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Solidarité internationale: Écologie, économie et finance solidaire
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Livre électronique276 pages2 heures

Solidarité internationale: Écologie, économie et finance solidaire

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À propos de ce livre électronique

Dans l’espace public, l’aide humanitaire occupe la première place de la coopération internationale. Elle panse les dégâts de toutes les crises. Cependant, une autre partie de cette coopération invente des transitions vers un développement durable au Sud. La solidarité internationale, adossée au développement d’économies de proximité, est désormais à l’ordre du jour. Comment en effet répondre aux enjeux planétaires telles l’urgence écologique, la montée des inégalités, la mise à mal des démocraties et la présence d’intégrismes religieux comblant le vide actuel d’horizon collectif ? Comment accompagner des communautés de plus en plus laissées à elles-mêmes par les États ?

Depuis une décennie, un double virage, écologique et économique, traverse la coopération. Cet ouvrage présente l’itinéraire d’organisations de coopération internationale (OCI), de coopératives, de groupes de producteurs agricoles et de syndicats qui ont pris ce tournant en tissant la toile d’une solidarité économique favorisant sécurité alimentaire, accès au crédit et lutte contre la précarité énergétique. Une solidarité misant sur la finance solidaire ouvre ainsi un nouvel espace des possibles : l’épargne du Nord soutenant des investissements socioéconomiques au Sud qui réinventent l’espoir.

Fruit condensé d’un long parcours de deux chercheurs engagés depuis des décennies dans ce domaine, cet ouvrage intéressera les intervenants et décideurs de la coopération internationale (OCI, municipalités, collèges et universités), les organisations sociales sensibles aux collaborations avec leurs équivalents au Sud, ainsi que les étudiants en développement international, en organisation communautaire et, plus généralement, en sciences sociales.
LangueFrançais
Date de sortie27 févr. 2019
ISBN9782760550773
Solidarité internationale: Écologie, économie et finance solidaire

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    Aperçu du livre

    Solidarité internationale - Louis Favreau

    (<http://www.fondssolidaritesud.org>).

    1

    Solidarité internationale et développement des communautés à l’heure de l’urgence climatique

    Dans quelle conjoncture politique internationale sommesnous ? Le devant de scène est occupé par des migrations massives (faites de réfugiés de la précarité, de réfugiés des conflits armés et de réfugiés du dérèglement climatique – inondations et sécheresses). La consternation et l’insécurité ont commencé à nous habiter à la suite de ces migrations de plus en plus imposantes avec lesquelles nous étions si peu familiers. Simultanément s’est profilé un virage populiste de nombreux gouvernements d’Europe et en Amérique du Nord (États-Unis, provinces du Canada). En fin de compte, un vif sentiment d’impuissance a gagné du terrain chez les uns et les autres. Cependant, ce devant de scène cache probablement en fait une arrière-scène moins ou peu connue : des centaines de milliers d’initiatives citoyennes de par le monde nous ouvrent de nouveaux possibles. La situation internationale actuelle est, à bien des égards, inédite. Ce premier chapitre veut fournir quelques repères stratégiques pour mieux comprendre les mutations en cours de ce début de XXIe siècle avant d’aborder par la suite des mobilisations porteuses et les propositions qu’elles recèlent pour la solidarité internationale.

    LES SOCIÉTÉS DU SUD SONT SOUS TENSION : L’URGENCE DE PENSER CE QUI VIENT

    Les dérèglements climatiques et les migrations se partagent la scène internationale

    Migrations, terrorisme et changement climatique ? Ces trois coordonnées ont à première vue peu de choses à voir ensemble. Et pourtant, le rapport publié en 2017 par le groupe de réflexion (think tank) allemand Adelphi est clair, d’une part : « Le changement climatique ne crée pas le terrorisme, mais il contribue à créer un environnement favorable à son développement¹. » Croisé avec l’insécurité alimentaire, le changement climatique agit comme un multiplicateur de menaces. D’autre part, les résultats des dernières conférences climatiques (COP23 et One Planet Summit en 2017) ont été nettement insuffisants selon l’analyse du Groupe de réflexion sur le développement international et la coopération (GREDIC) :

    15 364 scientifiques de 184 pays viennent de publier un manifeste dénonçant le peu de mesures prises pour contrer le changement climatique potentiellement catastrophique. […] Parmi les mesures annoncées qui auront des impacts positifs dans les pays pauvres, citons ceux-ci [sic] : la fin des financements de la Banque mondiale pour l’extraction de pétrole et de gaz ; la création de fonds spécifiques pour lutter contre la dégradation des terres et la désertification et pour le transfert de l’innovation agronomique ; la mise sur pied d’un groupe de travail sur l’adaptation de l’agriculture aux changements climatiques. D’autres initiatives restent cependant à être financées concernant l’environnement et l’eau. (GREDIC, 2017)

    Ce ne sont pas que des scientifiques et des dirigeants politiques qui le disent, des artistes internationalement reconnus comme Joan Baez et des dirigeants d’organisations communautaires et écologiques comme Txetx Etcheverry de l’association Bizi ! au Pays basque l’avancent avec encore plus de force :

    Ma plus grande inquiétude aujourd’hui concerne le réchauffement climatique, et comment y faire face. C’est un enjeu qui nous concerne tous, quels que soient notre camp politique et notre couleur de peau. Il nous faudrait un autre monde comme je le chante dans Another World. Mais c’est une question écrasante qui me dépasse, et je préfère me concentrer sur des actions locales, sur le possible. (Armanet, 2018)

    Le climat détermine tous les autres pans de la vie sur Terre, les conditions de guerre et de paix, les possibilités de maintenir une démocratie. Et la biodiversité ne résistera pas au changement climatique s’il s’aggrave encore. Tout le reste est conditionné par le climat.

    Et puis, il y a une donnée particulière dans le climat, c’est le calendrier : on a dix ou quinze ans pour empêcher de passer à des seuils d’emballement irréversibles. Certes, en biodiversité, il y a aussi un calendrier pressant et on franchit des seuils, mais il y a des choses plus ou moins réversibles, on arrive à faire revivre des sols bétonnés et pollués…

    En ce qui concerne le climat, une fois qu’on a franchi le seuil, c’est fini. Si l’on croit ce que nous disent les scientifiques, cette bataille est centrale. Si on la perd, on perd toutes les autres. Et cette bataille se joue maintenant. ( Binctin, 2015)

    Les dernières années auront été de façon notable des années de grandes turbulences internationales. En devant de scène, l’État islamique (EI) et ses actes de terrorisme au Moyen-Orient, présent un peu partout dans le monde. Ce terrorisme – et l’intégrisme religieux qui l’accompagne – fait partie de l’équation internationale actuelle. Et dans le même devant de scène, une urgence climatique qui nous annonce semaine après semaine des situations catastrophiques sur la planète particulièrement pour les pays les plus socialement vulnérables du Sud (inondations, sécheresses, déforestation, récoltes dévastées, etc.). Et secours d’urgence exigés. Certains experts et certains courants écologistes affirment qu’il est peut-être trop tard. La dynamique générée par la COP21 a permis de voir que nombreux étaient les mouvements, certains États, des villes, des fondations qui n’ont pas renoncé : il y a des possibles en marche et quelques propositions consistantes sur la table internationale, comme sortir du pétrole, miser sur les énergies renouvelables, organiser le transport en commun électrique… Très peu de choses cependant pour faire face au désordre alimentaire mondial.

    Et dans ce devant de scène où figure comme conséquence directe des migrations massives, il ressort l’impression générale d’une conjoncture internationale chaotique où se croisent dans une interaction peu commune le social, le religieux, le politique et l’écologie. Un monde semble se défaire sous nos yeux. Et nous aurons de plus en plus à nous habituer au quotidien à des chocs liés à des événements de caractère planétaire. L’avenir même de la planète tout entière est menacé gravement par un capitalisme de multinationales agressif (Kempf, 2007) et par un Moyen-Orient dont certaines forces sociales et religieuses tentent de nous ramener un millénaire en arrière. Sommes-nous condamnés à l’impuissance et au cynisme ?

    Cette perception et les analyses qui la supportent ne sont pas fausses. Un des aspects peut-être les plus désespérants de la crise actuelle, c’est de constater que cette conjoncture chaotique vers laquelle nous entraînent très souvent les médias (traditionnels et sociaux) a un effet pervers : elle nous empêche de nous préparer à faire face aux enjeux les plus décisifs de ce siècle, comme la lutte contre le dérèglement climatique, la faim et la transformation en cours des modes de production agricoles et de consommation alimentaires devant nourrir dans les décennies à venir 9 milliards d’humains. En lieu et place de cette lutte, une offensive de multinationales (Parmentier, 2013, p. 161-167) et des démocraties de plus en plus mal en point (populismes, influence marquée des grands lobbies, etc.).

    En d’autres termes, on est en droit de se demander si la vitesse de déconstruction du monde avec de façon notable le poids de lobbies des énergies (fossiles) dans l’axe Énergieclimat et celui de l’agroalimentaire (agrobusiness) dans l’axe Agriculture et alimentation, n’apparaît pas l’emporter sur la vitesse de construction des initiatives citoyennes et des pouvoirs publics branchés sur une transition écologique. Question qui demeure encore sans réponse convaincante. Bref un horizon incertain d’autant qu’un conflit culturel anime le monde avec la montée des intégrismes, le tout dans un nouveau désordre mondial sur les plans diplomatique et commercial, ce qui vient handicaper une réponse forte et convergente à l’urgence écologique.

    Le tournant historique de nos sociétés

    Il n’y a pas si longtemps (2014), la Revue internationale d’éthique publique nous proposait d’écrire un article sur les nouvelles alternatives citoyennes dans le monde. Cet article ouvrait la question en avançant ceci :

    Nous vivons […] un nouveau moment historique du capitalisme avec la montée en puissance de sa financiarisation (et la crise de 2008 [qu’elle a provoquée]) ; avec la chute du mur de Berlin et l’implosion du communisme (ou plutôt des communismes) ; avec le retour des religions à l’avantscène de l’espace public mondial (et surtout des fondamentalismes) ; avec l’échec du développement dans les pays du Sud simultanément à la montée [de la précarité du travail] dans les pays du Nord ; avec l’urgence écologique, […] le réchauffement climatique [en tête de liste], menace de toutes les menaces sur ce plan. (Favreau, 2014)

    Au bout du compte, la démocratie mondiale balbutie, l’urgence écologique crée un niveau fort élevé d’incertitude, et la solidarité internationale sur le plan des États et des institutions est à son plus bas niveau (Rouillé d’Orfeuil, 2006, p. 69) depuis un bon moment.

    Dans les 30 dernières années, de grandes tendances ont en effet profondément changé le monde et expliquent en grande partie cette conjoncture. Retenons dans un premier temps une de ces tendances : la fin des communismes. Avec cette fin, quelque chose s’est produit qu’on ne soupçonnait pas. Le communisme qui fut un temps une utopie-modèle a laissé un vide. Lequel a fourni un terreau fertile pour des idéologies politico-religieuses liées à des fondamentalismes. Aux États-Unis, il y a le courant des Born Again Christians (avec a minima 70 millions de fidèles) qui essaiment sur toute la planète, tout particulièrement dans un certain nombre de pays du Sud, notamment en Amérique latine et en Afrique anglophone. Mais ce dernier, tout en alimentant un conservatisme profond servant de base à de nombreux partis politiques dont le Parti républicain américain et le Parti conservateur au Canada, demeure tempéré dans sa façon de faire.

    L’inédit dans le cas qui nous occupe ici est le fondamentalisme salafiste-wahhabite de l’Arabie saoudite présent dans de nombreux pays arabes de culture et de religion musulmanes (au Moyen-Orient, en Afrique du Nord mais aussi dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest), lequel est venu nourrir l’idéologie politique de l’EI et de ses semblables. Le journaliste et écrivain algérien Kamel Daoud (2015) disait récemment : « Qu’on ne se trompe pas, ce qui a lieu présentement n’est pas une guerre de civilisations », mais « une guerre contre la civilisation », ajoutait-il. Cette guerre n’est rien de moins qu’une guerre contre la connaissance scientifique, contre la culture(la musique, les arts), contre le plaisir de vivre, contre l’éducation, contre l’égalité des hommes et des femmes, contre les droits de la personne

    Le tout de cette situation a été adossé également, après la chute du mur de Berlin et l’implosion du communisme, à la force montante de la financiarisation du capitalisme, laquelle nous a conduits à deux décennies sur trois d’échec du développement dans les pays du Sud (les programmes d’ajustement structurel, par exemple). Simultanément, on a vu au Nord la montée généralisée de la précarité du travail.

    Mais tout n’est pas noir. Pendant ces 30 dernières années, une importante prise de conscience écologique a émergé dans les institutions internationales comme dans tous les mouvements sociaux du monde. Concept clé, le développement durable, qui aura sans doute été la plus grande percée conceptuelle de cette fin du XXe siècle. De cette percée ont découlé d’importantes mobilisations liées surtout, dans un premier temps, à la mouvance des écologistes (organisations non gouvernementales de développement [ONGD] environnementales, partis verts), puis, dans un deuxième temps, liées aux syndicats, aux coopératives, aux groupes de femmes, aux organisations paysannes et aux organisations de solidarité internationale. Nous y reviendrons tout au long de cet ouvrage. Le défi : la convergence de trois grands mouvements – écologique, social et économique.

    Le dérèglement climatique, un multiplicateur de menaces qui interroge les priorités d’action

    L’étude allemande déjà citée met en avant la vulnérabilité des États, surtout dans les pays du Sud, qui sont incapables de pallier les conséquences des changements environnementaux pour leur population. L’étude note que « depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la nature des conflits a changé, passant d’une prédominance de conflits entre États à des guerres civiles ou à des conflits armés à l’intérieur des États ». En utilisant les cas du Niger, du Nigeria, du Tchad et du Cameroun, le rapport fait référence au croisement d’une surexploitation des sols et de l’eau avec une pauvreté extrême des populations, donnant ainsi « un terreau fertile au développement de groupes […] tels que Boko Haram », notent les auteurs. Dans la région, le groupe terroriste n’a ainsi pas de mal à recruter : « Les jeunes peuvent se sentir marginalisés et délaissés par l’État, alors que les groupes armés leur offrent une sécurité économique et une possibilité de s’identifier. » Plongeant également dans la question syrienne, le rapport démontre que cinq années de sécheresse, étroitement liée au dérèglement climatique, ont conduit à un exode rural sans précédent. Bref, l’accès à l’eau et la sécurité alimentaire adossés aux conditions climatiques font partie de l’équation des causes des migrations massives en cours entre pays du Sud et du Sud vers le

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