Tombée du Ciel
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À propos de ce livre électronique
Qui est donc cette fillette qui sillonne les rues de Montois-La-Montagne, avec une poupée accrochée sur son ventre ?
Si vous lui posez la question, elle vous répondra qu’elle se nomme Angelina, et qu’elle est en vacances chez son « merveilleux tonton », oncle Gwen, un jeune mécanicien alcoolique et aigri, en instance de divorce, qui attend d’hypothétiques clients devant son garage sinistre et crasseux. Quiconque connait ce garagiste sait qu’il n’a pas de nièce. Curieusement, au moment précis où cette étrange gamine va s’installer chez « tonton Gwen », la vie de ce dernier va basculer en quelques minutes...
Jean-Patrick Mallinger
Jean-Patrick Mallinger habite en France. Il a écrit et publié aux Éditions Dédicaces son premier roman d’aventure intitulé : « Complot à Khéo » (août 2010). Depuis ce jour, il est très actif au sein des Éditions Dédicaces. Il participe à plusieurs salons du livre en France et au Canada, dont le Salon du livre de Paris, le SIEL de Paris, le Salon du livre de Carcassonne, le Salon du livre d’île de France, l’Expozine de Montréal et les Salons du livre de Trois-Rivières et de l’Estrie, au Québec.
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Aperçu du livre
Tombée du Ciel - Jean-Patrick Mallinger
Préface
Notre époque, inquiète, stressée, malade même, a grand besoin d’évasion. Certes, on peut la trouver dans la fantasy, le polar… mais pourquoi toujours chercher les grands spectacles, voire les situations où domine la violence ? Pourquoi ne pas essayer de retrouver cette part d’innocence qui, même si l’on feint de l’ignorer, dormira toujours en nous ?
C’est sans aucun doute ce que s’est dit Jean-Patrick Mallinger, qui n’hésite pas, comme pour nous obliger à cultiver cette innocence, à la faire « tomber du ciel » dans ce charmant petit roman.
Les plus angéliques des êtres humains, ceux qui nous rapprochent le plus de la Vérité, seront toujours les enfants. C’est sous cet aspect qu’est venu le Sauveur, c’est donc cette image qui symbolise l’innocence qui fait défaut à notre humanité, chez laquelle dominent de plus en plus de nouvelles formes d’angoisse…
On oublie trop souvent que les réponses aux plus graves questions, les solutions aux plus épineux problèmes sont du domaine de la simplicité, c’est-à-dire de la franchise lorsqu’on veut bien la regarder en face. Tel pourrait être l’argument principal à opposer à ceux qui ne s’entendent plus : regardez-vous ! Et, pour ce faire, retrouvez dans votre âme cette part de sincérité qui rime avec l’innocence.
On peut ainsi faire bon accueil à Angelina, la bien-nommée, qui vient sauver des humains plus tourmentés que de raison et faire alors perdurer par l’exemple les solutions qu’ils trouveront en eux-mêmes pour retrouver d’anciennes amours, d’anciennes promesses oubliées, d’anciens bonheurs qu’ils croyaient perdus !
Laissez-vous emporter par la simplicité, la gentillesse, la douceur, l’humour sous-jacent même de ce roman qui semble résonner comme un appel à la raison, celle qui, cette fois, ne risquera plus de se voir bannie par le raisonnement… !
Thierry ROLLET, agent littéraire
Chapitre 1
Montois-La-Montagne, lundi 12 avril 1999
C’était décidé : malgré son mal de tête, Gwen allait débarrasser la cour.
- Il faut absolument terminer cette corvée avant que la sève remonte dans les mauvaises herbes et les ronces, pensa-t-il, pas question de rester inactif en attendant de nouveaux clients. Attendre, c’est pas bon pour le moral et ça fait loucher sur la bouteille de whisky !
Le garage était souvent vide et les affaires tournaient au ralenti. Bientôt un an que ce mécanicien était sorti de prison, et malgré sa détermination, pas moyen de remonter la pente. L’unique véhicule garé près de l’entrée était sa vieille camionnette en panne d’embrayage. La rouille avait tellement rongé le plancher et les bas de caisse que le prochain contrôle technique la déclarerait inapte à la circulation malgré les quatre pneus neufs qui venaient d’être montés juste avant la panne. Quelle poisse ! Dans ces conditions, à quoi bon réparer ?
D’un pas lourd, Gwen descendit les marches de l’escalier métallique, traversa l’atelier et ouvrit la porte de derrière. La bouffée d’air frais du petit matin qu’il inspira lui rappela qu’il était bien vivant, et que sa gorge n’était pas encore nouée par ses angoisses quotidiennes. Il vissa soigneusement sa casquette sur son crâne rasé et balaya du regard l’étendue de l’ancien parking partiellement goudronné. Une carcasse de voiture, des bidons, des fûts vides, des palettes, des branchages, des cartons d’emballage détrempés, des pneus usagés entourés de lierres…
- Bon, murmura-t-il en grattant sa barbe de trois jours, le bois d’un côté, la ferraille de l’autre. C’est parti !
Il saisit à mains nues les planches pourries, les objets… tout ce qu’il considéra comme combustible pour en faire un gigantesque tas, informe et malodorant. Ses larges épaules oscillaient comme un puissant balancier pour lancer les détritus de plus en plus haut. Après quoi, il s’essuya les mains sur sa salopette bleue et dit :
- C’est mouillé, mais avec un peu d’essence et d’huile de vidange, le feu devrait prendre. Je vais chercher des allumettes.
* * *
Un souffle brutal enflamma le tas d’ordures qui laissa échapper un lourd champignon de fumée noire. La rosée imbibait tout et faisait entendre un sifflement continu dans le crépitement des flammes. Celles-ci, au travers des palettes, crachaient des étincelles dans la clarté blafarde de l’aube grise. Gwen fixa son regard sur les flammes qui dansaient quand soudain, le vent se leva et coucha brutalement la colonne de fumée vers l’abri de jardin au fond de la cour. La fournaise risquait de s’étendre mais l’homme ne s’inquiéta pas pour le sort de cette affreuse cabane de briques et de tuiles destinée à être démolie.
Au moment où il se dirigeait vers la porte pour entrer dans l’atelier, un fracas épouvantable retentit derrière lui et le fit sursauter. Intrigué, il rebroussa chemin et se faufila dans la fumée pour tenter de découvrir l’origine de ce bruit. Rien d’anormal parmi les objets qui jonchaient le sol. C’est en levant les yeux vers l’abri de jardin qu’il découvrit l’effondrement de son toit. Sous l’effet du choc, les tuiles étaient pratiquement toutes tombées à l’intérieur entre les murs de briques.
- On dirait une implosion, pensa-t-il, comment est-ce possible ? La chaleur du feu n’est pas assez forte pour provoquer ça ! Je vais fouiller à l’intérieur.
Gwen agrippa tout ce qui obstruait l’entrée de la cabane pour en faire un nouveau tas derrière lui. Outils de jardin, jantes en aluminium, pièces détachées de boîte de vitesses, récipients en bois remplies de vieux boulons, lattes de bois, tuiles… et un gros objet rectangulaire non identifié.
- Qui a mis ça là ? S’exclama-t-il à haute voix.
L’objet était une malle métallique à moitié enfoncée dans les gravas. De sa main droite, il saisit la poignée qu’il aperçut sur le côté et tira énergiquement pour hisser cette chose sous le linteau de la porte. Puis, il la traîna sans ménagement jusque dans l’atelier pour la poser sur un établi.
La malle était sale, rouillée, de couleur verte et ne portait aucune inscription. À l’emplacement de la fermeture, une platine vissée par quatre boulons. Sans hésiter, Gwen coupa les boulons à la disqueuse et commença à soulever le couvercle, en forçant les charnières grippées par la rouille avec un pied de biche. De ses bras puissants et avec l’excitation de quelqu’un qui découvre un trésor, le mécanicien ouvrit complètement le coffre jusqu’à en plier le métal entourant les charnières.
L’intérieur était propre et le mystérieux contenu recouvert d’un drap blanc. Il murmura :
- C’est peut-être un truc militaire, où un produit dangereux et toxique que quelqu’un a déposé là pendant mon absence pour se débarrasser ! Je devrais peut-être avertir des démineurs ou la police… Non, pas la police. Si c’est un truc précieux, je préfère le garder ou le vendre.
Il piqua l’extrémité du pied de biche un peu partout sur la surface du drap en poursuivant son monologue :
- C’est mou, on dirait quelque chose de mou.
Avec son outil, il se décida à soulever l’extrémité du drap et aperçut… des cheveux… le visage blanc d’un enfant mort ! Horrifié, il fit un bond en arrière et son dos heurta le mur derrière lui. Le tintement du pied de biche qui tomba sur le béton résonna dans tout l’atelier vide. Au même moment, la sonnette d’entrée retentit. Le souffle coupé, Gwen sentit son cœur s’emballer et de sa gorge paralysée sortirent quelques brides de mot :
- Punaise de punaise… c’est quoi… ça… qui… ?
La sonnette s’emballait également car le vieillard qui attendait impatiemment sur le seuil semblait très énervé. Gwen, tout tremblant, les yeux écarquillés d’horreur, s’approcha enfin du visiteur qu’il reconnut comme étant son voisin. Celui-ci hurla :
- Dites donc, c’est vous qui avez foutu le feu derrière ?
- Heu… oui, je nettoie.
- Ah, vous nettoyez? Ben c’est pas trop tôt ! Votre espèce de dépotoir attire tous les rats et la vermine jusque dans mon jardin! Mais je vous préviens que si votre feu abîme mes thuyas, j’appelle les flics! C’est clair?
- Oui…
Le vieillard fixa le mécanicien dans les yeux pendant quelques secondes avant de s’éloigner en murmurant :
- Pauvre type, toujours entre deux vins !
En temps normal, Gwen aurait aussi murmuré quelque chose du genre :
« Imbécile de voisin, jamais content ! »
Mais il restait toujours sous le choc de sa macabre découverte et s’enferma dans sa camionnette en essayant de rassembler et d’ordonner ses pensées qui fuyaient dans tous les sens. Il posa sa tête contre le volant et s’efforça de raisonner :
- Bon…bon…je fais quoi ? C’est qui ? On dirait une gamine, c’est horrible. J’appelle les flics ? Ils vont m’interroger. Je leur réponds que j’ai trouvé cette malle dans ma cabane…Non, ils ne me croiront pas. Ils vont encore m’accuser. Je n’ai pas confiance. Ils seraient capables de m’accuser d’avoir tué cette gamine… C’est un piège. Quelqu’un veut me rendre fou. Il faut que je me débarrasse de cette maudite malle. Et si c’était un faux cadavre ? Un truc en latex ? Impossible de savoir. Je dois agir. Je vais examiner cette chose. Si c’est un truc en latex, je le fous au feu. Si c’est un vrai cadavre, je referme la malle et je la jette dans un bois, pas question de garder ça ici.
L’homme sortit de sa camionnette et s’approcha lentement de l’établi, le cœur battant, et vit que la malle était renversée…et vide ! Le corps de l’enfant gisait au pied de l’établi. C’était une fillette, tombée à plat ventre. Dans sa chute, le drap qui entourait sa taille était partiellement déplié, laissant apparaître le haut de son dos criblé d’ecchymoses et de traces de coups. Entre ses lèvres enflées par la déshydratation, sa petite voix enrouée se fit entendre :
- Tonton…j’ai soif.
D’abord pétrifié, Gwen passa à l’état d’affolement et se mit à courir dans tous les sens en s’exclamant :
- Punaise de punaise ! Elle est vivante…dans quel état ! À boire, il lui faut de l’eau…de l’eau !
Il prit un gobelet dans le lave-main noir de graisse, le rinça et l’approcha de l’enfant. Celle-ci se redressa pour avaler le contenu de trois gobelets avant de laisser retomber sa tête sur le sol crasseux.
- Tonton…J’ai froid…J’ai plus de force, porte-moi dans mon lit.
- Mais…je ne suis pas ton oncle. Je n’ai pas de lit. Qui est ton oncle ? Qui t’a frappée ?
- Tonton…ne me laisse pas par terre, je veux mon lit.
- Ne bouge pas, je vais appeler les secours.
Gwen accourut jusqu’au téléphone mural sous l’escalier et décrocha le combiné. Dans sa tête, arguments et raisonnements se précipitèrent à toute vitesse :
- J’appelle qui ? Le Samu ? Les pompiers ? Police secours ? Si j’appelle les flics, eux appelleront le Samu et l’enquête va commencer. Si j’appelle le Samu, eux appelleront les flics et l’enquête va…Enquête ? Interrogatoire…accusations…enlèvement d’enfant…coups et blessures, séquestration, mise en examen…prison…agression des autres détenus…Non, je n’appelle personne !
Gwen raccrocha le combiné, mais dans sa tête, le manège continua :
- Non assistance à personne en danger…tentative de meurtre sur un enfant…tentative de viol sur mineur…dissimulation d’informations dues à la police…non…pas la police !
Peu après, planté devant son téléphone mural, Gwen décida d’assumer seul cette étrange situation sans compter sur personne. Il se calma, et sentit ses muscles se décontracter, son mal de tête disparaître. Il revint paisiblement au chevet de la petite inconnue sans essayer de la questionner. Il la porta à l’étage dans son appartement pour la déposer sur son vieux canapé troué.
- Des vitamines, se dit-il, il lui faudrait un jus de fruit.
Dans son réfrigérateur, il trouva : une bière, un pot de moutarde à moitié vide, un vieux citron, quelques feuilles de salade pourries, un reste de gruyère dans un sachet et des miettes. Il prépara un grand verre d’eau sucrée et pressa dans sa main le vieux citron jusqu’à sa dernière goutte. Il fit boire la fillette et la couvrit d’une couverture.
- Merci tonton…mais je préfère mon lit, murmura-t-elle.
- Je ne suis pas ton oncle, qui est ton oncle ?
- Tonton, arrête de dire ça et porte-moi dans mon lit.
- Je n’ai pas de lit, ce canapé est le seul endroit où je dors.
Assis sur son unique tabouret devant le canapé, Gwen regarda l’enfant s’endormir. Soudain, il sentit revenir en force le tourbillon de ses pensées angoissantes :
- Avis de recherche…police…famille…agresseurs…quelqu’un la recherche…quelqu’un va venir, c’est sûr. Mais qui ? La police ? Ses parents ? Ceux qui l’ont violentée et enfermée dans cette malle ? Cette gamine est désorientée comme si on l’avait droguée. Elle se croit chez son oncle et me prend pour lui ! Ses agresseurs sont peut-être les membres d’une secte. Ils l’ont enfermée nue dans cette malle en vue d’un sacrifice et ils l’ont frappée parce qu’elle résistait…non, je ne peux pas la garder ici… Je vais m’attirer trop d’ennuis… C’est trop risqué… On va m’accuser de tous les maux de la terre ! Dans son délire, elle va dire aux enquêteurs que je suis responsable de tout ça… La parole d’une gamine même droguée contre celle d’un ex-taulard…aucune chance ! Punaise de punaise ! Personne ne doit savoir qu’elle est ici… !
Désespéré, Gwen descendit l’escalier pour aller chercher la malle qu’il déposa devant le canapé. Au milieu de ses pensées confuses, un plan se dessina:
- Retour à l’envoyeur. Je la remets dans sa malle que je déposerai sur le domaine public dans un endroit bien en vue pour que quelqu’un s’occupe d’elle. Un arrêt de bus, par exemple… mais ça va être difficile de ne pas se faire voir !
Le cynisme de cet acte lui serra la gorge mais la peur de la prison eut raison de son hésitation. Doucement, il souleva la fillette et la plaça dans le fond de la malle. Problème : il fallait plier les jambes et l’épaisseur de la couverture gênait la manœuvre. Seule solution : retirer la couverture entourant le corps. L’homme entreprit cette délicate opération vouée à l’échec. La petite se réveilla en criant :
- Tonton, qu’est-ce que tu fais ?… Non, je ne veux pas retourner dans cette