De si beaux ennemis et autres nouvelles: Nouvelles
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À propos de ce livre électronique
De la France à l’Algérie, d’une guerre à l’autre, de l’amour à son renoncement, du passé à la perte du souvenir, de la conviction jusqu’à la mort, des femmes et des hommes suivent leur chemin, porteurs de leur force et de leur bouleversante fragilité. À l’image du pont suspendu de Constantine, ville des ponts, les 10 nouvelles du recueil de Soumya Ammar Khodja, De si beaux ennemis, sont autant de passerelles de mots lancées au-dessus du temps, de ses blessures et de ses énigmes.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Soumya Ammar Khodja est née en pleine guerre d’Algérie. Celle-ci imprègne ses écrits. Autrice d’une thèse sur l’œuvre poétique de Mohammed Dib, elle a été enseignante au Département de Français de l’Université d’Alger jusqu’en 1994. Écrivaine, poète, conférencière en littérature, récitante de poésie, elle anime des ateliers d’écriture (en milieu universitaire et scolaire, hospitalier et psychiatrique, associatif et artistique) et vit dans l’est de la France.
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Aperçu du livre
De si beaux ennemis et autres nouvelles - Soumya Ammar Khodja
De si beaux ennemis
et autres nouvelles
Et le désir me prit qui jamais ne me quitte
D’un pont planté entre moi-même et mon image
D’un roc où je me mire en songeant à l’abîme
Qui me séparait de mon bien de moi des miens
Et alors j’aurais tout
Anna Gréki
… ce sont des mots, il n’y a que ça, il faut continuer, c’est tout ce que je sais…
Samuel Beckett
Trois petites notes de musique
Lorsqu’ils essayèrent de se revoir, ce fut trente ans après. Mais un volcan islandais qui obscurcit le ciel s’en mêla et son avion ne put décoller. Elle fut seule à arriver à la gare de Lyon, à Paris.
Cet après-midi-là, il faisait beau sur toute la France. Elle pleura sur le parvis inondé de soleil. À côté d’elle, adossée à une grille, une femme parlait, parlait, le téléphone collé à l’oreille. À travers ses larmes, Mona l’entendait donner des conseils à une personne qui devait être une jeune mère. Elle y mettait une telle ardeur, saisissant l’occasion de vanter sa vie consacrée à ses enfants, à leurs vêtements et à la meilleure manière de les faire durer.
La deuxième tentative fut au pays. Ils ne se virent pas rapidement car elle devait s’occuper de son vieux père malade. Elle entra à l’hôpital comme dans une prison pour accompagner un condamné à mort.
Quand tout fut fini, elle lui téléphona et ils convinrent d’un rendez-vous.
Le jour J, à l’heure fixée, elle sortit de la maison familiale en courant, avec l’impression de ressortir d’un tunnel et de remonter vers la lumière.
Il avait donné des indications sur sa voiture, sa couleur, sa marque. Il l’attendait à l’extérieur, appuyé contre la portière, une cigarette entre les doigts.
Mona fut soulagée. Visiblement, Wajdi n’avait pas été délabré par le temps. Ses cheveux qu’il n’avait pas perdus avaient blanchi en partie. Sa peau brune, renforcée par le climat méditerranéen, rehaussait la couleur de sa tête. Il portait une large chemise kaki et était plus grand que dans son souvenir.
Elle s’élança vers lui qui l’accueillit avec ces mots :
– Tu n’as pas changé.
Tout en l’embrassant sur les joues, elle lui répondit :
– Toi non plus. Tu es très beau.
L’homme souriant reçut le compliment avec une moue dubitative.
Il conduisait avec sûreté, presque lentement, laissant le paysage se dérouler devant les yeux de Mona qui n’y reconnaissait pas tout. Cela faisait une quinzaine d’années qu’elle n’était pas retournée dans la ville.
Les palmiers, les lauriers-roses et surtout les flots de bougainvilliers qui couraient le long des façades, amortissaient la surprise des changements. Elle eut pour eux un élan d’affection, les percevant telles de vieilles connaissances grâce à qui les lieux gardaient leur apparence de familiarité.
Dans la voiture, ils déplièrent le rouleau des noms de celles et ceux qu’ils avaient connus ensemble, dans une autre vie. Les uns restés, les autres partis, assassinés, morts de maladie ou simplement perdus de vue.
Au restaurant, les plats étaient savoureux mais elle avait peu d’appétit, les sens encore sous l’effet de l’agonie de son père, du soulagement qu’elle avait éprouvé à sa mort ; requis aussi par l’émotion brute des retrouvailles avec Wajdi, assis de l’autre côté de la table, tout proche, trente ans et quelques poussières après et qui parlait :
– Au bout de vingt ans de mariage…
Il se prit la tête entre les mains, sans continuer.
– Tu as été amoureux d’une autre femme ?
– Non.
Elle ne sut pas si, au bout de ces vingt ans de mariage qu’il évoquait telle une période butoir, son désir pour son épouse était mort, s’il en avait eu assez de la vie conjugale, s’il avait eu envie de partir.
●
Ils se revirent, à plusieurs reprises, au moment du déjeuner. Seul moment où Wajdi, croulant sous le travail, s’accordait un répit. Il choisissait le restaurant, jamais le même, après avoir traversé la ville. Une ville de toute beauté malgré les traces de la guerre civile encore visibles sur les murs de certains quartiers.
Wajdi réglait l’addition. Mona avait beau protester, rien n’y faisait. Il se conduisait en homme nourricier, la servait, insistait pour qu’elle mange. Elle s’était alors débrouillée pour lui offrir de menus cadeaux : un stylo à plume, des fleurs, un livre.
Au fil des rencontres, des souvenirs remontaient. Comme ils étaient remontés, nappe après nappe, après leurs premiers contacts sur l’internet. Un matin, elle lut avec incrédulité son nom dans la colonne expéditeur de sa messagerie électronique alors que la voix de Cora Vaucaire s’élevait du CD qu’elle avait choisi pour commencer sa journée :
Trois petites notes de musique
Ont plié boutique
Au creux du souvenir
Et vont s’endormir
C’en est fini de leur tapage
Elles tournent la page
Mais un jour sans crier gare
Elles vous reviennent en mémoire
Elle avait pris un cahier, nouant un dialogue avec ces si lointains souvenirs, non inconsciente de l’ambiguïté de l’exercice. Les mots peuvent ne concerner que les mots, créant leur propre univers, sans lien avec la réalité à laquelle ils sont censés renvoyer.
●
Wajdi avait été son premier amour. Non parce qu’il avait été le premier à provoquer en elle l’émotion amoureuse…
La passion folle, elle l’avait ressentie vers l’âge de dix-sept ans, pour un inconnu dont elle ne connaissait même pas le timbre de voix mais avec qui un regard fut échangé au détour d’une rue. Un regard d’une telle intensité qu’elle ne connut plus de repos.
Cela avait duré deux années, deux années où elle se vit douée d’un don étrange. Être occupée par quelqu’un qui n’était qu’un passant entrevu régulièrement dans les alentours de son lycée.
Ce qui ne se réalisait pas, elle le compensait en rêvant. Hantée par le premier regard, elle fabriquait une scène où seuls au monde, ils avançaient l’un vers l’autre, les yeux dans les yeux. Au gré de ses déambulations mentales, ils se retrouvaient dans une maison toute blanche, au bord d’une mer scintillant de mille feux. Émergeant de l’eau, ils s’embrassaient bouche contre bouche, alors qu’une délicate brise les enveloppait. Puis, ils s’étreignaient et le tableau devenait flou. Elle n’avait aucune expérience pour visualiser avec précision l’acte d’amour.
À la fac, Mona retrouva l’insouciance et la légèreté de sa jeunesse, nouant et dénouant des rencontres fugaces et sans conséquence. Légèreté qui ne voilait pas son regard sur la plupart des garçons dont l’urgence première était de mettre la main sous la jupe, si impatients qu’ils en tachaient leur pantalon dès le premier contact tactile.
Ces années-là, si elle apprit beaucoup sur les bancs de l’université, Mona bénéficia, par ailleurs, d’un enseignement en prise directe sur la question : qu’est-ce qu’être une femme ?
Nawal, une de ses camarades étudiantes, tomba enceinte. Résidant en cité universitaire, elle avait d’abord tenté de se confier à sa mère un week-end où elle revenait à la maison. Prudemment, elle avait suggéré un retard de règles. La réaction de sa mère fut telle qu’elle ne continua pas. Le garçon qu’elle fréquentait, et qui était pour quelque chose dans son état, considéra que le problème n’était pas le sien.
Son salut, Nawal le dut à sa meilleure amie dont la qualité était de compter parmi ses relations, des personnes en mesure d’aider, pour peu qu’elles en acceptent les risques, entre autres celui de se retrouver derrière les barreaux d’une prison.
Il avait fallu dénicher un logement vide, rareté dans cette ville surpeuplée, approcher une interne en médecine pour lui placer la sonde, étouffer ses gémissements pendant l’opération pour ne pas alerter les locataires de l’immeuble. Avec la complicité d’un médecin, l’étudiante, sous une fausse identité de femme mariée, fut ensuite hospitalisée pour fausse couche au service de maternité. Au bout du parcours, Nawal devait être curetée à vif, sans anesthésie. L’hôpital était célèbre dans la région pour
