Pratique de la TVA au Luxembourg
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Aperçu du livre
Pratique de la TVA au Luxembourg - Jacques Verschaffel
EAN : 978-2-87974-806-1
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Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour ELS Belgium. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.
Introduction
Un impôt sur le chiffre d’affaires a été introduit pour la première fois au Grand-Duché de Luxembourg par la loi du 21 juillet 1922. Le taux de cet impôt était fixé à 1 % du chiffre d’affaires. Toutefois, certaines transactions étaient soumises à des taux de 2 %, 5 %, 10 % et 20 %. Étaient exemptées les ventes au détail directement aux particuliers pour leur usage personnel ou celui de leur ménage, ainsi que les affaires des établissements publics et la vente de pains et de farine destinés à la panification par les boulangers. Cet impôt frappait le chiffre d’affaires effectué au Grand-Duché par les personnes qui achetaient pour revendre ou exerçaient un commerce ou une industrie quelconque, de même que le chiffre d’affaires effectué par les coopératives ou associations. Toutefois, l’impôt en cas d’exportation était seulement perçu sur la marge, sauf si celle-ci dépassait 5 % du prix d’achat et si les biens avaient fait l’objet de ventes successives avant l’exportation.
Cet impôt présentait divers inconvénients. Chaque livraison dans la chaîne de distribution du producteur au détaillant était soumise à l’impôt. Il s’agissait donc d’une perception en cascade : la charge fiscale relative à un bien spécifique était d’autant plus importante que ce bien avait été soumis à des ventes successives. De plus, étant donné que cet impôt représentait une charge pour l’acheteur, celui-ci cherchait à la répercuter sur son prix de vente. Il y avait donc cumul de taxes. Ce régime cumulatif engendrait un coût fiscal de nature à freiner la politique d’investissement et donc l’économie en général. Enfin, le fait que le prix était dépendant du nombre de transmissions perturbait l’équilibre de la concurrence nationale et rendait donc le régime contraire aux règles de la concurrence (Articles 95 et 96 du Traité de Rome – Rapport Neumark).
Ainsi, en 1957, conscient de ce que les régimes d’impôts sur le chiffre d’affaires existant à l’époque dans cinq des six futurs États membres, présentaient des caractéristiques de nature à nuire à la concurrence dans le marché commun, le Conseil des ministres de la Communauté européenne a adopté des Directives, sur base des Articles 99 et 100 du Traité de Rome, visant à harmoniser les législations des États membres en matière de taxe sur le chiffre d’affaires. À ce titre, on citera plus particulièrement les 1re et 2e Directives du 11 avril 1967.
Dans ce cadre, un régime TVA a été introduit au Grand-Duché de Luxembourg par la loi du 5 août 1969, laquelle se conformait à ces Directives en ce qu’elle :
□ Éliminait tout cumul de taxes,
□ Introduisait un régime commun de taxe sur la valeur ajoutée,
□ Reprenait les principales modalités d’application de la taxe imposées par les Directives.
La TVA a donc été introduite en tant qu’impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et services quel que soit le nombre de transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade de taxation.
Le 17 mai 1977, le Conseil des Communautés européennes a arrêté une 6e Directive en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires. En conséquence, la loi luxembourgeoise de 1969 a été modifiée et complétée par la loi du 12 février 1979 afin d’adapter le régime luxembourgeois aux nouvelles dispositions européennes.
Le texte coordonné de cette loi du 12 février 1979 a été amendé à différentes reprises, avec un changement majeur entré en vigueur au 1er janvier 1993 lors de l’instauration du marché unique. Ainsi, cette loi du 12 février 1979 est actuellement la base législative principale du régime TVA au Grand-Duché de Luxembourg.
Ce manuel a pour objectif de vous permettre d’appréhender les principes de base du régime TVA Européen et d’en comprendre son application au Luxembourg, notamment par le biais de nombreux exemples. Ce manuel se veut à la fois théorique, faisant référence tant aux dispositions de la législation luxembourgeoise et de la Directive européenne 2006/112/CE, qu’à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, et pratique, mentionnant les obligations administratives d’identification, de dépôt de déclarations, etc., ainsi que leurs conditions.
Toutefois, ce manuel n’a pas la prétention d’être exhaustif ; certains régimes particuliers ne sont notamment pas abordés, de même seules les décisions les plus importantes de la Cour de justice de l’Union européenne seront mentionnées.
CHAPITRE 1
Caractéristiques de la TVA
Section 1 : Définition de la TVA
Section 2 : Principe de neutralité de la TVA
Section 3 : Le régime TVA, est-il harmonisé au sein de l’Union européenne ?
Section 1
DÉFINITION DE LA TVA
La TVA est une taxe sur la consommation de biens et services, perçue par étapes successives, à savoir sur chaque transaction dans le processus de production et de distribution et supportée, en définitive, par le consommateur final.
La TVA est une taxe non cumulative, de sorte que les fournisseurs ou prestataires de biens ou services dans la chaîne de distribution ne devraient pas supporter de coût.
La TVA est une taxe sur la consommation, laquelle est collectée par chaque assujetti dans le circuit économique des biens et services.
En principe, la TVA, contrairement à certaines autres taxes, comme la « Sales Tax » aux États-Unis, est non cumulative et neutre pour l’assujetti par le biais du mécanisme de déduction (TVA en aval – TVA en amont), indépendamment du nombre de transactions précédent la consommation finale. Nous verrons toutefois que ce principe connaît des exceptions, notamment dans le secteur financier.
La TVA est transparente. Elle est toujours calculée sur le prix hors TVA.
L’exemple suivant illustre ce principe de base.
EXEMPLE
Un fabricant vent à un grossiste des biens pour EUR 100 et porte EUR 17 de TVA en compte. Le grossiste revend les biens pour EUR 200 à un détaillant et porte EUR 34 de TVA en compte. Finalement le détaillant vend les mêmes biens à un consommateur final pour EUR 300 et EUR 51 de TVA.
Est-ce que la TVA représente un coût pour le fabricant, pour le grossiste, pour le détaillant ou pour le consommateur final ? Non, la TVA représente uniquement un coût pour le consommateur final. Par le biais du mécanisme de déduction les différents vendeurs récupèrent la TVA qu’ils ont payée.
Situation du fabricant
Le fabricant établit une facture pour EUR 100 + EUR 17 de TVA. Le grossiste lui paie EUR 117 et le fabricant paie EUR 17 à l’État.
Situation du grossiste
Le grossiste a donc payé un montant de EUR 17 de TVA au fabricant. Il établit une facture pour EUR 200 + EUR 34 de TVA au détaillant. Le détaillant lui paie EUR 234. Le fabricant ne paie pas EUR 34 à l’État mais peut en déduire le montant de TVA, qu’il a payé au fabricant, en l’occurrence EUR 17, et dès lors lui aussi ne paie que EUR 17 à l’État.
Situation du détaillant
Le détaillant a payé EUR 34 de TVA au grossiste. Il porte un montant en compte de EUR 351 (EUR 300 + EUR 51 TVA) au consommateur final. Le dernier lui paie EUR 351. Le détaillant ne paie pas EUR 51 à l’État mais peut en déduire EUR 34 (le montant de TVA, qu’il a payé au grossiste) et ne paie donc aussi que EUR 17 à l’État.
Au total l’État a donc encaissé la TVA en trois étapes pour un montant total de EUR 51. Pour le consommateur final, la TVA portée en compte par le détaillant n’est pas récupérable et donc un coût final.
Section 2
PRINCIPE DE NEUTRALITÉ
DE LA TVA
La TVA est déductible dans le chef du client au moment où elle devient exigible dans le chef du fournisseur (article 48, § 2 de la LTVA).
Ainsi, dès lors que l’achat est effectué en vue de réaliser une activité économique, l’acheteur peut reporter la TVA payée à ses fournisseurs comme TVA déductible dans sa déclaration TVA couvrant la période durant laquelle il a reçu une facture conforme à la loi. Il n’est donc pas requis d’avoir déjà effectué les transactions pour lesquelles les frais ont été encourus, l’intention de le faire suffit. Un assujetti qui achète par exemple des biens avec l’intention de les revendre ne doit pas attendre le moment de la vente pour reporter la TVA payée à son fournisseur comme TVA déductible dans sa déclaration.
En effet, un assujetti peut déduire la TVA encourue sur ses achats de biens et services dès lors que ces frais sont nécessaires à l’exercice d’une activité économique, qui octroie un droit à déduction, comme par exemple pour la (re)vente des biens.
Il en va de même en cas d’achats de biens d’investissements, lesquels ne seront pas revendus, mais utilisés dans le cadre de l’exercice de l’activité économique de l’entreprise. Par contre, la déduction de la TVA encourue sur l’achat de biens d’investissement est soumise à une période de régularisation (soit en faveur de l’assujetti, soit en faveur de l’État) durant laquelle la société pourrait être amenée à devoir rembourser une partie de la TVA initialement déduite selon l’évolution de son droit à déduction.
Le droit des assujettis de déduire de la TVA dont ils sont redevables de la TVA due ou acquittée pour les biens acquis et les services reçus par eux constitue un principe fondamental du système commun de la TVA. Ceci a été rappelé à plusieurs reprises par la Cour de justice de l’Union européenne (cf. notamment Affaire du 13 février 2014, Maks Pen, C-18/13 ; Affaire du 15 septembre 2016, Barlis 06, C-516/14).
La Cour a itérativement jugé que le droit à déduction de la TVA fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité. Il s’exerce immédiatement pour la totalité de la taxe ayant grevé les opérations effectuées en amont.
Le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit, par conséquent, la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA.
En ce qui concerne les conditions matérielles requises pour la naissance du droit à déduction de la TVA, outre l’obligation de disposer d’une facture conforme pour l’achat, les biens ou services invoqués pour fonder ce droit doivent être utilisés en aval par l’assujetti pour les besoins de ses propres opérations taxées et en amont, être fournis par un autre assujetti.
La TVA devrait donc être neutre et ne pas représenter un coût pour les assujettis. Néanmoins, on verra que ceci n’est pas toujours pas le cas, en particulier pour les assujettis actifs dans le secteur financier comme les banques ou les fonds d’investissements.
Section 3
LE RÉGIME TVA, EST-IL HARMONISÉ
AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE ?
La Directive 2006/112 du Conseil européen adoptée et amendée à différentes reprises est la base d’un régime TVA européen harmonisé. Toutefois, cette Directive laisse plusieurs options aux États membres, de sorte que des divergences parfois non négligeables existent entre les régimes TVA des différents États membres.
DIFFÉRENCES DE TAUX
La Directive fixe le taux standard de TVA à minimum 15 %, mais ne prévoit aucun taux maximal. Il y a donc de grandes divergences de taux entre États membres.
Le taux standard, applicable au Grand-Duché de Luxembourg, est de 17 %, taux standard le plus bas de l’UE. Par contre le taux standard applicable en Hongrie par exemple est de 27 %.
OPTIONS OUVERTES AUX ÉTATS MEMBRES PAR LA DIRECTIVE 2006/112/EC
D’une part, sur certains points, la Directive laisse la possibilité aux États membres de choisir le régime applicable. Il en est ainsi, par exemple, de l’introduction de la notion de « groupe TVA ». Ainsi cette notion existe dans certains États membres et non dans d’autres. La Directive laisse aussi une certaine flexibilité aux États membres quant à la désignation de la personne redevable de la taxe. Ainsi, les États membres appliquent de façon plus ou moins large le mécanisme de l’auto-liquidation (cf. Chapitre 2, Section 5).
D’autre part, la Directive donne aussi la possibilité aux États membres d’accorder à leurs assujettis le droit d’opter pour la taxation de certaines opérations en principe exonérées.
Ainsi, les transactions suivantes sont en principe exonérées de TVA :
l’octroi et la négociation de crédit ;
les opérations portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres ;
la gestion de fonds communs de placement ;
les livraisons de biens immeubles, l’affermage et la location de biens immeubles.
La Directive prévoit que les États membres peuvent accorder à leurs assujettis le droit d’opter pour la taxation de ces opérations. L’avantage de l’option pour la taxation est qu’en contrepartie la TVA encourue sur les achats en relation avec cette activité taxée par option devient alors déductible. Alors que si cette même activité était exonérée, la TVA sur les achats y relatifs constituerait un coût pour l’entreprise.
DIFFÉRENCES D’INTERPRÉTATION JURISPRUDENTIELLES OU ADMINISTRATIVES
Un autre frein à une totale harmonisation réside