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THEORIE GENERALE DE LA CROISSANCE
THEORIE GENERALE DE LA CROISSANCE
THEORIE GENERALE DE LA CROISSANCE
Livre électronique501 pages6 heures

THEORIE GENERALE DE LA CROISSANCE

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À propos de ce livre électronique

L’intensité dramatique des événements financiers actuels déchaine les passions. La science économique devient le grand débat. Décriée par les uns pour son incapacité à fournir des solutions pérennes, elle est encensée par les autres qui font valoir ses avancées notables. Dans ce tumulte, le marasme s’installe. Qui est le responsable ? La science économique elle-même dans son conformisme, les hommes politiques dans leur démagogie, ou le capitalisme dans son avidité ? Au terme d’une étude rigoureuse qui va revisiter l’essentiel de la pensée économique, ce sont tous les dogmes, toutes les idées reçues, qui seront questionnés. Dette monétaire et dette financière sont les moteurs d’une croissance stérile. Elles permettent aux dysfonctionnements du système capitaliste de se perpétuer dans une fuite en avant sans issue. Redonner une perspective aux populations demandera d'abattre le mythe de la croissance salvatrice. La solution ne réside pas dans une course dévastatrice à la surexploitation, mais dans l’élaboration d’un nouveau contrat social.
LangueFrançais
Date de sortie5 juin 2013
ISBN9782312011066
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    Aperçu du livre

    THEORIE GENERALE DE LA CROISSANCE - Michel Redondo

    cover.jpg

    THEORIE GENERALE DE LA CROISSANCE

    MICHEL REDONDO

    THEORIE GENERALE DE LA CROISSANCE

    monnaie + croissance = richesse

    l’équation impossible

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2013

    ISBN : 978-2-312-01106-6

    Remerciements :

    Je tiens à remercier Hubert Gabrié, conférencier et professeur d’économie, pour son soutien permanent et plus particulièrement pour les précisions qu’il a su m’apporter quand à la théorie marxiste et à sa critique.

    Mes remerciements vont aussi à Bruno Madelaigue pour les échanges fructueux que nous avons pu avoir au cours de discutions enflammées.

    Introduction

    Je ne suis pas économiste de profession, mais de formation. Loin des cénacles conformistes, mon goût pour cette matière me porte à réfléchir en toute indépendance aux nombreux défis qui sont lancés à notre société d’essence capitaliste. Pourtant, mon envie d’écrire sur ce sujet relève d’une motivation plus profonde, d’un constat sans appel : nul ne peut s’extraire du champ de l’économique, il s’impose à chacun et à tous, dans nos vies professionnelles et dans nos vies privées. Il est omniprésent et omnipotent, intéressés ou pas, nous sommes tous intimement concernés. L’économie est partout, l’économie c’est la vie !

    L’économie est une science, non pas au sens épistémologique en ce qu’elle n’est pas constituée d’axiomes et de théorèmes irréfutables, mais une science malgré tout dans l’analyse des données et des mécanismes qu’elle requiert, dans les lois qu’elle permet d’avancer. À classer sans doute au rang des sciences humaines, l’économie est à mon sens une science majeure. Majeure en raison des connaissances accumulées bien sûr, mais majeure aussi dans son classement hiérarchique au sein des problématiques et priorités auxquelles sont confrontées les hommes. La philosophie est la « science » suprême, celle qui est à l’origine de toute pensée, de tout questionnement. L’interrogation économique se positionne immédiatement après, elle est la face concrète du questionnement métaphysique. Psychologie et sociologie viennent ensuite compléter cet ensemble de sciences que je qualifierai de fondamentales, par opposition aux matières purement scientifiques, qui en tant qu’outils doivent être vues comme des sciences instrumentales.

    Pour autant, l’économie est-elle utile ?

    Vous l’aurez compris, je me fais ici l’écho de tous ceux qui, fort justement déçus par la médiocrité des performances obtenues et par les crises à répétition que nous subissons, se posent la question de l’efficacité des batteries de conseillers et d’organismes estampillés du sceaux de cette science. En un mot, procure-t-elle un quelconque pouvoir prédictif, a-t-elle jamais permis de piloter une nation vers une plus grande prospérité ?

    Précisons tout d’abord que la société civile, l’entreprise, sont la matière première de l’économie, mais elles ne relèvent elles-mêmes dans leur fonctionnement pas directement de cette science. L’économie dont nous parlons ne peut être que la macroéconomie. Notre sujet est l’économie politique.

    De Machiavel à Keynes en passant par Turgot, elle a servi à conseiller le Prince, tout au moins quand il était disposé à écouter. Conseiller veut dire exposer les différentes options possibles à un problème donné et argumenter en faveur de celle qui présente objectivement les meilleures caractéristiques. Dans la pratique, l’économiste se voit en réalité plutôt cantonné à un rôle de technicien. Dans le meilleur des cas il est amené à évaluer les impacts de décisions avant tout politiques à l’intérieur d’un schéma préétabli, le reste du temps il compile consciencieusement des bases de données à des fins statistiques.

    La vision du monde occupe très peu de place dans ce mode de fonctionnement, surtout si elle doit mener à une remise en cause du système dominant. La pensée théorique profonde, globale, telle qu’elle existe, n’aura finalement servi qu’à orienter quelques équations dans un modèle économétrique. Or justement, l’économie n’est pas une science exacte, ce n’est pas une science instrumentale. Il ne faut donc pas attendre d’elle des réponses précises à des questions précises. Il faut lui demander plus. Il faut attendre d’elle un vrai projet de société. Elle peut esquisser les contours d’une organisation optimale autour du mode de fonctionnement juridique et social que s’est choisi un peuple.

    Le problème n’est donc pas tant l’intérêt pratique que peut avoir la science économique, en ce qu’elle seule permet la compréhension globale des forces à l’œuvre, mais le problème est la place qui lui est attribuée dans les réflexions et surtout dans les processus de décision étatiques. L’économie en tant que science fondamentale et non en tant que technique doit être entendue.

    Dès lors qu’il s’agit de parler d’économie, deux voies s’offrent traditionnellement à l’écrivain ; celle du commentaire « éclairé » de l’actualité avec force exemples et force recommandations ; et celle de la théorisation des principes, souvent académique et complexe.

    Le commentaire, s’il ne se fonde pas sur un socle théorique consistant et explicite, ne peut qu’aboutir dans le meilleur des cas à une suite de remarques frappées au coin du bon sens, mais sans grande portée. La théorisation quand à elle, beaucoup plus intéressante sur le fond, cours le danger de la recherche de filiation au détriment du pragmatisme. Elle a désormais tendance à naviguer entre deux écueils, celui de la focalisation sur l’étude de micro-mécanismes, et celui du choix partisan qui rejette toute forme de débat et qui la pousse à perpétuellement adopter une posture défensive dans une espèce de justification.

    J’ai choisi d’explorer une troisième voie qui consiste en une reformulation théorique globale du système économique en quelques principes simples, qui se fonde à la fois sur une synthèse des courants de pensée traditionnels et sur l’observation des forces à l’œuvre dans le monde contemporain. Cette construction permettra des allers-retours incessants entre actualité et théorie, de telle sorte qu’en se renforçant mutuellement, ils permettent de progresser le long d’un fil conducteur qui aidera à parfaire l’édifice.

    Il est généralement convenu lorsque l’on se réfère aux grands penseurs d’adhérer ou de rejeter en bloc leur vision du monde. Des courants de pensée se forment alors qui sont en opposition souvent frontale. Si l’on se penche sur leur évolution historique, on s’aperçoit que leur apparition n’est pas concomitante mais successive. Il est même possible de déceler chez eux une forme d’alternance qui, par un phénomène de rejet a fait évoluer la pensée « en creux », c'est-à-dire sur un mode plus destructif que constructif. Il est rare d’assister à l’émergence d’une théorie novatrice indépendante, et bien plus commun de la voir se construire sur les décombres de la précédente que l’on s’est préalablement employé à détruire. Ainsi nombre de penseurs ont pris le contrepied des théories de leur prédécesseur pour bâtir la leur.

    En économie cette alternance est relativement binaire, en ce sens que, schématiquement, seules deux grandes visions s’affrontent et prennent alternativement le dessus au gré des circonstances : les libéraux et les interventionnistes. Un peu à l’écart de cette bataille, le courant marxiste, tente de se frayer un chemin solitaire. Il peut le faire parce que son angle d’approche est différent et ses fondements jamais réellement revisités. Doit-on pour autant en conclure qu’il n’y a pas de vérité, que les querelles ne s’éteindront jamais et qu’aucun consensus n’en sortira ?

    Je suis tenté de répondre non à la première question et oui aux suivantes, pour une seule et même raison : bien souvent les courants de pensée paraissent contradictoires et se vivent comme tels alors qu’en réalité ils ne parlent pas de la même chose, ils abordent des problématiques différentes, se concentrent sur des sujets différents, voire ne sont pas partis des mêmes hypothèses ou se réfèrent à des époques non comparables. Il serait bien sûr erroné de croire en une convergence parfaite des points de vue, mais en s’efforçant de les extraire de leur contexte il est possible de leur découvrir une base commune à partie de laquelle il devient intéressant de travailler.

    C’est un peu l’exercice auquel j’ai tenté de me livrer. Il ne s’agissait pas d’écrire un ouvrage académique extrêmement documenté, d’autres plus érudits que moi l’ont fait, mais plutôt d’assoir un raisonnement analytique sur un socle théorique consensuel, à la fois basique et global. Basique parce qu’une fois encore le but n’est pas d’entrer dans des querelles sur des points de détail, global parce que justement sans vision d’ensemble il est impossible de saisir la cohérence d’un système. Or tout l’intérêt de la pensée est de produire, de conceptualiser des mécaniques générales représentatives d’une totalité. Prendre du recul pour embrasser tout le paysage ouvre la voie pour une stratégie avertie. D’observateur impuissant l’homme en devient alors acteur. La capacité à saisir une science dans sa globalité et à en extraire un sens, une logique explicative, parait ne plus faire partie des préoccupations de notre époque. La priorité est donnée aux techniciens qui vont savamment décortiquer avec une infinie précision une partie du mécanisme dont on ne sait plus quelle est la raison d’être. L’hyperspécialisation guette l’économie. A l’instar de ce qui se passe pour la médecine, pour lui redonner du sens il serait bon de rendre ses lettres de noblesse au généraliste.

    Le socle sur lequel je me suis appuyé pour bâtir la « Théorie Générale de la Croissance » est constitué des apports irréfutables de la pensée économique traditionnelle, mais il doit sa trame plus particulièrement à Marx, qui fut justement avant tout un philosophe. En effet, comment vouloir prétendre élaborer une théorie économique sans prendre en considération la dimension humaine, sociale et spirituelle des forces qui amènent les populations à se regrouper et à travailler ensemble. Seul Marx a su positionner l’économie à l’intérieur de son contexte social, un contexte social contemporain. Penser l’homme comme une entité économique indépendante ne suffit pas, il faut aussi raisonner en termes de classes.

    A partir de cette structure, le questionnement devient possible sur tous les enjeux largement médiatisés auxquels nous sommes confrontés. Il devient même nécessaire quand la pluralité des opinions s’efface dangereusement au profit d’une sorte de pensée unique qui manifestement tarde à faire ses preuves. L’objectif de cet ouvrage, même s’il suggère quelques directions, n’est pas de proposer des solutions concrètes pour sortir de ce qu’il est malencontreusement convenu d’appeler une crise. Il se veut explicatif. Son but est avant tout de mettre en lumière la logique intime des lois régissant notre système économique, pour en connaitre les mécanismes et les ressorts, afin de comprendre pourquoi et comment il fonctionne. Il s’agit d’appréhender l’origine et la nature profonde de ces défis à la fois terrifiants et passionnants que nous devons relever. Ce n’est qu’à partir de ce moment là qu’il sera possible de s’interroger sur la pertinence des moyens déployés, et sur l’efficacité d’éventuelles solutions alternatives.

    Le monde en général et le monde occidental en particulier sont en train de vivre une mutation traumatisante. L’enjeu de la gestion de cette transition est à la hauteur de la complexité de la tâche. Sans tomber dans la recommandation trop facile et encore moins dans la divination de ce que pourrait être notre avenir, notre analyse devrait être en mesure de proposer une vision différente de la problématique. En prenant de la hauteur, le tracé des champs de force devient plus lisible et les priorités plus évidentes. Les postulats qui nous sont assénés comme des vérités ne paraissent plus aller de soi et une autre mise en perspective ouvre des voies vers une approche novatrice de l’économie et de sa monnaie. C’est en cela que dans l’épilogue seront amorcées les grandes lignes du chantier que l’humanité se devrait de mettre en œuvre afin d’accéder enfin à une société plus enrichissante à défaut d’être plus riche.

    La croissance est aujourd’hui la préoccupation majeure des pays occidentaux. Elle parait insuffisante pour procurer le minimum de richesse nécessaire aux populations. Toutes les énergies sont alors concentrées sur les efforts visant à la renforcer. Dans cette bataille acharnée, on en vient à oublier pour quelles raisons fondamentales elle a été engagée. Était-ce parce que la croissance est effectivement synonyme d’opulence, ou bien plus prosaïquement parce que le capitalisme ne saurait se contenter d’un état stationnaire ?

    La croissance n’est d’ailleurs pas atone partout, les pays émergents expérimentent un décollage impressionnant, qui montre que le capitalisme (et les individus qui servent son modèle) a su trouver une voie pour sa soif inextinguible de reproduction élargie.

    Mais la vraie question reste la richesse, la richesse pour tous. Il est aisé de se placer dans un esprit de compétition et de viser l’enrichissement au détriment d’autrui. Il serait plus intéressant de rechercher l’enrichissement général. C’est évidemment bien plus difficile et il n’est pas certain que la croissance à tout prix soit la solution. Notre économie est une économie de flux monétaires, s’attacher à la gérer en se focalisant sur le débit n’a d’autre issue que celle de l’aliénation par la dette. Il importerait plutôt de veiller à ce que l’écoulement des flux ne soit pas perturbé.

    La recherche du profit, la surexploitation, la compétition internationale, provoquent des déséquilibres économiques que les mouvements financiers compensent imparfaitement. Ce sont les turbulences qui en résultent qui sont à l’origine des cycles économiques et des crises.

    Dans sa démarche, ce livre s’articule autour de quatre parties qui toutes à leur façon questionnent la colossale pyramide de dettes qui pèse et qui a toujours pesé sur les épaules de la planète depuis l’avènement des signes monétaires. Systématiquement sollicitée à la moindre contre-performance, est elle toujours la solution ou au contraire la conséquence ? Quelle est la dynamique de son évolution et quelle sera l’issue ?

    La première partie s’attache plus particulièrement à définir le cadre théorique qui servira de support à la réflexion. Libéralisme et capitalisme sont les systèmes dominants pour ne pas dire les seuls existants, la puissance et le profit sont leur mobile, la surexploitation leur arme. Nous nous interrogerons sur la nature du principe de croissance présenté comme le Saint Graal de toute organisation de ce type. Nous passerons ensuite en revue les outils disponibles pour en assurer la réalisation. Une modélisation simple d’un point de vue arithmétique mais dense au niveau conceptuel accompagne cette réflexion. Utile pour fixer les idées et mettre en évidence le rôle fondamental de la monnaie, il n’est pas nécessaire de l’assimiler pour comprendre le cheminement.

    La deuxième partie par contraste est technique. Elle est consacrée aux outils de la croissance que sont la monnaie et la dette financière. D’une part elle cherche à caractériser la monnaie et décrit le fonctionnement du système bancaire, et d’autre part elle étudie le cheminement des influx monétaires à travers les couches de l’économie réelle.

    De cette analyse découleront des observations quant à la validité des thèses et agissements des autorités monétaires et gouvernementales. La question du recours systématique à la dette sera notamment abordée ici. Dette monétaire avec les politiques très accommodantes des Banques Centrales et dette financière avec les émissions massives des États paraissent être la seule issue. Sans pouvoir encore trancher, nous évoquerons les faiblesses de ces mécanismes, et nous constaterons la nature monétaire de la croissance.

    La troisième partie déborde par endroits le pur cadre économique pour effleurer des sujets plus existentiels comme celui de la notion de richesse. Son but est de montrer que la monnaie qui est l’objet central de la circulation capitaliste n’est pas en mesure d’apporter une vraie richesse. Il sera alors fait état de la différence entre stock et flux de richesse, pour faire apparaitre la vanité de la course à notre croissance monétaire. Cette vanité sera encore plus manifeste quand nous aurons exposé les inconvénients associés à la contrepartie de cette croissance  qu’est l’expansion de la dette « monéto-financière ».

    La richesse nette qui devrait être la récompense de l’activisme humain ne peut être procurée par une économie monétaire, la monnaie est de ce fait un outil anti-économique au sens historique de ce terme.

    La quatrième partie enfin, en partant de ce constat d’échec pose la question pratique des manœuvres correctrices à initier. Nous verrons que pas plus les pays émergents que les pays occidentaux ne sont ou ne possèdent la solution. Les uns comme les autres sont enfermés dans une logique capitaliste, et les leviers dont ils disposent relevant de cette logique, il leur est impossible de s’extraire de la dynamique des flux monétaires pour en briser le déterminisme qui conduit à une succession de crises.

    Bien au contraire, entre mondialisation, financiarisation et croissance de la dette, il semblerait même que la planète ne puisse échapper à la formation d’une crise majeure.

    Cet ouvrage est donc une tentative d’explication théorique d’une réalité concrète. Pour ce faire il procède par touches de raisonnement successives lors d’aller-retour incessants qui permettent de progressivement dégager les concepts fondateurs. Ce processus itératif peut paraitre à certains moments frustrant en ce qu’il ne mène pas directement à la solution, mais il permet d’être rigoureux et exhaustif. Ainsi, à travers la diversité des sujets portés par la science économique, nous serons amenés à discuter de l’actualité récente comme des fondements du capitalisme.

    Entre technicité et aveuglement, les décideurs paraissent ne plus être en mesure de contrôler l’emballement de la machine. Plus grave peut-être encore, il s’opère dans nos sociétés une divergence entre les réalisations du groupe en tant que Nation et les aspirations de l’individu en tant qu’Homme.

    La finance est supposée être au service de l’économie, et l’économie au service de l’homme. La logique parait s’être inversée. La mécanisation, le progrès et la croissance devaient libérer l’homme des contingences du travail et lui ouvrir la voie de l’aisance, or il n’en est rien. Revenons-nous vers le XIXème siècle, sommes nous alors retombés dans le terrible rapport de force évoqué par Hobbes :

    « homo homini lupus » ?

    Qu’il s’agisse d’une crise de suraccumulation de capital productif due à une distorsion entre la production de biens de consommation et celle de biens de production, ou bien de prolifération de capital financier, ou encore d’une crise de débouchés en raison d’une sous-optimisation dans la péréquation des flux monétaires et financiers au plan mondial, la crise majeure du capitalisme telle qu’évoquée par Marx est-elle en train de se profiler ?

    Des réponses argumentées seront fournies afin de clarifier ce débat. Pour y parvenir, nous basculerons du concept de capitalisme vers la notion plus aboutie d’économie monétaire capitaliste. Ceci nous permettra d’élargir les perspectives du débat : un système économique fondé sur d’autres valeurs que le profit et la monnaie est-il la solution, permettra-t-il d’évacuer les pulsions destructrices des hommes plutôt que de les véhiculer ?

    C’est un vaste sujet qui déborde le cadre de ce livre, mais auquel il peut cependant servir de point de départ. Les faiblesses sont identifiées, des embryons de piste sont évoqués, des concepts sont avancés. Une lourde tâche reste encore à accomplir mais ne doit-on pas considérer que dans une tentative de résolution, lorsque le problème est bien posé, la plus grande partie du chemin a déjà été parcourue ?

    Une économie de la croissance

    Depuis l’antiquité, l’expansion économique a connu des phases de flux et de reflux, des zones de prospérité et de progrès et des zones de régression qui se sont déplacées. Dans cette dynamique, plus qu’une rupture, la révolution industrielle a marqué une accélération déterminante, ancrant définitivement dans l’histoire le basculement de la société d’un système agricole féodal vers un système marchand puis industriel et financier toujours plus centré sur le capital. Cette organisation économique qui a trouvé son meilleur terreau au sein des démocraties, s’est d’abord organisée en Europe et aux États Unis, avant de se diffuser progressivement sur la quasi-totalité de la planète, emportant au passage nombre de gouvernements non démocratiques.

    Dans cette première partie, nous allons tout d’abord nous attacher à montrer que ce modèle dominant de société capitaliste porte en lui-même tout un faisceau convergent de facteurs d’ordre économique et humain poussant vers une croissance récurrente. L’évolution du taux de croissance économique est fluctuante, nous l’avons dit. Le terme de récurrence doit s’entendre ici comme l’affirmation d’un besoin permanent et vital, qui sur le long terme ne peut qu’être satisfait.

    Dans le deuxième chapitre, nous mettrons ensuite en évidence les instruments que le système a progressivement élaborés pour assurer l’accomplissement de cette finalité. Pour ce-faire nous allons construire un cadre théorique de raisonnement qui nous servira tout au long de ce livre.

    Auparavant devons-nous encore préciser ce que nous entendons par croissance. Dans cette première partie nous nous bornerons à décrire la croissance en tant que mesure de variation positive d’agrégats économiques représentatifs du volume de production. Les aspects plus qualitatifs d’une économie en croissance, généralement regroupés sous le terme de développement économique seront abordés ultérieurement. Cette croissance-là est pour nous un terme contemporain, qui n’est pas sans rappeler le phénomène que Marx en son temps a appelé « reproduction élargie », par opposition à la « reproduction à l’identique », en ce sens qu’il signifie que le système ne fait pas que s’auto-entretenir, mais qu’il progresse en termes de volume de production et de volume d’accumulation de capital.

    Le taux croissance est communément mesuré à travers l’évolution du Produit Intérieur Brut. Il s’agit donc bien d’une expression de nature quantitative. Elle est représentative de la somme des valeurs ajoutées produites au sein d’un territoire donné. C’est une mesure imparfaite de la réalité des activités, mais elle suffit à illustrer la teneur de notre propos. Aussi, quand nous évoquerons le terme de croissance, ce sera en référence à cet agrégat aussi bien en ce qui concerne l’étude des déterminants de sa tendance que celle des outils qui la servent.

    La satisfaction de ce besoin de croissance induit des déformations qui peuvent à terme compromettre sa réalisation. Selon Marx, c’est la notion de limite à l’accumulation de capital qui est à l’origine de cette dialectique du capitalisme. Bien que notre vision de ce phénomène soit différente de celle communément admise, il n’en demeure pas moins une contrainte majeure du mode de fonctionnement capitaliste et sera régulièrement questionné tout au long de cet ouvrage.

    CHAPITRE I

    LES MOTEURS DE LA CROISSANCE

    Les principaux facteurs engendrant la croissance sont issus de deux groupes de phénomènes complémentaires, l’un relevant d’une logique transcendante économique, l’autre d’une pulsion humaine immanente. Les deux sections qui suivent s’emploieront à décrypter pour la première, la rationalité de groupe en tant que catégorie socioprofessionnelle ancrée dans une logique entrepreneuriale visant à la maximisation de la richesse ; et pour la deuxième, l’irrationalité individuelle représentative de mécanismes plus ou moins conscients régissant le comportement humain dans sa recherche de satisfaction.

    Nous allons donc étudier les fondements et les implications de cette croissance sous les feux croisés de ces deux approches. Parler de rationalité des agents économiques ne sous-entend pas que leur rationalité soit parfaite, comme l’a montré Herbert Simon dans sa théorie sur les agents à rationalité limitée. Nous souhaitons surtout exprimer par là la différence entre leurs actes planifiés en tant qu’acteur global et leurs agissements spontanés en tant qu’acteur individuel.

    Pour ce-faire, la première section se fondera sur le socle théorique de l’approche marxiste non pas par idéologie, nous aurons d’ailleurs l’occasion plus loin de nous appuyer tour à tour, au gré de leur pertinence, sur les concepts de chacun des principaux courants de pensée, mais parce que Marx a mis en lumière des phénomènes qui en la matière nous paraissent fondamentaux. Les concepts de surexploitation du travail et d’accumulation du capital sont centraux et se vérifient pleinement dans l’économie moderne. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de les redécouvrir à travers une approche radicalement différente et plus moderne dans notre chapitre sur le profit et le phénomène de richesse.

    La deuxième section partira d’études sociologiques et analytiques pour montrer en quoi, indépendamment de la logique capitaliste, les mécanismes propres à la psyché humaine participent à cette dynamique de la croissance, aussi bien en influençant le comportement des entités que celui des individus au sein de ces mêmes entités.

    1 – La machine et l’homme, ou l’influence du déterminisme économique

    Depuis la révolution industrielle, le monde occidental et plus récemment la quasi-totalité des continents ont progressivement basculé vers une organisation économique et sociale où le salariat de masse et partant le capitalisme, les pays communistes ne l’étant plus, constituent la référence majeure. D’un point de vue macroéconomique, en nous fondant plus particulièrement sur le courant marxien, nous allons mettre en évidence les mécanismes fondamentaux d’un tel type de société. Ceci nous permettra ensuite d’exposer les raisons qui la poussent vers toujours plus de croissance, et nous amènera à nous interroger sur les conséquences de cette croissance.

    Un environnement capitaliste

    Marx nous a fourni une formulation théorique globale de la société capitaliste dont la pertinence demeure intacte en ce qu’elle exprime bien l’antagonisme social de classe enfermé dans sa dialectique et la prépondérance de l’accumulation du capital. Lui seul en effet s’est attaché à décrire et à formuler le rapport salarial et la logique entrepreneuriale en des termes contemporains. Comme annoncé en préambule, en dehors de toute polémique, nous nous emploierons à extraire l’incontestable « substantifique moelle » de ses principes afin qu’elle serve de trame pour présenter le cadre institutionnel qui servira de support à notre réflexion. En fin de cet ouvrage, nous irons plus loin et il nous sera donné d’apporter un éclairage différent sur certaines de ses thèses qui justement suscitent un débat.

    Pour ce-faire, il convient dans un premier temps de procéder à un bref survol de la théorie marxiste pour rappeler les points suivants :

    Le concept même de capitalisme repose sur la propriété privée du capital et donc sur sa soumission à la seule loi du profit. Dans sa recherche, la notion de valeur est centrale. Marx distingue la valeur d’usage, liée à l’utilité de la marchandise, de la valeur d’échange, qui est un rapport quantitatif entre deux valeurs. Cette valeur d’échange d’une marchandise donnée est mesurée en termes de travail coagulé pour la produire, et est exprimée en unités monétaires. Le prix est donc représentatif de la valeur-travail incorporée. Il en découle deux choses : premièrement une même marchandise peut et a en général une valeur d’usage différente de sa valeur d’échange et deuxièmement, la terre ou les matières premières en l’état brut n’ont pas de valeur d’échange, bien qu’ayant une réelle utilité et même un prix. Ce prix correspond à la rente capitalisée qu’en tire leur propriétaire. La valeur d’échange d’une matière première est nulle puisque l’unique source de cette valeur pour un bien donné, sa substance même, est le travail fourni pour le produire.

    Concernant les marchandises, par un chemin détourné, Marx rejoint paradoxalement les libéraux qui voient les prix se former en fonction de l’offre et la demande, indépendamment de la valeur intrinsèque de la marchandise. En effet il admet que le prix exprimant la valeur d’échange puisse osciller autour de sa valeur moyenne selon les conditions du marché.

    Le cas des matières premières, soulève un débat intéressant qui mérite d’être poussé plus avant. Un développement spécifique sur leur statut nous paraît nécessaire, et ce sera l’un des objets de notre chapitre sur la notion de richesse.

    Notons au passage que la monnaie ne représente ici qu’un dénominateur commun permettant d’exprimer une valeur en termes uniformément reconnus.

    Quoi qu’il en soit, pour notre propos, nous pouvons considérer l’énoncé de ce principe comme satisfaisant en ce qui concerne les biens manufacturés et les services marchands, même si la notion de valeur liée au travail relève plus de l’intuition que de la démonstration. Poursuivons plus avant et examinons la célèbre formulation générale du capital, qui en découle, exprimée sous la forme A - M - A’, qui indique qu’une certaine somme d’argent (A) apportée au système capitaliste se verra transformée en marchandise (M), elle-même vendue en échange d’une nouvelle somme d’argent (A’), nécessairement supérieure à A.

    Or, la notion de valeur d’usage implique que dans la relation marchande on échange des valeurs équivalentes, aussi bien dans la relation A – M, que dans la relation M – A’. Pour que l’inégalité A < A’ soit vérifiée, il faut nécessairement qu’il y ait une marchandise dont la consommation soit source de valeur, c'est-à-dire une marchandise qui, en entrant dans le procès de production d’une autre, en augmente la valeur d’usage. Cette marchandise, par élimination ne peut être que la force de travail qui n’est pas rémunérée à sa vraie valeur.

    De cette démonstration découle un deuxième postulat. C’est celui de l’exploitation du travailleur par le capitaliste, puisqu’il apparait une notion de sur-travail non rémunéré. Le capitaliste paie effectivement au travailleur sa force de travail et non le travail abstrait qu’il fournit. Cette exploitation est à l’origine du profit du capitaliste, et est même la condition sine qua none du capitalisme. Elle peut se formuler de la manière suivante :

    Taux de plus-value =  e  =

      =

      =

    Avec v = capital variable = masse salariale

    Notons quand même que le rapport (m/v) n’est stable qu’à l’intérieur de périodes homogènes, il dépend à la fois de la productivité du travail et de l’état du rapport de forces entre travail et capital.

    Pour obtenir une vision complète de la rentabilité de l’activité capitaliste, il faut intégrer à la plus-value issue de l’exploitation de la force de travail, la quantité de capital constant nécessaire à la production, c'est-à-dire le montant des investissements matériels nécessaires (c).

    Le taux de profit peut alors s’écrire :

    Taux de profit  =  r  =

       =      =     *

     = 

    Le profit du capitaliste dépendra donc à la fois du taux de plus-value, ou taux d’exploitation (m/v) extorqué aux travailleurs, avec une corrélation positive, et de la composition organique du capital, ou taux de mécanisation (c/v) avec une corrélation négative.

    Ici, nous touchons au cœur même de la théorie marxiste car la composition organique du capital que nous venons de mettre en évidence est le point pivot de la loi de la baisse tendancielle du taux de profit. Ce taux de profit, en raison de la mobilité des capitaux doit s’égaliser dans tous les secteurs et sa baisse tendancielle prend sa source dans l’accumulation nécessaire de capital constant. Nécessaire en raison d’une mécanisation croissante et en vue d’une reproduction élargie, elle-même incontournable car inhérente au système capitaliste, nous verrons pourquoi dans la sous-section suivante.

    Avant d’étudier plus avant ce phénomène, il est nécessaire de s’interroger sur les restrictions qui ont pu être faites quant à la lecture directe de Marx par ses détracteurs. Ces restrictions tiennent notamment  au fait que Marx a considéré que dans le procès de production, le coût d’une marchandise était égal à la valeur des marchandises consommées au cours de sa production, alors qu’en réalité c’est leur prix qu’il fallait prendre en considération, de façon à obtenir un output et des inputs exprimés avec dans une même grandeur. Ainsi, le cheminement valeur – taux de profit – prix de production ne serait plus valide, car les prix de production peuvent se former indépendamment des valeurs des marchandises consommées, et notamment sur le marché selon la loi de l’offre et la demande chère aux Néoclassiques. Il en va de même pour le prix de vente de la marchandise finale.

    Cette restriction sur la possibilité de convertir la valeur en prix, formulée par Bohm et Bawerk dans leur « théorie du capital » et reprise par Bortkiewicz a soulevé un énorme débat et suscité de nombreuses réactions visant à expliquer en quoi la théorie de la péréquation du taux de profit restait valable. L’argumentaire général acceptant l’erreur, mais s’employant parallèlement à la minimiser. Une des solutions proposées est de reformuler le taux de profit sous la forme suivante :

               R =  

    Avec k qui n’exprime plus la composition organique du capital, mais la composition organique d’une marchandise abstraite, composite, dont la production reflèterait les conditions d’une croissance équilibrée et homothétique. Cette reformulation aboutit à disjoindre la double transformation nécessaire chez Marx des valeurs en prix et de la plus-value globale en profit global, tout en maintenant une relation entre le taux de profit et le taux d’exploitation, dans la mesure où la somme des prix coïncide avec la somme des valeurs.

    Nous devrons ensuite considérer que la plus-value (m) n’est pas seulement déterminée par le sur-travail (non rémunéré), mais aussi par l’écart que dictera le marché entre la valeur d’échange de la marchandise et son prix.

    La véritable équation sera alors :

    R =

    La nature globale de la relation n’est donc pas altérée dans la mesure où les liens de causalité restent orientés dans le même sens, mais avec une plus grande élasticité.

    Michel Rosier, à la suite du courant marxiste américain de Baran et Sweesy, adopte une autre démarche qui réfute l’idée que Marx ait réellement commis une erreur en attribuant des valeurs aux inputs de production, donc des valeurs de travail incorporé, et non des prix donc les quantités de travail que les prix représentent. Il expose que Marx connaissait la difficulté soulevée par sa « simplification » et regrette qu’il ne l’ait pas analysée plus profondément, car il aurait alors pu remarquer que la cause réelle de cette difficulté était un écart « entre la valeur-travail incorporé de la totalité des biens utilisés productivement et la valeur en échange de cette même totalité ». Précisément l’analyse de Rosier tend à montrer que cette difficulté est sans conséquence pour sa théorie de la production de la valeur dès lors que l’on se situe dans le cadre d’une reproduction élargie, ce que Bortkiewicz n’a pas fait.

    Plus généralement, il s’est toujours trouvé des détracteurs de Marx qui, en reformulant ses équations ont cru montrer une incohérence. Une théorie globale ne saurait se résumer à des équations, incapables par construction de saisir tous les aspects d’un système complexe, notamment chez Marx qui n’a pas cherché à construire un modèle économétrique. Il en va de même pour sa négation qui elle aussi par construction n’est qu’une démonstration partielle. Si véritable erreur de Marx il doit y avoir, peut être doit-on plutôt la chercher ailleurs et sous les différents angles suivants :

    – du côté diagnostic : bien que le fonctionnement du système bancaire ait été abordé, le rôle joué par les signes monétaires dans le processus d’accumulation semble avoir été négligé, et plus particulièrement, la distinction entre offre de crédit d’épargne et offre de monnaie n’a pas été suffisamment mise en évidence. Nous verrons en effet que ces deux types d’offre ne réclament pas les mêmes conditions d’application.

    – du côté des conséquences déduites de ce diagnostic : Marx a occulté, derrière une approche matérialiste faisant fi des individualismes, les caractéristiques de la nature humaine telles que l’envie de liberté ou le besoin de compétition. Ces facteurs peuvent être un obstacle au bon déroulement d’un communisme uniformisateur.

    – du côté de la dynamique d’ensemble : alors que le capitalisme a fort justement été décrit comme mobile et apatride, il n’a été pris en considération ni l’enracinement des hommes sur leur territoire d’origine, ni les disparités d’évolution entre ces territoires avec les distorsions de concurrence que cela implique.

    Les règles de fonctionnement du mode de production capitaliste sont donc établies sur un fond de lutte sociale pour le partage de la plus-value,

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