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Aspects fiscaux de la comptabilité et technique de déclaration fiscale
Aspects fiscaux de la comptabilité et technique de déclaration fiscale
Aspects fiscaux de la comptabilité et technique de déclaration fiscale
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Aspects fiscaux de la comptabilité et technique de déclaration fiscale

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Les relations étroites qui gouvernent le paysage fiscal et comptable belge sont entrées aujourd’hui dans une phase d’évolution nouvelle suite à l’irruption des normes IAS/IFRS. à terme, la question de la «   connexion-déconnexion  » des normes comptables et fiscales devra être traitée par le législateur belge et/ou européen.
Dans ce contexte particulier, la troisième édition du présent ouvrage analyse les règles d’évaluation comptables prescrites par le droit des comptes annuels et les normes IAS/IFRS ainsi que les règles fiscales sur la base du schéma des comptes annuels.
Cet ouvrage, initialement destiné aux étudiants de la Solvay Business School, a également pour objet d’offrir aux praticiens de la fiscalité, juristes, comptables et gestionnaires d’entreprises un support pratique permettant d’apprécier les questions comptables et fiscales liées aux opérations réalisées par une société belge dans tous les aspects de la vie des affaires tout en constituant une source de références utiles dans chacune des matières traitées (ex. avis CNC, normes IAS/IFRS, jurisprudence fiscale, etc.).
LangueFrançais
Date de sortie15 mai 2013
ISBN9782804463755
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    Aspects fiscaux de la comptabilité et technique de déclaration fiscale - Hugues Lamon

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    © Groupe De Boeck s.a., 2013

    Éditions Larcier

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    Tous droits réservés pour tous pays.

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    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée pour le Groupe De Boeck. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

    ISBN 978-2-8044-6375-5

    BIBLIOTHÈQUE FISCALE DE LA SOLVAY BRUSSELS SCHOOL

    OF ECONOMICS AND MANAGEMENT

    Des ouvrages de référence indispensables dans le contexte économique actuel

    Cette collection propose aux fiscalistes et aux personnes entendant faire de la fiscalité l’essentiel de leur profession, des outils de référence alliant études pointues et analyses critiques.

    À travers leurs ouvrages, les auteurs, membres du corps professoral du Mastère Spécial en Gestion Fiscale de la Solvay Brussels School of Economics and Management, font partager leur connaissance approfondie de la matière et leur expérience de praticiens.

    L’approche se veut résolument scientifique en intégrant toutefois les véritables nécessités de l’entreprise et les intérêts du contribuable. Ces études permettront ainsi aux lecteurs d’acquérir une connaissance approfondie et pratique dans toutes les branches de la fiscalité, tant nationale qu’internationale.

    DANS LA MÊME COLLECTION

    1 Planification fiscale internationale des sociétés belges

    Sami Douénias • Pascal Minne • 2004 • 726 p. • ISBN 2-8044-1673-3

    2 L’impôt des personnes physiques

    Thierry Afschrift • 2005 • 906 p. • ISBN 2-8044-1717-4

    3 L’impôt des non-résidents

    Astrid Pieron • 2005 • 197 p. • ISBN 2-8044-1950-9

    4 Fiscalité du secteur non-marchand

    Hervé Louveaux • 2006 • 360 p. • ISBN 2-8044-2119-8

    5 Fiscalité des cadres et dirigeants d’entreprise

    Éric Boigelot • 2006 • 530 p. • ISBN 2-8044-2057-4

    7 Quel impact fiscal suite à l’adoption des normes IFRS par l’Union européenne ?

    François Mousel • 2006 • 224 p. • ISBN 2-8044-2122-8

    8 La T.V.A. Fondements et mécanismes

    Françoise Baltus • 2007 • ISBN 978-2-8044-2449-7

    9 Les prix de transfert

    Thierry Vanwelkenhuyzen • 2008 • 264 p. • ISBN 978-2-8044-1709-3

    10 L’évolution des principes généraux du droit fiscal

    Thierry Afschrift • Daniel Garabedian • Pol Glineur • Arnaud Lecocq • Marielle Moris • Olivier Neirynck • Bernand Peeters • Vincent Sepulchre • 2009 • 280 p. • ISBN 978-2-8044-3355-0

    Sommaire

    Abréviations

    Avant-propos

    Préface

    I. Introduction

    II. Le concept de bénéfice

    III. Évaluation des actifs, passifs, charges et produits

    IV. Technique de la déclaration fiscale

    Synthèse des disparités entre le droit des comptes annuels et les normes IAS/IFRS

    Index

    Bibliographie

    Annexes

    Comptes annuels : schéma complet

    Table des matières

    Abréviations

    Avant-propos

    Le présent ouvrage constitue le support du cours enseigné par Hugues Lamon et Alexis Van Bavel à l’Executive Mastère en gestion fiscale de la Solvay Brussels School (Université libre de Bruxelles) depuis l’année académique 2005/2006, et qui avait été initialement enseigné par Daniel De Crem et Michel Massart depuis 1988.

    Cette édition, initialement destinée aux étudiants du Mastère, a également pour objet d’offrir aux praticiens de la fiscalité, juristes, comptables et gestionnaires d’entreprise un support pratique organisé suivant le schéma des comptes annuels.

    L’ouvrage couvre le traitement comptable et fiscal applicable aux sociétés belges jusqu’au 30 avril 2013, ainsi que l’analyse des impacts potentiels, tant sur le plan comptable que fiscal, de la convergence du droit des comptes annuels avec les normes comptables IAS/IFRS.

    La mise à jour concerne d’une part le droit comptable belge (et les nouveaux avis de la Commission des normes comptables) et les normes IFRS (telles qu’adoptées dans l’Union européenne) jusqu’au 31 décembre 2012. D’autre part, en fiscalité, vous y retrouverez les annotations de jurisprudence et modifications législatives au 31 décembre 2012 introduites depuis la dernière publication de l’ouvrage. Les modifications majeures concernent :

    – la déduction pour brevets (loi du 27 avril 2007) ;

    – une ré-écriture de la section relative aux aspects fiscaux des immobilisations incorporelles ;

    – le traitement fiscal de certains produits financiers (en particulier les PPL) ;

    – la déduction pour capital à risque (Circ. du 3 avril 2008) ;

    – la loi sur la continuité des entreprises et le traitement fiscal des abandons de créances ;

    – le régime légal des fusions transfrontalières, transfert de siège, rachat d’actions propres et liquidations de sociétés ;

    – la loi fusion du 12 janvier 2009 ;

    – les modifications fiscales relatives au régime des R.D.T. à la suite de l’arrêt Cobelfret et la loi du 21 décembre 2009 ;

    – les lois du gouvernement Di Rupo (réforme 2012), à savoir la refonte de la disposition anti-abus, les nouvelles règles de sous-capitalisations, la taxation des plus-values sur actions à court terme, le régime des voitures de sociétés et les taux de retenues à la source ;

    – les lois du gouvernement Di Rupo quant au budget 2013 dont, entre autres, une cotisation spéciale sur les plus-values exonérées de 0,412 % et la limitation au report de la déduction pour capital à risque. En dernière minute, nous avons également intégré les mesures fiscales annoncées dans le cadre du contrôle budgétaire 2013.

    – sans oublier les innombrables modifications apportées par notre législateur aux dépenses non admises et taxes diverses inspirées par une fiscalité orientée vers l’environnement.

    On peut certes constater que notre législateur ne s’est pas assoupi en matière fiscale lors des cinq dernières années.

    Enfin, le lecteur trouvera à la fin de cet ouvrage une mise à jour de la synthèse des disparités entre le droit des comptes annuels et les normes comptables IAS/IFRS classées selon les conflits, différences ou convergences entre ces normes.

    Préface

    Hugues Lamon et Alexis Van Bavel présentent ici la 4e édition des « Aspects fiscaux de la comptabilité et technique de la déclaration fiscale », œuvre qui à l’origine, avait été rédigée par Daniel De Crem et Michel Massart, deux ténors dans leur spécialité respective, le droit fiscal et le droit comptable. Le concept de l’ouvrage reste fidèle à l’original, basé sur une idée simple mais géniale, à savoir donner les clefs aux lecteurs pour pouvoir réconcilier le bénéfice fiscal et comptable.

    Enrichir sa bibliothèque d’un ouvrage comme celui-ci est une nécessité absolue pour le fiscaliste qui pratique l’impôt des sociétés. Comme le précisent les auteurs dans leur introduction, la détermination de la base imposable à l’impôt des sociétés trouve sa source dans les comptes annuels des entreprises si bien que la fiscalité ne peut être envisagée en dehors du contexte de la comptabilité. Dès lors, le bon fiscaliste à l’I.Soc sera celui qui pourra avoir une vue globale du droit comptable, du droit fiscal, et de leur interprétation par la doctrine, la jurisprudence, les avis de la Commission des Normes Comptables, les circulaires et commentaires administratifs, les décisions du Service des Décisions Anticipées, etc. La mise à jour d’un ouvrage comme celui-ci représente un travail énorme, du fait qu’il porte sur un sujet extrêmement vaste, et sur une interaction entre le droit comptable et le droit fiscal.

    En ce qui concerne plus spécifiquement le droit comptable, l’on voit poindre une évolution depuis quelques années qui me semble inquiétante. Contrairement au droit comptable qui reste assez statique, les dispositions du droit des comptes annuels sont de plus en plus complétées par des avis publiés périodiquement par la Commission des Normes Comptables, qui apparaissent comme beaucoup plus dynamiques, directement influencés par le courant des affaires et l’évolution des normes comptables internationales. Le fait de rédiger des avis qui, quelquefois, reposent sur une analyse des normes internationales non intégrées dans le droit comptable, n’est pas sans risque, de par l’influence qu’a le droit comptable sur le bénéfice fiscal, et de par la tentation que peuvent avoir les contrôleurs fiscaux d’appliquer à la lettre le contenu de ces avis, au même titre que les circulaires administratives. Or trop souvent l’on oublie que les avis de la CNC n’ont pas de force juridique sur le plan comptable, et encore moins sur le plan fiscal. On se souviendra à cet égard de l’émoi qu’ont suscité les Avis sur les acquisitions à titre gratuit ou partiellement gratuit parmi les fiscalistes, du fait qu’ils sont basés sur un concept («la juste valeur») qui n’appartient pas au droit comptable belge. Ces Avis ont été à l’origine d’une multitude de redressements fiscaux visant à taxer la société acquéreuse d’un actif à une valeur jugée trop basse, à titre de sous-estimation d’actifs. D’autres exemples de dérives pourraient voir le jour dans un avenir proche, comme le fait de qualifier une location long terme de leasing financier sur la base de la norme IAS 17 (avec les conséquences fiscales qui pourraient découler de l’obligation de reconnaître immédiatement une plus-value dans le chef du bailleur), et non pas sur la base du principe contenu au sein de l’ AR comptable (soit celui de la constatation que les versements échelonnés reconstituent ou non le capital investi dans le chef du donneur).

    La matière est complexe, passionnante et en constante évolution. Je ne peux que constater que l’esprit animé au départ par Daniel De Crem et Michel Massart a été bien conservé. La relève est bien assurée aujourd’hui, comme en témoignent les contributions de qualité de Hugues Lamon et Alexis Van Bavel, à la fois très documentées, complémentaires et interactives.

    Thierry Blockerye

    Avocat Associé Clifford Chance Bruxelles

    Avocat au barreau de Bruxelles

    Professeur à l’Ecole Supérieure des Sciences Fiscales (ICHEC-ESSF)

    I.

    Introduction

    1. En Belgique, comme dans la plupart des pays développés, la détermination de la base imposable à l’impôt des sociétés (I. soc.) trouve sa source dans les comptes annuels des entreprises. La fiscalité ne peut donc être envisagée en dehors du contexte de la comptabilité. Contrairement à d’autres pays, principalement anglo-saxons, où la réglementation comptable a été développée par les organisations professionnelles d’experts-comptables, American Institute of Certified Public Accountants (AICPA) aux États-Unis ou Institute of Chartered Accountants au Royaume-Uni, en Belgique, cette réglementation a été promulguée par des textes légaux, conformément aux dispositions de la 4e directive de la C.E.E. du 25 juillet 1978 concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés, donnant naissance à un véritable droit comptable.

    2. Le droit comptable belge issu de la loi du 17 juillet 1975¹ et de l’arrêté royal du 8 octobre 1976² s’est développé au fil des années en fonction de l’évolution de la doctrine comptable et des directives et règlementations européennes, pour se retrouver à ce jour dans les législations suivantes :

    – le Code des sociétés (C. soc.)³, qui définit les principales obligations légales à charge des sociétés ;

    – l’arrêté royal d’exécution du C. soc. (A.R. soc.)⁴, qui définit les principes généraux, les règles d’évaluation et la structure des comptes annuels et consolidés ;

    – la loi du 17 juillet 1975 visant la définition des entreprises et les principes généraux en matière de tenue des livres comptables

    – la coordination de l’arrêté royal du 12 septembre 1983 (I) portant exécution de la loi du 17 juillet 1975, et de l’arrêté royal du 12 septembre 1983 (II) déterminant la teneur et la présentation d’un plan comptable minimum normalisé.

    Ces législations reprennent également le droit comptable belge des comptes consolidés qui trouve son origine dans l’arrêté royal du 6 mars 1990 relatif aux comptes consolidés et la 7e directive européenne du 13 juin 1983 concernant les comptes consolidés.

    3. Des dispositions ont également été promulguées pour certains secteurs spécifiques. Citons, par exemple :

    – l’arrêté royal du 26 novembre 1998 relatif aux comptes annuels des établissements de crédit⁵ ;

    – l’arrêté royal du 16 janvier 2002 relatif aux comptes annuels des entreprises d’assurances⁶ ;

    – l’arrêté royal du 21 juin 2006 relatif aux comptes annuels des sicaf immobilières (remplacé depuis lors par l’arrêté royal du 7 décembre 2010 relatif aux SICAFI), qui rend obligatoire l’application des normes IAS/IFRS dès 2007.

    Ces dispositions suivent généralement les mêmes principes et règles que ceux définis par l’A.R. soc., mais tiennent compte des spécificités de ces entreprises qui sont, en outre, soumises à un contrôle spécifique. Nous ne traiterons pas, dans le cadre du présent ouvrage, de ces réglementations spécifiques.

    4. Enfin, le droit comptable des associations (A.S.B.L., A.I.S.B.L. et fondations) fait également l’objet d’une règlementation spécifique, suite à la modification de la loi du 27 juin 1921 par la loi du 2 mai 2002, l’arrêté royal du 19 décembre 2003 et la loi-programme du 9 juillet 2004. Ces dispositions suivent également les mêmes principes et règles que ceux définis par l’A.R. soc. pour les grandes associations et fondations.

    5. Les dispositions du droit des comptes annuels sont complétées par des « avis » publiés périodiquement par la Commission des normes comptables (C.N.C.) dans ses Bulletins, et depuis 2003, sur le site Internet de la C.N.C.⁷. Il est à noter à cet égard que tous les avis ne sont pas publiés par la C.N.C., qui se limite à publier des avis « dépersonnalisés » et considérés comme étant de portée générale.

    La C.N.C. doit son existence à la volonté du législateur de 1975, qui en a ainsi fixé la mission⁸ :

    – de donner tout avis au Gouvernement et au Parlement à la demande de ceux-ci ou d’initiative ;

    – de développer la doctrine comptable et de formuler les principes d’une comptabilité régulière, par la voie d’avis ou de recommandations⁹ ;

    – de donner un avis au ministre de l’Économie ou au ministre des Classes moyennes sur les demandes introduites par des entreprises en vue d’obtenir une dérogation à certains arrêtés d’exécution de la loi comptable ou du C. soc.

    Si l’origine de la C.N.C. est légale, les « avis » qu’elle émet n’ont pas, par eux-mêmes, de force obligatoire, n’étant justement que des avis¹⁰. Ainsi, ils ne pourront certainement pas aller à l’encontre d’une loi ou d’un arrêté royal (si ce n’est sous forme de souhait).

    Ils forment, par contre, une doctrine comptable, au caractère non obligatoire, mais qui peut avoir des effets à deux niveaux :

    proposition de nouvelles dispositions légales : la C.N.C. peut proposer des modifications législatives et réglementaires, si elle est confrontée à des dispositions légales ne donnant pas satisfaction. L’initiative et la décision finale reviendront cependant au législateur ou au Gouvernement.

    – L’exposé des motifs de la loi de 1975 précisait encore à ce sujet que les principes développés par la C.N.C. « pourront, s’il échet, faire l’objet de dispositions réglementaires à prendre en application de la loi »¹¹ ;

    interprétation des dispositions existantes : les dispositions comptables légales n’étant pas claires au point de ne pas requérir d’interprétation, la C.N.C. pourra également intervenir à ce niveau. Une telle interprétation peut avoir des conséquences quant au système de comptabilisation à suivre, mais également quant au traitement fiscal en vertu du principe de la primauté du droit comptable sur le droit fiscal¹².

    6. Au fil du temps, il est apparu que, en raison de l’autorité reconnue à la C.N.C. et de la personnalité de ses membres¹³, les tribunaux et cours ont pris en compte les avis de la C.N.C. en cas de litige portant sur une notion comptable. Dans sa mission d’avis au Gouvernement et au Parlement, la C.N.C. est à la base de la plupart des dispositions du droit des comptes annuels et des modifications de celui-ci¹⁴.

    Les avis émis par la C.N.C. n’ont cependant pas de force juridique contraignante ; les entreprises peuvent donc déroger aux avis de la C.N.C. pour des motifs valables que, en cas de conflit, les tribunaux apprécieront¹⁵. On constate également que, de par la personnalité des membres de la C.N.C., dont 4 sont nommés par le ministère des Finances, certains avis furent directement inspirés par des considérations fiscales par exemple en matière de surprix (voir n° 304) ou dans le cadre du traitement comptable des options (voir n° 732).

    Au vu de cette composition, l’on comprend pourquoi le droit comptable belge est repris parmi les régimes juridiques au sein desquels la formulation du droit comptable relève à titre principal du pouvoir politique (s’exprimant par voie législative, réglementaire ou par délégation à un organisme public de normalisation) et non de la compétence de professionnels ou d’organismes créés à leur initiative¹⁶.

    7. Par ailleurs, dans le cadre de sa mission, il n’appartient pas à la C.N.C. d’émettre des avis dans des cas litigieux, ce qui porterait atteinte aux compétences des cours et tribunaux. La C.N.C. souligne également qu’elle a toujours abordé avec une grande prudence et une grande réserve les questions ayant une incidence dans le domaine fiscal. En effet, elle n’a pas de compétence en matière fiscale ; elle entend dans ses avis n’empiéter en aucune manière sur les compétences et prérogatives des administrations fiscales. Elle refuse donc de donner son avis sur les matières fiscales.

    8. Pour les cas fréquents où l’aspect fiscal est indirect, la C.N.C. a adopté les lignes de conduite suivantes :

    (1) si l’élément déterminant paraît être d’ordre fiscal, elle s’abstient de donner son avis ;

    (2) lorsque la question posée relève de la doctrine comptable, elle formule un avis, mais réserve expressément la qualification de l’opération au regard du droit fiscal ;

    (3) pour toutes les décisions pouvant avoir une incidence fiscale, elle agit en concertation avec le fisc, notamment à l’intervention des membres nommés parmi les fonctionnaires des administrations fiscales¹⁷.

    Il est cependant indéniable que les avis peuvent exercer une influence décisive sur la doctrine de l’administration des contributions directes et, le cas échéant, sur la jurisprudence fiscale, tant la dépendance du bénéfice imposable par rapport au résultat comptable est grande¹⁸.

    9. Les avis de la C.N.C. ont suivi le développement des principes comptables depuis sa création en 1975. Depuis de nombreuses années, la C.N.C. fait également souvent référence aux normes internationales et a, en 2002, peu avant le passage aux IAS/IFRS en Europe, également déclaré vouloir prendre en considération les normes IAS/IFRS et leur interprétation dans l’élaboration de ses avis¹⁹.

    10. Bien que l’activité de la C.N.C. et le nombre d’avis émis avaient été considérablement réduits lors du développement des IAS/IFRS au début des années 2000, de nombreux nouveaux avis ont été émis à partir de 2009. Si l’on peut se réjouir de cette activité et du fait que ces nouveaux avis sont souvent inspirés des normes IAS/IFRS, ce qui permet une meilleure comparabilité des comptes annuels, on peut cependant regretter que certains d’entre eux présentent encore des divergences avec ces normes comptables internationales, ou restent dans certains cas influencés par des considérations fiscales.

    11. Au sujet du développement du droit comptable belge, le débat du passage éventuel vers les normes IAS/IFRS pour les comptes statutaires existant au milieu des années 2000 s’est calmé. Depuis lors, les normes IAS/IFRS sont devenues obligatoires pour les comptes consolidés des sociétés cotées (sur un marché règlementé), des établissements de crédit et des compagnies d’assurances, ainsi que pour les comptes statutaires des SICAFI. Elles sont également optionnelles (mais de manière irréversible) pour les comptes consolidés des autres sociétés, mais restent toujours interdites pour les comptes statutaires (hors SICAFI). Différentes problématiques existent en effet, dont la connexion entre le droit comptable et le droit fiscal, ou les dispositions du Code des Sociétés basées sur les comptes statutaires.

    12. Il est important de remarquer, à ce stade, que le droit fiscal ignore encore la consolidation et que, dès lors, la base imposable est toujours fondée sur les comptes statutaires de chaque société.

    13. Si l’on peut également regretter que le droit comptable belge n’ait que peu évolué en une décennie malgré l’activité normative comptable existant dans d’autres pays, il est heureux de constater que les 4e et 7e directives européennes sur les comptes annuels et consolidés sont en cours de révision. Celle-ci va en effet dans le sens d’une certaine convergence (mais très limitée) vers les normes IAS/IFRS, comme l’introduction des principes généraux, des concepts « d’importance relative » et de « prééminence de la substance sur l’apparence (substance over form) », ou la suppression de la distinction entre éléments ordinaires et extraordinaires dans le compte de résultats.

    14. Un autre sujet concerne les normes IFRS pour P.M.E., plus simples et mieux adaptées aux sociétés privées, mais celles-ci ne sont malheureusement pas à l’ordre du jour de l’Europe et encore moins du législateur belge. Il est vrai, et il ne faut pas le nier, que ces projets de révision de directives européennes font partie d’un programme de réduction des charges administratives, en particulier pour les P.M.E. L’objectif poursuivi par l’Union européenne est d’assurer que la législation communautaire dans les domaines du droit des sociétés, de la comptabilité et du contrôle des comptes corresponde aux besoins actuels des entreprises européennes et leur permette d’être plus compétitives et de mieux réussir dans un environnement international hautement concurrentiel. Mais dès lors qu’une entreprise doit préparer des comptes annuels selon un référentiel comptable, n’est-il pas judicieux de s’inspirer au maximum des normes IFRS pour P.M.E. qui présentent un bon compromis entre, d’une part, la réduction des charges administratives, et, d’autre part, la qualité, la comparabilité et la pertinence de l’information financière ?

    * *

    *

    15. Après avoir défini le concept de bénéfice et les relations entre le droit des sociétés, le droit des comptes annuels et le droit fiscal (infra, Chap. II), nous commenterons systématiquement les diverses rubriques du bilan en établissant la relation avec les rubriques du compte de résultats qu’elles influencent, traitant des aspects comptables d’abord et fiscaux ensuite (infra, Chap. III).

    16. Bien que non encore autorisées pour les comptes statutaires, les normes IAS/IFRS sont de plus en plus utilisées au quotidien : elles sont prises en compte par la C.N.C. lors de l’élaboration de ses avis, elles constituent une bonne source d’inspiration lorsque le droit comptable belge ne précise pas la comptabilisation d’une transaction, et elles sont également utilisées par certaines filiales belges qui doivent communiquer leurs comptes à leur maison mère pour la préparation de leurs comptes consolidés, retraités selon ce référentiel comptable. Dans ces cas, les différences fiscalo-comptables ont également un impact. C’est pourquoi nous analyserons systématiquement dans cet ouvrage l’impact potentiel de l’application des normes IAS/IFRS²⁰ tant sur la détermination du résultat comptable que sur la détermination du résultat fiscal.

    17. Au Chapitre IV « Technique de la déclaration fiscale », nous examinerons de quelle façon, à partir du résultat dégagé dans les comptes annuels de l’entreprise, la base imposable sera déterminée dans la déclaration fiscale à l’impôt des sociétés (I. soc.) et à l’impôt des non-résidents (sociétés I.N.R./soc.). Un autre objet de ce quatrième chapitre sera de préciser comment le résultat comptable et le résultat fiscal d’une entreprise peuvent être rapprochés. En effet, si le résultat fiscal est basé sur le résultat comptable, de nombreuses règles particulières de détermination du bénéfice fiscal créent des divergences entre ces deux résultats.

    1 Loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises, reprise pour l’essentiel dans le C. soc. Seuls certains articles visant la définition des entreprises, les principes généraux en matière de tenue des livres comptables et la création, la composition et le fonctionnement de la Commission des Normes Comptables sont encore repris dans cette loi.

    2 Repris pour l’essentiel dans l’A.R. soc., Liv. II, Tit. I (art. 25 à 105). De nouvelles versions des documents normalisés « Schéma complet » et « Schéma abrégé » des comptes annuels ont été publiées par la Banque nationale de Belgique (M.B., 12 décembre 2011, p. 73028) et sont disponibles sur le site Internet de la Banque nationale de Belgique (www.bnb.be).

    3 Loi du 7 mai 1999 contenant le C. soc., Liv. IV, Tit. VI et VII.

    4 A.R. du 30 janvier 2001 portant exécution du C. soc.

    5 M.B., 1er décembre 1998, qui remplace l’A.R. du 23 septembre 1992.

    6 M.B., 14 février 2002, qui remplace l’A.R. du 17 novembre 1994.

    7 www.C.N.C.-cbn.be (égal. disponible sur Fisconet).

    8 Pour la politique de la C.N.C. à cet égard, voir Avis n° 108/1, Bull. C.N.C., n° 1, août 1977, p. 22 ; Avis n° 108/2, Bull. C.N.C., n° 4, décembre 1978, p. 1, et surtout Avis n° 108/3, Bull. C.N.C., n° 18, janvier 1986, p. 5.

    9 Article 14 de la loi du 17 juillet 1975.

    10 Avis C.N.C. 14/1 dans lequel la C.N.C. commente la compétence et la portée de ses avis, Bull. C.N.C., n° 30, février 1993, p. 13.

    11 Doc. parl., Sén., 436 (1974-1975), n° 1, p. 4.

    12 Voir ci-après II.D.

    13 Nommés sur proposition de l’Institut des réviseurs d’entreprises, de l’Institut des experts-comptables et conseils fiscaux, de l’Institut professionnel des comptables, des organisations représentatives des classes moyennes, de la Commission bancaire, financière et des assurances, du ministre des Finances, du Conseil central de l’économie, du ministre de l’Économie, du ministre de la Justice et du ministre des Classes moyennes (voir dernière liste publiée dans Bull. C.N.C. n° 47, situation depuis le 22 décembre 2001 et ensuite sur le site Internet).

    14 Avis C.N.C. 14/1, préc., p. 13.

    15 Par ex., en matière de « surprix », un arrêt de Bruxelles du 7 octobre 1994 n’a pas suivi l’avis en la matière de la C.N.C. – voir n° 305 – (F.J.F., n° 95/102, R.G.F., mars 1995, p. 103, et note C. 

    Roemers ;

    J.D.F., 1994, p. 292, et note B. 

    Colmant)

    . Récemment d’ailleurs le ministre des Finances a confirmé que, vu le caractère facultatif de ces avis, l’administration fiscale garde dès lors une totale indépendance à l’égard de ceux-ci, sauf si elle a approuvé expressément leur contenu, notamment par voie de circulaire (Q.P. n° 1084 de P. 

    de Clippele

    du 12 janvier 2001, Q.R., Sén., 26 juin 2001, p. 1841).

    16 C.

    Nobes,

    « A judgmental international classification of financial reporting practices », Journal of Business Finance and Accounting, 1983, cit. par C. 

    Dendauw

    et J.-P. 

    Servais,

    « Articulation en droit belge des rapports entre le droit fiscal et le droit comptable : état de la question et perspectives d’évolution à l’aune de l’utilisation des normes IAS », C & F.P., septembre 2001, pp. 365-394.

    17 Avis C.N.C. 14/1, préc., pp. 14 et 15.

    18 Du fait des principes de la primauté du droit comptable et de l’unicité des comptes annuels (voir ci-après II.D et F) ; voir J. 

    Kirkpatrick,

    « Convergence et divergence entre le droit comptable et le droit fiscal », Nouvelles orientations en droit comptable, Liège, Fac. dr., 1994, pp. 108 à 150.

    19 Déclaration de politique concernant l’intégration des normes IAS dans les avis de la C.N.C., Bull. C.N.C., n° 47, mai 2002, p. 8.

    20 Les normes IAS/IFRS mentionnées dans cet ouvrage sont les normes adoptées dans l’Union européenne au 31 décembre 2012, à savoir celles qui ont été publiées par l’IAS Board et ensuite adoptées par la Commission européenne et publiées au J.O.U.E.

    II. Le concept de bénéfice

    A. Droit des sociétés

    18. Le concept de bénéfice n’est pas défini, mais seulement abordé par le Code des Sociétés (C. soc.) dans l’article 92 : « Chaque année, les gérants ou les administrateurs dressent un inventaire suivant les critères d’évaluation fixés par le Roi et établissent les comptes annuels dont la forme et le contenu sont déterminés par le Roi. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte des résultats ainsi que l’annexe et forment un tout ». Ces comptes annuels doivent être déposés annuellement dans les 30 jours de leur approbation sous peine d’engager la responsabilité des administrateurs. Le non-respect de ces obligations peut engager la responsabilité des administrateurs de la société¹.

    Par ailleurs, selon l’article 617² du C. soc., « aucune distribution ne peut être faite lorsqu’à la date de clôture du dernier exercice, l’actif net tel qu’il résulte des comptes annuels est, ou deviendrait à la suite d’une telle distribution, inférieur au montant du capital libéré, augmenté de toutes les réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer ».

    Par actif net, il faut entendre le total de l’actif tel qu’il figure au bilan, déduction faite des provisions et dettes.

    D’autre part, pour la distribution de dividendes et tantièmes, l’actif net ne peut comprendre :

    – le montant non encore amorti des frais d’établissement ;

    – sauf cas exceptionnel à mentionner et à justifier dans l’annexe aux comptes annuels, le montant non encore amorti des frais de recherche et de développement.

    Ce bénéfice sera fonction des règles comptables, puisque les comptes annuels sur la base desquels le bénéfice est déterminé doivent normalement être établis conformément aux dispositions de la loi du 17 juillet 1975 relative aux comptes annuels des entreprises, du Livre IV, Titre VI, du C. soc., et du Livre II, Titre I, de l’arrêté royal du 30 janvier 2001 portant exécution du C. soc. (A.R. soc.).

    19. Le droit des sociétés s’intéresse à la notion de bénéfices, surtout dans un but de protection des tiers, de manière à éviter qu’une société puisse s’appauvrir en distribuant ses avoirs dans une proportion telle que ses capitaux propres deviendraient inférieurs au capital devant servir de garantie vis-à-vis de ces tiers.

    C’est pourquoi le droit des sociétés ne s’intéresse pas au bénéfice réalisé durant une année précise, mais compare le patrimoine net (ou capitaux propres) d’une société à un moment donné (en y ajoutant quelques correctifs pour des éléments qu’il tient pour des « non-valeurs ») avec le capital de cette société.

    B. Droit des comptes annuels

    20. La détermination du bénéfice de l’exercice résulte implicitement du schéma du compte de résultats imposé par le Livre II de l’A.R. soc., des principes et concepts de base de la comptabilité reflétés implicitement dans le droit des comptes annuels et des règles d’évaluation générales et particulières imposées par l’A.R. soc. et précisées par les avis émis par la C.N.C.

    C. Droit fiscal

    1. Approche purement fiscale

    21. La législation comptable définit des règles claires et précises, relatives au concept de résultat (bénéfice ou perte). Elle formule des prescriptions quant à l’enregistrement des charges et des produits. À cet égard, la législation fiscale en est restée à des généralités.

    Cette situation s’explique par l’antériorité de la législation fiscale par rapport à la législation comptable et le fait que les règles définissant le concept de bénéfice ne sont décrites que de façon sommaire dans la législation relative à l’impôt des personnes physiques (I.P.P.)³.

    L’article 183, C.I.R., définit les revenus soumis à l’I. soc., quant à leur nature, comme étant ceux envisagés en matière d’I.P.P., leur montant étant déterminé selon les règles applicables aux bénéfices des entreprises industrielles, commerciales ou agricoles⁴.

    22. En matière d’I. soc., il n’y a pas – contrairement à l’I.P.P. – quatre types de revenus (mobilier, immobilier, professionnel et divers). En effet, il convient de tenir compte du fait que les revenus d’avoirs immobiliers et mobiliers sont considérés comme des revenus professionnels lorsque ces avoirs sont affectés à l’exercice de l’activité professionnelle du bénéficiaire de ces revenus⁵. Or, la raison d’être d’une société est de réaliser du profit et tout ce qu’elle possède est affecté à son activité professionnelle. Dès lors, tous les revenus qu’elle génère sont des revenus professionnels⁶, même s’ils trouvent leur origine dans des avoirs mobiliers ou immobiliers, et on ne peut, non plus, y trouver de revenus divers⁷.

    23. La Cour de cassation a également consacré les principes :

    – de « non-immixtion » selon lequel le fisc ne peut juger l’opportunité d’une opération réalisée par un contribuable ; le fisc ne peut taxer les contribuables de la manière dont il aurait pu les taxer s’ils avaient choisi de réaliser d’autres opérations ou de réaliser autrement des opérations qu’ils ont faites⁸ ; et

    – de « non-interférence » par lequel l’administration fiscale n’est pas autorisée à se prononcer sur la manière dont une société est gérée⁹.

    24. L’article 24, C.I.R., décrit brièvement, et de manière purement exemplative, les bénéfices des entreprises industrielles, commerciales ou agricoles quelconques comme ceux qui proviennent de toutes les opérations traitées par les établissements de ces entreprises ou à l’intermédiaire de ceux-ci. Sont également visés :

    – tout accroissement de la valeur des éléments de l’actif ou tout amoindrissement de la valeur des éléments du passif, lorsque ces plus-values ou moins-values ont été réalisées ou exprimées dans la comptabilité ou les comptes annuels ;

    – les sous-estimations d’éléments de l’actif ou les surestimations d’éléments du passif, en ce compris tous les avoirs quelconques.

    En complément, l’article 25, C.I.R., définit d’une façon non limitative les éléments à considérer comme bénéfices; sont ainsi à inclure dans les bénéfices les sommes affectées au remboursement total ou partiel de capitaux empruntés ou destinés à l’extension de l’entreprise, ainsi que les réserves, fonds de prévision ou provisions quelconques.

    25. Les articles 361 à 363, C.I.R., définissent également certaines règles relatives à des points particuliers.

    L’article 361, C.I.R., pose le problème de l’annualité des revenus, ceci en relation avec l’article 360, C.I.R., qui dispose que l’impôt dû pour un exercice d’imposition est établi sur les revenus réalisés ou recueillis pendant la période imposable. Cette disposition permet au fisc, lorsque l’examen de la comptabilité d’une période imposable déterminée fait apparaître des sous-estimations d’éléments de l’actif ou des surestimations d’éléments du passif, de considérer celles-ci comme des bénéfices de cette période imposable, même si elles résultent d’écritures comptables se rapportant à des périodes imposables antérieures¹⁰. Cette disposition permet à l’Administration de taxer des réserves occultes (ex. : sous-estimation de stock, provisions pour risques généraux¹¹, voir n° 1189), amortissements excessifs, etc.) lors d’un contrôle fiscal, à l’abri de la forclusion, même en cas de fraude¹².

    Les articles 362 à 363, C.I.R., règlent certains problèmes spécifiques en relation avec la législation comptable :

    – l’article 362, C.I.R., détermine les conditions d’imposition des subsides en capital (voir n° 1099) ;

    – l’article 362bis, C.I.R., stipule que la partie des intérêts courus, afférente à une période imposable déterminée, est considérée comme un revenu de cette période, même lorsque les intérêts sont encaissés ou obtenus au cours d’une période ultérieure ;

    – l’article 363, C.I.R., est en relation avec l’article 67 de l’A.R. soc. et traite de l’escompte de créances non productives d’intérêts ou assorties d’un intérêt anormalement faible (voir nos 848 et s.).

    Ces matières sont spécifiquement traitées dans le droit des comptes annuels et font l’objet d’un examen plus détaillé respectivement au chapitre relatif aux capitaux propres et celui consacré aux créances.

    26. L’article 185, § 1, C.I.R., précise que les sociétés sont soumises à l’impôt sur le montant total des bénéfices, y compris les dividendes distribués. Le bénéfice imposable d’une société est donc un bénéfice avant répartition¹³ (voir nos 1105 et s.).

    27. Pour déterminer les bénéfices imposables (ou montant net du revenu), les produits et revenus doivent être diminués des charges ou dépenses d’exploitation (ou frais professionnels). Ces frais déductibles et non déductibles sont traités par les articles 49 à 66 et 195 à 198, C.I.R.

    On peut donc conclure à une absence de réelle définition du bénéfice imposable dans le C.I.R. ¹⁴.

    2. Approche fiscale et comptable

    28. Il ressort des considérations ci-avant que les entreprises sont soumises à l’impôt sur le montant total de leurs revenus imposables, y compris les dividendes distribués¹⁵.

    Cette notion de revenus imposables est également abordée dans l’arrêté royal pris en exécution du C.I.R.¹⁶ (A.R./C.I.R.) qui dispose que les bénéfices imposables des sociétés par actions sont ventilés suivant leur affectation, entre :

    – les bénéfices réservés ;

    – les dépenses non admises ; et

    – les dividendes.

    Cette approche est exclusivement technique, ne précisant rien sur le contenu de la base imposable et allant même en quelque sorte à contresens : on définit le bénéfice en partant de ce qu’on en fait lors de son affectation.

    L’absence de définition du bénéfice annuel dans la loi fiscale s’explique par le fait que celle-ci se réfère implicitement à une notion connue : le bénéfice comptable¹⁷. Ceci découle des principes de la primauté du droit des comptes annuels sur le droit fiscal¹⁸ et de l’unicité des comptes annuels¹⁹ que nous analysons ci-après.

    29. Le bénéfice peut également être défini par l’accroissement de l’actif net comptable (capitaux propres) au cours de l’exercice fiscal. Il est à noter qu’avant l’introduction d’un droit des comptes annuels structuré en 1976, la Cour de cassation²⁰ avait défini la notion de bénéfice d’un point de vue fiscal comme étant :

    – la différence entre le capital social et l’avoir social (capitaux propres), ou encore

    – la différence résultant de la comparaison de l’avoir social (capitaux propres) au début et à la fin de l’exercice.

    Cette double définition est manifestement inspirée de la notion de bénéfice du droit des sociétés²¹ et paraît incorrecte sur le plan fiscal. En effet, le premier élément représente la totalité des bénéfices non distribués engendrés par l’entreprise à un moment donné, en ce compris les bénéfices réservés des années antérieures.

    Le deuxième élément définit le bénéfice fiscal annuel par rapport aux capitaux propres, mais tend à ignorer le fait qu’une variation de ceux-ci ne résulte pas nécessairement de la réalisation d’un bénéfice ou d’une perte ; en effet, ceux-ci peuvent être modifiés à la suite, par exemple, d’une augmentation de capital ou à la constatation d’une plus-value de réévaluation. Nous renvoyons le lecteur au tableau comparatif des réserves fiscales et comptables au Chapitre IV (voir n° 1544).

    30. Il convient donc naturellement de se tourner vers le droit des comptes annuels pour déterminer les règles d’évaluation de ces capitaux propres.

    Dans la mesure où, depuis 1976, on se trouve en Belgique devant une réglementation comptable cohérente et globale et que le droit des comptes annuels constitue dorénavant le droit commun applicable pour la détermination de l’assiette fiscale²², on peut sans aucun doute prendre pour base de calcul du bénéfice fiscal le bénéfice de l’exercice défini par le droit des comptes annuels, puis opérer les divers redressements requis par le droit fiscal.

    D.

    Primauté du droit des comptes annuels

    31. Lors de la création du droit des comptes annuels, la question de son intégration et de sa coexistence avec le droit fiscal s’est posée.

    Ainsi, dans le Rapport au Roi précédant l’arrêté royal du 8 octobre 1976, relatif aux comptes annuels des entreprises²³, il est indiqué que : « Compte tenu des dispositions de la loi fiscale, l’assiette de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt des sociétés est nécessairement différente du solde du compte de résultats ; il est toutefois indiqué d’éviter des distorsions de fond entre les dispositions du présent arrêté et les règles qui président à la détermination de la base taxable. C’est pourquoi les règles en matière d’évaluations, d’amortissements, de réductions de valeur et de provisions pour risques déposées dans le présent arrêté seront acceptées par l’administration fiscale pour la détermination de l’assiette taxable, sauf dans la mesure où il y serait dérogé explicitement par la législation fiscale ».

    Cette interprétation a été traduite ultérieurement dans une circulaire du 31 mars 1978 mettant en parallèle la législation fiscale et la législation comptable résultant de l’arrêté royal du 8 octobre 1976²⁴.

    32. Actuellement, cette primauté est confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt de principe du 20 février 1997²⁵ (arrêt dit Club de tennis dans le cas remarquable d’un report de cotisation sous un compte régularisation, voir n° 173). Le principe de primauté du droit des comptes annuels a également fait l’objet d’une communication de la C.N.C.²⁶, qui souligne que la Cour de cassation a, pour la première fois, énoncé de manière expresse ce principe²⁷.

    La Cour de cassation, dans son arrêt du 20 février 1997, raisonne en trois temps :

    – elle énonce le principe selon lequel, en l’absence de dérogation expresse des règles fiscales, les bénéfices imposables sont déterminés conformément aux règles comptables ;

    – elle vérifie que le traitement comptable appliqué par la société en cause est conforme à la réglementation comptable (en l’occurrence le report, par le biais des comptes de régularisation du passif, de la partie de produits perçus au cours de l’exercice, mais se rapportant à l’exercice suivant) ;

    – elle examine s’il existe une règle fiscale expresse dérogeant à la règle comptable appliquée.

    La Cour conclut que le traitement comptable appliqué conformément à la réglementation comptable, et auquel la loi fiscale ne déroge pas expressément, doit être admis par l’administration fiscale pour la détermination du bénéfice imposable de la société en cause²⁸. Même l’Administration a fini par admettre le bien-fondé de cette jurisprudence²⁹.

    Les cours et tribunaux sont dès lors amenés à interpréter la loi comptable afin de déterminer le traitement comptable correct et, partant, le bénéfice fiscal³⁰.

    E. Neutralité fiscale au regard du droit des comptes annuels

    33. La neutralité fiscale a été considérée comme une approche de base lors de l’élaboration de la loi comptable. Ceci apparaît clairement dans une déclaration d’intention du Gouvernement lors des travaux préparatoires de la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises. Ce principe a été rappelé dans le Rapport au Roi précédant l’arrêté royal du 8 octobre 1976³¹.

    « Dans le respect de cet engagement, le Gouvernement prendra les dispositions requises pour éviter que l’obligation d’acter les amortissements et moins-values et de constituer les provisions pour risques indépendamment du résultat ait pour effet de réduire, en fait, la durée de récupération des pertes fiscales ». Ainsi, les pertes fiscales subies à partir de l’exercice comptable prenant cours après le 31 décembre 1976 sont devenues déductibles sans limite de temps dans la mesure où ces amortissements (obligatoires) avaient pour effet de réduire cette durée de récupération des pertes.

    Enfin, si en bonne doctrine comptable, le prix de revient des fabrications doit comprendre, outre les coûts directs de production, « la quote-part des frais de production qui ne sont qu’indirectement imputables aux produits considérés, l’arrêté n’impose toutefois pas l’inclusion de ces frais indirects, à raison des répercussions fiscales qu’une telle obligation pourrait avoir pour certaines entreprises »³².

    34. Ce principe de neutralité ne comporte pas en lui-même de force obligatoire, mais le Gouvernement en place à cette époque avait la ferme intention d’éviter que la primauté du droit des comptes annuels n’engendre des effets néfastes pour le contribuable.

    Il ne s’agit cependant que d’un principe politique, représentant l’expression d’une volonté de passage en douceur entre deux régimes comptables en 1976. Nous ne pensons pas que ce principe puisse encore être invoqué aujourd’hui³³. En effet, depuis 1976, le législateur s’efforce d’aplanir les distorsions existant entre les deux droits, tantôt par l’harmonisation du droit des comptes annuels à partir des règles fiscales (p. ex. : admission d’amortissements accélérés, évaluation des stocks au coût direct, comptabilisation des impôts différés suite à la possibilité d’étaler la taxation des plus-values réalisées sur immobilisations corporelles et incorporelles), tantôt par l’adaptation des règles fiscales aux prescrits comptables (p. ex. : location-financement).

    35. Les nouvelles règles fiscales introduites au mépris de la loi comptable s’avèrent être de moins bons exemples, notamment en ce qui concerne l’amortissement des immobilisations incorporelles³⁴. Le sale and lease back (voir n° 368), l’escompte des créances et dettes³⁵ (voir n° 849), la proratisation des annuités d’amortissements lors de l’année d’acquisition (voir n° 378) ou la déduction des frais accessoires de la même manière que le principal pour les sociétés autres que les P.M.E.³⁶ (voir n° 362) constituent d’autres exemples d’évolution interactive du droit des comptes annuels et du droit fiscal. C’est précisément ce type de situation qui pousse les partisans des normes comptables internationales à vouloir dissocier les règles fiscales et comptables afin de supprimer l’ingérence du fiscal dans la présentation des comptes annuels des entreprises.

    F. Unicité des comptes annuels

    36. À la différence d’autres pays (États-Unis, Royaume-Uni ou Pays-Bas, p. ex.), la Belgique n’admet pas que le résultat fiscal soit déterminé sur une autre base que les comptes annuels³⁷. Ceux-ci font d’ailleurs partie intégrante de la déclaration et doivent y être joints³⁸. Ainsi, certaines déductions fiscales ne sont admises que si elles sont comptabilisées et reflétées dans les comptes annuels, par exemple :

    – les amortissements accélérés ;

    – les provisions pour grosses réparations et gros entretien ;

    – l’évaluation des stocks au coût direct ou selon la méthode LIFO.

    37. Bien qu’un rapprochement existe entre les deux législations, certaines différences importantes existent toujours entre le résultat comptable et le résultat fiscal :

    – la non-déductibilité des impôts sur les revenus³⁹ ;

    – les revenus définitivement taxés, c’est-à-dire les revenus provenant d’actions ou parts dans des sociétés soumises, en principe, à un impôt analogue à l’impôt des sociétés⁴⁰ ;

    – les règles spécifiques concernant la déduction des dépenses ou charges professionnelles ;

    – la non-déductibilité des réductions de valeurs⁴¹ et l’exonération des plus-values⁴² sur actions et parts.

    Ces différences nous paraissent inévitables en raison des objectifs parfois contradictoires de la comptabilité et de la fiscalité. En effet, le droit des comptes annuels vise à fournir des informations sur la situation économique réelle d’une entreprise à ses différents partenaires (actionnaires, fournisseurs, créanciers, personnel, etc.), tandis que le droit fiscal vise à percevoir des impôts et, à ce titre, doit être d’interprétation stricte afin de garantir l’égalité de traitement des contribuables et la sécurité juridique⁴³.

    38. Un problème délicat réside, par ailleurs, dans le pouvoir de l’assemblée générale de rectifier des erreurs dans les comptes annuels.

    Un arrêt de la Cour de cassation du 12 mai 1989 n’exclut pas, en principe, que l’assemblée générale d’une société anonyme rectifie un poste qui, par erreur, a été formellement mal comptabilisé dans un bilan approuvé par une assemblée générale précédente⁴⁴. Selon la jurisprudence, seules les « simples erreurs matérielles », c’est-à-dire des erreurs de plume ou de calcul ou d’autres erreurs matérielles grossières indépendantes de toute interprétation juridique peuvent faire l’objet de rectification⁴⁵. Ainsi, une erreur consistant à reprendre, dans un bilan approuvé par une assemblée générale, un résultat non encore réalisé à la clôture de l’exercice (avances sur immeubles à construire), ne constitue pas une erreur de comptabilité commise de bonne foi et ayant la notion d’une erreur matérielle. Dès lors, ce résultat est imposable⁴⁶.

    39. Enfin, en dépit du régime d’unicité des comptes annuels, une comptabilité qui ne répond pas au prescrit du droit des comptes annuels, peut être considérée comme probante sur le plan fiscal, et inversement. En effet, aucune disposition fiscale n’exige que le contribuable produise une comptabilité tenue conformément à la législation comptable. Du point de vue fiscal, une comptabilité est probante lorsqu’elle présente un ensemble d’éléments cohérents et précis sur la base desquels les revenus imposables peuvent être déterminés⁴⁷.

    40. Soulignons que les entreprises belges sont tenues de conserver leurs livres pendant sept ans à partir du premier janvier de l’année qui suit leur clôture. Les pièces justificatives doivent également être conservées, en original ou en copie, durant sept ans et être classées méthodiquement. Ce délai est réduit à trois ans pour les pièces qui ne sont pas appelées à faire preuve à l’égard de tiers. La C.N.C. a également envisagé la possibilité pour une entreprise belge de conserver ses livres et pièces justificatives sous forme électronique à l’étranger⁴⁸.

    41. L’utilisation éventuelle des normes IAS/IFRS pour l’élaboration des comptes annuels non consolidés, envisagée à un moment par la C.N.C. à l’horizon 2007⁴⁹, remettrait le principe de l’unicité des comptes annuels à l’ordre du jour et pourrait conduire soit à une multiplication des distorsions, soit à une évolution vers un régime de déconnexion entre les règles d’évaluation comptables et les règles d’évaluation fiscales (voir n° 36).

    À terme, pour éviter que les règles d’évaluation servant de base en matière fiscale ne soient édictées par une autorité autre que le législateur lui-même, une déconnexion des règles d’évaluation comptables prévalant en matière fiscale (basées sur le droit belge des comptes annuels) et des règles comptables régissant l’établissement des états financiers nous semblerait inévitable (voir n° 11). Tout comme il est actuellement pratiqué aux États-Unis, l’impact fiscal des écarts d’évaluation résultant d’une telle approche devrait être reflété dans les états financiers au travers des impôts différés (voir Chap. III, K, 3).

    G. Mesures anti-abus de droit fiscal

    1. Cadre/Historique

    42. Le législateur confronté à la créativité des contribuables a réagi, depuis les années 90, en prévoyant toute une série de mesures visant à combattre les structures exclusivement, ou principalement, conçues en vue de bénéficier de l’application de certaines dispositions du C.I.R. permettant de diminuer la charge fiscale. Ces dispositions fiscales dites « anti-abus », spécifiques ou générales, viennent limiter le principe de prédominance du droit comptable sur le droit fiscal qui fait l’objet de notre ouvrage.

    Selon cette approche, la loi fiscale spécifie que certaines opérations (ou certains régimes de faveur) ne sont opposables au Trésor qu’à la condition que le contribuable démontre qu’ils(elles) satisfassent à certaines mesures anti-abus. Une disposition anti-abus générale de droit fiscal est également prévue à l’article 344, C.I.R.

    Notre objet n’est pas de couvrir en détail la totalité de ces dispositions qui font déjà l’objet de publications pléthoriques⁵⁰, mais d’en esquisser les contours pour la bonne compréhension de leurs implications dans l’approche du conseil fiscal.

    43. Les dispositions anti-abus principales prévues par le C.I.R. visent en particulier :

    – l’article 18, alinéa 1, 4°, qui requalifie les intérêts d’avances en dividendes (voir nos 594 et s.) ;

    – l’article 344, § 2, C.I.R. : inopposabilité de certains transferts d’actifs (voir n° 50) ;

    – les opérations de réorganisations immunisées visées aux articles 46, § 1, alinéa 3, 2°, C.I.R. (apport d’une ou plusieurs branches d’activité ou d’une universalité de biens à une société), et l’article 211, § 1, alinéa 1er, C.I.R. (fusion/scission/opérations assimilées à une fusion ou une scission, échange d’action, transfert de siège d’un État membre à un autre) si ces opérations n’ont pas comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscale (nouvel art. 183bis, C.I.R.) ;

    – l’article 207, C.I.R. : transfert des déductions fiscales reportées en cas de changement de contrôle d’une société si celui-ci répond à des besoins légitimes de caractère financier ou économique (voir n° 1634).

    44. Outre ces mesures spécifiques, le législateur a également récemment introduit une mesure anti-abus générale dans notre législation fiscale aux articles 344, § 1, C.I.R., et 18, C. enr., visant à rendre inopposable l’acte juridique ou l’ensemble d’actes juridiques réalisant une même opération. Cette disposition datant de 1991 a été fortement modifiée par la réforme fiscale de 2012.

    45. En marge de ces mesures, le C.I.R. reconnaît la notion d’avantage anormal ou bénévole destinée à combattre les opérations dans lesquelles on constate un déséquilibre des prestations par rapport à une norme de pleine concurrence⁵¹.

    46. Afin de sauvegarder la sécurité juridique aux contribuables confrontés à l’interprétation parfois subjective de ces mesures anti-abus, le contribuable a la possibilité d’introduire une demande de décision anticipée après de l’administration fiscale⁵². Ces avis publiés par le S.P.F. Finance n’ont pas force de loi, mais donnent certaines indications quant à une norme de conduite acceptable pour les contribuables.

    2. Mesures de droit commun – la simulation

    47. Une première question fondamentale en droit fiscal consiste à apprécier l’opposabilité au fisc d’actes accomplis par les contribuables.

    Selon les règles du Code civil⁵³, les actes posés par un contribuable sont opposables au fisc, sauf si ceux-ci sont simulés. La simulation suppose que les parties vont taire, cacher le contenu de leur accord véritable : la convention secrète ou occulte, que l’on appelle la contre-lettre.

    Dans le cas d’une simulation visant à échapper à une disposition du C.I.R., l’on est en présence d’une fraude fiscale⁵⁴. La fraude fiscale ne doit pas se confondre avec un abus de droit visant à utiliser un procédé juridique non simulé et licite en lui-même, mais anormal en vue d’échapper à une loi qui aurait été applicable si l’on avait agi normalement.

    48. En matière fiscale, l’abus de droit est ce que l’on appelle la recherche de la voie la moins imposée, c’est-à-dire la mise en place, par le contribuable, de mécanismes licites et non dissimulés en vue de se placer en dehors du champ d’application d’une loi fiscale ou de réduire la matière imposable. De ce fait, le contribuable agit de façon sincère dans l’unique but d’éviter l’impôt ou d’obtenir un avantage fiscal.

    Le principe de l’abus de droit ou de fraude à la loi ne peut être invoqué à l’égard du contribuable ; ceci découle de l’Arrêt Brépols⁵⁵. En vue d’assurer la distinction entre une simulation prohibée et le choix de la voie la moins imposée, la Cour de cassation a décidé qu’il n’y a pas de simulation lorsque les parties usant de la liberté des conventions⁵⁶ :

    (1) n’ont violé aucune obligation légale ;

    (2) établissent des actes dont elles acceptent toutes les conséquences, même si ces actes sont accomplis à seule fin de réduire la charge fiscale.

    49. Soulignons également que la Cour de cassation a reconnu le principe dit de non-interférence par lequel l’administration fiscale n’est pas autorisée à se prononcer sur la manière dont une société est gérée⁵⁷ (voir n° 23).

    3. Article 344, § 2, C.I.R. – inopposabilité des cessions d’actifs

    50. Afin d’éviter le transfert à l’étranger de biens productifs de revenus antérieurement imposables en Belgique, le législateur belge a inséré une mesure d’inopposabilité visant à faire échec à ces manœuvres d’évasion fiscale.

    L’article 344, § 2, C.I.R., établit une fiction en vertu de laquelle certains actes posés par un contribuable sont inopposables à l’administration fiscale, sauf pour ce contribuable à apporter, soit la preuve du caractère légitime de l’opération, soit le fait qu’il a reçu une contrepartie pour la cession produisant un montant de revenus effectivement soumis en Belgique à une charge fiscale équivalente.

    51. Cette disposition permet à l’administration fiscale belge de considérer comme non réalisée toute opération de vente, de cession ou d’apport de certains biens limitativement définis – actions, obligations, créances, titres d’emprunt, brevets d’invention, procédés de fabrication, marques de fabrique ou de commerce, autres droits analogues ou sommes d’argent⁵⁸ – à un non-résident établi dans un paradis fiscal ou qui est soumis, du chef des revenus produits par les biens et droits aliénés, à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel les revenus de l’espèce sont soumis en Belgique.

    Par le biais de cette disposition, l’administration fiscale belge peut ajouter au montant des revenus imposables de la société transférant des actions par apport à une société établie dans un paradis fiscal ou bénéficiant d’un régime notablement plus favorable de taxation, un montant de revenus correspondant à celui produit par les biens cédés (ex. : les dividendes)⁵⁹ même si les revenus sont perçus légalement par l’entité étrangère.

    52. La non-opposabilité visée à l’article 344, § 2, C.I.R., suppose que les revenus soient repris dans la même catégorie de revenus qu’avant le transfert⁶⁰. Ainsi, si une société belge transfère des actions qualifiant pour les R.D.T. à une société des îles Caïmans, la société belge reste (aux yeux de l’administration fiscale) propriétaire des actions et le dividende payé aux îles Caïmans est considéré, pour des raisons fiscales, comme attribué à la société belge. Ce dividende bénéficiera de la déduction au titre des R.D.T. à 95 %.

    De même, le texte vise la charge fiscale et non le montant des revenus en tant que tel. Ainsi, si dans le cas précédant la société des îles Caïmans reçoit un dividende de 100 et distribue un dividende de 5 – qui ne bénéficie pas des R.D.T. – la règle ne s’applique pas⁶¹.

    53. En pratique, l’application de l’article 344, § 2, C.I.R., vise essentiellement les apports dès lors que les ventes supposent une contrepartie normale sous peine d’appliquer l’article 26, C.I.R. (taxation d’un avantage anormal concédé à une société non résidente).

    En cas d’apport, son application fait toutefois partiellement double emploi avec les règles anti-abus des R.D.T (art. 203, C.I.R. – règles dites qualitatives) dès lors que les dividendes attribués par une société soumise à un régime de taxation notablement plus avantageux sont exclus du bénéfice des R.D.T.⁶².

    D’autre part, la doctrine considère que l’inopposabilité ne vise que les cessions d’actifs limitativement mentionnées à l’article 344, § 2, C.I.R., et non la transparence du bénéficiaire ou cessionnaire étranger⁶³. Ainsi, lorsque le cessionnaire étranger cède l’actif transféré et réinvestit le produit de la cession, l’administration ne peut imposer le produit du remploi, mais doit continuer à suivre les revenus attachés aux actifs transférés.

    Dans le cas de la société aux îles Caïmans, cela signifie que lorsque les actions sont cédées, le revenu du réinvestissement n’est pas visé par l’article 344, § 2, C.I.R. Une interprétation dans ce sens vide l’article 344, § 2, C.I.R., de son objet, ce qui permet à Philippe Lion de qualifier cette disposition de « Tigre de papier ». Cette situation est aujourd’hui à interpréter au regard de l’article 344, § 1, C.I.R., sous sa nouvelle version (voir n° 59)⁶⁴.

    a) Article 344, § 1, C.I.R. – Ancienne mesure

    54. L’article 344, §1, C.I.R. (ancien), introduit dans notre C.I.R. par une loi du 22 juillet 1993 est libellé comme suit : « n’est pas opposable à l’administration des contributions directes la qualification juridique donnée par les parties à un acte ainsi qu’à des actes distincts réalisant une même opération lorsque l’Administration constate […] que cette qualification a pour but d’éviter l’impôt, à moins que le contribuable ne prouve que cette qualification répond à des besoins légitimes de caractère financier ou

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