Le partenariat Europe-Afrique et les intégrations régionales
Par Vincent Zakane
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Aperçu du livre
Le partenariat Europe-Afrique et les intégrations régionales - Vincent Zakane
© Groupe De Boeck s.a., 2012
couverture Geluck-Suykens & partners
Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.bruylant.be
Éditions Bruylant
Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles
Bibliothèque nationale, Paris : octobre 2012
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2012/0023/205
ISSN 2294-5563
EAN : 978-2-8027-3878-7
La collection Rencontres européennes publie des ouvrages collectifs ayant trait aux questions européennes d’actualité et notamment celles concernant l’Union européenne et le Conseil de l’Europe. Les titres qui la compose s’adressent, d’une part, aux praticiens, aux entreprises, aux collectivités territoriales et à leurs conseils et, d’autre part, au monde académique et universitaire.
La collection
RENCONTRES EUROPÉENNES
est dirigée par
Stéphane LECLERC
stephane.leclerc@unicaen.fr
MEMBRES DU COMITÉ SCIENTIFIQUE
M. Jean-François AKANDJI-KOMBÉ
M. Claude BLUMANN
M. Jean-Yves CARLIER
Mme Constance GREWE
M. Joël LEBULLENGER
M. Rostane MEHDI
M. Frédéric SUDRE
M. Sean VAN RAEPENBUSCH
M. Denis WAELBROECK
Liste des auteurs
OUSMANE AMADOU
Docteur en Economie à la Faculté des Sciences Economiques et Juridiques (FSEJ)
Université Abdou Moumouni de Niamey (Niger)
Ousmane BOUGOUMA
Doctorant aux Universités de Ouagadougou et de Rouen,
Juriste fiscaliste auprès du cabinet CFA-Afrique
ETIENNE CEREXHE
Professeur émérite à l’Université Catholique de Louvain
Juge émérite à la Cour constitutionnelle
Sénateur honoraire
ALAIN FAUSTIN BOCCO
Directeur du Commerce Extérieur à la Commission de l’UEMOA
Catherine FLAESCH-MOUGIN
Professeur émérite à l’Université de Rennes 1
Responsable de la Chaire UNESCO « Intégrations Régionales »
Membre de l’I.O.D.E. (CEDRE – UMR CNRS 6262)
Chaire Européenne Jean Monnet ad personam
BABACAR GUEYE
Professeur titulaire, Agrégé de Droit Public et de Sciences publiques à l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar (UCAD)
Luc Marius IBRIGA
Maître Assistant de Droit Public
Coordonnateur scientifique du Centre d’études européennes et de l’intégration (CEEI)
Centre Emile Noël – Université OUAGA II – Burkina Faso
Membre du groupe de recherche sur les intégrations régionales (GRDI – CNRS)
OUSSENI ILLY
Docteur en droit de l’Université de Genève
PATRICK KLAOUSEN
Maître de Conférences – HDR à l’Université de Rennes 1
Membre de l’.I.O.D.E. (CEDRE – UMR CNRS 6262)
Chercheur associé au CREC Saint-Cyr
JEAN PAMPHILE KOUMBA
Enseignant-chercheur au département de Géographie (CERGEP – UOB – Gabon)
Chercheur associé au RESO (UMR 6590 CNRS – Rennes 2 – France)
Membre de la chaire UNESCO Jean Monnet de Rennes
Membre du Groupe de recherche sur les intégrations régionales (GRDI)
JOËL LEBULLENGER
Professeur à l’Université de Rennes 1
Chaire européenne Jean Monnet
Membre du CEDRE (I.O.D.E. – UMR CNRS 6262)
CLAUDIA NAPOLI
Doctorante à l’Université de Rennes 1
Membre de l’I.O.D.E. (CEDRE – UMR NCRS 6262)
SUZY HENRIQUE NIKIÈMA
Docteur en droit de l’Institut des hautes études internationales et du développement (Genève)
Conseillère juridique à l’Institut International du Développement Durable (IIDD)
Programme Investissement et Développement Durable
Chargée de Cours à l’Université Saint-Thomas d’Aquin (USTA) et à l’Université Catholique d’Afrique de l’Ouest (UCAO-UUB)
DRAMANE SANOU
Docteur en droit de l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne
Centre de recherche sur l’Union européenne (CRUE)
ZAKARIA SORGHO
Consultant à l’Agence africaine pour le commerce et le développement (2ACD) – Genève (Suisse)
Doctorant à l’Institut des hautes études internationales (HEI) – Université Laval – Québec (Canada)
Assistant-Chercheur au Centre de Recherche CREATE – Université Laval – Québec (Canada)
DEMBA SY
Professeur agrégé à l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar (UCAD)
Directeur du Laboratoire d’études juridiques et politiques de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAD
JACQUES TENIER
Conseiller maître à la Cour des comptes française
Membre du Centre d’excellence Jean Monnet de Rennes
Membre fondateur de la Chaire UNESCO sur les intégrations régionales
CARLOS MINIWO TOE
Doctorant à l’Université Ouaga II
Membre du Groupe de Recherche sur les Initiatives Locales (GRIL) – Université de Ouagadougou, Burkina Faso
MWAYILA TSHIYEMBE
Directeur de l’Institut panafricain de Géopolitique
Professeur de géopolitique aux Universités Paris XII – Lubumbashi et Kisangani
LARBA YARGA
Ancien Ministre et ancien parlementaire burkinabé
Ancien membre du Parlement panafricain coordonnateur du projet de transformation du Parlement panafricain
Maître assistant de Droit Public à l’UFR/SJP – Université OUAGA II
ROBERT YOUGBARE
Enseignant à l’Université de Koudougou – Burkina Faso
Chercheur au Centre d’Etudes Européennes et de l’Intégration (CEEI)
Vincent ZAKANE
Maître Assistant de Droit Public
Ministre délégué chargé de la Coopération Régionale
Sommaire
Liste des auteurs
Sommaire
Liste des sigles et abréviations
Préface
par Vincent ZAKANE
Conférence inaugurale
par Etienne CEREXHE
I. – PARTENARIAT EURO-AFRICAIN OU POLITIQUE EUROPÉENNE POUR L’AFRIQUE ?
Le dialogue politique dans le cadre du partenariat Afrique/Union européenne
par Vincent ZAKANE
Les parlements régionaux, acteurs et facteurs d’intégration en Afrique ?
par Larba YARGA
La participation de la société civile à la gouvernance régionale dans le cadre des accords de Cotonou
par Carlos Miniwo TOE
Entre asymétrie capacitaire et symétrie de l’impuissance. Analyse comparative du processus d’intégration des capacités militaires en Afrique (UA) et en Europe (UE)
par Patrick KLAOUSEN
Les valeurs partagées du partenariat. L’exemple de la protection des enfants soldats africains
par Claudia NAPOLI
Les relations entre l’Europe et l’Afrique, perspective historique et promesses du futur : un regard critique
par Demba SY
La deuxième révision de l’accord de Cotonou : quelle place pour l’intégration régionale ?
par Catherine FLAESCH-MOUGIN
II. – ACCORD DE PARTENARIAT ÉCONOMIQUE, FACTEUR D’INTÉGRATION OU DE DÉSINTÉGRATION ?
Les APE. L’approfondissement d’une relation inégalitaire entre l’Europe et l’Afrique
par Jacques TENIER
Négociation de l’APE UE-Afrique de l’Ouest et gouvernance des organisations d’intégration ouest-africaines
par Babacar GUEYE et Robert YOUGBARE
L’impact de l’économie pétrolière sur la dynamique de l’intégration en Afrique CEMAC
par Jean-Pamphile KOUMBA
Accords de partenariat économique CEDEAO-UE : enjeux et perspectives pour les pays ouest-africains
par Zakaria SORGHO
Les clauses de rendez-vous sur l’investissement dans les APE intérimaires : opportunité ou menace pour un régime juridique harmonisé de traitement des investissements étrangers en Afrique de l’Ouest ?
par Suzy Henrique NIKIÈMA
Accord de partenariat économique entre l’UE et la CEDEAO : impact de la 5e bande sur la protection de l’agriculture et de l’industrie agro-alimentaire en Afrique de l’Ouest
par Ousmane AMADOU
III. – QUEL APE POUR QUELLE INTÉGRATION ?
État des négociations des APE : Région Afrique de l’Ouest et Union européenne
par Alain Faustin BOCCO
Les incertitudes entourant la conclusion d’APE régionaux complets en Afrique
par Joël LEBULLENGER
La dimension commerciale des APE : quelle stratégie pour le régionalisme ouest-africain ?
par Ousmane BOUGOUMA
Les systèmes de règlement des différends dans le cadre des APE : quelles implications pour les communautés économiques régionales africaines ?
par Ousseni ILLY et Dramane SANOU
Partenariat Europe/Afrique à l’épreuve de la globalisation : clefs du divorce et défis d’émancipation pour le multilatéralisme
par Mwayila TSHIYEMBE
IV. – CONCLUSIONS
Rapport de synthèse
par Luc Marius IBRIGA
Index jurisprudentiel
Table des matières
Liste des sigles et abréviations
Préface
par
Vincent ZAKANE
Maître Assistant de Droit Public
Ministre délégué chargé de la Coopération Régionale
Parmi les multiples relations que l’Afrique entretient, aujourd’hui, avec d’autres régions du monde, celles qui la lient à l’Europe sont, sans doute, les plus tumultueuses et les plus controversées. Tantôt saluées comme un exemple réussi de coopération Nord-Sud, tantôt décriées comme une perpétuation du pacte colonial à l’époque contemporaine, ces relations ont, en effet, été toujours complexes et marquées par des velléités de domination européenne sur le continent noir et une constante volonté d’affranchissement de ce dernier du carcan européen.
Depuis la tenue, au Caire en 2000, du premier sommet historique Afrique/Union européenne, ces relations particulières connaissent une évolution significative caractérisée par la volonté commune des deux entités géographiques de dépasser un héritage historique mitigé et de bâtir, ensemble, un partenariat moderne et stratégique, fondé sur une vision commune de l’avenir et sur des valeurs universelles partagées telles que le respect des droits de l’homme, la liberté, la justice, l’État de droit et la démocratie. Ce partenariat stratégique, qui devrait, en principe, permettre aux deux continents, liés par l’histoire, la géographie et la culture, d’affronter sereinement les enjeux actuels de la mondialisation, suscite cependant des doutes et des interrogations.
Intervenant dans un contexte mondial de renforcement des grands ensembles régionaux et à un moment où l’Afrique amorce une phase décisive de son intégration économique et politique, un tel partenariat constitue-t-il un facteur de renforcement des intégrations régionales en Afrique ou en Europe ou, au contraire, un frein à cette dynamique considérée, aujourd’hui, comme la seule alternative viable à une mondialisation de plus en plus débridée ? Peut-il y avoir un partenariat équilibré et mutuellement bénéfique entre des partenaires inégaux ?
Le colloque sur « Le partenariat Europe/Afrique et les intégrations régionales », co-organisé à Ouagadougou, du 14 au 17 décembre 2010 par le Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération Régionale (MAECR) et le Centre d’Etudes Européennes et de l’Intégration (CEEI) de l’Université de Ouaga II, a eu au moins le mérite de souligner, avec force, l’intérêt de ce partenariat unique et de ses liens avec les intégrations régionales, tout en relevant ses contradictions, ses faiblesses congénitales, ses risques et ses potentialités inexplorées. Fruit d’une collaboration réussie entre l’Administration publique (MAECR), les organisations sous régionales ouest africaines (CEDEAO et UEMOA) et le monde universitaire (Université de Ouaga II, Chaire UNESCO de l’Université de Rennes 1), cette rencontre de haute facture intellectuelle témoigne, une fois de plus, de la vivacité et de l’actualité d’une thématique aussi ancienne que celle des relations entre l’Afrique et l’Europe.
En cela, les présents Actes du colloque constituent une véritable mine d’informations sur le partenariat Afrique/Europe, autant qu’un document de référence qui pourrait nourrir la réflexion des universitaires et des chercheurs et féconder l’action des acteurs publics et de la société civile engagés dans le domaine de l’intégration régionale ou du développement.
Conférence inaugurale
le partenariat Europe-Afrique
dans un monde en mutation
par
Etienne CEREXHE
Professeur émérite à l’Université Catholique de Louvain
Juge émérite à la Cour constitutionnelle
Sénateur honoraire
Robert Schuman dans sa déclaration du 9 mai 1950, après avoir déclaré « que la mise en commun de la production franco-allemande du charbon et de l’acier sous une autorité commune permettra la réalisation d’une communauté économique et réalisera les premières assises d’une fédération européenne indispensable à la préservation de la paix », ajoutait que « l’Europe pourra ainsi avec des moyens accrus poursuivre la réalisation d’une de ses tâches essentielles, le développement du continent africain ».
Nous voudrions dans la présente réflexion analyser l’évolution des relations entre l’Europe et l’Afrique, des origines à nos jours et nous demander si, comme le souhaitait Robert Schuman, elles on permis un développement du continent africain. On distinguera quatre périodes.
I. – Le traité de Rome et la première convention d’application
Dans le sixième considérant du traité de Rome, on trouve le texte suivant : « entendant confirmer la solidarité qui lie l’Europe et les Pays et Territoires d’Outre-mer et désirant assurer le développement de leur prospérité conformément aux principes de la Charte des Nations unies ».
En application de ce texte, on trouve dans le traité deux types de dispositions :
– les articles 131 et suivants qui posent les principes du régime d’association des Pays et Territoires d’Outre-Mer ;
– une convention d’application, annexée au traité, qui fixe les modalités et la procédure de l’association.
Quatre questions se posent relativement à cette première période.
A. – Nature juridique
Le terme « association » est inexact puisqu’en 1958 les Pays et Territoires d’Outre-Mer n’avaient pas accédé à l’indépendance. Dès lors, ces pays et territoires ont plutôt été intégrés partiellement et imparfaitement à la Communauté.
B. – Raisons de cette association
Il y une double raison à l’association des Pays et Territoires d’Outre-Mer à la Communauté.
1. Raisons politiques
Aux environs des années 1950, le problème crucial du Tiers monde se posait, notamment la question de savoir dans quel camp (Est-Ouest) il allait basculer. Il fallait donc accélérer son développement, mais quelles voies suivre ? Trois voies pouvaient être envisagées :
– une aide internationale de l’ensemble des pays riches aux pays pauvres. Ce projet est apparu utopique, faute d’une organisation disposant de compétences et de pouvoirs appropriés ;
– un système bilatéral d’aide. Le danger était le risque de la résurgence d’un néocolonialisme ;
– la création d’un centre régional de développement. C’est cette troisième idée qui a été retenue par les rédacteurs du traité de Rome.
2. Raisons économiques
Elles sont au nombre de deux :
– nécessité pour l’Europe de bénéficier des ressources en matières premières des pays en voie de développement ;
– conserver les Pays et Territoires d’Outre-mer comme des débouchés pour la CEE.
C. – Contenu du régime d’association
1. Libération des échanges
Les États membres appliquent à leurs échanges commerciaux avec les Pays et Territoires d’Outre-mer le régime qu’ils s’accordent entre eux, ce qui implique la suppression des droits de douane à l’entrée pour les produits en provenance des Pays et Territoires d’Outre-mer et l’élimination des restrictions quantitatives
À l’inverse, chaque pays ou territoire applique à ses échanges commerciaux avec les pays membres le régime qu’il applique à l’État européen avec lequel il entretient des relations particulières.
2. Création d’un fonds de développement
La création d’un fonds de développement vise à substituer à l’aide bilatérale une aide multilatérale qui se réalisera dans le cadre des centres régionaux de développement prônés par François Perroux. Ce fonds est géré par la Commission et est destiné au financement d’institutions sociales et à des investissements économiques d’intérêt général.
Ce sont les autorités des Pays et Territoires d’Outre-mer qui sont chargées de l’exécution des programmes, mais sans oublier les intérêts européens. En effet « pour les investissements financés par la Communauté, la participation aux adjudications et fournitures est ouverte, à égalité de conditions, à toutes les personnes physiques et morales ressortissant des États membres et des Pays et Territoires, ce qui revenait en pratique à reconnaître une préférence aux États européens.
D. – Bilan de la première convention d’association
Il est déficitaire pour les raisons suivantes :
– insuffisance des plans ;
– insuffisance de la diversification des méthodes financières ;
– limite d’intervention dans le domaine économique ;
– insuffisance des programmes de formation des cadres.
Dans les années 1960, on a vu accéder à l’indépendance plusieurs Pays et Territoires. Ils se sont déclarés prêts à maintenir le régime d’association moyennant deux modifications sur le plan institutionnel, à savoir d’une part qu’ils soient représentés devant les instances communautaires par leurs propres représentants, d’autre part qu’ils puissent eux-mêmes présenter leurs projets de développement au fonds européen.
II. – Les conventions de Yaoundé
Les conventions de Yaoundé s’inscrivent dans le prolongement du régime d’association prévu par le traité de Rome : la première fut signée le 20 juillet 1963, la seconde le 29 juillet 1969.
A. – Position des parties au moment de la négociation
1. Le point de vue des États africains. (c’est-à-dire de l’ensemble des Pays et Territoires devenus indépendants)
Il peut se résumer en trois formules :
– une attention particulière doit être accordée aux questions de procédure, à savoir le respect des principes d’égalité et de parité ;
– un souci de maintenir les aides financières ;
– une préoccupation dominante de stabilité et d’accroissement des revenus, soit par des mécanismes de stabilisation des cours des matières premières, soit par une diversification des productions locales.
Au sein des États africains, l’insistance n’est pas mise sur ces trois points avec la même intensité.
2. Le point de vue des États européens
Si tous manifestent la préoccupation de participer au développement des États africains, certains, comme les Pays-Bas et l’Allemagne, se montrent réticents sur deux points, à savoir que l’aide financière ne doit pas être augmentée et qu’aucune préférence ne doit être accordée aux pays africains au détriment des pays latino-américains.
B. – Nature juridique de la (des) Convention(s) de Yaoundé
Les conventions de Yaoundé sont-elles l’application de l’article 238 du traité de Rome qui permet la création d’une association avec la CEE ou la concrétisation des l’articles 131 et s. du traité de Rome qui prévoit l’association des Pays et Territoires d’Outre-mer.
Si l’association est uniquement basée sur l’article 238, cela signifie qu’elle n’est qu’un des aspects des relations extérieurs de la CEE fondée notamment sur les principes d’égalité et de parité des parties contractantes. Par contre, si elle est basée sur les articles 131 et s. du traité, il faut lui reconnaître un caractère perpétuel, les États africains et malgaches ayant le droit de réclamer la promotion de leur développement. En réalité, les auteurs du traité n’ont pas pris position sur cette question se contentant, dans le préambule, d’une référence sibylline : « vu le traité » qui laisse la porte ouverte à toutes les interprétations.
C. – Contenu de la (des) Convention(s) de Yaoundé
1. Liberté des échanges commerciaux
Elle se traduit par la suppression des droits de douane et des restrictions quantitatives dans le sens EAM vers CEE et CEE vers EAM.
Il y a cependant de nombreuses exceptions dans les conventions de Yaoundé :
– les États africains et malgaches peuvent invoquer la clause de sauvegarde de l’article 13 § 2 : « en cas de perturbations sérieuses de l’économie d’un État associé, celui-ci peut unilatéralement prendre des mesures de sauvegarde, avec néanmoins l’obligation de les notifier à la Commission » ;
– l’article 3 § 2 permet à chaque État associé de maintenir des droits de douane qui répondent aux nécessités des budgets, au développement de l’économie et à l’industrialisation ;
– l’article 13 § 2 reconnaît aux États membres la possibilité de prendre des mesures nécessaires en cas de difficultés graves se traduisant par une situation compromettant leur situation financière ou économique ;
– enfin, le système de libération des échanges ne fait pas obstacle aux interdictions ou restrictions d’importation ou d’exportation justifiées par des raisons d’ordre public, de santé publique, de moralité publique
2. Droit d’établissement et prestation de services
Deux dispositions règlent le problème du droit d’établissement :
– l’article 29 qui prévoit que « dans un délai de trois ans les ressortissants, personnes physiques et personnes morales des États membres sont mis sur un pied d’égalité dans les États associés ». C’est donc l’affirmation du principe de la non-discrimination entre les Etats membres par les États associés ;
– l’article 23 al.3 prévoit la condition de réciprocité.
3. La coopération financière
La coopération financière sous les conventions de Yaoundé se caractérise par trois éléments :
– sources du financement. Contribution financière des États membres et prêt de la Banque européenne d’investissement ;
– diversification des techniques financières. Alors que la première convention d’association avait prévu un régime d’aide par voie de subventions, les conventions de Yaoundé consacrent une diversification des techniques financières, sous la forme d’aides, de prêts à des conditions particulières et de prêts de la Banque européenne d’investissement.
4. Diversification des secteurs d’intervention
La convention de Yaoundé élargit les secteurs d’intervention, à savoir : subventions dans le domaine économique et social, assistance technique liée à des investissements, coopération technique générale, aides à la diversification et à la production.
Le but visé par les conventions de Yaoundé, c’est la création d’une zone de libre-échange, mais dans celle-ci des clauses de sauvegarde importantes sont organisées au bénéfice principalement des pays en voie de développement. En outre, rien n’a été prévu en ce qui concerne le rapprochement des législations dont la disparité constitue un obstacle absolu à la libération des échanges. Enfin, contrairement à la première convention, rien n’a été prévu relativement aux échanges entre États africains, ce qui a comme conséquence qu’alors que la CEE se présente vis-à-vis des EAM comme un marché unique, ceux-ci apparaissent comme un ensemble disparate et morcelé.
III. – Les conventions de Lomé
En 1973, avec l’adhésion de nouveaux États à la CEE (le Royaume-Uni, le Danemark et l’Irlande), il s’imposait d’étendre la politique de développement aux États indépendants du Commonwealth situés en Afrique.
La convention de Lomé est un accord de coopération commerciale signé le 28 février 1975 entre la CEE et 46 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (dits Pays ACP) et renouvelé en 1979 (Lomé II), en I984 (Lomé III) et en 1990 (Lomé IV). La convention de Lomé est aujourd’hui remplacée par l’accord de Cotonou.
La convention de Lomé a pour caractéristiques principales de reposer sur le principe du partenariat, sur la nature contractuelle des relations et de combiner différents éléments relevant de l’aide du commerce et de la politique.
A. – Les différentes conventions de Lomé
1. Lomé I
Signée en I975, la Convention de Lomé I visait à intégrer certains pays du Commonwealth dans le programme de coopération, après l’adhésion du Royaume-Uni à la Communauté européenne.
Ses principales caractéristiques sont :
– des préférences non réciproques accordées à la plupart des exportations des pays ACP vers la CEE ;
– l’égalité entre les partenaires et le respect des souverainetés nationales ;
– le droit pour chaque État d’arrêter ses propres stratégies.
Lomé I a aussi introduit le régime du Stabex, destiné à offrir aux pays ACP une compensation pour les pertes de recettes d’exportation liées à la fluctuation des prix ou à l’offre des produits de base.
2. Lomé II
Cette convention signée en I979 n’a pas introduit de changement majeur, sous réserve du Sysmin, qui permet à un pays fortement dépendant d’un minerai particulier et confronté à un recul des ses exportations d’accéder aux prêts Sysmin, conçus pour atténuer la dépendance d’un pays à l’exploitation de ses ressources minières.
3. Lomé III
Cette convention signée en I984 modifiait l’orientation des efforts abandonnant la promotion du développement industriel pour celle d’un développement autonome, fondé sur l’autosuffisance et la sécurité alimentaire.
4. Lomé IV
C’est la première convention d’une durée de 10 ans, même si le protocole financier ne portait que sur cinq années, Une révision de la convention à mi-parcours était prévue en I995.
Les efforts de cette convention étaient largement axés sur la promotion des droits de l’homme, la démocratie et la bonne gouvernance, le renforcement de la place des femmes dans la société, la protection de l’environnement, la coopération décentralisée et le renforcement de la coopération régionale.
La révision à mi-parcours s’est déroulée en 1994-1995 sur fond de bouleversements majeurs sur le plan économique et politique dans les pays ACP, notamment les processus de démocratisation et d’ajustement structurel. Les principales modifications introduites concernent :
– le respect des droits de l’Homme, des principes démocratiques et de l’État de droit avec comme conséquence que les pays qui ne remplissent pas ces critères risquent de se voir retirer les fonds alloués ;
– la programmation par phase est introduite ;
– une attention accrue est portée à la coopération décentralisée, sous la forme d’un partenariat actif, impliquant un grand nombre d’acteurs de la société civile.
Comme dans les précédentes conventions une place importante est réservée dans les conventions de Lomé aux clauses de sauvegarde tant au bénéfice des pays ACP que des États européens.
B. – Appréciation des conventions de Lomé
Les conventions de Lomé n’ont pu freiner le déclin économique des pays ACP. Ils se sont traduit au contraire par :
– une marginalisation des pays ACP dans le commerce mondial, où l’on voit émerger les pays de l’Asie du Sud-est et d’Amérique Latine ;
– un maintien par certains pays européens de barrières non tarifaires notamment de restrictions quantitatives ;
– une motivation à la diversification inopérante du fait du Stabex et du Sysmin ;
– une incapacité à faire du groupe des ACP un acteur indépendant sur le plan du commerce international, malgré les accords de Gorgetown signé le 6 juin 1975, portant création formelle du groupe ACP.
Ce bilan mitigé allait conduire à une évolution des relations Union européenne-État ACP, à travers l’accord de Cotonou.
IV. – L’accord de Cotonou
L’accord de Cotonou a une durée de 20 ans, mais tous les cinq ans les deux parties doivent se mettre d’accord sur un protocole financier.
A. – Quels sont les principaux objectifs de l’accord de Cotonou ?
Six objectifs principaux peuvent être relevés :
– réduction de la pauvreté, ce qui implique l’amélioration des conditions politiques sociales culturelles et environnementales ;
– reconnaissance aux États ACP du pouvoir de déterminer en toute souveraineté les stratégies de développement de leurs économies et de leurs sociétés ;
– promotion du dialogue et de la collaboration entre acteurs étatiques et non étatiques ;
– passage de préférences commerciales à un partenariat économique ;
– institution d’une aide conditionnelle : l’aide n’est plus automatique, mais dépend de la réalisation de performances (réformes institutionnelles, utilisation des ressources, réduction de la pauvreté, mesures de développement durable) ;
– priorité à la coopération politique.
B. – Quels sont les grands axes de l’accord de Cotonou ?
1. La coopération au développement
Elle prend la forme d’une assistance financière et technique en appui à des priorités de coopération définies en commun.
En ce qui concerne la coopération financière, il a été constaté, à la suite de Lomé, une déficience des instruments d’intervention du Fonds caractérisée par la lourdeur des procédures et l’inefficacité des moyens de gestion.
2. La coopération commerciale
L’Union européenne et les pays et régions ACP doivent conclure des Accords de partenariat économique (APE) qui doivent être compatibles avec les normes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Outre le commerce de biens et de services, les APE réglementeront toute une série d’autres questions en rapport avec le commerce, tels les investissements, les marchés publics, les normes de produits, la politiques des consommateurs, les mesures sanitaires.
3. La coopération politique
L’accord de Cotonou place la coopération politique au centre des relations entre les États ACP et l’Union européenne. Le dialogue politique est prévu sur toutes les questions d’intérêt mutuel aussi bien au niveau national, régional que du groupe ACP.
Un des éléments essentiels de la coopération politique est la problématique des droits de l’Homme.
Pendant longtemps les pays ACP refusèrent catégoriquement toute référence aux droits de l’Homme dans les relations entre l’Union européenne sur base de leur souveraineté. Ainsi, lors de l’accord de Lomé II, la Commission avait proposé une référence aux articles 3 et 5 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Les pays ACP refusèrent toute référence à ce texte.
Compte tenu d’un environnement qui avait évolué, à savoir la signature de la Charte africaine des droits de l’Homme et le rôle de plus en plus important joué par le Parlement européen élu au suffrage universel, les États ACP se montrèrent plus ouverts à la problématique des droits de l’homme. Dans l’accord de Lomé IV, on inséra une clause « droits de l’Homme » considérée comme un « facteur fondamental » du partenariat. Cette clause insérée à l’article 5 stipulait que « les relations économiques et toutes les dispositions de l’accord se fondent sur le respect des principes démocratiques et les droits de l’Homme qui inspirent les politiques internes et internationales tant de la Communauté que de l’État contractant ». L’accord de Lomé IV bis comportait une clause « élément essentiel » dans un article 5 et une clause de non-exécution en son article 366bis, qui furent reprises dans l’accord de Cotonou. En effet, l’article 9 § 1 indique que « la coopération vise un développement durable centré sur la personne humaine, qui en est le bénéficiaire principal et postule le respect et la promotion des droits de l’Homme. Le respect de tous les droits de l’Homme et des libertés fondamentales, y compris le respect des droits sociaux fondamentaux, la démocratie basée sur l’État de droit et une gestion transparente et responsable des affaires publiques font partie intégrante du développement durable ».
Pour garantir le respect des droits de l’Homme dans les États ACP, des sanctions sont prévues aux articles 96 et s. de l’accord de Cotonou.
V. – Conclusions générales
Les différentes formes de partenariat ont-elles permis comme l’avait suggéré Robert Schuman d’assurer le développement des Pays et Territoires d’Outre-mer, la plupart d’entre eux devenus indépendants. Avec prudence on peut dire que si certains progrès ont été réalisés dans les domaines des infrastructures, de l’alphabétisation et de la santé, la pauvreté n’a pas été éradiquée et le développement économique est resté très marginal.
Pourquoi ? Quelles sont les voies à exploiter ?
A. – L ‘industrialisation
Si au début des relations Europe-ACP, l’accent avait été mis sur l’industrialisation, ce mythe a survécu dès le début de Lomé I pour un développement du secteur agricole. Aujourd’hui, on prend conscience de l’importance des investissements (articles 54 et s. de l’accord de Cotonou). À cet égard, l’accent devrait être mis à l’avenir sur le développement des petites et moyennes entreprises.
B. – La formation
Le développement des investissements privés suppose une main d’œuvre qualifiée et dès lors une formation qui y prépare, tout spécialement dans le domaine de la formation technique et professionnelle.
C. – Une plus grande cohérence dans l’intervention des bailleurs de fonds
D. – Une coopération régionale plus développée
À cet égard, on veillera à ne pas se limiter à des déclarations d’intention, mais à organiser une coopération, voire une intégration, qui ne soit pas un décalque de l’intégration européenne, mais qui réponde aux besoins et aux spécificités de l’Afrique.
E. – Une meilleure organisation du groupe ACP de sorte qu’il constitue un acteur indépendant du commerce international
Malgré des aspects négatifs, l’Afrique peut trouver la voie de son développement. Elle a des ressources et un potentiel humain. Elle doit prendre conscience que c’est par elle-même et en mobilisant ses énergies, que ses composantes accèderont au rang de pays émergents. L’Afrique appartient aux Africains.
I. – Partenariat Euro-Africain
ou politique Européenne pour l’Afrique ?
Le dialogue politique
dans le cadre du partenariat
Afrique/Union européenne
par
Vincent ZAKANE
Maître Assistant de Droit Public
Ministre délégué chargé de la Coopération Régionale
En avril 2000, les Chefs d’État d’Afrique et de l’Union européenne se sont réunis au Caire, en Égypte, pour la première fois, en vue de donner une nouvelle orientation à leurs relations de coopération vieilles de 40 ans. Cette évolution des relations afro-européennes s’est effectuée dans un contexte où des changements considérables sont intervenus sur les deux continents. En effet, des processus de démocratisation et de réformes ont été lancés et sont en train d’être consolidés tant en Afrique qu’en Europe où des efforts sont déployés pour venir à bout de situations de crise et de conflits. Dans le même temps, les processus d’intégration sur les deux continents se sont accélérés. D’une part, l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) s’est transformée en Union africaine (UA) dotée d’un Plan stratégique de développement, d’un Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) et, d’autre part, l’Union européenne (UE) a vu le nombre de ses membres doubler et son architecture institutionnelle se renforcer avec l’adoption du traité de Lisbonne.
Face à toutes ces mutations qui s’opèrent dans un environnement de mondialisation et d’interdépendance, l’Afrique et l’Europe ont décidé de donner une nouvelle orientation et une vision politique nouvelle à leur coopération, basée sur un partenariat stratégique conjoint. Ce partenariat, qui a été institutionnalisé à Lisbonne en 2007 lors du deuxième Sommet Afrique/Union européenne et renouvelé au cours du troisième Sommet à Tripoli en 2010, trouve son ressort dans le dialogue politique engagé entre les deux entités.
Consacré par l’article 8 de l’accord de Cotonou sur la coopération ACP/Union européenne, le dialogue politique est une dimension nouvelle de la coopération ACP-CE, dont l’objectif majeur est d’assurer une plus grande cohérence et une plus grande pertinence des stratégies de coopération, à travers une approche globale alliant les dimensions économique et politique.
Il s’agit, pour les deux parties, de prendre en considération les facteurs politiques qui conditionnent le plus souvent le succès des activités de coopération soutenues dans les pays ACP par l’Union européenne.
L’idée d’un tel dialogue procède du bilan de trente années de coopération qui fait ressortir des résultats mitigés des mécanismes d’aide au développement mis en place par l’Union européenne au profit des États ACP, en raison de l’insuffisance de la prise en compte du contexte politique et institutionnel des pays bénéficiaires qui hypothèque trop souvent la viabilité et l’efficacité de la coopération.
En convenant ainsi d’introduire un dialogue politique dans leurs relations, les États ACP et l’UE ont entendu corriger cette insuffisance. Ce dialogue devrait, aux termes de l’article 8 de l’accord de Cotonou, être conduit de façon systématique, formelle et régulière et porter sur des questions d’intérêt commun, en particulier celles relatives à la consolidation de la paix et à la prévention des conflits, aux migrations, au respect des droits de l’homme, des principes démocratiques, à l’État de droit et à la bonne gouvernance.
Ce dialogue politique formel et structuré doit être organisé dans chaque pays suivant des modalités définies par l’article 8 de l’accord de Cotonou complété par une nouvelle annexe VII à l’accord. Il associe les organisations régionales et sous régionales, ainsi que les organisations de la société civile.
Dans les relations particulières entre l’Afrique et l’Europe, le dialogue repose sur la prise de conscience de l’interdépendance entre les deux continents et de leur responsabilité partagée sur les questions relatives au respect des droits de l’homme. Il se veut un dépassement de la traditionnelle coopération au développement, afin de jeter les bases d’un partenariat entre acteurs égaux, capables de relever ensemble les défis du XXIe siècle.
Après dix ans d’expérimentation, on peut s’interroger sur la portée pratique de ce dialogue politique dans le cadre du partenariat Afrique/Union européenne. Autrement dit, le dialogue politique Afrique/Union européenne est-il de nature à promouvoir une coopération plus efficace entre l’Afrique et l’Union européenne ?
À cet égard, l’analyse du format du dialogue tel qu’établi par l’accord de Cotonou et l’examen de la pratique de ce dialogue permettent d’affirmer que si le dialogue politique Afrique/Union européenne peut être considéré comme un instrument de construction d’un nouveau partenariat (I) et un outil de promotion de l’intégration régionale en Afrique (II), il comporte cependant des limites qui conduisent à un optimisme mesuré.
I. – Le dialogue politique Afrique/Union européenne, un instrument de construction d’un nouveau partenariat
En s’engageant dans la voie d’un dialogue politique, permanent et structuré, l’Afrique et l’Union européenne ont voulu donner une dimension nouvelle à leurs relations vieilles de plus de 40 ans, à travers un dialogue constructif. L’architecture de ce dialogue est tout entier bâtie autour de cette volonté commune (A). Cependant, en pratique, ce dialogue cache mal le déséquilibre des rapports de force entre les deux parties (B).
A. – Un dialogue politique constructif
Le dialogue politique Afrique/Union européenne repose sur une vision partagée du partenariat stratégique (1) et se déroule suivant une architecture conçue à cet effet (2).
1. La vision partagée du partenariat stratégique
Le dialogue politique, tel qu’établi par