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Le compte courant dans la vie des affaires: Aspects juridiques, fiscaux et comptables (Droit belge)
Le compte courant dans la vie des affaires: Aspects juridiques, fiscaux et comptables (Droit belge)
Le compte courant dans la vie des affaires: Aspects juridiques, fiscaux et comptables (Droit belge)
Livre électronique453 pages4 heures

Le compte courant dans la vie des affaires: Aspects juridiques, fiscaux et comptables (Droit belge)

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À propos de ce livre électronique

Très usité dans la vie des affaires, et notamment dans les rapports entre un associé et sa société, le compte courant est une figure aux multiples facettes soulevant de nombreuses questions, tant en ce qui concerne sa nature juridique que ses implications fiscales ou encore comptables.

Au travers de l’expérience de praticiens, avocats, experts-comptables, conseillers juridiques et membres de l’administration fiscale, cet ouvrage propose d’éclaircir ces questions en mettant l’accent sur les pièges à éviter dans la tenue d’un compte courant entre un associé ou dirigeant et sa société, et en particulier sur les points suivants :
• les aspects juridiques du compte courant ;
• les questions qu’il soulève en matière d’impôt des personnes physiques ;
• les implications fiscales de certaines opérations comptables en relation avec le compte courant ;
• le compte courant et la TVA ;
• les aspects comptables du compte courant.

Cet ouvrage s’adresse aux praticiens (réviseurs, experts-comptables, comptables, avocats, juristes d’entreprise, notaires, conseillers fiscaux et autres professionnels du chiffre) et aux dirigeants de sociétés, qui, en tant que conseillers ou titulaires de comptes, sont confrontés au fonctionnement des comptes courants, et ce sur le territoire belge.
LangueFrançais
ÉditeurAnthemis
Date de sortie9 avr. 2015
ISBN9782874557859
Le compte courant dans la vie des affaires: Aspects juridiques, fiscaux et comptables (Droit belge)

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    Aperçu du livre

    Le compte courant dans la vie des affaires - Collectif

    APODICI

    Introduction

    1. Le présent ouvrage reprend les actes du colloque sur le compte courant dans la vie des affaires qui s’est tenu le 7 mars 2013 à Liège sous l’égide du Tax Institute de l’Université de Liège.

    Le choix du thème peut de prime abord surprendre.

    Dans son Vocabulaire juridique, Gérard Cornu définit le compte courant comme un «compte usité dans les relations commerciales et financières représentant les rapports existant entre deux personnes qui, effectuant l’une avec l’autre des opérations réciproques, conviennent de fusionner les créances et les dettes résultant de ces opérations en un solde au régime unitaire».

    2. Pourquoi un colloque puis un ouvrage sur le compte courant?

    L’initiative part du constat que beaucoup de praticiens ont une vision simplifiée et imparfaite de la notion de compte courant. Pour beaucoup d’entre eux, l’expression «compte courant» renvoie au «compte courant d’associé» et n’est rien d’autre qu’un instrument pour gérer les flux réciproques entre un actionnaire et sa société, ou encore, entre un dirigeant et la personne morale qu’il administre.

    En droit, les choses sont plus complexes. Il y a le «contrat de compte courant», véritable contrat doté de caractéristiques propres et exorbitantes du droit commun, que l’on distingue du simple «compte d’associé», qui constitue une pure inscription comptable, n’engendrant pas les effets juridiques associés au contrat de compte courant à proprement parler.

    Il est frappant de constater à quel point cette distinction est aujourd’hui mal maîtrisée, en ce compris en doctrine, et, par là-même, source de confusions.

    À certains égards, le compte d’associé ouvre la porte aux abus les plus divers, fiscaux notamment.

    3. Les études ici proposées sont axées sur la pratique. Les auteurs sont tous des praticiens de la fiscalité et du droit des affaires – avocats, inspecteur d’administration fiscale, comptable fiscaliste ou encore consultant.

    La première contribution, rédigée par Déborah Gol, avocate et assistante à l’ULg, offre une comparaison stimulante et critique du contrat de compte courant d’une part, et du compte d’associé d’autre part. Cet exercice de caractérisation permet de cerner plus précisément les contours de ce dernier, de dresser son environnement juridique et de traiter ensuite un certain nombre de questions épineuses relatives aux rapports entre les comptes d’associé et le capital social, ainsi qu’aux limites qui s’attachent à l’usage de tels comptes. Sur ces deux derniers points, l’auteur inscrit son raisonnement dans deux courants distincts: en premier lieu, une tendance à l’effacement de la dichotomie traditionnelle entre la créance et l’apport, qui s’observe tout particulièrement dans le cadre du contentieux des entreprises en difficulté; en second lieu, une tendance à maintenir cette dualité au regard de questions qui touchent aux rapports entre l’associé et sa société et, en particulier, à la faculté pour le premier de se comporter, à l’égard de la seconde, comme n’importe quel créancier.

    Viennent ensuite deux études respectivement signées par Luc Herve et Yves Dewael, consacrées à l’examen de questions diverses en matière d’impôts sur les revenus. Les auteurs revisitent des thématiques classiques, telles que, en lien avec les comptes courants créditeurs, la requalification des intérêts des avances en dividendes ou la notion d’«attribution», ou, en lien avec les comptes courants débiteurs, la question de l’abandon par la société d’un compte courant de ce type, ou encore, la compensation entre intérêts créditeurs et intérêts débiteurs. L’analyse fiscale est systématiquement complétée par l’exposé du traitement comptable. En fin de compte, la somme des réflexions d’un avocat fiscaliste et d’un inspecteur principal attaché au S.P.F. Finances aboutit à un état des lieux à la fois équilibré, critique et stimulant.

    Vincent Sepulchre envisage le compte courant dans les rapports entre l’assujetti à la T.V.A. et l’administration fiscale. Plusieurs questions sont revisitées, dont, notamment, la compensation entre T.V.A. déductible et T.V.A. due au Trésor, ou encore, la nature et la légalité des comptes spéciaux et des amendes prévues.

    Enfin, Wilfried Niessen et Giuseppina Capodici se concentrent sur les aspects comptables et analysent tour à tour les comptes à mouvementer dans la comptabilité, les principales pièces justificatives et le mode d’enregistrement en comptabilité. Les auteurs ont en permanence le souci de mettre en garde contre les erreurs souvent commises en comptabilité.

    Au final, l’objectif de l’ouvrage n’est pas de finaliser la discussion relative à la nature, au fonctionnement et aux effets du compte courant au sens large, mais plutôt de l’entamer, de la stimuler, de la renouveler. Nous espérons que notre initiative répondra aux besoins de la pratique et se prolongera par d’autres recherches à l’avenir.

    Marc B

    OURGEOIS

    Professeur à l’ULg

    Directeur du Master complémentaire en droit fiscal de l’ULg

    Co-président du Tax Institute de l’ULg

    Co-responsable académique du Certificat en finances publiques (ULg et UCL)

    Xavier P

    ACE

    Avocat au barreau de Bruxelles

    Assistant à l’ULg

    Les comptes courants d’associés : questions choisies en droit commercial et en droit des sociétés¹

    Déborah G

    OL

    Avocate (Matray, Matray & Hallet)

    Maître de conférences à l’ULg

    Assistante à l’ULg

    Introduction

    1. On rencontre fréquemment, dans les comptes de sociétés, des comptes qualifiés de «comptes courants», ouverts au nom du ou des associés et qui traduisent en termes comptables l’état de leurs dettes et créances à l’égard de la société.

    Le compte courant créditeur constate une dette de la société à l’égard de l’associé, qui peut résulter notamment d’avances de trésorerie ou de sommes dues à l’associé à titre, par exemple, de rémunération ou de dividendes, mais laissées à la disposition de la société pour une durée déterminée ou indéterminée. En sens inverse, le compte courant débiteur constate une dette de l’associé envers la société.

    2. La doctrine et la jurisprudence majoritaires tendent à considérer que la qualification de compte courant serait juridiquement impropre à ces comptes d’associés². Ceux-ci ne refléteraient qu’une inscription comptable, loin de ce qu’implique la notion juridique de compte courant (un compte courant au sens juridique du terme est, en effet, un contrat particulier, avec des caractéristiques propres, exorbitantes du droit commun).

    La vocation première de la présente contribution est de tenter de resituer la notion de compte d’associé dans son environnement juridique, en commençant par rappeler brièvement ce qu’est un compte courant au sens juridique du terme et dans quelle mesure les comptes d’associés méritent ou non une telle qualification (chapitre 1). Compte tenu des effets qui s’attachent au contrat de compte courant stricto sensu, la question est loin d’être purement théorique.

    Dans un second temps, nous nous attacherons à mettre en lumière quelques aspects saillants du régime juridique des comptes d’associés, au regard du droit commercial et du droit des sociétés (chapitre 2) à travers, d’une part, les rapports entre les comptes d’associé et le capital social (section 1) et, d’autre part, les limites éventuelles qui s’attachent à l’usage de tels comptes (section 2).

    ____________

    1 L’auteur remercie chaleureusement le professeur Nicolas Thirion pour sa relecture attentive et ses précieux conseils.

    2 I. U

    RBAIN

    -P

    ARLEANI

    , Les comptes courants d’associés, Paris, L.G.D.J., 1986, p. 25, pp. 236 et s.; E. S

    MIT

    , « Les comptes d’associés », DA/OR, 1994, n° 34, p. 39; R. T

    AS

    , « Vennotenrekening, rekening-courant en compensatie », note sous Gand (7e ch.), 9 novembre 1994, T.R.V., 1995, pp. 326 et s.

    C

    HAPITRE

    1

    Compte courant et compte d’associé

    Section 1

    Le contrat de compte courant : contrat aux contours incertains – Bref rappel de la nature juridique et des caractéristiques du contrat de compte courant

    A. Un contrat issu de la pratique commerciale et régi par les usages

    3. D’emblée, il convient de préciser que le contrat de compte courant commercial n’est régi par aucun texte de loi. On s’accorde à lui reconnaître des caractères propres, en refusant de l’assimiler à d’autres contrats de droit civil tels que le mandat ou le prêt. Ses contours restent néanmoins remarquablement flous, tant quant à sa définition qu’à la détermination de ses effets, que la Cour de cassation a refusé de cristalliser, considérant que les «conditions, modalités et effets» du contrat de compte courant sont «librement fixés par les parties et, à défaut, par l’usage»³. Comme le souligne M. Gérard, «la conséquence la plus malheureuse de ces arrêts est d’avoir permis à la jurisprudence d’évoluer à l’abri de la censure de la Cour suprême et d’avoir ainsi contribué à renforcer les incertitudes du régime juridique du compte courant»⁴.

    Il serait donc illusoire de vouloir tracer d’une manière définitive les contours du régime juridique de ce contrat. Nous tenterons néanmoins d’en cerner, dans les lignes qui suivent, les principaux traits majoritairement admis.

    4. Le contrat de compte courant est un mécanisme financier conçu par la pratique commerciale pour faciliter les opérations qui s’inscrivent dans un courant d’affaires continu entre deux parties, dont naissent des dettes et créances réciproques.

    L’objectif premier de ce mécanisme est de faciliter le règlement des transactions entre les parties; pour «éviter les mouvements de fonds, les envois de numéraire, les formalités qu’exigerait le paiement séparé de chaque créance»⁵, le contrat de compte courant présente l’avantage de «résoudre en un seul rapport de droit un ensemble de rapports préexistants»⁶.

    En d’autres termes, les parties conviennent de porter dans un compte le résultat des opérations qu’elles feront entre elles et de substituer au paiement séparé de chacune de ces opérations le règlement du solde qui apparaît à la clôture du compte⁷. Les entrées s’y produisent parallèlement au courant d’affaires entre les parties, ce qui lui a valu son nom. Le compte courant n’a d’utilité économique que s’il s’inscrit dans le cadre d’un «courant d’affaires» entre les parties, ce qui suppose qu’elles concluent entre elles «d’autres opérations juridiques d’où naîtront des créances et des dettes susceptibles d’être portées en compte»⁸.

    Le compte courant suppose donc à tout le moins:

    un courant d’affaires entre parties (autrement dit, une opération unique ne peut être qualifiée de compte courant);

    la réciprocité des «remises» (le compte doit avoir vocation à recevoir des inscriptions de la part des deux parties) et

    la volonté des parties de régler par ce mécanisme de façon globalisée toutes les créances et dettes qui naissent de leur relation d’affaires.

    On comprend que ce mécanisme ne se borne pas à faciliter les transactions entre les parties mais a également pour objet et pour effet de les favoriser; pendant la durée de fonctionnement du compte, les parties qui compensent entre elles leurs dettes et créances réciproques se confèrent réciproquement une forme de «privilège sans texte» à l’égard de leurs autres créanciers respectifs.

    On peut rencontrer ce contrat dans différentes relations de la vie des affaires: entre un commettant et son commissionnaire, entre une compagnie d’assurances et un courtier, entre un fournisseur et un acheteur habituel, etc.; toutefois, c’est essentiellement dans le domaine des relations bancaires qu’il est utilisé⁹.

    5. La question de savoir par quel mécanisme juridique le contrat de compte courant permet aux parties de parvenir à ce résultat est extrêmement controversée et n’a jamais été définitivement tranchée. En droit belge, on a tenté de caractériser le compte courant par deux types de théories (le premier fondé sur l’effet novatoire du compte courant, le second sur le mécanisme de la compensation), chacun se réclamant au plus près de l’économie du mécanisme (ou du «sentiment du commerçant» selon les termes de M. Piret¹⁰).

    B. Les théories explicatives de la nature juridique du compte courant

    1. La théorie classique

    6. Selon les tenants de la théorie dite «classique», défendue au premier chef par les professeurs Van Ryn et Heenen, le contrat de compte courant est «un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent que les créances et les dettes réciproques naissant de leurs opérations entreront dans un compte, afin d’en faire masse et d’en suspendre la liquidation jusqu’à la clôture du compte. La compensation générale effectuée à ce moment fera apparaître une créance exigible à charge de l’une des parties et au profit de l’autre»¹¹.

    7. Il ressort d’abord de cette définition que les remises en compte opèrent novation ou, plus précisément, «quasi-novation», la créance entrée en compte étant éteinte et remplacée non par une créance nouvelle, mais par un article de compte.

    L’effet novatoire du compte courant, suivant la théorie classique, entraîne l’extinction de chaque créance individuelle dès son inscription et justifie dès lors, notamment, la perte des caractéristiques propres à chaque créance, parmi lesquelles la prescription particulière à laquelle elle était assujettie¹² et les sûretés qui en constituent les accessoires¹³.

    Ensuite, c’est seulement à la clôture du compte que s’opère une compensation générale entre les dettes et créances réciproques, faisant ressortir une créance au profit de l’une des parties contre l’autre¹⁴. L’indivisibilité du compte, c’est-à-dire la volonté des parties de globaliser le règlement de leurs dettes et créances réciproques et d’en suspendre la liquidation, emporte donc, selon la théorie classique, l’inexigibilité et l’insaisissabilité du solde provisoire du compte jusqu’à la clôture.

    2. Les théories fondées sur le mécanisme de la compensation

    8. C’est essentiellement en réaction à l’effet novatoire attaché par la théorie classique au contrat de compte courant que s’est développée une autre conception du compte courant suivant laquelle il s’agirait plutôt d’«un contrat par lequel deux personnes, en relations d’affaires, décident de ne pas procéder au règlement immédiat de leurs créances réciproques, mais de ne régler que le solde né des compensations successives de ces créances»¹⁵.

    L’inscription en compte n’opérerait donc pas novation, mais n’aurait d’autre effet que d’établir la créance du remettant et d’en suspendre l’exigibilité jusqu’à la clôture du compte.

    9. La théorie dite des compensations continues a, elle aussi, été développée à partir d’une critique de l’effet prétendument novatoire de l’entrée en compte courant, au motif que la novation ne se présume pas, de sorte que rien ne permet, en l’absence de volonté expresse des parties en ce sens, de déduire de la simple inscription en compte des effets aussi substantiellement dérogatoires au droit commun que la renonciation par une partie aux sûretés qui garantissent sa créance ou le consentement du débiteur à substituer une prescription de droit commun à la prescription propre à sa dette¹⁶.

    Le professeur Nelissen-Grade a dès lors proposé de substituer à la théorie classique et à ses «effets indésirables», tant pour les parties (disparition de la créance et de ses accessoires) que pour les tiers (au rang desquels l’insaisissabilité du solde provisoire), une explication du compte courant selon laquelle les créances ne disparaissent pas par l’effet de leur entrée en compte, mais par compensation avec les créances de l’autre partie, au fur et à mesure de leur inscription.

    En conséquence, les créances conservent en principe leurs caractéristiques individuelles tant qu’elles ne disparaissent pas par compensation¹⁷, sauf clause dérogatoire expresse. Les créances ne peuvent plus être recouvrées séparément en droit, mais l’indivisibilité du compte doit être tempérée en ce sens que chaque compensation fait certes apparaître un solde provisoire, inexigible entre parties jusqu’à la clôture par l’effet du contrat, mais néanmoins saisissable.

    C. Les éléments essentiels du contrat de compte courant à travers la jurisprudence

    10. On le voit, selon que l’on opte pour l’une ou l’autre de ces théories, les effets du contrat de compte courant peuvent être très différents.

    Aucune d’entre elles n’est toutefois parvenue à s’imposer, ce qui ne favorise pas la sécurité juridique.

    Cette situation s’explique probablement par la raison qu’«aucune théorie n’est entièrement fausse, mais aucune n’est non plus totalement satisfaisante. C’est peut-être pour cette raison que la théorie classique est toujours retenue par un certain nombre d’auteurs et par la jurisprudence même si cette dernière a adapté cette théorie afin de répondre aux besoins de la pratique»¹⁸.

    En effet, la jurisprudence des juridictions de fond ne suit que très rarement une des théories dans toutes ses conséquences¹⁹. On observe que, si la théorie classique perdure²⁰, ses «effets indésirables» ont été fortement édulcorés²¹.

    11. Selon l’étude de R. Tas, les éléments suivants filtrent de la jurisprudence pour caractériser l’existence d’un compte courant au sens juridique du terme²²:

    la réciprocité des «remises»²³, qui implique que le compte doit avoir vocation à recevoir l’inscription de créances acquises par chacune des parties à l’égard de l’autre. Même s’il arrive que la condition de réciprocité comme élément constitutif d’un contrat de compte courant soit rejetée²⁴ ou atténuée²⁵, on observe néanmoins que la jurisprudence majoritaire²⁶ retient cet élément comme une caractéristique du compte courant et rejette cette qualification s’il apparaît, dans les faits, que les remises ont toujours été ou sont devenues exclusivement à sens unique²⁷;

    le principe de l’«affectation générale» suivant lequel le compte est, en principe (sauf dérogation expresse), voué à inscrire toutes les créances naissant de la relation entre les parties²⁸. Couplé avec le principe de l’automaticité de l’entrée en compte, il implique que toutes les créances entrent en compte courant dès qu’elles remplissent les conditions pour ce faire, c’est-à-dire qu’elles sont certaines et liquides, ont une cause licite et portent sur des choses fongibles entre elles²⁹, sans qu’une nouvelle manifestation de volonté soit requise. En conséquence, une créance née de la relation d’affaires ne peut être exclue du compte que si les parties en conviennent expressément. Les créances assorties d’un terme ou d’une condition suspensive ne peuvent entrer en compte avant l’échéance du terme ou l’accomplissement de la condition;

    l’indivisibilité des créances inscrites en compte. Nous avons déjà exposé que l’indivisibilité du compte courant au sens de la théorie classique emporte la conséquence que «[…] les opérations d’un compte courant, se succédant les unes aux autres jusqu’au règlement définitif, forment un tout indivisible qu’il n’est pas permis de décomposer ni de scinder; tant que le compte reste ouvert, il n’y a ni créance ni dette mais seulement des articles de crédit et de débit et c’est par la balance finale que se détermine le solde à la charge de l’un ou l’autre des cocontractants et par conséquent les qualités de créancier et de débiteur, jusque-là en suspens»³⁰. En d’autres termes, avant la clôture du compte qui se réalise au terme fixé par les parties ou, à défaut de terme conventionnel, par la manifestation de volonté d’une partie d’y mettre fin, le compte est insaisissable.

    Cette caractéristique du compte courant, à laquelle doctrine et jurisprudence continuent de faire largement écho, s’est vue atténuée dans ses effets en vue de remédier au caractère excessif de son application pure et simple³¹. La Cour de cassation s’est ainsi éloignée de la théorie classique en écartant l’insaisissabilité du solde provisoire³².

    Le principe de l’indivisibilité n’est pas pour autant nié: de nombreuses décisions confirment que, pour établir l’existence d’un compte courant, on recherchera dans le chef des parties cocontractantes la volonté de considérer entre elles le compte comme un tout indivisible et de suspendre, jusqu’à sa clôture, le règlement de leurs dettes réciproques et d’en opérer le paiement en une seule fois, après la clôture³³. Ainsi, le constat de ce que les parties se sont réclamé en fait le paiement de dettes et créances réciproques en dehors de toute considération de clôture de compte conduira à écarter la qualification de compte courant³⁴.

    12. Les caractéristiques et effets du contrat de compte courant tels qu’ils viennent d’être rappelés montrent que le fait qu’une relation puisse être qualifiée ou non de contrat de compte courant n’est pas sans conséquences pratiques. On citera, entre autres:

    la perte des sûretés dès l’entrée en compte, conséquence de l’effet novatoire;

    l’inexigibilité du solde jusqu’à la clôture du compte;

    le caractère radicalement original du compte courant, qui ne peut en tant que tel s’assimiler à d’autres formes juridiques, telles que le contrat de mandat ou de prêt;

    le mécanisme de compensation conventionnelle que réalise le compte courant³⁵.

    Section 2

    Les comptes d’associés : « ceci n’est pas un compte courant »

    13. Après avoir rappelé les contours de la notion de compte courant au sens juridique, il convient de faire la distinction avec ce qu’il est convenu d’appeler «compte courant» d’associé, c’est-à-dire les comptes ouverts dans la comptabilité des sociétés au nom du ou des associé(s) et qui traduisent, en termes comptables, l’état de leurs dettes et créances à l’égard de la société.

    14. La plupart des auteurs considèrent que la qualification de ces comptes d’associés en termes de «comptes courants» serait juridiquement impropre³⁶.

    Nous avons vu en effet que, pour qualifier une relation de compte courant au sens juridique du terme, la doctrine et la jurisprudence s’attachent à déterminer si des éléments de fait permettent d’établir que les parties ont eu l’intention d’attacher à leur relation les effets d’un véritable contrat de compte courant.

    Or c’est précisément cet élément intentionnel qui fait défaut, selon une tendance majoritaire, dans le chef des associés. Il convient, du reste, de préciser que les comptes d’associés peuvent recouvrir des réalités diverses, telles que des opérations «à sens unique». Un compte d’associé peut, par exemple, ne refléter que la mise à la disposition par l’associé de fonds au profit de la société, à long terme et avec un intérêt stipulé. Dans de tels cas, la notion de compte courant juridique est clairement exclue³⁷.

    La recherche de l’intention des associés conduit aussi à rejeter l’assimilation du compte d’associé à un compte courant, fût-ce en cas d’inscriptions réciproques, dès lors que, «si le compte d’associés peut effectivement être comparé au compte courant parce qu’il traduit également l’état des créances et dettes d’un associé à l’égard de la société, il s’en distingue toutefois fondamentalement car il n’implique nullement l’intention des parties de fondre dans une même masse leurs créances et leurs dettes réciproques et d’en suspendre l’exigibilité jusqu’à la clôture du compte»³⁸.

    On s’accorde plutôt à y déceler une inscription purement comptable, un compte de dettes et avoirs³⁹, dénué d’effet novatoire et qui n’implique nullement l’intention des parties de créer une situation d’indivisibilité telle que celle qui résulterait d’un véritable compte courant. En ce sens, le juge des saisies de Liège a refusé d’attacher à un compte d’associé les effets d’un véritable compte courant dans un litige où une société, tiers saisi par une banque en remboursement d’une dette de l’associé-gérant, se prévalait de l’existence d’un compte courant entre elle-même et son associé. La société invoquait l’indivisibilité du compte, en vertu de laquelle elle estimait que la saisie ne pouvait porter que sur le solde éventuellement créditeur du compte lors de sa clôture. Le tribunal n’a pas fait droit à cette argumentation, considérant que «le compte courant suppose l’existence d’un compte où se succèdent des opérations continues de débit et de crédit créant un tout indivisible. Cette situation ne doit pas être confondue avec celle qui naît de l’existence, au sein de sociétés commerciales, d’un compte entre un associé et la société, ce compte ne reflétant en réalité que l’existence d’une dette de la société vis-à-vis de l’associé ou l’inverse en fonction d’avances faites par l’associé ou de dettes de l’associé payées par la société et qui s’éteignent par compensation»⁴⁰.

    15. Cette explication n’est toutefois pas entièrement satisfaisante car, comme le relève M. Causin, si la question peut être disputée de savoir si les parties ont l’intention de nover, «réciproquement, si telle n’est pas l’intention, on peut douter de la méthode comptable, puisque les écritures compensées sont normalement interdites en pareil cas»⁴¹. Le seul moyen de réconcilier droit comptable et compte d’associé est peut-être effectivement de réduire ce dernier à une inscription purement comptable de dettes et avoirs de l’associé à l’égard de la société et vice versa, et de considérer que, «s’il advient qu’une créance éteigne une dette préalablement inscrite dans le compte, c’est par la simple application des règles de la compensation» (nous ajoutons légale) «et nullement en vertu des règles propres à la technique des comptes courants»⁴².

    Mais, dans ce cas, la question se pose de savoir quel sort peut être réservé aux avances faites par un associé sans terme stipulé au profit de sa société, par le biais de son compte d’associé. L’avance à durée indéterminée ne peut être compensée à défaut de remplir la condition d’exigibilité requise par l’article 1291 du Code civil pour déclencher la compensation légale. En sens inverse, si l’on admet que les avances à durée indéterminée peuvent être compensées, il convient de

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