Le bois de la discorde
Quelques jours plus tard, cette passe météorologique qui faisait faire une tête de six pieds de long aux agriculteurs se transforma franchement en tempête. Un peu partout, des arbres se couchèrent en travers des routes et la « propriété » de Jeanjean connut quelques déboires.
Une après-midi où ils étaient tous réfugiés dans la cuisine, discutant de l’opportunité d’allumer du feu dans le vieux poêle tellement la température avait chuté, ils entendirent soudain un vacarme du côté de l’étable, suivi bientôt d’un énorme craquement. Jeanjean se précipita dehors, nu-tête, et buta presque contre des morceaux de tôle qui s’étaient envolés de la toiture de fortune.
En dessous, la mince charpente, bricolée de bric et de broc, s’était en partie effondrée. Heureusement que les vaches, qui en cette saison passaient leur temps dehors, ne rentrant que pour la traite, n’étaient pas là. Hurlant pour couvrir le bruit de la bourrasque, Jeanjean appela Jeanine et Monmon à l’aide et, escaladant tant bien que mal ce qu’il restait de la fragile construction, il entreprit de remettre en place, à l’aide de gros cailloux que lui passaient les autres qui couraient en tous sens, les plaques de tôle tombées qu’il avait hissées avec lui sur ce qui demeurait de la charpente.
– Voilà du boulot pour cet automne, dit-il simplement à Monmon en redescendant. Maintenant, je vais voir dans le bois s’il n’y a pas de dégâts.
Là encore, Jeanine se récria. Il venait déjà de prendre des risques en luttant du haut du toit contre les rafales et il voulait maintenant se prendre une branche, ou pire, un arbre, sur la tête ! Il tint bon contre les récriminations de sa chère moitié. Il y avait urgence, il fallait évacuer au plus vite d’éventuels sapins tombés qui gâcheraient l’aspect esthétique de l’ensemble, ou couper immédiatement ceux qui menaçaient de le faire et risquaient alors d’en abîmer d’autres. Sans parler des branches à moitié détachées du tronc.
