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Seth et le garçon-sirène
Seth et le garçon-sirène
Seth et le garçon-sirène
Livre électronique184 pages2 heures

Seth et le garçon-sirène

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À propos de ce livre électronique

« Les yeux fermés, Vincent et moi, nous nous retrouvons en secret à l'abri des rochers. Nous profitons de la brise marine qui murmure. Elle nous susurre des douceurs au creux de nos oreilles. L'huile solaire à la bergamote s'acharne à tanner notre peau nue. Sur le dos ou sur le ventre, nous nous imaginons être des fakirs grillés sur des tapis volants en grève. Le rire des mouettes nous berce et nous accompagne vers la trêve. Le temps est suspendu sur cet embryon de plage enserré entre les blocs de grès. Les galets ont même cessé de rouler. L'eau clémente les laisse se reposer. »
Seth est un enfant roux ballotté entre la ville du bord de mer et le village des grands-parents. Du fait de son prénom déroutant et de la couleur de ses cheveux, il ne se sent pas à sa place. Il rêve de partir enfin à la poursuite d'un garçon-sirène qu'il a vu à la piscine. Devenu adulte, il affronte une série d'événements qui le bousculent. On le suit avec en bruit de fond la présence du SIDA.
Parviendra-t-il à devenir ce qu'il est ?


À PROPOS DE L'AUTEUR


Une enfance à Nice, une scolarité classique, un parcours professionnel ouvert sur des horizons et divers domaines : la banque, la cuisine, et l’agriculture. Aujourd’hui hypnothérapeute, je vis près de Montpellier. La lecture et l’écriture nourrissent mon existence et ma pratique thérapeutique.
LangueFrançais
ÉditeurEx Aequo
Date de sortie8 août 2022
ISBN9791038803817
Seth et le garçon-sirène

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    Aperçu du livre

    Seth et le garçon-sirène - Yves Rozier

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    Yves Rozier

    Seth et le garçon-sirène

    Roman

    ISBN : 979-10-388-0381-7

    Collection Blanche

    ISSN : 2416-4259

    Dépôt légal : juillet 2022

    © couverture/Yves Rozier pour Ex Aequo

    ©2022 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays.

    Toute modification interdite.

    Éditions Ex Æquo

    6, rue des Sybilles

    88370 Plombières Les Bains

    www.editions-exaequo.com

    À mes amis vivants et à mes amis morts…

    Celui que je suis au fond de moi depuis le commencement, qui tire, qui attire, qui soulève, qui lève, un haleur, un dresseur, un éducateur, qui ne s’est pas dit en vain, jadis :

    « Deviens celui que tu es ! » 

    Friedrich Nietzsche in

    « Ainsi parla Zarathoustra »

    Introduction

    Dans ce texte, les têtes de chapitre reprennent les appellations des différentes étapes de l’acte sexuel.

    Vous y trouverez par décennie des données relatives à l’épidémie de SIDA et aux associations encore actives à ce jour. Vous apprendrez pour chacune des périodes le nom des présidents français en exercice ainsi que des titres de film à ne pas rater. Je mentionne aussi certaines célébrités disparues du fait de cette maladie. Ces données ne sont pas exhaustives. Elles ne peuvent que vous inciter à faire vos propres recherches.

    Ces informations peuvent rester en mémoire, en suspens ou en sourdine en vous. Comme elles pouvaient alors constituer une musique de fond et quelquefois une menace dans l’existence des personnages de cette histoire.

    Désir

    1961 Premier indice d’une exposition au virus du SIDA dans des échantillons de sang conservés dans la République du Congo.

    Charles de Gaulle est le Président de la France de 1959 à 1969.

    1964 Au cinéma, on peut voir « les Amitiés particulières » de Jean Delannoy.

    1968 « Prenez vos désirs pour des réalités » Mai 68, révoltes estudiantines en Amérique du Sud, au Japon, en Europe « Il est interdit d’interdire ».

    C’est la libération sexuelle, on parle d’Amour Libre.

    Serge Gainsbourg (02 avril 1928 - 02 mars 1991) écrit « 69 année érotique ».

    Le risque de maladies sexuellement transmissibles est quasi nul. Georges Pompidou, Président des Français de 1969 à 1974…

    1969 Le « Satyricon » de Federico Fellini nous arrive d’Italie.

    1971 Le FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) mouvement parisien dénonce l’hétéro-sexisme et la médicalisation de l’homosexualité.

    Valery Giscard d’Estaing, préside la France de 1974 à 1981.

    1975 Les femmes obtiennent grâce à la loi Veil du 17 janvier 1975, le droit à la contraception et à l’avortement.

    « Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent ».

    Le film de science-fiction « Alien » est classé X pour protéger la sexualité des adolescents.

    1979 Le documentaire « Race D’Ep » est lui aussi classé X. Réalisé par Lionel Soukaz avec la collaboration de Guy Hocquenghem, il réussit à être diffusé seulement dans une version expurgée.

    I

    Debout dans l’embrasure de la porte de la masure, je regarde le grand-père et son béret lustré. Dans la famille, c’est le seul à dire qu’il aime mes cheveux. Souvent, il pose sa main sur ma tête et quelquefois même il me recoiffe. Là, il est tranquille avec ses deux vaches. Ça sent la paille et le fumier chaud. Le patriarche se prépare pour la traite. Dans la lumière sombre de l’étable, je l’observe. Il s’occupe d’abord de la vache noire et blanche, puis de la rousse qui a cette tache crème entre les cornes.

    Assis bas sur son tabouret à trois pieds, il fait gicler le lait dans le seau de métal gris. C’est rythmé dans le silence. À chaque jet, le liquide tiède sort de façon étonnante du pis de la vache. Ça va amplifier la partie mousseuse à la surface du contenu. De temps en temps, les vaches bougonnent de la tête et de la croupe. Elles se retournent à tour de rôle pour me faire un clin d’œil en fouettant l’air de leurs queues.

    Sous l’avancée de toit de la grange, il y a un lavoir. Près de celui-ci il y a un coin où est installée une sorte de marmite ventrue. Son couvercle est grand comme un bouclier de la guerre de Cent Ans. Dans ce chaudron noirci par des feux et des feux successifs se cuisent des pommes de terre déclassées mélangées à du son et à de l’eau. Il se prépare ainsi de façon magique une bouillie à base de rebuts. Une soupe épaisse dont raffolent les poules et les chiens. Je n’ai jamais retrouvé l’odeur de ce mélange. L’amidon des pommes de terre qui se désagrège. Le son qui gonfle. L’eau qui s’évapore. Sans omettre le chant des bouillonnements sonores. Tout ça reste très présent dans ma mémoire. C’est stocké en attente d’une réactivation qui pourra se faire un jour ou l’autre en surprise déconcertante et inattendue.

    J’ai piqué une pomme verte cabossée sur un bâton assez long pour pouvoir la placer au creux des flammes qui lèchent le cul de la marmite. Pour améliorer mon entreprise, j’ai d’abord trempé le fruit empalé dans l’eau du bassin.

    Dans le lavoir nagent des poissons rouges et roses, des carpes aux nageoires diaphanes. Il y en a même des bleutées. J’imagine qu’il y a des filles et des garçons. Je rêve que ce sont les enfants abandonnés d’une sirène.

    Je me questionne encore aujourd’hui. Comment ces carpes pouvaient danser sous la glace en hiver ? Je me demande surtout comment elles avaient pu arriver là ?

    Après avoir mouillé mon trophée, je reviens plus à l’intérieur de la grange. Dans la partie où sont rangés les outils et la nourriture pour les animaux, là où sont stockées toutes sortes de vieilles choses. J’enfouis ma brochette au fruit vert dans le sac de son à la gueule béante. Un sac de papier kraft aussi grand que moi. Je suis gourmand. Je préfère les pétales de son odoriférant au blé cassé ou aux brisures de riz.

    J’ai déjà testé tout cela.

    Maintenant, je m’engage à cuire la chose ainsi préparée au cœur des flammes vives. Le son mouillé sèche puis brûle. Il se dégage une odeur réconfortante de pain perdu.

    J’en salive.

    Le grand-père, toujours muet, finit par sortir de l’étable. Courbé, il porte à la main son seau rempli de moitié. Du lait tiède s’envolent des effluves sucrés.

    Ma pomme presque dorée et chaude se trouve être délicieuse. Le goût du brûlé, l’acidité piquante du fruit me satisfont pleinement sous les yeux du pépé amusé qui vérifie maintenant la cuisson de la préparation. Il plonge un bâton dans la matière et il remue le magma. Ça a l’air bien. Le feu se meurt. La fonte surchauffée va poursuivre la transformation des éléments amidonnés bien longtemps dans la soirée.

    Alors, silencieux, on prend complices le chemin vers la maison. Accompagnant le butin de lait, on contourne le cimetière cerné de murs. La grande grille aux barreaux noirs surmontée d’une croix de fer forgé rouillée interdit sa visite. On monte ensemble lentement vers le village, vers notre maison au cœur de l’escargot rabougri.

    Quelques cheminées fument. Peu de fenêtres sont déjà éclairées. Le jour est en train de s’effacer.

    Ce soir encore, je mange ma soupe chez pépé et mémé. Un soir de plus. Un soir de trop.

    Je ne sais pas même si un jour le père et la mère reviendront me chercher.

    Je ne sais même pas si je dois l’espérer.

    II

    Nous sommes vers la fin du mois de mai. Depuis le troisième étage, je peux voir par la fenêtre de ma chambre le tas de déchets abandonnés sur le trottoir du boulevard. Ce boulevard délaissé qui longe la cité HLM se trouve embarrassé d’un amoncellement grandissant d’immondices avariées. C’est un chef-d’œuvre de finitude de la société de consommation. La grève touche même les ordures.

    Le père et la mère se disputent encore une fois dans la cuisine. Leurs cris connus s’élèvent dans la soirée. Je suis trop habitué à cette drôle de mélopée, mieux vaut que je reste à l’écart.

    Je me tais. Mon esprit, pas tout à fait mature, tourne déjà en roue libre. Je pense. Je sur-pense à l’infini mon futur. Quelles seront mes envies ? Vers qui ira mon désir ? Quel sera l’objet de ma conquête ?

    Debout, derrière la vitre, je jure silencieusement. Je me promets qu’un jour je partirai. Qu’un jour je vivrai ma vie, sans cris. J’ai viscéralement le désir de vivre. J’ai déjà compris que les parents sont enfermés dans la survie. Ça ne fait aucun doute pour moi.

    Le père malade, diminué, ne peut travailler. Il empêche la mère de gagner à l’extérieur de quoi améliorer le quotidien. La jalousie délirante du père nous confine au-dedans, cadenassés, claustrés.

    La mère a tout de même réussi à avoir un travail à domicile. Elle coud à la machine toute la journée. Elle assemble des pièces de tissu coloré. Cela donne des maillots de bain, avec des élastiques, avec des boucles et avec des bretelles. Des bikinis que jamais il ne l’autorisera à porter. De toute manière, ils ne pensent qu’à eux. Ils ne m’aiment pas, d’ailleurs, ils m’ont donné un prénom importable, insupportable.

    Face à la fenêtre, je passe du temps. Je scrute mon reflet, ma tête de rouquin. Je ne regarde pas réellement à l’extérieur. Je veux juste savoir si je grandis. Je veux savoir si je vieillis. Je veux me rapprocher du moment où je pourrai m’évader de ce piège. Quitter cette cage. Si je ne me sauve pas, je vais imploser comme un téléviseur en noir et blanc qui aurait surchauffé. En ce mois de mai 1968 les télés ne sont pas encore plates, mais plutôt cubiques ou parallélépipédiques. Leur écran bombé reflète de manière déformée la pièce où elle trône, impérieuse. On est très loin de la télé-réalité. L’envie de fuir. L’envie de sortir du torrent de cris se développe chaque jour un peu plus. Je ne veux pas me noyer avec eux. Je veux rejoindre une île de paradis. Je ne veux pas couler. J’ai besoin de respirer. Besoin de courir sans but. Besoin de rire aux éclats. Oui, j’ai besoin de liberté. Je ne veux pas m’étioler. Je veux du soleil et de l’air. J’ai le désir de déchirer la paroi de cette vie étriquée. J’ai envie d’exploser la vitre et son reflet. Face à la surface réfléchissante, je continue à m’observer. Sous mes cheveux rouges, mes oreilles remplies d’ennui, je colère. Je supplie qu’il se passe quelque chose qui fasse péter ce foutu décor.

    J’ai toujours huit ans. Je pense la mort comme issue. Est-ce le seul recours pour rompre le courant de ce flux qui m’emporte ? Comment stopper ce qui me noie et qui m’étouffe ? Cette rage qui rugit au fond de mon nombril met encore plus de feu dans ma chevelure.

    — Un jour, un jour je partirai, je les laisserai, le père, la mère, les maillots de bain et les éboueurs.

    Il est l’heure de se coucher. Puis-je m’enfuir dans le sommeil ? Je veux dormir tranquille toute la nuit. Mais je sais que ce sera encore une de ces nuits peuplées d’explosions de voix et de portes qui claquent. Ils n’en finiront jamais.

    — Si le marchand de sable vient, je te le jure, je le bute !

    III

    Le temps de naître, d’apparaître ici et déjà c’est passé. La flèche a traversé l’espace et se fiche d’atteindre le cœur, le centre ou la périphérie. L’amour ne sait pas viser !

    L’instant survient. Je m’arrête face à l’autre. C’est un tête-à-tête muet, une réflexion déformée et désarmante. La fable s’écrit.

    Le flan au caramel refroidit sur le buffet. Dans la cuisine, sur la table en formica bleu aux pieds chromés, je suis penché. Asservi à la ligne rigoureuse. La mère suit l’exercice, la progression de l’écriture, en épluchant un oignon.

    Le moment de fuir approche. Remplir encore quelques cahiers. Lire de nombreux livres. Étudier toujours. User sa mine et sa gomme.

    Je regarde en douce les peaux translucides qui tombent sur la planche à découper. Débris dérisoires maintenant abandonnés. La soirée s’écrase dans la cuisine. Atterri trop tôt sans avoir apprécié son vol, nu, le bulbe suinte. Les perles blanches de lait soufré entraînent le flou dans son regard. Patienter encore un peu.

    Comment fuir pour oublier les larmes sur son visage ?

    Il faut une vie pour s’enfuir et un jour pour pourrir afin d’ensemencer la friche délaissée.

    J’ai mal aux yeux. J’ai mal au cœur. Je ne serai jamais celui dont elle rêvait, celui dont elle avait hier le désir. Tout cela, elle doit aussi l’oublier.

    Quel besoin puis-je espérer satisfaire pour qu’elle m’aime vraiment?

    Ce face-à-face va laisser des traces. Combien d’années devrais-je porter un masque ?

    Le couteau qui émince le tubercule strie le bois de la planche à découper. Parallèles qui se rencontrent. Vies qui se séparent. Les tranches en anneaux s’abattent les

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