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II. COMMENT BEEPLE A CASSÉ LE MARCHÉ DE L’ART

I maginez des peluches numériques dont il n’existerait qu’un unique exemplaire et qui se négocieraient, malgré leur inexistence physique, pour des sommes astronomiques. C’est ce que propose, depuis fin 2017, CryptoKitties, une plateforme d’adoption de petits chats animés dont certains s’échangent pour plus de 100 000 euros (140 000 même pour un dénommé Dragon en 2018 – enfin, 600 ethers, car ces animaux de compagnies s’achètent en monnaie virtuelle). Si vous avez lu les pages qui précèdent, vous avez reconnu là des NFT, ces certificats de propriété liés à une ressource numérique qui peuvent être associés à n’importe quoi, du fichier MP3 à l’image en JPEG en passant par le tweet ou l’extrait vidéo d’un match de basket. Dans le domaine de l’art, ces « jetons non fongibles » remplissent à la fois la fonction du cartel de musée, indiquant la provenance de l’œuvre, et d’un cachet de propriété qui n’empêcherait pas l’œuvre de continuer à circuler librement sur Internet. Et c’est ainsi que, ces dernières années, des artistes se sont retrouvés à télécharger leurs créations numériques sur des places de marché en ligne comme Nifty Gateway, SuperRare ou Foundation, pour les vendre.

En octobre 2020, l’artiste numérique Mike Winkelmann s’est aperçu qu’autour de lui, on ne parlait plus que de ça. Enthousiasmé, il a alors cherché conseil auprès d’amis, comme Pak, un plasticien dont les compositions géométriques complexes s’échangeaient déjà pour des milliers d’euros en NFT. Sous le nom de Beeple, Winkelmann avait jusqu’alors bâti sa réputation grâce à un projet au long cours : Everydays, une série d’illustrations créées et diffusées en ligne à un rythme quotidien. Ces dernières années, ses Everydays ont abordé les sujets d’actualité au prisme d’une esthétique cartoon kitsch et criarde – des coronavirus s’abattant sur Disney World ou un Joe Biden nu en train d’uriner juché sur un Trump géant dans un paysage paradisiaque. Son compte Instagram, @beeple_crap (« les conneries de Beeple ») était déjà fort de plus de 2 millions d’abonnés et Winkelmann a compris qu’il pourrait faire fortune : « Comme je suis plus populaire que tous ces artistes qui font des NFT, je me suis dit que s’ils gagnaient autant, alors je pourrais moi-même me faire des couilles en or », me confiait-il à l’époque.

À la fin du mois, Winkelmann a lancé sa première livraison de trois œuvres chez Nifty Gateway pour tester le potentiel de ses travaux. L’une de ces courtes vidéos, intitulée (« La politique, c’est de la merde ») présente un taureau aux couleurs du drapeau américain déféquant sous une pluie de billets. L’œuvre est distribuée à 100 exemplaires,

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