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Finance offshore et paradis fiscaux: Légal ou illégal?
Finance offshore et paradis fiscaux: Légal ou illégal?
Finance offshore et paradis fiscaux: Légal ou illégal?
Livre électronique746 pages6 heures

Finance offshore et paradis fiscaux: Légal ou illégal?

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À propos de ce livre électronique

La finance offshore est considérée comme l’innovation financière la plus radicale des 60 dernières années. Largement méconnue, elle a accompagné et profondément modifié l’organisation économique mondiale. Son existence est indissociable des paradis fiscaux. Ces derniers ont facilité tout autant la mise en place de ce type de finance que le développement d’activités illégales et d’abus dont on ne cesse de découvrir l’ampleur.

Cet ouvrage accessible et concret, ponctué d’exemples, explique les stratagèmes offshores aussi bien légaux qu’illégaux utilisés par des sociétés et des individus pour éviter de payer de l’impôt, faciliter certaines activités économiques, corrompre, ou blanchir de l’argent, notamment. Au fil des pages, vous découvrirez aussi comment la finance offshore et les paradis fiscaux, en élaborant un cadre extranational, ont modifié la manière dont la monnaie est créée, ce qui a permis l’élaboration d’un système bancaire parallèle.

Cet ouvrage permet au lectorat de se forger sa propre opinion sur des questions qui divisent les différentes communautés. Il aborde les enjeux économiques et sociétaux soulevés par la finance offshore et les paradis fiscaux, notamment la concurrence déloyale, les nouveaux risques pour les organisations, la perte de signification de certains indicateurs économiques, la responsabilité sociale des sociétés privées et publiques et les inégalités économiques. Il identifie de nouveaux risques susceptibles d’engager la responsabilité sociale de toute organisation et explique comment s’en protéger. Finance offshore et paradis fiscaux : légal ou illégal ? s’adresse à toute personne travaillant ou étudiant dans le milieu de la finance, de l’économie, ou de la comptabilité, mais aussi à toute personne s’intéressant à ce sujet.
LangueFrançais
Date de sortie17 août 2022
ISBN9782760556881
Finance offshore et paradis fiscaux: Légal ou illégal?
Auteur

Franck Jovanovic

Professeur titulaire chez Université TÉLUQ.

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    Aperçu du livre

    Finance offshore et paradis fiscaux - Franck Jovanovic

    Introduction

    La finance offshore (ou extraterritoriale, en français) est considérée comme la plus importante innovation financière depuis les 60 dernières années. Et de fait, elle a totalement modifié le système financier, et donc l’organisation économique mondiale. En faisant transiter les flux financiers par un tiers pays (par exemple, le Luxembourg), la finance offshore permet à ceux qui l’utilisent de s’affranchir de la législation du pays où le bien est effectivement acheté (par exemple, le Canada ou la France). Vous décidez de commander votre café préféré auprès d’une certaine enseigne près de chez vous. Au moment de payer, vous pensez que l’établissement dans lequel vous consommez va gagner un peu d’argent, peut-être même pensez-vous contribuer à l’économie et à l’emploi dans votre région, alors qu’en fin de compte cet établissement déclarera une perte. Pourquoi maintenir une activité dans un pays dans lequel, année après année, une société ne déclare que des pertes ? C’est la question qui fut posée au directeur général de la multinationale Starbucks en 2012 par un membre du Parlement britannique. Starbucks et les autres sociétés multinationales utilisent les stratagèmes de la finance offshore pour réaliser un tour de passe-passe par d’habiles jeux d’écriture : déclarer aux administrations fiscales des pays où elles vendent leurs produits peu ou pas de profits, et accumuler leurs profits dans des paradis fiscaux où ils ne sont quasiment pas taxés. Pourquoi ? Parce que les paradis fiscaux, pour se développer économiquement, offrent aux non-résidents qui utilisent leurs services financiers des avantages fiscaux et juridiques à la condition que l’activité sous-jacente se passe à l’extérieur de leur territoire. C’est en cela qu’il s’agit d’une opération financière dite offshore, car elle permet une activité sous-jacente qui se passe exclusivement à l’extérieur du territoire où l’opération financière est enregistrée.

    Mais le tour de passe-passe ne s’arrête pas là. Ces multinationales et autres grandes sociétés ne vont pas laisser cet argent non taxé s’accumuler indéfiniment dans les institutions financières de ces paradis fiscaux. Elles vont le rapatrier dans nos pays sous forme d’« investissements directs depuis l’étranger ». Ces investissements, qui sont des investissements fantômes, leur offriront d’améliorer leur image de marque en vantant «leur contribution » à la croissance économique et à l’emploi ; ils leur vaudront d’obtenir des subventions publiques. Enfin, ils leur permettront de racheter leurs concurrents, notamment les petites et moyennes entreprises qui, elles, paient leurs impôts dans nos pays.

    Ces juridictions offshores que sont les paradis fiscaux ne sont en fin de compte qu’un « conduit » (une tuyauterie) par lequel transitent des flux financiers qui arrivent de nos pays et retournent dans nos pays, mais sous une autre forme. Cette transformation, réalisée grâce aux outils financiers accessibles dans ces juridictions offshores, constitue l’essence même de la finance offshore.

    Que ce soit sur le plan théorique ou sur le plan pratique, les outils et les stratagèmes financiers offshores sont devenus des connaissances incontournables en finance, en économie, en comptabilité, mais aussi en fiscalité et en droit. Comprendre les outils et stratagèmes financiers offshores, c’est mieux appréhender certains enjeux sociétaux contemporains, comme l’augmentation des inégalités économiques, les nouvelles formes de la mondialisation, la finance décentralisée, incluant les cryptomonnaies, la non-pertinence de certains indicateurs économiques ou les pressions sur les dépenses publiques.

    Depuis quelques années, les paradis fiscaux et les outils financiers offshores font l’objet d’une grande attention, tant dans les médias que dans la littérature scientifique. Ils se trouvent aussi au cœur de nombreux scandales comme ceux révélés par les Pandora Papers (2021), les Paradise Papers (2017), les Panama Papers (2016), la FIFA (2015-2016), l’affaire UBS aux États-Unis (2009), la faillite d’Enron (2001), les scandales d’évitement fiscal de Google, de Facebook ou de Couche-Tard, ou encore en France l’affaire Cahuzac (2012) et le financement de la campagne électorale d’Édouard Balladur (1995), l’affaire SNC-Lavalin au Canada (2015-2019) ou celle d’Alstom (2004-2020), pour ne citer que ceux-là.

    Certains de nos élus se sentent de plus en plus interpellés par la finance offshore et les paradis fiscaux. Ils sont mentionnés dans le rapport de la commission Charbonneau (2011-2015), qui a mis au jour et documenté la corruption dans le secteur de la construction au Québec. Ils ont fait l’objet en mai 2015 de travaux par la Commission des finances publiques de l’Assemblée nationale du Québec, qui a également publié en 2017 une étude consacrée à cette question (Gouvernement du Québec, 2017). Une étude de la Bibliothèque du Parlement canadien publiée en 2020 leur est en partie consacrée. En 2018, l’Assemblée nationale en France débattait d’un projet de loi relatif aux paradis fiscaux. Plusieurs commissions d’enquête du Sénat américain ont analysé des stratagèmes en lien avec les paradis fiscaux et les outils financiers offshores utilisés par les sociétés américaines. Et c’est sans parler du Parlement du Royaume-Uni, de la Commission européenne, etc.

    Si la finance offshore et les paradis fiscaux modernes ne sont pas nouveaux, leur expansion est un phénomène récent, et celle-ci ne cesse de s’amplifier. En 2013, le Boston Consulting Group estimait qu’environ 8 des 123 trillions de dollars américains (123 0 00 milliards de dollars américains) de la richesse financière privée mondiale est offshore, tout en excluant les biens immobiliers, les yachts et autres immobilisations. Ce chiffre de 8 trillions est une estimation basse, certains économistes évaluant plutôt ce montant à 35 trillions de dollars américains (35000 milliards). Gabriel Zucman (2015) avance le chiffre de 5,9 trillions en 2008 ; Palan, Murphy et Chavagneux (2009) l’estiment à 12 trillions en 2007 ; une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) parle de 11,3 trillions en 2020. L’OCDE et le Fonds monétaire international (FMI) estiment que plus de 20% de la richesse privée totale et plus de 20% des avoirs externes des banques sont investis dans des paradis fiscaux ou des centres financiers offshores. À elles seules, les îles Caïmans, paradis fiscal de 58000 habitants, hébergent 80% des fonds d’investissement du monde, gèrent plus de 1000 milliards de dollars américains d’actifs et ont été longtemps considérées comme la cinquième place financière mondiale. Ce ne sont là que quelques données qui rendent compte de l’importance qu’ont pris la finance offshore et les paradis fiscaux.

    Au-delà de ces chiffres qui nous interpellent, que sait-on au juste de la finance offshore et des paradis fiscaux ? Sont-ils dénoncés parce qu’ils sont illégaux ou parce qu’ils représenteraient un problème économique et sociétal à venir ? Cet ouvrage permet de comprendre la formidable expansion de la finance offshore, ses origines, ses rouages et les multiples enjeux qu’elle soulève. Il est le fruit de mon expérience en tant qu’expert-conseil sur les paradis fiscaux et la lutte contre la corruption, et des formations que j’ai données à travers le monde dans des universités, auprès de professionnels et au sein d’organisations. Il s’inspire également du tour de force des commerçants de Crickhowell, petite ville du Royaume-Uni, qui ont créé en 2015 la première ville à l’impôt équitable (Fair Tax Town), en défendant un principe éthique sans concession : « Soit nous payons tous des impôts, soit aucun d’entre nous ne le fait » (Fair Tax Town, 2015).

    Cet ouvrage vise à vous permettre de comprendre ce que sont les outils financiers offshores et de maîtriser les stratagèmes offshores utilisés par les sociétés multinationales et des individus fortunés.

    Malgré la place de plus en plus importante de la finance offshore et des paradis fiscaux dans l’actualité, force est de constater que ce sujet est souvent mal compris, voire ignoré. Mettre l’accent uniquement sur les paradis fiscaux conduit à oublier que le premier centre financier offshore du monde est le quartier de Londres couramment appelé la City. Ce quartier de la capitale britannique de 2,9 km² abrite le premier marché boursier au monde, le premier marché de l’assurance au monde (Lloyd’s of London), la banque d’Angleterre (Bank of England) et plus de 500 banques et compagnies d’assurances. La City est aussi le centre névralgique d’une grande partie de la sphère financière offshore mondiale. Par conséquent, se focaliser sur les seuls paradis fiscaux ne permet pas de comprendre l’ampleur et les enjeux de la finance offshore. Réduire les paradis fiscaux à l’image simpliste de territoires utilisés uniquement pour échapper à l’impôt conduit à ignorer le fonctionnement du système économique et financier contemporain. C’est d’ailleurs un abus de langage de parler de paradis fiscaux, car on devrait parler de paradis fiscaux et judiciaires pour rendre compte des avantages juridiques qu’ils offrent (par convention d’usage, j’utiliserai dans cet ouvrage le terme paradis fiscaux). Mettre l’accent sur les montants accumulés dans les paradis fiscaux ne permet pas d’appréhender l’autre pendant du tour de passe-passe permis par la finance offshore : comment et sous quelle forme cet argent revient-il dans nos pays et quelles en sont les conséquences ? Vous verrez dans cet ouvrage de quelle manière la finance offshore a révolutionné les pratiques, tout en apportant de nouveaux risques économiques, financiers, managériaux et sociétaux.

    Parler des paradis fiscaux et des outils financiers inhérents, c’est souvent poser la question de leur légalité. Clarifions dès maintenant un point essentiel : les paradis fiscaux et les outils financiers offshores sont parfaitement légaux. Mais malgré leur légalité, force est de constater qu’ils mettent mal à l’aise. Se dire qu’utiliser ces juridictions offshores permet uniquement d’échapper à l’impôt est une image simpliste de ce nouvel univers. Tout d’abord, vu la complexité des montages financiers qui sont utilisés, la frontière entre ce qui est légal et ce qui ne l’est pas n’est pas toujours claire, et la ligne rouge est facilement franchie par certains directeurs ou gestionnaires, exposant parfois des sociétés à des risques réputationnels ou des poursuites au criminel. Parfois, cette frontière ressemble à une zone grise qui, en étant savamment entretenue par les spécialistes qui commercialisent ces stratagèmes, permet à leurs utilisateurs d’échapper à la justice ou de trouver des arrangements avec nos pays qui leur sont très profitables. Le fait de clarifier cette frontière permettrait-il à tout un chacun de départager ce qui est légal de ce qui ne l’est pas ? Par ailleurs, cette clarification pourrait conduire également à s’interroger sur certaines questions éthiques et sur la légitimité des richesses et des revenus permis grâce aux paradis fiscaux et à la finance offshore.

    L’approche défendue dans cet ouvrage diffère de celle des publications que je connais sur ce sujet. Étant neutre et rendant accessible des concepts et des mécanismes complexes, il devrait vous permettre de forger votre propre opinion sur ces questions qui divisent les différentes communautés. Quand bien même certaines expériences, idées ou conclusions pourraient déranger certains lecteurs, elles méritent d’être étudiées. Vous trouverez dans ce livre un complément nécessaire à des ouvrages plus engagés pour mieux en décrypter les opinions et partis pris sous-jacents.

    Quelques mots sur le contenu.

    La première partie présentera succinctement les grands principes du système financier de pays comme le Canada, la France ou les États-Unis, puis expliquera pourquoi et comment la finance offshore a pu se développer.

    Le chapitre 1 explicitera le rôle et le fonctionnement du système financier et la manière dont la monnaie est créée depuis les années 1970. Les stratagèmes offshores légaux et illégaux mis en place par des sociétés et des individus ne peuvent exister sans le concours des banques commerciales, du système financier et de l’argent. Ce chapitre vous donnera un aperçu sur cette interconnexion. Le processus de création monétaire demeure obscur pour un très grand nombre de personnes, entre autres parce qu’il est rarement exposé au public. Peu savent que ce sont les banques commerciales qui ont le pouvoir de créer la monnaie ou qu’avec la finance offshore, ce pouvoir est devenu légalement accessible à des institutions non bancaires.

    Le chapitre 2 vous montrera que, si la finance offshore entretient aujourd’hui des liens étroits avec les paradis fiscaux, elle n’en représente pas moins un phénomène beaucoup plus complexe. Vous découvrirez ses caractéristiques, ses origines avec les euromarchés et son développement jusqu’à nos jours. Il vous expliquera aussi comment cette finance est devenue en quelques décennies un élément central du système financier actuel.

    La deuxième partie vous expliquera comment sont utilisés les outils financiers offshores.

    Le chapitre 3 mettra le projecteur sur les paradis fiscaux. Il clarifiera un élément essentiel, à savoir : la distinction entre les paradis fiscaux et les centres financiers offshores. Il vous expliquera la place que chacun de ces deux types de juridiction offshore occupe dans le développement de la finance offshore. Il vous rappellera l’origine des impôts élevés dans la plupart des pays et pourquoi les paradis fiscaux parviennent à offrir des taux d’imposition très faibles. En analysant le développement des paradis fiscaux, ce chapitre permettra également d’examiner les tentatives sur le plan international pour réguler ceux-ci. Finalement, il vous expliquera pour quelles raisons le fait de devenir un paradis fiscal a été considéré par certains pays de très petite taille comme un moyen particulièrement efficace pour se développer économiquement.

    Le chapitre 4 présentera les quatre outils financiers offshores les plus utilisés dans les stratagèmes visant à faire transiter les flux financiers à travers les juridictions offshores, à savoir les sociétés offshores, les trusts, les structures de portefeuille, les comptes bancaires offshores. Leurs principales caractéristiques et leurs possibles usages y seront détaillés.

    La troisième partie explicitera plusieurs des stratagèmes qui reposent sur un usage légal des outils financiers offshores, puis il présentera les principaux enjeux économiques et sociétaux que soulève cette utilisation légale de la finance et des juridictions offshores.

    Le chapitre 5 expliquera pourquoi les opérations financières offshores sont légales et quelles sont les personnes susceptibles d’y recourir. Il donnera l’occasion de clarifier plusieurs termes couramment utilisés, notamment l’évitement fiscal, l’optimisation fiscale et la fraude fiscale. Selon que l’on soit au Canada ou en France, certains termes n’ont pas la même définition juridique. De plus, parce que les économistes emploient couramment le terme optimisation dans leurs raisonnements, parler d’optimisation fiscale peut paraître plus intuitif dans des analyses économiques, alors que ce terme n’existe pas dans la loi canadienne. Ce chapitre permettra également de montrer les défis que la finance offshore et les paradis fiscaux posent aux tribunaux et aux juristes pour distinguer une opération légale d’une opération illégale.

    Le chapitre 6 analysera la manière dont les outils financiers offshores sont utilisés de façon tout à fait légale par les sociétés, notamment multinationales, et les particuliers afin de stimuler leurs activités économiques et financières. On pense en premier lieu à toutes les techniques pour minimiser les impôts. Ce chapitre vous en détaillera plusieurs. Mais ce ne sont pas les seuls usages permis par les outils financiers offshores. Ce chapitre vous expliquera de quelle manière ils facilitent certaines activités financières. C’est un enjeu fondamental, mais rarement évoqué. Vous verrez par exemple le rôle que jouent ces outils dans la gestion des risques financiers et comment ils ont conduit, par exemple, à la création d’un système bancaire parallèle.

    Le chapitre 7 vous présentera les cinq enjeux financiers et économiques majeurs soulevés par l’utilisation légale de la finance et des juridictions offshores. Vous comprendrez notamment comment ils ont modifié le processus de production des sociétés multinationales, pourquoi ils rendent obsolètes certains indicateurs économiques, génèrent une concurrence déloyale entre les sociétés multinationales et celles qui ne sont pas « multinationalisées ». Ce chapitre vous dévoilera également les conséquences de la finance offshore sur la gestion des comptes publics, les crises systémiques et les inégalités économiques.

    Enfin, la quatrième partie explicitera plusieurs des stratagèmes qui reposent sur un usage illégal des outils financiers offshores, puis il présentera les principaux enjeux économiques et sociétaux que soulève cette utilisation illégale de la finance et des juridictions offshores.

    Le chapitre 8 présentera les trois principaux crimes des personnes en col blanc qui utilisent les outils et stratagèmes financiers offshores, à savoir la corruption, l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent. Les études montrent que ces crimes sont généralement méconnus des citoyens et des organisations, les rendant vulnérables à plusieurs risques juridiques et financiers.

    Le chapitre 9 analysera la manière dont les outils financiers offshores sont utilisés pour faciliter ces crimes en col blanc. Il détaillera certains des principaux stratagèmes utilisés. La dernière section abordera un enjeu en émergence : l’utilisation des outils financiers offshores dans les guerres économiques.

    Enfin, le chapitre 10 discutera successivement des principaux enjeux et défis économiques que soulève l’utilisation illégale des outils financiers offshores, des risques pour les organisations, notamment le risque réputationnel ou les risques commerciaux face à l’extraterritorialité croissante des lois nationales. Enfin, ce dernier chapitre vous informera sur les moyens de prévenir les stratagèmes internationaux de corruption, d’évasion fiscale, de blanchiment d’argent, et de lutter contre ceux-ci.

    Finalement, cet ouvrage vous donnera accès à des animations et à des compléments à partir de codes QR à l’intérieur de ses chapitres. Certaines de ces animations reprennent des raisonnements, mais avec un support visuel afin de faciliter leur compréhension. D’autres sont des rappels de certaines connaissances économiques et financières nécessaires à la pleine compréhension des raisonnements développés dans cet ouvrage. Ces animations ont été développées en collaboration avec le service d’édition de l’Université TÉLUQ.

    Partie 1/

    Comment la finance offshore est devenue la norme du système financier traditionnel

    Chapitre 1/

    Les grands principes du système financier traditionnel et de la création monétaire

    Comprendre la finance offshore ainsi que les stratagèmes financiers légaux ou illégaux mis en place par des sociétés ou des individus nécessite de saisir les grands principes du système financier d’un pays. Ce chapitre répond à cet objectif. Aucun des stratagèmes reposant sur la finance offshore ne pourrait exister sans les banques commerciales, le système financier et l’argent. Aussi, outre le système financier, un autre élément indissociable de celui-ci doit être appréhendé : la manière dont la monnaie est créée, et qui la crée. Le processus de création monétaire demeure obscur pour un très grand nombre de personnes parce qu’il est rarement exposé au public. La monnaie est pourtant un élément essentiel au fonctionnement de toute économie et un rouage du système financier. Ce premier chapitre permet de vous familiariser avec certains enjeux du système financier tel qu’il existe dans un pays comme le Canada ou la France, ce qui vous permettra dans les prochains chapitres de mieux évaluer l’originalité de la finance offshore et les défis qu’elle pose à l’économie d’un pays et aux sociétés nationales comme multinationales.

    1/ Le système financier

    Rappelons tout d’abord que le système financier est un ensemble d’institutions financières, de sociétés quasi financières et de mécanismes destinés, d’une part, à mettre en relation les agents qui ont des besoins de financement avec ceux qui ont des capacités de financement, et d’autre part, à transférer des actifs, dont la monnaie, entre les agents.

    1.1/ Le rôle du système financier

    Le système financier est omniprésent dans notre quotidien et il constitue un élément essentiel du fonctionnement d’une économie. Par exemple, il facilite le paiement des salaires que les sociétés versent à leur personnel ; il permet aux ménages d’effectuer des transactions à l’aide de cartes de crédit et de cartes de débit ; il permet aux sociétés de payer les biens et services pour produire ; il permet également aux ménages, sociétés et administrations de financer leur consommation présente et future ainsi que leurs investissements ; il assure la gestion de l’épargne des agents économiques¹ ; il fournit des assurances contre toutes sortes de conséquences négatives (du naufrage des navires aux soins médicaux), etc.

    Non seulement le système financier offre des possibilités de financement aux agents économiques pour que ceux-ci puissent réaliser leurs projets, mais il permet également les transferts de monnaie entre les individus et le règlement des créances financières².

    Le montant des transactions financières permis quotidiennement par le système financier est beaucoup plus important que les quantités de monnaie utilisées par la plupart des gens dans leur quotidien. Dans certains pays, ce montant représente plus de 100 fois le montant des biens et services achetés dans une année.

    Pour assurer tous ces services, le système financier regroupe un grand nombre d’acteurs, allant des institutions financières (telles que les banques commerciales ou les coopératives de crédit) aux plateformes de financement en ligne, ainsi que plusieurs institutions nationales et internationales servant de régulateurs à ce système.

    1.2/ Les principaux acteurs du système financier

    Comme nous venons de le mentionner, le système financier n’est ni plus ni moins qu’un vaste ensemble d’institutions et de mécanismes qui facilitent les activités économiques. La figure 1.1 donne une représentation schématique des principaux acteurs du système financier : le secteur bancaire, le secteur non bancaire, les marchés financiers et les plateformes de financement alternatif.

    FIGURE 1.1/ Acteurs du système financier

    Détaillons un peu plus le fonctionnement des acteurs qui composent chacun de ces sous-groupes.

    1.2.1/ Le secteur bancaire

    Il existe dans un pays deux principaux types de banques : la banque centrale (au Canada, la Banque du Canada ; aux États-Unis, la Réserve fédérale américaine [Federal Reserve board ou Fed] ; en Europe, la Banque centrale européenne [BCE]) et les banques commerciales ou sociétés financières (au Canada, elles sont appelées les banques à charte – par exemple la Banque de Montréal [BMO], la CIBC ou la Banque Royale). Le secteur bancaire comprend également les caisses de crédit (telles que les caisses Desjardins au Québec ou la Caisse d’épargne en France) dont les activités sont similaires à celles des banques commerciales.

    La banque centrale

    En général, la banque centrale ne fait pas directement affaire avec les citoyens. En fait, seuls les banques commerciales, les autres institutions financières ainsi que le gouvernement possèdent des comptes à la banque centrale.

    La banque centrale remplit généralement cinq fonctions :

    1 Elle est le banquier des institutions financières.

    La banque centrale offre des facilités de trésorerie et de prêts de dernier ressort aux institutions financières. Si, pour une raison quelconque, l’une d’entre elles ne parvenait pas à s’acquitter de ses obligations sur le marché interbancaire (au taux de financement à un jour), la banque centrale pourrait lui avancer les fonds requis en contrepartie du paiement d’un intérêt. De cette manière, elle participe à la confiance dans le système financier.

    2 Elle est l’agent financier du gouvernement.

    La banque centrale est la banque du gouvernement du pays (au Canada, il s’agit du gouvernement fédéral). Elle offre des services de gestion de la trésorerie en veillant notamment à ce que son compte soit suffisamment approvisionné pour accomplir ses obligations au jour le jour. Elle gère également les programmes d’emprunt public sur le marché intérieur (l’émission de titres tels que les bons du Trésor ou les obligations) ainsi que les réserves de devises étrangères du pays.

    3 Elle surveille le système financier.

    La banque centrale participe à l’élaboration des règles et à la surveillance du respect de cette réglementation par les différents acteurs du système financier du pays.

    Le contrôle de la quantité de monnaie en circulation (la masse monétaire) est un facteur important de la stabilité des marchés et de l’économie dans son ensemble. Cependant, comme nous le verrons, la monnaie en circulation est créée uniquement par les banques commerciales et les caisses de crédit. Si la banque centrale ne peut fixer elle-même la quantité de monnaie en circulation, elle exerce une influence indirecte sur cette quantité en ajoutant ou en retirant de la monnaie sur le marché interbancaire.

    4 Elle contrôle la monnaie fiduciaire (c’est-à-dire les pièces et les billets de banque).

    La banque centrale est responsable de l’émission des pièces et des billets de banque de la monnaie du pays. Ces pièces et ces billets sont introduits dans le système financier non pas par la banque centrale, mais par les banques commerciales en fonction des besoins exprimés par leurs clients.

    5 Elle est responsable de la politique monétaire.

    La banque centrale, généralement en accord avec le gouvernement, est responsable de la politique monétaire, en particulier en fixant le niveau du taux directeur³. Au Canada et en Europe, elle voit notamment au contrôle de l’inflation, en fixant et en énonçant publiquement une cible d’inflation – dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, elle veille également à la croissance économique. C’est notamment cette fonction de contrôle de l’inflation qui retient le plus l’attention des citoyens et des économistes ainsi que celle des investisseurs et des médias.

    Les banques commerciales et les caisses de crédit

    Les banques commerciales et les caisses de crédit sont des institutions financières privées qui ont obtenu du gouvernement du pays l’autorisation d’exercer des activités bancaires. Ces activités consistent à accepter des dépôts utilisables comme moyens de paiement, à consentir des prêts et à transférer des fonds. Ce sont notamment à ces institutions financières que les citoyens et les sociétés s’adressent pour leurs transactions financières et leurs besoins de financement.

    1.2.2/ Le secteur non bancaire

    Parallèlement au secteur bancaire se trouve le secteur non bancaire. Celui-ci regroupe des établissements financiers qui ne sont ni des banques ni des caisses de crédit, mais dont certaines des activités sont similaires. On y trouve notamment le système bancaire parallèle (shadow banking), qui est étroitement lié à la finance offshore et que nous expliquerons au chapitre 6, les sociétés de fiducie et de prêts, les fonds communs de placement, les sociétés de financement, les sociétés de crédit-bail et les compagnies d’assurances. Toutefois, dans les faits, l’essentiel des établissements financiers qui le composent est détenu par des banques commerciales. Pour cette raison, le secteur non bancaire est étroitement lié au secteur bancaire.

    1.2.3/ Les marchés financiers

    Les marchés financiers occupent un rôle primordial dans le système financier. D’une part, ils permettent aux sociétés ou aux institutions financières de se financer (ce qu’on appelle le marché primaire). D’autre part, ils permettent à l’ensemble des agents économiques d’échanger des actifs financiers ou des devises à un prix fixé selon l’offre et la demande (ce qu’on appelle le marché secondaire).

    Sur n’importe quel marché financier, coexistent en effet un marché primaire et un marché secondaire. Cette distinction ne recouvre pas deux lieux physiques différents, mais deux types d’échanges différents. L’émission de nouveaux titres s’effectue sur le marché primaire, qui est en quelque sorte le « marché du neuf ». C’est le marché primaire qui permet aux agents économiques de se financer puisque seule l’émission de nouveaux titres permet de lever des fonds. L’échange de titres déjà émis s’effectue sur le marché secondaire, qui est en quelque sorte le « marché de l’occasion ». Les titres déjà émis sont échangés entre acheteurs et vendeurs au cours (c’est-à-dire au prix) en vigueur sur le marché au moment de la transaction. Ces échanges n’apportent pas de fonds supplémentaires pour financer des projets, mais ils assurent la liquidité des titres et sont donc indispensables au fonctionnement des marchés financiers.

    Il existe cinq principaux types de marchés financiers : le marché monétaire, le marché des actions, le marché des obligations, le marché des produits dérivés et le marché des changes.

    1.2.4/ Le secteur financier alternatif

    En plus du secteur bancaire, du secteur non bancaire et des marchés financiers, le système financier comprend des processus et des outils financiers qui se sont développés à l’extérieur du secteur bancaire traditionnel et que l’on regroupe généralement sous le terme finance alternative. Une grande partie de la finance alternative s’appuie sur des innovations technologiques appliquées à la finance que l’on regroupe souvent sous l’appellation de FinTech, la contraction de Financial Technology (technologie financière).

    Depuis la crise financière des subprimes en 2008 et avec le développement d’Internet, la finance alternative connaît un très grand essor, surtout en Asie où les volumes représentent 10 fois ceux de l’Amérique du Nord et plus de 30 fois ceux de l’Europe.

    Ce secteur regroupe une grande variété de modes de financement, comme le financement participatif (ou crowdfunding), le financement collaboratif, le microcrédit, le leasing, etc. Parmi les outils de finance alternative les plus connus se trouvent les cryptomonnaies comme le bitcoin, les obligations à impact social, les actions communautaires et le shadow banking. Parmi les véhicules de financement les plus connus se trouvent les plateformes de financement alternatif.

    Il y a de nombreux points communs entre la finance alternative et les principes qui ont conduit au développement de la finance offshore. Nous y reviendrons dans les différents chapitres.

    1.2.5/ Le financement grâce au système financier

    Comme indiqué, le premier rôle du système financier est de mettre en relation les agents qui ont des besoins de financement avec ceux qui ont des capacités de financement. Cette mise en relation se réalise à travers trois types de véhicules de financement :

    • Le financement direct par la création de monnaie

    Ce rôle est assuré par le secteur bancaire. Ce sont les banques commerciales ou les caisses de crédit qui créent de la monnaie grâce aux crédits bancaires qu’elles octroient, et ce, afin de répondre aux besoins de financement des autres agents économiques. Ce processus sera détaillé dans la section 4 de ce chapitre.

    • Le financement par des gestionnaires

    Dans ce type de financement, les agents économiques qui disposent d’un excédent de monnaie confient la gestion de leur épargne à des institutions financières par le secteur non bancaire. Celles-ci sont chargées de faire fructifier cette épargne en la prêtant ou en la mettant à la disposition d’agents économiques qui ont besoin de monnaie. C’est, par exemple, ce qui se passe lorsque vous confiez la gestion de votre épargne à une institution financière (comme les régimes enregistrés d’épargne-retraite [REER] au Canada).

    • Le financement direct par les marchés financiers ou les plateformes de financement

    Enfin, les marchés financiers et les plateformes de financement permettent aux agents économiques qui disposent d’un excédent de monnaie d’acheter des titres (ou des équivalents) émis par les agents économiques qui ont besoin de monnaie. C’est le cas lorsque vous achetez directement des actions nouvellement émises à la Bourse de Toronto (si les actions ne sont pas nouvellement émises, vous participez à la liquidité du marché et non au besoin de financement d’une société).

    2/ Qu’est-ce que la monnaie ?

    Le second élément constitutif du système financier est la monnaie. Celle-ci est tout aussi essentielle au fonctionnement d’une économie qu’à son système financier. Bien qu’elle soit utilisée tous les jours par chacun, définir ce qu’est la monnaie n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît. Lorsque l’on interroge les gens autour de soi, on s’aperçoit rapidement que très peu de personnes ont une connaissance précise de ce qu’est la monnaie aujourd’hui, du processus de création monétaire ou encore du lien entre la banque centrale d’un pays et la monnaie créée.

    Par exemple, savez-vous que la majorité de la monnaie en circulation n’est en fait qu’un jeu d’écritures comptables ? Ou encore que si nous allions tous au même moment à notre banque retirer en argent comptant le solde de nos comptes, les banques ne pourraient pas satisfaire notre demande ? Et qu’en est-il de la création monétaire ? Savez-vous que la production et la mise en circulation des billets de banque et des pièces que vous avez dans vos poches ne conduisent pas à augmenter la quantité de monnaie ? Que ce sont les banques commerciales et les caisses de crédit, comme celle où vous avez ouvert votre compte bancaire, qui créent la monnaie ?

    Ce sont là des exemples, parmi tant d’autres, qui pourraient vous surprendre et que nous allons clarifier.

    2.1/ Le principe général : la monnaie, un outil basé sur la confiance

    La monnaie désigne tout bien accepté par tous les agents économiques comme paiement. Bien que cette définition puisse sembler banale, elle mérite que l’on s’y attarde.

    Affirmer que la monnaie correspond à tout bien signifie que la monnaie peut être tout et n’importe quoi. Faut-il comprendre qu’une pierre, du sel, des coquillages, une pièce avec une image d’ours estampillée dessus ou même un bout de papier mentionnant une reconnaissance de dette peuvent être de la monnaie ? La réponse est oui ! Ne vous étonnez pas… Vous acceptez vous-même chaque jour de recevoir des dollars canadiens sous forme de bouts de plastique imprimés ou des euros sous forme de bouts de papier imprimés.

    Il existe d’ailleurs un grand nombre d’exemples de biens ayant servi ou servant de monnaie. Par exemple, vers la fin du XVIIe siècle, les cartes à jouer portant le sceau et la signature du gouverneur ont servi de monnaie aux colons français au Canada. À chaque carte correspondait une valeur et il était possible d’acheter des biens et services avec celle-ci. Lorsque de l’or arrivait de France, les colons français pouvaient convertir leurs cartes à jouer en or.

    Si n’importe quel bien peut servir de monnaie, pour quelle raison un bien sera-t-il choisi plutôt qu’un autre ? La seule raison est que ses utilisateurs ont confiance que ce bien sera accepté par d’autres personnes et que ceci leur permettra d’acquérir des biens ou des services. Si les bouts de plastique colorés qui nous servent de billets de banque au Canada n’étaient pas acceptés par d’autres individus, on cesserait de les utiliser comme paiement et le dollar canadien ne serait plus une monnaie.

    L’acceptation du dollar canadien comme monnaie repose donc sur la confiance que ses utilisateurs ont en lui. Ils ont confiance parce qu’ils croient que :

    il n’est pas possible de produire de la monnaie nous-même, sauf si les pouvoirs publics nous ont autorisé à le faire ;

    le pouvoir d’achat que procure cette monnaie sera maintenu dans le futur ;

    la monnaie peut et pourra être utilisée dans toutes les transactions.

    Il en va de même pour l’euro, le yen ou toute autre monnaie. Pendant longtemps, la confiance était renforcée par la convertibilité en or de la monnaie. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, nous y reviendrons.

    Aujourd’hui, il n’est pas rare que certains commerçants et citoyens d’une même ville se regroupent et créent une nouvelle monnaie, sous forme de coupons ou de billets en papier. Ces coupons et billets, plutôt que des dollars, permettent d’acheter des biens et services dans les commerces participants. Ces monnaies locales sont de plus en plus populaires et offrent une option complémentaire aux monnaies « traditionnelles » (c’est-à-dire le dollar, l’euro, etc.), avec pour objectif de favoriser le commerce local. Comme pour les dollars canadiens, ces monnaies locales existent parce que leurs utilisateurs ont confiance qu’elles respecteront les trois conditions précédentes. Les monnaies locales et complémentaires rappellent un élément essentiel : chacun peut organiser ses échanges avec les membres d’une même communauté s’il y a d’une part de la confiance et d’autre part une autorité publique qui l’accepte.

    ENCADRÉ 1.1/ Les monnaies locales et complémentaires

    Une monnaie locale et complémentaire est un moyen de paiement qui ne peut être utilisé que dans un territoire restreint (ville, commune, région). Elle est mise en place par une association qui en assure la gestion avec l’aide d’un établissement financier. L’association fait adhérer des sociétés et des commerçants qui peuvent rejoindre son système (figure 1.2). Toute monnaie locale est adossée à la monnaie nationale du pays où se trouve le territoire concerné.

    Le principe est de développer l’économie locale en favorisant la consommation et la production locales. Dans bien des cas, les adhérents souscrivent à une charte éthique qui intègre généralement le respect de l’environnement et des conditions de travail.

    FIGURE 1.2/ Monnaies locales citoyennes complémentaires dans la ville de Québec

    Source : MLC Québec (s. d.).

    2.2/ Les trois fonctions de la monnaie

    À travers l’histoire humaine, des biens très différents ont servi de monnaie. En les étudiant, le philosophe grec Aristote et par la suite les économistes ont déterminé qu’un bien devient une monnaie selon les fonctions qu’il joue. Un bien sera ainsi accepté comme une monnaie s’il remplit simultanément trois fonctions, à savoir être une unité de compte, une réserve de valeur et un intermédiaire dans les échanges.

    Unité de compte

    Être une unité de compte signifie qu’il est possible d’exprimer la valeur d’un bien en fonction de la quantité d’un autre bien auquel on doit renoncer (c’est-à-dire le coût de renonciation). Supposons qu’un repas au restaurant coûte 50 $ et qu’une place au cinéma coûte 25 $. Comme les prix sont indiqués en dollars canadiens, et que le dollar canadien est une monnaie, il est possible d’affirmer qu’un repas au restaurant coûte deux fois le prix d’une place au cinéma.

    Imaginez que, plutôt que de formuler les prix en dollars, le propriétaire du restaurant indiquait le prix de ses repas en kilos de pommes de terre et le propriétaire du cinéma, ses places en nombre de chandails. Pour déterminer lequel, du repas au restaurant ou de la place au cinéma, coûte le plus cher, il faudrait connaître le prix du kilo de pommes de terre en fonction du nombre de chandails et ensuite convertir le tout. Il deviendrait rapidement difficile de faire des comparaisons ! Parce que la monnaie permet d’exprimer la valeur de tous les biens et services dans une unité de mesure commune, cela facilite les comparaisons et les calculs, et donc les échanges.

    Réserve de valeur

    Tous les biens qui peuvent être conservés pour une utilisation future, sans perte de pouvoir d’achat, sont une réserve de valeur. Il en est de même pour la monnaie que l’on possède. Si la valeur de la monnaie fluctue peu (c’est-à-dire qu’elle permet d’acheter à peu près la même quantité de biens et de services au cours du temps), il sera possible de conserver cette monnaie et de l’échanger dans le futur contre une même quantité de biens et de services. Dans cette perspective, la monnaie, lorsque l’inflation est faible (c’est-à-dire lorsque la hausse des prix est relativement stable) peut être considérée comme une réserve de valeur.

    Intermédiaire dans les échanges

    Pour être un intermédiaire dans les échanges, un bien qui sert de monnaie doit être accepté par tous les agents économiques comme moyen d’échange pour tout bien et service, aujourd’hui comme dans le futur. Prenons, par exemple, notre 2 $, cette pièce sur laquelle est estampillée une image d’ours. Cette pièce est un intermédiaire dans les échanges parce qu’elle procure un pouvoir d’achat identifiable sans ambiguïté (sa valeur est inscrite sur la pièce) et que chacun peut, à tout moment (aujourd’hui, mais également dans le futur), l’échanger contre un bien ou un service.

    Ces trois fonctions sont obligatoires pour désigner un bien comme monnaie. Elles sont si essentielles que si l’une d’elles n’est pas assurée, le bien choisi ne pourrait pas être considéré comme une monnaie à part entière. Le bitcoin est un bon exemple. Malgré son nom de « monnaie électronique », aujourd’hui le bitcoin ne peut pas être considéré comme une monnaie, car il ne remplit pleinement aucune des trois fonctions⁴.

    ENCADRÉ 1.2/ Pourquoi le bitcoin n’est-il pas (encore) une monnaie ?

    En théorie, les cryptoactifs, comme le bitcoin, devraient pouvoir servir de monnaie pour tous ceux qui ont accès à Internet. Pourtant, il n’est pas possible de les considérer comme des monnaies (du moins jusqu’à présent). Pourquoi ?

    En octobre 2008, un certain Satoshi Nakamoto (le pseudonyme de la personne ou du groupe de personnes qui a conçu et développé le bitcoin) a mis en ligne un article décrivant le fonctionnement d’un système d’échange numérique appuyé sur une nouvelle technologie, la blockchain (une chaîne de blocs). Ce système permet de créer et d’échanger

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