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Entreprises stratégiques nationales et modèles économiques européens
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Livre électronique354 pages3 heures

Entreprises stratégiques nationales et modèles économiques européens

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À propos de ce livre électronique

Comment s’opère la mutation des politiques industrielles par les États nations dans le cadre de l’Union européenne et des règles de la gouvernance économique mondialisée ? Les actions nationales menées au nom du patriotisme économique ne sont plus adaptées à l’Union européenne. Leur efficacité est limitée par les stratégies des groupes « globalisés », tandis que les règles communautaires interpellent et encadrent leur légitimité. La portée des politiques publiques est donc en cause et débouche sur la question de l’échelle pertinente d’une intervention. C’est, a minima, la capacité de réponse aux défis de la globalisation de l’Union européenne qui est interrogée. Après plusieurs ateliers relatifs aux golden shares, aux OPA, aux aides d’États, etc. organisés dans le cadre du programme « Droit et Compétition européenne » du Centre européen de droit et d’économie de l’ESSEC et un récent colloque sur ce sujet, les auteurs ont consacré une étude approfondie à ces questions complexes.
LangueFrançais
ÉditeurBruylant
Date de sortie16 nov. 2012
ISBN9782802738930
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    Aperçu du livre

    Entreprises stratégiques nationales et modèles économiques européens - Anne-Marie Idrac

    couverturepagetitre

    © Groupe de Boeck s.a., 2012

    EAN : 978-2-8027-3-893-0

    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe De Boeck. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

    Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web :

    www.brylant.be

    Éditions Bruylant

    Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles

    Tous droits réservés pout tous pays.

    Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et quelque manière que ce soit.

    ISSN : 2294-558X

    Cette collection propose une analyse thématique des ormes de micro droit national face aux macros nomres européennes et internationales.

    Elle a pour objectif d’apporter aux acteurs institutionnels et économiques des reprères afin de leur permettre d’agir dans un environnement juridique et économique en mutation et sujet à la confrontation des sysctèmes juridiques multiples.

    Dans la même collection

    DE BEAUFORT V. (sous la direction de),

    Entreprises stratégiques nationales et modèles économiques européens, 2012.

    CASSUTO Th. (sous la direction de), Une Europe, deux lois pénales, 2012.

    Entreprises-monde

    Quel rôle de l’État en Europe ?

    À partir des Actes du Colloque du CEDE du 28 janvier 2010

    « ÉTATS ET ENTREPRISES DANS LA MONDIALISATION

    OPPORTUNITÉS ET MENACES

    POUR LES SECTEURS STRATÉGIQUES »

    Dirigé et enrichi sous la direction de V. de Beaufort¹

    Le Colloque a eu lieu sous le haut parrainage d’ANNE-MARIE IDRAC, en tant que Secrétaire d’État au commerce extérieur

    Face à la globalisation et sans doute aggravée par la crise, la tentative d’un retour du rôle de l’État est patente, mais des politiques menées au nom d’un patriotisme économique qui mettent en œuvre une préférence nationale sont-elles encore pertinentes en Europe, alors que d’un part, les groupes sont incités à se « globaliser » et d’autre part que le cadre réglementaire du Marché Intérieur limite le champ d’action des États membres et interpelle la légitimité de telles politiques. La portée de ces politiques publiques est donc questionnée et débouche sur la question de l’échelle pertinente d’intervention, a minima européenne. Le concept d’une politique industrielle européenne devient enfin soutenable et soutenu.

    Le Colloque a été organisé grâce au soutien de l’Institut de la Recherche de la Caisse des Dépôts et Consignations, dirigé par Isabelle Laudier.

    1- Avec l’aide d’Edouard Simon et Pierre Olivier Guy, moniteurs ESSEC, Master Droit Paris II Assas.

    Centre Européen De Droit Et d’Économie (European Center For Law & Economics)

    Dirigé par Viviane de Beaufort et Frédéric Jenny, le CEDE poursuit des recherches avec une approche économie/droit transversale et comparative sur des sujets interpellant la Compétitivité du Droit autour de deux PROGRAMMES PRINCIPAUX : l’un avec un angle macro / l’autre avec un angle micro :

    — « Compétitivité européenne » : Globalisation et environnement juridique et économique international – Gouvernance européenne des secteurs stratégiques – Le Droit comme outil de compétitivité de l’Europe ;

    — « Droit, Management et Stratégie » : le droit comme instrument au service des stratégies d’entreprises

    Le CEDE est un Centre d’enseignements transversaux.

    Le CEDE est un Centre d’échanges entre académiques et praticiens.

    Le développement du Centre Économie et Droit européen se fait avec le soutien d’entreprises, d’institutions partenaires et d’universités françaises et étrangères.

    www.cede-essec.fr

    CONTACT administratif

    Assistante Séverine LAURENCE

    Tél. + 33 (0)1 34 43 30 59

    laurence@essec.fr

    Nous reprécisons au lecteur que l’ouvrage est issu d’Actes d’un colloque qui s’est tenu en 2010.

    Les propos ont été réactualisés et sont à jour à la remise du manuscrit en mars. La construction européenne évoluant rapidement notamment, cet an-ci en matière de défense, nous avons prévu des compléments à intervenir sur cette problématique essentielle et celle du volet « externe » du Marché Intérieur autour du principe de Réciprocité (ou d’avantages mutuels) dans le cadre d’un second ouvrage pour 2014.

    Préface

    Au moment où les signes d’une sortie de crise se confirment au niveau international, chacun veut prendre sa part de la croissance qui revient ; la tentation peut être forte de le faire dans un contexte non coopératif, qui serait pourtant des plus dangereux. La toile de fond de cette réflexion est celle d’un monde multipolaire dans lequel la compétition s’est accrue. Les grands pays émergents, qui ont le plus bénéficié de cette mondialisation, y jouent un rôle désormais crucial, en tant que moteurs de croissance. Dans ce nouveau contexte, leur posture apparaît parfois ambigüe, oscillant entre préoccupations de pays industrialisés et solidarité à géométrie variable avec les pays moins avancés.

    La crise économique a mis en lumière le retour d’un certain « nationalisme économique ». Nous n’avons heureusement pas assisté à une vague protectionniste, mais de réelles discriminations sont observées, que l’on peut qualifier de « protectionnisme de basse intensité ». Les plans de relance de certains pays, dont les marchés publics sont réservés aux entreprises nationales, en sont un exemple. Le nationalisme économique gagne également de nouveaux terrains (ceux de l’exploitation des matières premières, de l’accès aux technologies ou des localisations industrielles par exemple) et prend des formes plus indirectes, comme l’utilisation des taux de change.

    Que faire dans ce contexte ? D’abord, partir d’une analyse lucide de la réalité. La mondialisation est irréversible, il faut l’intégrer, tenter de la façonner selon nos intérêts et nos convictions et continuer à y adapter notre économie, sans crainte, mais sans naïveté non plus. Face à ces nouveaux défis, la France au sein de l’Europe entend mener une action dans le sens d’une coopération internationale et d’une réforme du système actuel de régulation mondiale.

    Elle œuvre à un système international qui remette au cœur des différentes enceintes de régulation mondiale comme le G 20 ou l’OMC les différentes dimensions de la mondialisation. Avoir invité le Directeur général du Bureau International du Travail à participer aux travaux du G20 de Pittsburgh est révélateur des progrès accomplis en ce sens. Pour que l’OMC contribue à la mise en place d’un cadre loyal aux échanges, il est indispensable qu’elle intègre, elle aussi, les dimensions sociales et environnementales dans ses règles et sa jurisprudence. De même, les règles issues des cycles de négociation de l’OMC doivent mieux intégrer les problématiques environnementales. La France souhaite la création d’une Organisation Internationale de l’Environnement. Elle plaide pour la mise en place d’un mécanisme d’ajustement aux frontières en ce qui concerne les émissions de carbone, afin d’éviter un trop grand décalage entre l’Europe à hauts standards environnementaux et les pays qui ne se sont pas engagés aussi loin que nous dans la lutte pour la protection de l’environnement. C’est la traduction de notre engagement en faveur d’une concurrence loyale et contre une forme de « dumping environnemental ». Ensuite, elle œuvre au niveau européen pour mettre en place une véritable politique industrielle et de l’innovation. Plus que jamais, la stratégie de Lisbonne, que nous avons définie ensemble en 2000 et que nous améliorons actuellement, est au plan des principes pertinente ; mais elle s’est avérée bien décevante dans sa mise en œuvre. Il est temps que l’Europe organise et développe, à l’instar de ce qu’est en train de faire la Chine, une économie de la connaissance et de l’innovation. C’est ce qui sera, encore davantage qu’aujourd’hui, le moteur de la croissance, de la différenciation des industries et, donc, des avantages compétitifs. Or, par exemple, il n’existe pas de coordination entre la France et l’Allemagne sur la question des transferts de technologies vers les pays tiers. De nouveaux partenaires industriels sont à construire, entre Européens, mais aussi avec certains des pays émergents, sans naïveté. Elle va œuvrer enfin au niveau national dans la continuité de l’action européenne pour faire de la France une place industrielle dynamique et attractive. Ainsi, le Crédit Impôt Recherche (CIR) français, considéré comme le plus efficace au sein de l’OCDE, favorise-t-il autant la compétitivité des entreprises françaises qui se tournent vers l’étranger, que l’attractivité du territoire français pour les investissements étrangers. Ce type d’actions, horizontales, ou trans-sectorielles, doit être complété par des politiques sectorielles en filières. Parmi ces filières, les plus intéressantes pour développer dynamiques économiques et industrielles, dans un continuum d’actions franco-européennes, sont bien connues : le transport, l’économie verte, la pharmacie, l’aéronautique, l’agroalimentaire, les nanotechnologies, les biotechnologies et l’énergie, dont le nucléaire. Au-delà de la définition de secteurs stratégiques, arrêtés dans le décret de 2005, le monde tel qu’il se déploie et se réorganise amène à penser toute politique industrielle, particulièrement la nôtre, à la lumière du marqueur de la compétitivité. C’est fort de cette conviction que le gouvernement français a choisi d’utiliser l’Emprunt national 2010 pour agir sur ces deux axes, horizontal et vertical, en soutenant, par exemple, la recherche universitaire et en promouvant le secteur de l’économie verte.

    En conclusion, le choix de la France doit être celui d’une France ouverte. Ne pas céder aux sirènes trompeuses du protectionnisme. Au contraire, décider de porter davantage nos entreprises vers l’international (commerce et investissements) tout en restant particulièrement accueillant pour les investissements directs étrangers (IDE). Ainsi, nous tirerons parti d’une croissance qui sera plus forte dans le reste du monde qu’en Europe. Il est, en effet, particulièrement important pour la France d’être, à la fois, le sixième exportateur mondial de biens et services, le deuxième investisseur international à l’étranger et le troisième pays d’accueil des IDE. Il nous faut garder ces éléments en tête et nous rappeler que la mondialisation ne remet pas en cause, loin s’en faut, les nations. Elle territorialise les ambitions, mais doit le faire dans une approche collaborative et multilatérale, qui prenne en compte les manières de penser et de se positionner des autres continents que l’Europe, et particulièrement, des continents émergents.

    Anne-Marie IDRAC,

    Secrétaire d’État au commerce extérieur,

    janvier 2010

    I. – Mondialisation et enjeux

     géo-stratégiques pour l’Europe

     et la France

    Entretien avec Laurent

     Cohen-Tanugi¹,

     et les directeurs du CEDE

    par

    Frédéric JENNY et Viviane de BEAUFORT

    Un diagnostic sur les entreprises et la mondialisation peut être effectué à partir de trois niveaux d’analyse.

    — La question de la perspective : jusqu’aux années 1990 a été mise en avant une politique de la demande. Cette politique a-t-elle conduit à négliger une politique de l’offre, c’est-à-dire la création par les moyens publics de ce qui permettrait d’ajuster l’offre à un contexte dynamique et croissant plutôt que de se reposer sur le marché unique et la concurrence pour mener ce dynamisme ?

    — La question du contexte, à savoir le passage avant même la crise d’un monde bipolaire transatlantique, dominé par les États-Unis et l’Europe à un modèle multilatéral des pays émergents et dont les conflits nécessitent une gestion différente.

    — Enfin, la question de la gouvernance : l’un des constats est qu’indépendamment des objectifs de l’agenda de Lisbonne, il y a un problème de gouvernance au sein de l’Union européenne : la méthode utilisée – dite méthode ouverte de coordination – s’est avérée trop faible pour donner les impulsions nécessaires.

    Question : Faut-il appréhender ces problèmes au niveau de l’État nation, la France, à échelle d’une alliance franco-allemande, au niveau européen ? Dans un monde désormais multilatéral, de nouvelles formes de gouvernance peuvent-elles émerger ? Madame Idrac dans son propos évoque une nouvelle gouvernance mondiale. Se pose alors la question du champ : s’il doit y avoir une politique de l’offre, d’accompagnement, sur quels grands thèmes doit-elle porter ? Sur l’industrie, comme cela a été le cas dans le passé ou sur d’autres domaines nouveaux : les énergies alternatives, la connaissance, le transport ? Se pose enfin une question de moyens : toute comparaison entre l’Europe et d’autres ensembles nationaux établit que l’Europe ne se donne pas les moyens suffisants pour créer une réelle dynamique sur des champs précis.

    Le point de départ est le constat d’un changement de paradigme géopolitique, et ce bien avant la crise. La crise n’a été qu’un accélérateur de ce changement, qui s’est produit au tournant du XXIe siècle. Le 11 septembre 2001, date symbolique, a marqué le passage du monde des années 1980-1990 caractérisé par la continuation de la domination occidentale sur les affaires mondiales, la détente et la fin de la guerre froide, à un monde nouveau, dont on ne percevait pas encore la rapidité de l’essor. Plus encore que la menace islamiste, c’est la montée en puissance des grands pays émergents, et plus précisément le retour de la Chine et de l’Inde sur le devant de l’Histoire en tant que grandes puissances, qui marque un tournant historique. Le terme de « pays émergents » est d’ailleurs ambigu : ces pays risquent de surpasser les pays développés dans un avenir très rapide. La montée en puissance de ces pays a des implications importantes puisqu’elle est non seulement économique, mais aussi politique et stratégique. Elle a également accru la compétition sur les matières premières et l’énergie dans un contexte de raréfaction des ressources naturelles. Cette évolution provoque un retour de la géopolitique depuis le début des années 2000. L’on est ainsi passé d’un monde faussement a-stratégique à un retour de la géopolitique et de la politique de puissance, plus proche de la seconde moitié du XIXe siècle que de celle du XXe siècle. Or, les Occidentaux, et plus particulièrement les Européens, ne semblent pas avoir pris la mesure de ce changement. Ils sont encore dans le paradigme des années 1980-1990. La conséquence du changement de paradigme géopolitique est un retour des nationalismes et la naissance d’un monde de nations-continents – les États-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie, le Brésil… – c’est-à-dire d’ensembles géopolitiques très vastes et à très forte identité nationale.

    L’Europe, dans ce contexte, est certes un ensemble continental plus ou moins achevé, mais elle n’est pas une nation et ne le sera jamais. Elle est un modèle qui s’est construit comme post-national, dont les Européens voulaient faire le laboratoire de la gouvernance mondiale. Or, c’est l’inverse qui se passe avec le retour du nationalisme et de la géopolitique. Deux voies s’ouvrent alors pour l’Europe. La première est un retour vers le nationalisme ; cependant, les États membres de l’Union européenne n’ont pas la taille critique pour peser dans ce monde de nations-continents. La seconde voie est de considérer que la dimension européenne est la seule pertinente, ce qui implique d’aller plus loin dans l’intégration économique et politique.

    À partir de là peut être dressé le bilan de la stratégie de Lisbonne, dont l’objectif emblématique était de faire de l’Europe l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde. Ce bilan est plus que mitigé : sur le cœur de métier de l’économie de la connaissance, l’objectif n’est pas atteint : l’écart de productivité, de croissance et d’innovation par rapport aux États-Unis n’a pas été comblé ; l’effort d’investissement en recherche et développement, fixé à 3 % du produit intérieur brut, n’a pas été atteint, stagnant en moyenne autour de 2 %. La seule amélioration – avant la crise – a concerné le terrain de l’emploi : l’action européenne a réussi à ramener des travailleurs sur le marché de l’emploi, au prix d’une baisse de la productivité. Il est en outre extrêmement difficile de cerner, parmi ces éléments, ce qui est attribuable à la stratégie de Lisbonne et ce qui est attribuable au cycle macro-économique.

    Dès lors, la principale vertu de la stratégie de Lisbonne a été d’une part d’européaniser un certain nombre de domaines de compétence nationale : le domaine social, le marché du travail, la recherche et, d’autre part, de faire converger les États membres dans une même direction. Le problème est que le moteur de tout cela – la méthode ouverte de coordination – est un outil mou : on s’en remet aux États pour faire des réformes nationales et la Commission devient, à l’instar de l’OCDE, une sorte de chef d’orchestre ; rôle dans lequel elle n’est cependant pas suffisamment efficace, dans la mesure où elle n’a aucun contrôle sur les réformes que les États membres vont ou ne vont pas adopter.

    L’Europe risque d’être marginalisée dans dix ans, principalement parce que, depuis les années 2000, l’économie de la connaissance s’est mondialisée. Aujourd’hui, il est faux de croire que l’innovation peut rester en Occident et que la Chine restera « l’atelier du monde », ou l’Inde, un sous-traitant. La Chine et l’Inde investissent dans l’enseignement supérieur, dans la recherche, de telle sorte que l’économie de la connaissance est aujourd’hui mondialisée et que l’enjeu pour l’Europe n’est plus d’être la plus compétitive, mais tout simplement de rester dans la course. Le deuxième constat est que la stratégie de Lisbonne, présentée comme la réponse de l’Europe à la mondialisation demeure une stratégie d’adaptation interne, c’est-à-dire une stratégie de réformes structurelles des économies européennes pour les adapter à la mondialisation. Or, une stratégie en réponse à la mondialisation doit avoir une dimension extérieure. L’enjeu se situe donc essentiellement aujourd’hui dans le rapport de l’Europe avec le reste du monde. Il faut donc renforcer la stratégie de Lisbonne telle qu’elle existe actuellement et la doter d’une dimension extérieure forte et communautaire. Ceci doit passer par des politiques extérieures communes : diplomatie énergétique, diplomatie environnementale, diplomatie monétaire… Instruments qui sont ceux des grandes puissances économiques, dont l’Union européenne n’est pas suffisamment dotée.

    Question : dire que l’Europe ne sera pas une nation-continent et dire d’autre part qu’il faut communautariser ces politiques parait contradictoire. Comment conserver l’indépendance nationale et mener une intégration politique ?

    Il n’y a pas pour moi de contradiction entre le constat que l’Europe n’est pas une nation-continent et la nécessité de communautariser ses politiques. De manière réaliste, l’Europe présente une très grande diversité culturelle et nationale. L’argument des souverainistes selon lequel la construction européenne écraserait les identités nationales était à l’évidence fallacieux. Le problème de l’Europe n’est pas le risque d’uniformisation, mais au contraire sa diversité, sa fragmentation culturelle et linguistique. Elle fait sa richesse et dans le même temps sa fragilité. Par contre, il doit être possible et il est nécessaire de mettre en commun un certain nombre de moyens et de compétences, tout en préservant l’échelon national comme lieu d’exercice de la démocratie, du lien social, et en faisant progresser l’espace politique européen. Le problème est que les États membres refusent d’aller dans ce sens. L’on est face à une contradiction : le Parlement européen est élu au suffrage universel ; mais on ne veut pas réformer le mode de scrutin pour l’unifier ; on continue à tolérer des référendums nationaux sur les traités, ce qui à 27 et plus ne fait plus aucun sens. Ainsi, l’Europe a mis dix ans à accoucher du traité de Lisbonne pendant que la Chine se développait à toute vitesse.

    Cette situation ne peut pas durer. Il faut essayer de créer du lien politique européen par un certain nombre de réformes, comme un référendum européen. Il faut aller vers une Union européenne dont les attributs se rapprochent plus de ceux d’un État, tout en laissant – c’est tout l’enjeu de la subsidiarité – le niveau national régir certains domaines – politique, démocratique, social.

    Question : pourriez-vous nous donner votre sentiment sur les stratégies étatiques dans les grands pays émergents que sont la Chine, l’Inde, la Turquie, le Brésil… ? Ces pays semblent beaucoup plus réactifs que l’Europe ne l’est ; ont-ils une stratégie économique clairement définie et qui porte sur des axes identifiables ? Pourriez-vous nous dire comment ces États insufflent du dynamisme économique, les axes sur lesquels ils s’appuient, les avantages de ces pays ?

    Si l’on s’intéresse aux stratégies étatiques des pays émergents et si l’on prend le cas de la Chine par exemple, une différence frappante avec l’Occident est que ces pays sont des États-nations forts, des États centralisés et souvent des régimes autoritaires. Ceci n’est pas nécessairement une garantie de succès – on peut citer le cas de la Russie par exemple – mais si l’on prend le cas de la Chine, on s’aperçoit qu’il y a un leadership chinois qui du point de vue de l’intérêt national chinois fait un travail remarquable, indépendamment des questions de démocratie et de droits de l’homme. Pouvoir gérer une transformation aussi rapide dans un pays aussi immense, avec des difficultés sociales et autres considérables, requiert un vrai leadership. Il y a donc un avantage pour ces pays en termes de rapidité, d’efficacité, de leadership par rapport à la fois aux États-Unis, dont la capacité à réformer est moindre, et surtout à l’Europe, caractérisée par sa lenteur décisionnelle. Ce qui pose la question de l’efficacité du mode de gouvernement en Europe et dans une moindre mesure aux États-Unis.

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