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Une nouvelle ère guerrière

Le 24 février restera dans les livres d’Histoire comme le jour où le monde a basculé dans l’inconnu, renouant avec une logique que l’on croyait révolue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale – l’invasion d’un pays souverain et le spectre d’une guerre nucléaire. Nous sommes encore loin d’en mesurer toutes les conséquences. Mais elles seront assurément durables sur les plans économique, militaire et diplomatique.

Une guerre froide version XXIe siècle

La scène semble tout droit sortie du film Docteur Folamour, de Stanley Kubrick. Assis à l’une de ses fameuses tables surdimensionnées, Vladimir Poutine, bunkérisé dans son palais, dégaine, face ca mé ra, la menace nucléaire. Ce 28 février, quatre jours après l’invasion russe de l’Ukraine, voilà le monde saisi d’effroi. Les commentateurs cherchent leurs repères: s’agit-il d’un remake de la guerre froide? Sommesnous à l’orée du troisième conflit mondial? «Une chose est sûre: l’ancien monde a disparu, tranche Richard Shirreff, général britannique retraité et ancien commandant de l’Otan. Un nouveau rideau de fer s’est abattu et l’organisation transatlantique a désormais une nouvelle frontière à l’est de l’Europe.» Derrière cette ligne, une zone grise, tournée vers l’Occident, mais privée de la protection de l’Otan.

« Nos dirigeants s’étaient endormis au volant! déplore encore le général Shirreff, qui évoquait le scénario actuel dès 2017 dans un roman d’anticipation intitulé War with Russia. Ils n’ont pas vu venir la catastrophe. Dès 2008, pourtant, après l’occupation de la Géorgie, nous avions la réalité sous les yeux: Poutine était un homme déterminé à changer les frontières de l’Europe par la force.» Sa déclaration de guerre aura contraint les Occidentaux à choisir leur camp. Vladimir Poutine, qui se délecte des trahisons au sein de la famille transatlantique, ne s’attendait probablement pas à un tel sursaut. Entre le retrait unilatéral des Etats-Unis d’Afghanistan à l’été 2021, le coup de Trafalgar du pacte de sécurité Aukus (Australie, Royaume-Uni et Etats-Unis) en Asie-Pacifique – aux dépens de la France – et la plaie encore béante du Brexit, tout indiquait que l’Ouest avait perdu sa boussole. Le maître du Kremlin en a profité pour avancer.

Mais avant de lancer sa folle guerre, Moscou a scellé un pacte de la plus haute importance avec la Chine. Invité d’honneur de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques à Pékin, début février, Poutine a célébré une amitié d’une qualité «sans précédent». Pour l’occasion, le président russe, connu pour son extrême prudence face au Covid-19, a même tombé le masque aux côtés de son homologue Xi Jinping. Leur ennemi commun? Les Etats-Unis, leader d’un ordre mondial que Moscou et Pékin veulent enterrer. «Les deux pays sont alignés comme jamais, commente Eugene Chausovsky, chercheur à au New Lines Institute à Washington. La Russie a opéré son propre pivot vers l’Asie il y a une dizaine d’années pour diversifier ses partenaires, une dynamique renforcée par les sanctions occidentales contre l’annexion de la Crimée en 2014. La Chine y a vu une opportunité en or.» Les deux pays ont musclé leur partenariat militaire (au point de multiplier les exercices conjoints) et économique. Pékin a d’ailleurs signé, début février, un contrat de fourniture de 10 milliards de mètres cubes de gaz naturel russe supplémentaires. Et sur le plan diplomatique, Xi Jinping et Vladimir Poutine ont montré un front uni lors

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