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Encadrer aux cycles supérieurs: Étapes, problèmes et interventions
Encadrer aux cycles supérieurs: Étapes, problèmes et interventions
Encadrer aux cycles supérieurs: Étapes, problèmes et interventions
Livre électronique767 pages8 heures

Encadrer aux cycles supérieurs: Étapes, problèmes et interventions

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À propos de ce livre électronique

L’encadrement des étudiants aux cycles supérieurs fait partie des tâches des professeurs universitaires. Le fait d’avoir soi-même réussi une maîtrise ou un doctorat ne prépare cependant pas nécessairement ces derniers à accompagner des étudiants qui entreprennent de telles études. Les directeurs de recherche ont souvent à faire face à des difficultés qui dépassent largement les expériences qu’ils ont eux-mêmes vécues ou pour lesquelles ils ont été formés.

Encadrer aux cycles supérieurs: étapes, problèmes et interventions expose ces situations et les contextes qui les provoquent. L’ouvrage décrit les étapes du processus d’accompagnement – du premier contact avec l’étudiant jusqu’au dépôt du mémoire ou de la thèse –, les problèmes liés à chaque étape et les façons de les éviter, de les contourner ou de les résoudre. Des anecdotes et des cas concrets illustrent les propos de l’auteur. L’ouvrage aborde aussi les relations entre le directeur et l’étudiant, prônant des rencontres de travail les plus profitables possible. Il s’agit là d’un sujet jusqu’à maintenant peu discuté de manière explicite parce que la relation d’encadrement est souvent perçue comme étant de nature privée entre le directeur et l’étudiant – dimension qui peut aussi présenter son lot de difficultés.

Cet ouvrage sera utile à tous les professeurs universitaires, mais il intéressera aussi les professionnels et les cadres universitaires qui désirent comprendre les difficultés inhérentes au processus de formation et d’encadrement aux cycles supérieurs.
LangueFrançais
Date de sortie25 avr. 2019
ISBN9782760549371
Encadrer aux cycles supérieurs: Étapes, problèmes et interventions

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    Aperçu du livre

    Encadrer aux cycles supérieurs - Christian Bégin

    réservés

    Introduction

    On forme un étudiant aux cycles supérieurs pour qu’à la fin de son diplôme, il soit en mesure de mener une recherche du début jusqu’à la fin dans son domaine (maîtrise) et qu’il le fasse de façon autonome par une contribution originale à sa discipline (doctorat). Ce processus de formation à la recherche se fait évidemment autour d’un sujet de recherche, mais celui-ci est en fait l’objet nécessaire par lequel se développe la pratique de la recherche et autour duquel devrait se faire la démarche d’apprentissage.

    Vous accompagnez un étudiant en fonction du sujet qu’il a choisi (ou du sujet que vous lui imposez), mais ce que l’étudiant doit développer au-delà de la connaissance de son sujet, c’est de maîtriser de mieux en mieux le processus de réalisation d’une recherche. Cette maîtrise implique sa capacité à analyser les écrits, à les commenter, à les critiquer, à les mettre en relation pour en tirer une question pertinente. L’étudiant doit définir et expliquer les concepts utiles, articuler une méthodologie cohérente, être en mesure d’analyser les données obtenues, en tirer des interprétations adéquates et, en plus, rapporter par écrit de manière précise, claire et structurée, l’ensemble du processus.

    Il s’agit là d’activités que vous ne pouvez pas simplement dicter à l’étudiant pour qu’il les effectue avec précision et exactitude. Même si vous lui donniez une consigne claire avec des procédures explicites, cela ne garantirait pas qu’il puisse arriver à un produit adéquat. Ce sont des activités qui se développent par l’exécution, par la pratique et par les rétroactions sur cette pratique. L’accent doit être mis sur les processus de réflexion, de mise en relation, de critique et de raisonnement à acquérir ou à développer pour être en mesure d’effectuer la démarche de recherche de façon autonome. Il s’agit de lui apprendre à aborder un problème, une situation, à y « réfléchir » et à l’étudier par une démarche qu’il devrait être capable d’utiliser, à la fin, comme un spécialiste dans son domaine.

    On le verra dans les différents chapitres, la grande majorité des étudiants ont besoin d’un accompagnement soutenu pour une portion plus ou moins grande des étapes et des tâches pour mener à bien leur recherche. J’ai l’occasion d’entendre des directeurs se plaindre du peu de préparation des étudiants qu’ils encadrent. Ils expriment leur surprise face aux difficultés que des étudiants éprouvent pour effectuer des tâches qu’ils devraient pourtant maîtriser. La question qui est souvent posée est : « Est-ce qu’ils ne devraient pas déjà savoir comment faire ça ? »

    On se méprend souvent sur les apprentissages que les études antérieures devraient avoir permis de faire. Pourtant, comme je le décris dans le premier chapitre, le contexte des études de cycles supérieurs est très différent de ce qui est demandé dans les études antérieures. L’obtention d’un diplôme de premier cycle assure que l’étudiant a fait un certain nombre d’apprentissages. Il ne prépare pas nécessairement aux situations et aux conditions pour les études suivantes. Il en est de même pour le diplôme de maîtrise. Il indique que l’étudiant a fait les apprentissages requis et produit le document pertinent en fonction des exigences de ce diplôme, mais ça ne suggère nullement qu’il est prêt pour le doctorat ! D’ailleurs, on a tous encadré des étudiants qu’on n’a pas encouragés ou dirigés vers le doctorat parce qu’on jugeait qu’ils ne seraient pas en mesure de passer au travers. Le diplôme précédent ne prépare pas au diplôme suivant, il ne fait que confirmer que l’étudiant a atteint les objectifs prévus pour le diplôme obtenu.

    C’est pourquoi l’accompagnement des étudiants aux cycles supérieurs devrait être beaucoup plus qu’une simple correction de ce qu’ils produisent. Il faut anticiper que l’étudiant aura besoin d’un accompagnement pour développer des habiletés et des façons d’aborder les contenus liés à son sujet de même que gérer les situations liées à la recherche comme le ferait un spécialiste de son domaine. Cet accompagnement ne devrait pas se faire dans l’idée que l’étudiant sait comment faire les choses, au contraire. Il faut plutôt envisager que l’étudiant doit être mis en situation de pratique supervisée pour développer un projet de recherche et le mener jusqu’à sa réalisation et à sa diffusion (par le mémoire ou la thèse). Il appartient au directeur de recherche de créer les conditions pour favoriser cette pratique supervisée visant à amener l’étudiant à un degré de plus en plus grand d’autonomie.

    1 L’encadrement de la recherche

    Il va sans dire que le présent ouvrage aborde de façon précise l’encadrement aux cycles supérieurs dans des programmes de recherche. Les situations décrites à travers cet ouvrage s’adressent avant tout aux contextes d’accompagnement des étudiants dans ce type de situation. Toutefois, le contenu de certains chapitres pourrait certainement convenir aussi aux superviseurs d’étudiants inscrits dans un diplôme de maîtrise ou de doctorat avec une orientation plus professionnelle et à tous ceux qui doivent accompagner des étudiants dans un processus de production qui implique une relation d’encadrement particulière.

    Les études de cycles supérieurs se distinguent des études de premier cycle par le processus de recherche auquel les étudiants doivent se soumettre. C’est l’enjeu principal de la démarche et celui pour lequel la direction de recherche est nécessaire à la maîtrise aussi bien qu’au doctorat. Cependant, mis à part la réalisation du mémoire ou de la thèse, la finalité de la formation des programmes de maîtrise et de doctorat est rarement explicitée de manière harmonisée d’un programme à l’autre ou d’un établissement à l’autre pour un programme similaire. Les formulations utilisées pour définir les objectifs des programmes sont aussi très variées. Il s’agit de regarder les descripteurs des programmes d’un établissement à l’autre pour s’en rendre compte. Une étude de l’Association des doyens des études supérieures au Québec (ADESAQ, 2007, 2009) a d’ailleurs fait ressortir cette disparité entre les objectifs des programmes de maîtrise au Québec et entre la composition des programmes du Québec et des autres provinces du Canada. L’étude a déterminé que les finalités « idéales » pour les programmes de maîtrise n’étaient malheureusement pas celles qui étaient effectivement attendues par les professeurs et les établissements.

    Aux fins de clarté et pour assurer une compréhension des propos qui parcourent ce livre, il m’apparaît essentiel d’indiquer ici ce que je conçois des visées des programmes de maîtrise et de doctorat. Ces descriptions proviennent de l’analyse des objectifs de programmes de nombreux établissements ainsi que d’un certain nombre d’ouvrages et de documents qui présentent une réflexion sur les objectifs et les finalités des diplômes de grades supérieurs et qu’on retrouve dans les références. Elles s’inspirent également de ces deux rapports de l’ADESAQ. Elles permettront au lecteur de déterminer pour lui-même les éléments importants à prendre en compte dans son propre contexte, si les descriptions diffèrent de celles qui ont cours dans son milieu.

    2 La finalité d’un programme de maîtrise et de doctorat

    Un diplôme de maîtrise devrait initier l’étudiant au processus de recherche afin qu’il soit en mesure, à la fin de son diplôme, de reproduire de façon autonome le processus complet d’une recherche. Dans le cas du doctorat, cette finalité devrait permettre à l’étudiant d’amorcer et de mener à terme de façon autonome la réalisation d’une recherche ayant un apport original pour son domaine ou sa discipline.

    Dans le cas de la maîtrise, donc, il faut amener l’étudiant à pouvoir reproduire de manière autonome une démarche de recherche à partir d’un contexte ou d’une situation donnée dans sa discipline. Pour le doctorat, le processus de recherche demeure cependant le même, mais c’est dans le degré d’autonomie atteint à la fin du processus et l’apport d’une nouveauté dans la discipline que devrait se distinguer le diplôme. Cependant, dans tous les cas, l’encadrement aux cycles supérieurs implique d’accompagner des étudiants à acquérir, à développer et à maîtriser les habiletés et les processus propres à la réalisation d’une recherche.

    3 Organisation de l’ouvrage

    Notre façon d’encadrer ou d’accompagner les étudiants dans la réalisation de leur mémoire de maîtrise ou de leur thèse de doctorat se développe et se module au gré des expériences d’encadrement qu’on acquiert en tant que directeur de recherche et en fonction de nos propres expériences comme étudiant ayant été encadré. La comparaison avec ses propres expériences comme étudiant donne cependant rarement une idée juste et complète des contextes auxquels sont confrontés les étudiants. La façon avec laquelle nos propres directeurs de recherche se sont comportés à notre égard, nos situations personnelles, familiales, scolaires ou professionnelles pendant la poursuite de nos études de maîtrise et de doctorat et les conditions financières et l’environnement d’étude et de recherche sont autant de facteurs qui ont influencé cette expérience. Les étudiants qu’on encadre n’ont évidemment pas les mêmes caractéristiques et ne présentent pas les mêmes parcours les uns et les autres.

    C’est la raison pour laquelle la première partie de l’ouvrage porte essentiellement sur la description du contexte des études de maîtrise et de doctorat pour les étudiants. Ces premiers chapitres regroupent des informations relatives aux conditions de réussite et de persévérance des études à la maîtrise et au doctorat. Ces conditions sont importantes parce qu’elles servent à comprendre la nature du soutien et des besoins que les étudiants peuvent avoir pour mener à terme leur projet d’études. On peut considérer aisément pouvoir encadrer un étudiant sans connaître ces informations. Cependant, elles peuvent aider à comprendre certaines situations ou à prévoir des mesures ou des actions qui pourraient ne pas sembler nécessaires ou pertinentes sans la connaissance de ce qui affecte leur cheminement et leurs apprentissages.

    La deuxième partie du livre aborde les étapes préliminaires à l’encadrement et au suivi des étudiants. Elle comporte deux chapitres qui visent à décrire le processus de sélection de l’étudiant et les modalités de suivi et d’encadrement à mettre en place pour favoriser une relation productive et satisfaisante, aussi bien pour l’étudiant que pour le directeur lui-même. Comme je le mentionne alors, une très grande partie des problèmes qui surgissent au cours du processus d’encadrement auraient pu être dépistés ou anticipés au moment de la sélection de l’étudiant. Les modalités d’encadrement et de suivi qui sont proposées au chapitre 4 servent ensuite à établir un fonctionnement qui permettra au directeur de jouer son rôle en fonction de ses propres priorités tout en assurant un accompagnement optimal aux étudiants. Ne pas se retrouver enseveli par les demandes et les exigences des étudiants quand on veut bien faire est un sujet de grande préoccupation chez les directeurs de recherche. Bien que cette partie ne comporte que deux chapitres, elle est probablement la plus importante par rapport à la mise en place de la relation d’encadrement qui aura des répercussions sur toute la suite du processus. Les informations peuvent aussi facilement être transposées à d’autres contextes que celui de l’encadrement aux cycles supérieurs.

    La troisième partie représente le point central du livre par rapport à l’ampleur des aspects abordés. Elle porte sur le processus d’accompagnement dans les différentes étapes de réalisation de la recherche, du processus de recension des écrits jusqu’au dépôt du mémoire ou de la thèse. Avant d’entrer dans l’accompagnement dans les différentes étapes, le chapitre 5 aborde un certain nombre de dimensions relatives à ce processus d’accompagnement. Il vise à illustrer certaines grandes orientations qui sous-tendent la façon d’encadrer des étudiants aux cycles supérieurs et à délimiter des principes et des limites dans la façon d’accompagner l’étudiant au fil des étapes.

    Enfin, la quatrième partie aborde les problèmes et les situations critiques qui peuvent être rencontrés au cours de l’encadrement. Je les ai regroupés dans cette partie parce que souvent, c’est par l’apparition de problèmes ou de situations difficiles qu’il est possible de déterminer que quelque chose cloche dans notre accompagnement, ou encore que l’étudiant est confronté à des situations par lesquelles nous sommes directement ou indirectement concernés. Ces situations critiques concernent les difficultés de production de l’étudiant, mais elles font également référence aux problèmes de relation entre l’étudiant et le directeur de recherche.

    4 Une approche « problème » pour des suggestions concrètes

    Au cours des 20 dernières années, j’ai offert de nombreuses formations sur l’encadrement aux cycles supérieurs dans plusieurs établissements universitaires francophones du Québec ainsi qu’à l’Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick. J’ai rencontré des centaines de professeurs, au cours de ces formations et lors de rencontres individuelles, qui cherchaient à régler des problèmes qu’ils avaient avec des étudiants qu’ils encadraient. J’ai aussi œuvré à titre de psychologue auprès de plusieurs centaines d’étudiants dans le cadre d’ateliers portant sur les dimensions méthodologiques et relationnelles impliquées dans le processus de réalisation d’un mémoire ou d’une thèse. Au cours de ces ateliers et de mon travail de psychologue en aide à l’apprentissage à l’Université de Montréal et à l’Université du Québec à Montréal, j’ai également rencontré individuellement des dizaines d’étudiants confrontés à des problèmes d’avancement dans leur recherche ou avec leur directeur de recherche et qui venaient me consulter pour essayer de s’en sortir. Dans le même sens, des directeurs de recherche me recommandaient leurs étudiants parce qu’ils ne savaient plus trop comment les aider et cela me permettait ensuite d’intervenir auprès des directions pour les outiller face à de telles situations.

    Les suggestions et les situations auxquelles je réfère au fil des chapitres proviennent de ces interventions, de ces rencontres et des témoignages qui m’ont été transmis à la suite des ateliers et des rencontres. Elles proviennent aussi évidemment de ma propre expérience en tant que directeur de recherche, de mes « réussites » et de mes « erreurs » avec mes étudiants.

    Tout au long des chapitres, j’ai fait le choix d’aborder les situations et de les décrire en ayant en tête les problèmes et les difficultés que les directeurs de recherche sont susceptibles de rencontrer ou que les étudiants qu’ils encadrent peuvent connaître. Ce choix de procéder par les « problèmes » envisagés vise justement à les déterminer pour essayer de les éviter ou pour tenter de les résoudre, s’ils se présentent. Si les étudiants réussissaient tous et si les directeurs amenaient tous leurs étudiants à diplômer sans être confrontés à certaines difficultés, on ne se questionnerait pas sur l’encadrement à offrir aux cycles supérieurs.

    Dans les chapitres de la troisième partie, notamment, j’évoque les difficultés rencontrées par les étudiants dans la production des diverses sections de leur mémoire ou de leur thèse parce que ce sont ces difficultés, lorsqu’elles apparaissent, qui peuvent générer des problèmes au directeur de recherche, alors que les chapitres 3 et 4 sont surtout associés à l’établissement de la dynamique de la relation avec l’étudiant. Les suggestions d’intervention ou d’action sont alors ancrées dans la pratique auprès des étudiants eux-mêmes ou auprès de directeurs de recherche.

    Il est possible qu’à l’occasion, des suggestions ou des procédures paraissent complexes ou laissent penser qu’elles prennent beaucoup de temps. C’est en fait la structure écrite des suggestions qui peut donner cette impression. Mon approche vise au contraire à permettre au professeur de mettre le temps qu’il faut à l’encadrement sans devoir gruger sur ses autres tâches et responsabilités, tout en assurant d’offrir à l’étudiant le maximum de soutien et d’accompagnement.

    Je dois cependant préciser tout de suite que, malgré tout ce qu’on peut mettre en place comme accompagnement, encadrer un étudiant n’est jamais une démarche assurée de succès. J’ai moi-même parfois accepté des étudiants dont le processus de sélection me laissait penser qu’ils avaient tout pour rendre leur projet à terme. Quelques-uns ont quitté très tôt leurs études parce qu’ils s’étaient trouvé un emploi comme enseignant. Certains autres ont quitté leur recherche avant la fin, mais souvent après plusieurs trimestres de travail. J’avais alors très mal estimé leur intérêt réel pour les tâches propres au processus de recherche et de production. Par contre, j’ai accompagné des étudiants jusqu’à leur diplôme alors qu’au début, les difficultés rencontrées et les faiblesses que j’avais envisagées me donnaient l’impression qu’ils allaient se décourager avant la fin.

    Enfin, bien que je provienne de l’éducation et des sciences humaines (maîtrise en psychologie et doctorat en éducation), mes formations et mes interventions ont été faites auprès de professeurs et d’étudiants de tous les domaines et, pour les étudiants, aussi bien à la maîtrise qu’au doctorat. J’ai essayé de tenir compte de certains contextes et processus différents dans certaines disciplines afin d’apporter des nuances, lorsque cela était pertinent. Ces différences sont particulièrement significatives entre les domaines des sciences pures et appliquées et les autres disciplines comme les sciences humaines, sociales ou de l’éducation. Cependant, bien que les contextes soient parfois différents, les difficultés auxquelles je fais référence et que j’aborde dans les chapitres apparaissent dans toutes les disciplines. Au cours de toutes ces années, je n’ai jamais rencontré de difficultés de progression ou de performance qui soient propres à un domaine.

    Le contexte auquel je fais référence dans l’ouvrage concerne la production d’un mémoire ou d’une thèse dans son format traditionnel. La production de mémoires ou de thèses « par articles » est une formule de plus en plus utilisée, ce qui modifie un peu la structure des chapitres à laquelle je fais référence dans les différentes étapes de l’encadrement. Toutefois, même si la structure des mémoires ou des thèses est quelque peu différente dans ces cas, les « étapes » de production impliquent quand même les mêmes processus et les mêmes tâches. Elles comprennent des allers-retours entre les textes produits et les corrections du directeur. Elles impliquent aussi inévitablement un processus de sélection de l’étudiant, des modalités d’encadrement et une dynamique de rencontre et d’échange pour définir les choix méthodologiques et de collecte des données inhérents au processus de recherche.

    La différence la plus grande concerne les dernières étapes décrites dans le chapitre 11 où j’aborde la finalisation du mémoire ou de la thèse. Les moments clés auxquels je fais référence ne s’inscrivent pas nécessairement exactement de la même façon dans le contexte des versions « par articles ». Le lecteur saura certainement transposer à son propre contexte, à quel moment il pourra jouer sur les contraintes externes et sur l’approche de la « fin » du travail pour amener l’étudiant à accroître son engagement pour « enfin », compléter son travail.

    5 Les façons de consulter les chapitres

    Évidemment, l’ouvrage peut être lu du début jusqu’à la fin. Cependant, les exigences du travail professoral laissent rarement suffisamment de temps libre pour lire sur des sujets qui se détachent de nos propres objets de recherche. Un professeur en chimie, en anthropologie ou en communication aura rarement le temps de lire le livre d’un bout à l’autre, sans devoir le mettre de côté pendant des périodes plus ou moins prolongées… à moins d’être en période sabbatique ou encore d’avoir quelques heures par semaine à passer dans les transports en commun. C’est pourquoi j’ai essayé de rendre la consultation du livre la plus souple possible en permettant de le lire selon plusieurs entrées.

    Il est difficile de prévoir de quelle façon le lecteur voudra consulter un ouvrage portant sur le processus d’accompagnement à la maîtrise ou au doctorat. Dans certains cas, le sujet peut être attrayant parce qu’on rencontre des difficultés avec un étudiant (ou plusieurs) ou encore parce qu’on est confronté de façon régulière à un certain type de problème. On peut alors vouloir aborder l’ouvrage en fonction des difficultés étudiantes qui apparaissent à différents moments dans le processus, en fonction d’une étape particulière ou d’un contexte particulier qui amènerait à vouloir reconnaître ensuite des pistes d’action possibles. C’est pourquoi j’ai conçu une forme de référence à l’intérieur même de l’ouvrage pour permettre de s’y retrouver plus facilement. Ainsi, lorsqu’un sujet est abordé dans un chapitre, mais qu’il a aussi des ramifications ou des répercussions sur d’autres aspects traités ailleurs, j’ai inséré le chapitre et la section concernée. On peut alors s’y référer pour voir de quoi il est question ou le noter pour référence future.

    Une autre façon d’approcher le sujet est de relever les problèmes ou les thèmes qui reviennent le plus souvent dans les questions ou les préoccupations des directeurs. J’ai inséré, à la fin de l’ouvrage, en annexe C.1, une liste de ces sujets de préoccupations et les sections des chapitres qui en font mention. J’ai aussi ajouté en annexe C.2 une liste des fiches ou des informations qui abordent des sujets d’intérêt qui peuvent être consultées directement sans passer par une lecture systématique du livre ou d’un chapitre.

    On retrouve aussi dans la dernière partie du livre la description d’un nombre significatif de situations de conflits ou de difficultés. Bien que ces thèmes soient à la fin de l’ouvrage, ils peuvent représenter des sujets de premier intérêt parce que vous rencontrez de tels problèmes. Si vous commencez par ces sections, les références aux autres parties du livre vous permettent alors de naviguer au gré de vos besoins. Enfin, la table des matières pourra attirer le lecteur vers un chapitre qui lui semble plus pertinent en fonction des sujets.

    6 « Masculiniser » le texte

    J’ai intégré un certain nombre d’encadrés, au fil du texte, qui racontent des évènements, des situations réelles, des témoignages et des anecdotes pour illustrer mes propos ou donner des exemples qui proviennent, comme je l’explique plus loin, des rencontres que j’ai eues avec des professeurs et des étudiants. Les problèmes décrits impliquent évidemment aussi bien des professeurs masculins que féminins et des étudiants des deux sexes. J’ai fait cependant le choix de masculiniser tous mes propos pour une question de clarté et d’assurer une harmonisation du texte. J’ai fait ce choix lorsque à la relecture, j’ai réalisé que, pour une même situation, je pouvais passer du genre masculin au genre féminin pour évoquer les actions d’un directeur ou d’un étudiant. L’anecdote concernait parfois un étudiant avec sa directrice, parfois une étudiante avec son directeur ou encore des étudiants et des directions du même sexe. D’autres fois, la situation avait été rapportée par des étudiants des deux sexes ou des directions de recherche des deux sexes. Dans ma description ou mon explication, j’avais en tête différentes personnes de genres différents et si j’essayais de respecter le genre des personnes impliquées, cela créait des changements de genre à différents moments dans le même paragraphe qui rendait la compréhension plus difficile.

    Pour éviter des problèmes à décrire des situations qui pouvaient s’adresser aussi bien aux professeurs qu’aux professeures, j’ai décidé de toujours utiliser le genre masculin pour parler des professeurs, des directeurs de recherche et des étudiants. J’ai aussi fait ce choix pour assurer un maximum d’anonymat des situations décrites et des témoignages. Certains encadrés sont tirés d’échanges tenus pendant les formations et les ateliers, et ont été faits publiquement, mais d’autres situations viennent de témoignages ou d’échanges individuels. Enfin, j’aurais pu évidemment faire le choix de féminiser tous les termes, mais comme je parle parfois de mes propres expériences, ce choix aurait pu créer un drôle d’effet.

    Enfin, les orientations qui ont mené à la production de l’ouvrage sont évidemment teintées de mes propres conceptions de ce que devrait être l’encadrement des étudiants aux cycles supérieurs. Elles ont été maintes fois renforcées par les rencontres et les témoignages reçus de professeurs et d’étudiants confrontés à divers problèmes, mais bien que j’aie tenté de m’en tenir le plus possible à décrire des situations et des actions orientées vers la solution ou la prévention de situations problématiques, je n’ai pas la prétention de considérer que ce que je décris devrait représenter la quintessence de l’encadrement.

    Le processus d’encadrement se construit sur l’établissement d’un type de relation qui est lui-même teinté des conceptions et des perceptions que chacun possède du contexte de formation universitaire, en général, et de l’accompagnement en recherche, en particulier. En plus, il faut compter sur les habiletés personnelles de chacun (étudiant comme professeur) sur le plan relationnel. Ce sont les raisons pour lesquelles j’ai tenté de décrire ou d’expliquer la dynamique sous-jacente aux situations, afin de permettre à chacun de mieux comprendre les répercussions et les effets de ce qui est décrit et, éventuellement, d’adapter ce qui est proposé en fonction de son propre contexte et de ses propres conditions.

    PARTIE 1

    LES CONDITIONS ÉTUDIANTES

    Cette partie aborde les facteurs d’adaptation et les difficultés rencontrées par les étudiants au cours de leurs études aux cycles supérieurs, particulièrement en ce qui concerne les difficiles passages d’un niveau d’enseignement à l’autre, soit du premier cycle à la maîtrise et de la maîtrise au doctorat. Ces difficultés de transition sont souvent une source d’étonnement pour les professeurs. Plusieurs s’attendent à ce qu’un étudiant qui arrive à la maîtrise ou au doctorat ait acquis tout ce qu’il faut pour entreprendre et réussir ses études. Pourtant, ce n’est pas parce qu’un étudiant a obtenu des notes très élevées au premier cycle qu’il démontrera nécessairement des habiletés en recherche à la hauteur de ses performances scolaires dans ses cours. Ce n’est pas non plus parce qu’il a su mener à terme très rapidement sa maîtrise que son processus de formation doctorale sera aussi facile. Ces conditions d’adaptation et les difficultés propres aux situations constituent une proportion significative des causes des problèmes rencontrés au cours de leur cheminement et une grande partie des suggestions et des interventions proposées pour encadrer les étudiants dans la partie 3 du livre trouvent leur raison d’être dans ces conditions.

    Chapitre 1

    Les exigences et les contraintes des études aux cycles supérieurs

    J’ai décrit, dans l’introduction, les finalités que devrait viser chacun des diplômes de cycles supérieurs. Si l’on définit une finalité à atteindre pour les étudiants à la fin du programme, cela signifie que les étudiants ne sont pas réputés avoir fait ces apprentissages avant d’entreprendre ces études. On statue ainsi que les étudiants devront faire les apprentissages au cours de leur formation. Il faut garder en tête que l’étudiant qui s’inscrit à la maîtrise ou au doctorat y est pour développer de nouvelles compétences et qu’il est en apprentissage.

    J’entends régulièrement des professeurs reprocher à leurs étudiants de ne pas être préparés adéquatement (et aux ordres d’enseignement antérieurs, de ne pas les avoir préparés) pour les études qu’ils entreprennent. Pourtant, il est tout à fait normal que l’étudiant ne possède pas pleinement certaines habiletés au moment d’entreprendre ses études de maîtrise ou de doctorat et qu’elles doivent servir à les lui faire acquérir. Même dans ce cas, des rapports récents¹ font état d’un certain nombre de compétences qu’il faudrait aborder dans les programmes de cycles supérieurs, parce que les étudiants ne semblent pas les développer dans le contexte de leur formation.

    Passer d’un niveau d’études à l’autre, que ce soit du primaire au secondaire, du secondaire au collégial ou du premier cycle à la maîtrise, représente un saut important du point de vue des exigences, des tâches, des conditions d’études et même parfois de la culture particulière qui caractérise ce nouveau contexte. En ce sens, les études de maîtrise et de doctorat se démarquent des autres types d’études par un processus d’apprentissage qui se fait autour de la réalisation d’une recherche et la production d’un document qui en fait foi, et par des modalités de cheminement et de suivi qui impliquent la relation « privilégiée » avec un professeur. Il en résulte un certain nombre de situations propices à faire émerger des faiblesses ou des lacunes qui n’avaient jamais été perçues auparavant, ni par l’étudiant lui-même ni par les professeurs qui ont pu lui enseigner.

    Ce premier chapitre s’attarde aux difficultés d’adaptation inhérentes aux études de cycles supérieurs. Il m’apparaît important d’aborder ce sujet au début parce que, pour bien comprendre son rôle de directeur, celui-ci doit prendre conscience des défis que peuvent rencontrer ses étudiants. Les moyens d’intervenir pour les surmonter dans le cadre de son encadrement sont traités dans les autres chapitres.

    1 L’apprentissage d’un savoir-faire précis

    Le type d’apprentissage à faire aux cycles supérieurs n’est pas comparable à celui du premier cycle. Au premier cycle, l’accent est surtout mis sur l’acquisition des connaissances dans une discipline ou dans le développement de certaines compétences particulières. Aux cycles supérieurs, l’accent est mis sur le développement d’un savoir-faire associé à la réalisation d’une recherche et à la réflexion propre à son domaine d’études. En ce sens, ce ne sont plus les connaissances qui sont mises de l’avant, mais plutôt les compétences permettant de mener à terme la totalité d’une recherche et de pouvoir formaliser la démarche par la rédaction du mémoire ou de la thèse.

    Il faut évidemment que l’étudiant acquière un certain nombre de connaissances nouvelles ou qu’il approfondisse celles qu’il possède déjà pour être en mesure de discuter de manière cohérente et exacte de son sujet, mais c’est à travers les tâches liées à la réalisation de sa recherche que se feront ces apprentissages.

    Au premier cycle, les travaux sont produits en fonction de consignes relativement précises² et sur des sujets assez bien définis qui s’inscrivent dans le contexte de cours qui délimitent la matière à être couverte. Les étudiants remettent leurs travaux et obtiennent ensuite une note. Aucune activité de retour visant la correction ou l’amélioration du travail n’est effectuée. L’étudiant a ainsi été entraîné toute sa vie à suivre des cours structurés, à faire des examens et des travaux qui démontraient qu’il avait acquis les savoirs qui lui étaient enseignés.

    Par contre, aux cycles supérieurs, il se retrouve face à des tâches dont les paramètres sont habituellement plutôt vagues, déterminés par un contenu et des savoirs à aborder en fonction d’un sujet qu’il doit souvent lui-même définir, et chercher dans des ressources qu’il doit lui-même distinguer. S’il a été accepté à la maîtrise, c’est qu’il a su démontrer, par ses notes, un niveau de connaissance suffisant. Cela n’assure pas nécessairement qu’il saura développer les habiletés pour mener une recherche à terme et l’expérience réussie de la maîtrise n’est pas non plus garante de la réussite du doctorat.

    Les situations d’adaptation que je décris dans les pages suivantes sont issues des nombreux échanges, rencontres et discussions que j’ai eus avec les étudiants à propos des apprentissages qu’ils ont eu à faire et des difficultés qu’ils ont rencontrées au cours de leur maîtrise et de leur doctorat. Ces situations d’adaptation sont la cause de nombreux problèmes chez les étudiants, mais ils sont aussi les raisons pour lesquelles l’encadrement d’un professeur s’avère nécessaire.

    1.1 Le développement d’habiletés de lecture

    Ce facteur est probablement le plus important en matière d’effets négatifs, quant à la capacité de l’étudiant à pouvoir répondre aux exigences de production de son mémoire ou de sa thèse. On s’attendrait à ce que les étudiants qui entreprennent des études de maîtrise ou de doctorat soient outillés pour effectuer convenablement les tâches de lecture étant donné le nombre d’années d’études qu’ils viennent de réussir. Cependant, la tâche de lecture impliquée dans l’étape de recension des écrits à la maîtrise et au doctorat demeure très éloignée de ce que les étudiants ont eu à accomplir dans leurs études antérieures.

    Au premier cycle, la très grande majorité des activités de lecture d’un étudiant a servi à préparer des cours pour lesquels les enseignants reprenaient la matière couverte dans l’ouvrage. D’autres fois, la lecture servait de complément d’étude pour préparer un examen. D’autres fois encore, pour la rédaction de travaux, les besoins d’information nécessitaient une certaine recherche sur des sujets moins précis, mais les exigences demeuraient relativement limitées et circonscrites, soit en raison du nombre restreint de documents et leur détermination explicite, soit parce que la démarche s’inscrivait dans un travail dont les consignes et les contenus recherchés étaient bien définis, ou parce qu’ils servaient à répondre à des questions précises qui restreignaient l’ampleur des sources à traiter. Le travail de lecture consistait alors principalement à faire un assemblage de diverses informations dans le but de répondre à une demande relativement précise.

    À la maîtrise et au doctorat, le travail autonome d’appropriation des connaissances sur son sujet qui passe par la recension des écrits est d’un tout autre niveau. Il nécessite un degré d’analyse plus précis pour savoir reconnaître les aspects pertinents et utiles et mettre en relation des contenus issus de textes variés et différents. Il demande également une capacité de synthèse et de réflexion pour extraire et noter les éléments pertinents de la bonne façon pour aider à construire sa pensée. Ce sont des exigences qui ne font pas partie des activités habituellement demandées au premier cycle.

    C’est un apprentissage qu’on ne doit pas tenir pour acquis et pour lequel un encadrement plus ciblé s’avère souvent nécessaire (chapitre 6). Lorsqu’il n’est pas maîtrisé, il a des répercussions négatives importantes au moment de la rédaction (chapitre 8, sections 3 et 4.2 ; chapitre 13, sections 1 et 2.3.4). Cette capacité de procéder à la lecture des écrits de façon efficace devrait aussi se vérifier auprès des étudiants du doctorat. Dans leur cas, outre les expériences précédentes qui n’ont peut-être pas permis de développer autant qu’il le faudrait leurs habiletés à ce niveau, le degré d’approfondissement, l’apport novateur qu’ils doivent donner à leur sujet ou encore la durée et la complexité de la démarche peuvent présenter des défis supplémentaires (chapitre 2, section 4.1).

    1.2 L’adoption de propos d’un style de nature scientifique

    Les propos de nature scientifique impliquent d’introduire des nuances dans les propos et dans la façon d’articuler les informations pour qu’elles soient claires, sans prétendre affirmer constamment des « vérités ». Les étudiants qui ont eu peu de travaux à produire ou dont les travaux n’étaient pas de nature à rapporter des recherches sont plus susceptibles de rencontrer des difficultés et auront besoin de plus d’encadrement pour adopter des formulations adéquates. Je fais référence ici à des formulations fautives comme des généralisations abusives, des lieux communs, des façons de référer à des auteurs sans toujours reprendre la même formulation, etc. Cette façon d’écrire représente un savoir implicite qui s’est développé chez les professeurs au fil du temps et de leurs expériences d’écriture, mais qui se retrouve plus rarement chez les étudiants qui entreprennent leurs études aux cycles supérieurs. Habituellement, cette difficulté sera assez bien résolue au doctorat. C’est un savoir-faire qui ne s’acquiert que par la pratique et on ne doit pas s’attendre à ce que les étudiants maîtrisent cette façon d’écrire dès les premières productions.

    C’est d’ailleurs parfois une adaptation difficile pour certains étudiants, dans la mesure où ils ont pu produire de nombreux travaux auparavant (même dans le cadre de leur scolarité de maîtrise) sans qu’on leur mentionne que leurs productions ne respectaient pas ce style scientifique. J’aborde cet aspect précis dans différentes sections du chapitre 8 (sections 3.1, 3.2 et 3.14 à 3.16) et dans la façon de corriger l’étudiant (chapitre 11, sections 2 et 3), parce que l’accompagnement des étudiants doit se faire dès les premières productions et il peut s’avérer nécessaire de leur expliquer les règles et les exigences par rapport à ce type de rédaction.

    1.3 Des arguments ou des affirmations basés sur des écrits

    L’argumentation ou la présentation de propos basés sur des écrits est un autre savoir-faire qui doit être développé principalement à la maîtrise. Pour certains étudiants, le fait de présenter des positions qu’ils doivent appuyer par des écrits leur donne l’impression qu’ils ne peuvent pas avoir leur propre idée ou leur propre avis.

    Un étudiant³ que j’encadrais m’a déjà exprimé sa surprise (et sa déception) d’apprendre, à la suite de mes commentaires sur sa production, qu’il devait tout justifier et argumenter à partir des écrits. Je lui ai fait comprendre qu’il pouvait donner son avis, mais en s’appuyant sur ce qui s’était déjà écrit ou encore en critiquant ce que d’autres avaient avancé à partir d’arguments basés sur ce que la recherche avait proposé. On ne lui avait jamais demandé, dans ses études antérieures, de spécifier les auteurs ou les écrits sur lesquels il appuyait ses positions. La plupart du temps, les critiques qu’il était amené à faire devaient être basées sur des critères qu’on lui avait fournis dans les consignes de travaux et sur des textes précis. On ne lui demandait pas de fonder ses critiques sur d’autres auteurs, mais plutôt d’appliquer les connaissances acquises du cours pour les mettre en relation ou en contradiction avec des textes. Il m’a souvent exprimé son impression de se sentir brimé. Selon lui, la recherche ne pouvait pas progresser si on devait toujours s’appuyer sur d’autres auteurs pour avancer ses propres idées. Malgré mes tentatives d’explications, je ne suis jamais parvenu à lui faire voir toute la liberté qu’il pouvait prendre pour énoncer ses idées, même s’il devait s’appuyer sur des écrits…

    Cette difficulté se retrouve beaucoup dans la façon de rédiger les premières versions de leur texte dans la problématique et le cadre conceptuel (chapitre 8, sections 3.1 et 3.2). Les étudiants font aussi parfois difficilement la différence entre un avis personnel, un jugement de valeur, une critique et une position appuyée par des écrits. Les formules inadéquates ou l’absence de références pour certaines affirmations sont fréquentes. Il ne faut pas non plus s’en surprendre. Faire valoir son point de vue en faisant ressortir les points forts de ce sur quoi l’on s’appuie et les points faibles de ce à quoi l’on s’oppose ou dont on se distancie est une habileté qui se développe, mais elle peut nécessiter un accompagnement plus systématique lorsque l’étudiant démontre des difficultés à s’y habituer.

    2 Des étapes et des conditions particulières

    Le passage aux cycles supérieurs implique un nouveau contexte concernant les étapes à suivre et les conditions d’études. Ces étapes et ces conditions font partie des raisons pour lesquelles les étudiants vont éventuellement prendre du retard dans leur démarche ou rencontrer des problèmes à finaliser leur travail.

    2.1 Le travail sur le projet de recherche en parallèle de la scolarité

    Dans toutes leurs années d’études antérieures, les étudiants ont été habitués à répartir leur temps et leurs efforts entre un certain nombre de cours. La scolarité obligatoire pour les diplômes de maîtrise et de doctorat ne représente donc pas une situation nouvelle. C’est plutôt le travail sur la recherche qui est susceptible de causer des problèmes et c’est souvent la raison pour laquelle les étudiants croient à tort qu’il faut se concentrer sur leurs cours et remettre à plus tard, après la scolarité, le travail sur leur projet de recherche.

    Une des difficultés vient de ce que le projet de recherche ne s’inscrit pas dans un contexte aussi bien défini et réglementé que le sont les cours. Il n’y a pas de dates précises pour le dépôt des productions autres que de déposer éventuellement un projet et, plus tard, le mémoire ou la thèse. Ces obligations ne se situent pas dans un temps particulier, sinon, qu’elles doivent respecter des durées qui sont souvent approximatives.

    L’autre difficulté vient des exigences perçues comme étant plutôt vagues concernant la production de la recherche. L’étudiant sait qu’il doit avoir un sujet, mais dans la mesure où celui-ci n’est pas défini de façon claire par le directeur lui-même⁴, c’est sur l’étudiant que reposent le choix et le développement de son sujet. Au niveau de la maîtrise, particulièrement, c’est un processus souvent très difficile parce que l’étudiant se retrouve devant l’obligation d’avoir une idée approximative qu’il devra ensuite peaufiner et préciser pour produire son projet de recherche. Comme je le décris dans le chapitre 6, il s’agit là d’un processus peu familier pour l’étudiant moyen. Il aura de la difficulté à choisir, à définir et à préciser son sujet s’il n’est pas accompagné pour le faire.

    Ces deux caractéristiques font en sorte que l’étudiant aura plus tendance à se concentrer sur ses cours parce que les exigences sont beaucoup plus faciles à respecter, plus clairement définies dans le temps et que l’activité est récurrente chaque semaine. C’est un choix risqué qui peut nuire à sa capacité de faire avancer son projet de façon coordonnée avec les séminaires de recherches qui s’inscrivent souvent dans les différentes étapes de réalisation de la recherche. Par exemple, un étudiant qui n’a pas travaillé à son sujet de recherche et qui doit suivre un séminaire qui traite de différents enjeux de la méthodologie ou encore des analyses de données en retirera peu d’éléments pertinents parce qu’il ne sera pas en mesure de faire le lien entre les savoirs enseignés et ses propres besoins. J’ai rencontré des étudiants avec certaines difficultés de progression qui se rendaient compte, après coup, qu’ils n’étaient pas en mesure d’utiliser les travaux et les réflexions effectués dans le cadre de leur séminaire, parce qu’ils n’étaient pas pertinents à l’orientation que leur projet avait prise par la suite. Ils devaient donc recommencer une partie du travail qui aurait pu facilement, à l’époque, combiner la réponse avec les exigences du séminaire et l’avancement de leur propre projet. Ce sont des conditions qui peuvent également empêcher l’étudiant de terminer le diplôme dans les temps prévus.

    Si le directeur lui-même ne délimite pas les conditions et les exigences pour que l’étudiant puisse travailler rapidement sur son sujet, en parallèle à ses cours et dans des délais déterminés, il ne le fera probablement pas de façon autonome. Le directeur doit donc amener l’étudiant à travailler sur son projet de recherche le plus vite possible au début de sa démarche (chapitre 8, section 1).

    2.2 Une relation « privilégiée » avec un professeur

    La relation que l’étudiant entreprend avec son directeur de recherche constitue une des principales caractéristiques des études de cycles supérieurs. Cette relation représente d’ailleurs un des facteurs les plus importants dans la progression de l’étudiant et dans sa diplomation (chapitre 2, section 1). Elle est souvent sa première expérience d’un contact privilégié avec un professeur puisque la plupart du temps, la relation avec un professeur se limite à assister à ses cours et à l’écouter dans une classe. Peu d’étudiants auront eu d’autres occasions de discuter et d’échanger avec un professeur dans un autre contexte. Vouloir entrer en relation avec un professeur avec qui on n’a jamais eu d’échanges particuliers est en soi un contexte intimidant.

    Lorsqu’un étudiant approche un professeur pour le solliciter, cette démarche est très souvent empreinte d’un malaise, d’une gêne et d’une certaine appréhension de se faire rejeter. Il en résulte souvent une approche de l’étudiant qui est plus ou moins organisée et il ne lui viendra souvent aucune question ou demande particulière. Il ne saura pas vraiment comment se présenter, quoi dire de lui et quoi faire ressortir pour que vous acceptiez de l’encadrer. Particulièrement à la maîtrise, il aura peut-être un sujet en tête, mais sera peu habile à le définir, à moins que vous ne le questionniez de façon plus précise, ou il vous abordera en raison de vos propres champs d’intérêt en recherche sans pouvoir mieux circonscrire ce qui l’intéresse. Ces situations sont particulièrement importantes à préparer pour le directeur parce qu’elles peuvent l’aider à faire le choix d’accepter ou non un étudiant et circonscrire certaines difficultés et prévoir certaines conditions pour l’encadrement et le suivi du travail. Ce sont des éléments majeurs qui peuvent avoir des influences tout au cours du processus d’encadrement et qui seront abordés notamment dans les chapitres 3, 7, 8 et 14. Il ne faut donc pas sous-estimer l’importance de cette relation privilégiée et les impressions qu’elle peut créer chez l’étudiant.

    Même après avoir été acceptés, beaucoup d’étudiants ont de la difficulté à faire part de leurs désaccords, à faire connaître leurs difficultés ou à exprimer des doutes ou des incompréhensions par rapport à ce que vous venez de leur dire, parce qu’ils craignent de déplaire, de ne pas répondre aux attentes, de créer de l’insatisfaction et de mettre en danger la poursuite du travail avec vous s’ils ne montrent pas autant de qualités et de compétences qu’ils croient que vous avez pu vous imaginer. Ces impressions et ces craintes sont très présentes chez une grande majorité d’étudiants et elles teintent évidemment la façon dont les rencontres se déroulent, au moins pendant une certaine période au début de la relation d’encadrement. Chez certains, ces sentiments demeureront tout au cours de la démarche.

    C’est pourquoi il faut vérifier régulièrement la progression et la présence de problèmes ou de situations de blocage dans le travail des étudiants, parce qu’ils peuvent se montrer réticents à en faire part. Il ne faut pas attendre que l’étudiant décide de nous avertir par lui-même d’un problème pour considérer qu’une rencontre est nécessaire (chapitre 14, section 5). Il appartient au directeur d’organiser le suivi de l’étudiant pour éviter qu’il se retrouve pendant une période prolongée sans devoir faire rapport de ce qu’il produit ou de ce sur quoi il travaille (chapitre 4, sections 2 et 9 ; chapitre 8, section 1).

    Alors que je suis particulièrement sensible à ces craintes et à ces situations, je me rends compte que parfois encore, des étudiants n’ont pas fait appel à moi lorsqu’ils rencontraient des difficultés ou se sentaient bloqués, parce qu’ils ne voulaient pas me déranger. Je m’en rends compte parce que leur production laisse alors à désirer ou n’a pas l’ampleur attendue, parce qu’ils ont perdu beaucoup de temps à essayer de se débrouiller seul sans y parvenir. Je dois alors les encourager à m’envoyer au moins un courriel pour me signifier la difficulté afin d’évaluer le type d’aide que je peux leur fournir. Parfois, une simple explication par courriel aurait suffi.

    Ces situations sont beaucoup plus fréquentes que celles où l’étudiant aurait tendance à exagérer ses demandes ou la fréquence de celles-ci auprès de son directeur. Dans tous les cas, cette relation privilégiée implique justement de mettre en place des modalités de suivi qui tiennent compte des besoins de l’étudiant, mais également des obligations du professeur dans les autres sphères de son travail. C’est au directeur, et non à l’étudiant, d’aborder ces aspects pour établir

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