Une vengeance épicée
L’idée d’une vengeance vint à Manon à la lecture du message d’Odile qui lui annonçait la mort de Babishka.
Les trois amies, alors étudiantes, s’étaient rencontrées pendant un stage de théâtre amateur. Manon se destinait à la biologie, Odile à l’enseignement. Babette, dite Babishka à cause de son charme slave, traduisait des romans de langue russe. Elle n’avait plus de contacts avec sa famille émigrée aux Etats-Unis, menait une vie amoureuse mouvementée et était douée d’un esprit pétillant et d’une belle mémoire. Autre signe caractéristique : elle connaissait par cœur le théâtre de Tchekhov. Les trois amies étaient restées liées, même lorsque la vie les avait dispersées. Odile enseignait dans un lycée de Normandie et Manon travaillait dans un laboratoire de biologie au Brésil. C’est là qu’elle avait appris le mariage de Babishka. Elle n’avait jamais rencontré le nouvel élu, mais Odile affirmait que ce Maxence Doret avait l’air d’un homme raisonnable, à l’inverse des cinglés sur lesquels invariablement tombait leur amie.
Il paraissait très amoureux, et, assurait Odile, Babishka rayonnait. Babishka avait bombardé Manon de textos enthousiastes et de photos de son nouvel amour qui, disait-elle, lui avait promis de l’introduire dans le milieu du théâtre. Il travaillait lui aussi dans l’édition, spécialement dans la traduction de pièces étrangères en français.
Trois ans avaient passé.
Entre ses recherches en Amazonie et la publication des résultats avec ses collègues brésiliens, Manon n’avait toujours pas eu l’occasion de rentrer en France. Elle vivait à Rio de Janeiro mais continuait à correspondre, grâce à WhatsApp, avec Odile, installée maintenant à Strasbourg, et Babishka, toujours à Paris.
Celle-ci n’avait pas réalisé son rêve de théâtre mais elle disait être heureuse malgré tout. Elle avait même abandonné les traductions pour seconder Maxence dans son propre travail. Babishka n’avait à la bouche que la réussite, l’intelligence, la générosité de Maxence. Mais parfois, Manon semblait discerner quelques fêlures dans la voix de son amie. L’enfant attendu
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