
La mécanique se réveilla dans un ronflement tonitruant.
— S’il y avait encore des gens endormis, ils sont réveillés maintenant, s’exclama la jeune femme, on ne va pas passer inaperçus !
— Écoute-moi cette symphonie, un bijou ! Ceintures à enrouleur, sièges baquets, c’est confortable, non ?
Ne voyant pas ce qui justifiait une telle admiration pour ce qui n’était rien de plus qu’une bagnole, Martine se mura dans le silence. Bien autre chose était son manteau dont elle tira avec satisfaction les deux pans sur ses genoux.
Tandis que la merveille des mécaniques, la R12 Gordini modèle 73, sortait de Guéret, elle concentra son attention sur la campagne paisible, figée par le froid, avec çà et là des bâtiments aux toits d’ardoises blanchis par le givre. Plus loin, le bocage vallonné, parsemé d’arbres nus, de haies et de murets en pierres sèches se déroulait sous ses yeux, immuable, réconfortant. À Gouzon, ils quittèrent la RN 145, un troupeau de biches défila comme dans un tableau, sous un soleil rasant. Les râles d’exaspération de Diégo la sortirent brutalement de sa rêverie à Chambon. La voiture venait de tourner vers Évaux, lorsqu’elle se trouva nez à nez avec un camion de l’entreprise Dudeffant campé au milieu du pont. La manœuvre délicate ralentit le bolide et laissa à Martine le temps de plonger son regard dans les eaux sombres et agitées de la Tardes. Elle était remise de ses émotions lorsque, un peu plus loin, un tracteur et sa remorque surgirent de la route de Sannat à droite. Bien réveillée maintenant, elle se cramponnait à son siège… baquet.
Diégo s’arrêta à l’entrée d’Évaux près d’un vieil homme chaussé de bottes en caoutchouc noires. Mieux valait s’assurer être dans la bonne direction, Martine descendit donc à sa rencontre. Une casquette extraplate rabattue sur son nez masquait son visage d’où n’émergeait qu’une bouche pincée sur un mégot de Gitane Maïs et un menton anguleux. Il indiqua d’une voix morne la direction de l’atelier de Guénolé Vilaire, en pointant de son doigt la route d’Auzances.
La porte métallique du bâtiment sordide résistait. D’un coup d’épaule, Diégo parvint à la dégager dans un bruit de tôle gondolée suivi d’un crissement des plus agaçants. À l’intérieur, un tintamarre de coups de marteau rythmait La Flûte enchantée de Mozart, échappée d’un transistor.
Plongé dans une demi-pénombre, l’atelier était un capharnaüm de bidons et de chiffons graisseux. Plus loin, un fouillis de câbles serpentait parmi les carcasses de tracteurs et autres engins agricoles. En avançant, les inspecteurs aperçurent deux mécaniciens courbés sous les capots ouverts d’une 504 gris métallisé pour l’un et d’une Simca 1300 bleue pour l’autre. Au fond, Diégo crut reconnaître une antique Renault Celtaquatre qui surplombait l’atelier du haut de son estrade.
L’inspectrice s’époumona derrière le mécano de la 504, un jeune homme aux cheveux longs et gras ramenés derrière les oreilles. Il se redressa, jeta un coup d’œil sur la jeune femme avant de héler le patron.
La silhouette d’un grand type brun aux cheveux tombant sur les épaules se dessina dans le fond de l’atelier. Guénolé Vilaire, en combinaison bleue, fit un signe aux policiers qui s’avancèrent jusqu’à l’intérieur d’un espace vitré. Là, ils refusèrent l’invitation de s’asseoir sur les chaises noires de saleté placées face au bureau et au-dessus desquelles une misérable ampoule nue pendue au plafond offrait parcimonieusement sa lumière blafarde.
— C’est au sujet de la 304 que j’ai remontée lundi après-midi du fond du ravin ?
Sans attendre la réponse, il enchaîna :
— Je ne vous raconte pas le mal que j’ai eu, j’ai même emprunté un câble à un fermier d’à côté. La voiture a d’abord raté un virage dans la descente, puis elle a terminé sa course par des tonneaux. Son conducteur est mort sur le coup, il est passé à travers le pare-brise, il ne devait pas avoir bouclé sa ceinture. Mais croyez-moi, ceinture ou pas, ça n’aurait rien changé, éjecté ou écrabouillé dans la tôle, il serait mort tout pareil.
Diégo l’arrêta d’un signe de la main :
— Oui, bien, et alors ?
— D’après les traces, la voiture a fait un tête-à-queue avant de sortir de la route. Les gendarmes ont conclu à une faute de conduite, il pleuvait, le véhicule est arrivé trop vite dans le virage, le conducteur a freiné trop fort. Mais venez avec moi.
Joignant le geste à la parole, il enfila une canadienne qui avait dû être beige clair en des temps anciens. Elle rappela à Diégo sa jeunesse, lorsqu’il portait la même à Troyes, les taches en moins. Les inspecteurs le suivirent dans un cimetière d’épaves rouillées de 4 CV, Frégate, Aronde, Traction et Juva 4 plus ou moins accidentées et de quelques carcasses de tracteurs dans le même état.
Le garagiste s’arrêta au bout de l’allée gadoueuse, près d’une 304 blanche sérieusement endommagée. Il passa sa main à travers le pare-brise brisé pour saisir un petit cabochon blanc, posé sur le tableau de bord.
— C’est le bouchon du réservoir de liquide de frein, je l’ai trouvé coincé dans le moteur entre des câbles.
Diégo l’interrompit, faisant rouler l’objet dans ses doigts :
— Rien d’étonnant avec le choc, vous dites que la voiture a dévalé au fond d’un ravin.
— Oui, mais le réservoir est intact et vide, regardez.
Le capot déformé de la voiture grinça à l’ouverture. Le mécanicien vissa le bouchon à son emplacement sans effort.
— Arraché par le choc, il aurait dû être déformé, le pas de vis serait abîmé. Or, il est intact, le réservoir aussi. Non, il a été dévissé normalement.
— Qu’en déduisez-vous ? s’anima Diégo.
— Quelqu’un a ouvert ce réservoir, posé le bouchon sur le filtre à air ou sur la batterie comme on le fait toujours pour remplir. Mais là, je pense que cette personne a aspiré le liquide de frein avec une seringue. Le gars n’avait plus de freins, je vous le dis, moi. Celui qui a fait ça a oublié de remettre le bouchon à sa place ou il a été dérangé.
— Et les traces sur la route ? s’étonna Diégo.
— Il a essayé de s’arrêter au frein à main, c’était le tête-à-queue assuré, ça correspond bien aux marques et ça n’a rien à voir avec un blocage de roues habituel.
— Attendez, fit Martine, mais pourquoi s’agirait-il d’un acte de malveillance ? Le propriétaire de la voiture a pu oublier de refermer le réservoir ou un garagiste distrait !
— Impossible ! contesta Guénolé Vilaire, sûr de son fait. Si le liquide était encore dans le réservoir au moment de l’accident, il aurait aspergé le moteur et le capot pendant les tonneaux, il resterait des traces, c’est un produit gras et visqueux.
— Il a pu gicler hors du véhicule, loin de l’impact final, persista Martine.
— Impossible ! s’insurgea le mécanicien, énervé de voir ses compétences professionnelles discutées par une représentante de la gent féminine, qui n’ouvrait certainement jamais un capot. Le capot était fermé et j’ai même eu toutes les difficultés à l’ouvrir tellement il était coincé. Je vous le répète, mademoiselle, ce réservoir a été vidé avant l’accident sinon il resterait des traces sur le moteur et sur la face intérieure du capot.
— Les chocs successifs auraient pu détériorer les circuits de freinage et le liquide se serait déversé sans laisser de traces par-dessous la voiture, pendant sa dégringolade au fond du ravin, remarqua Diégo.
— Votre hypothèse est plausible, vu l’état du train avant, mais elle n’explique pas le bouchon intact coincé dans le moteur.
— Bon, selon vous, le réservoir a été vidé juste avant le départ de la voiture. Le conducteur a donc roulé avant d’amorcer la descente, il n’a rien senti ? s’étonna Martine.
— Non, au début tout fonctionne normalement, il faut exercer quelques pressions sur la pédale avant de ne plus rien avoir dessous, le temps que l’air prenne sa place.
— D’après vous, combien de temps faut-il pour faire ce sabotage ?
— Moi, je vous fais ça en cinq minutes.
— Il aurait été plus rapide et plus simple de percer le réservoir, observa Martine.
— Mais un trou, ça se voit alors que si le bouchon avait été remis en place, j’aurais pensé que le liquide s’était évacué par-dessous comme on l’a dit tout à l’heure et qu’il avait disparu dans la végétation. Je n’aurais pas été chercher plus loin. Le tête-à-queue dont on voit les traces sur la route aurait pu venir d’un dérapage dû à une faute de conduite, la route était mouillée. Celui qui a fait le coup a bien pensé son affaire.
— C’est bien observé, ne touchez plus à l’épave et ne laissez personne s’en approcher, termina Martine.
Diégo s’apprêtait à partir, mais Guénolé Vilaire le retint par le bras.
— J’ai encore une petite chose à vous montrer !
Martine et Diégo le suivirent tous deux, curieux de savoir ce qu’il pouvait bien encore leur montrer sur cette affaire. Lorsqu’ils furent arrivés à l’intérieur d’une aile opposée au bâtiment principal, l’homme retira le drap qui recouvrait une grosse voiture décapotable.
— C’est une Buick Super de 1950 ! Une vraie perle ! s’extasia Guénolé Vilaire, heureux de faire partager son bonheur.
— C’est pas vrai ! soupira Martine en tournant les talons, stupéfaite. On perd du temps, souffla-t-elle à Diégo qui s’apprêtait à partager l’enthousiasme du garagiste.
Une pointe de déception s’échappa