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Soutenir le goût de l'école, 2e édition: Le plaisir d'apprendre ensemble
Soutenir le goût de l'école, 2e édition: Le plaisir d'apprendre ensemble
Soutenir le goût de l'école, 2e édition: Le plaisir d'apprendre ensemble
Livre électronique580 pages5 heures

Soutenir le goût de l'école, 2e édition: Le plaisir d'apprendre ensemble

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À propos de ce livre électronique

Dans la première édition de Soutenir le goût de l’école, une question importante était posée : « Est-il réellement possible de soutenir le goût de l’école des élèves à risque de décrochage ou d’échec scolaire ? » Cette deuxième édition tente d’y répondre en proposant des approches et des stratégies portant sur le plaisir d’apprendre ensemble. Ainsi, ce collectif invite les lecteurs à s’investir dans des actions concrètes avec tous les enfants, actions qui visent à aider ces derniers à développer une affection pour l’école, un sentiment de bien-être et d’engagement envers « son » école et à affirmer une conviction collective qu’apprendre est agréable.

En plus des 13 chapitres remaniés et mis à jour, 4 nouveaux chapitres traitent de l’environnement et de la persévérance, de la pédagogie universelle pour soutenir l’engagement de l’élève, du recours aux technologies pour le développement du potentiel des jeunes et d’un modèle holistique d’apprentissage inspiré d’une approche autochtone.

Les praticiens et chercheurs qui ont contribué à ce collectif suscitent la réflexion et invitent à l’action en articulant leurs propos autour de trois thèmes principaux : « Le potentiel du jeune », « L’intervenant inspirant : pour un agir qui donne du sens à l’apprentissage » et, finalement, « Pour une école actualisée où tous sont engagés ».
LangueFrançais
Date de sortie27 mars 2020
ISBN9782760544741
Soutenir le goût de l'école, 2e édition: Le plaisir d'apprendre ensemble

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    Soutenir le goût de l'école, 2e édition - Sylvie Ouellet

    La réédition du collectif Soutenir le goût de l’école – le plaisir d’apprendre ensemble porte un titre qui résume l’action la plus importante qu’on peut poser pour tous les enfants, à savoir les accompagner pour qu’ils aiment l’école, qu’ils réussissent l’école, qu’ils sentent que l’école est un deuxième chez-soi et, surtout, pour qu’ils sachent qu’apprendre est agréable.

    Dans ce collectif, les textes des praticiens et des chercheurs suscitent la réflexion et l’action. Ils s’articulent autour de trois thèmes principaux, qui constituent les parties de l’ouvrage. La première partie propose un thème sur «Le potentiel du jeune», où ce dernier est au centre de nos préoccupations. Le deuxième thème, «L’intervenant inspirant: pour un agir qui donne du sens à l’apprentissage», concerne plus particulièrement les projets d’intervention visant à soutenir le jeune. Finalement, le troisième thème, «Pour une école actualisée où tous les élèves sont engagés», donne la parole à des agents de changement. Ces derniers souhaitent ardemment qu’un virage s’amorce, et que le goût de l’école et la passion d’apprendre soient au cœur de la réussite.

    Soutenir le goût de l’école – le plaisir d’apprendre ensemble propose un espace de réflexion et d’échanges féconds autour du jeune, et ce, sous plusieurs aspects. L’ensemble des chapitres s’adresse aux étudiants en enseignement, aux acteurs scolaires, aux parents et aux gestionnaires de l’éducation. Globalement, nous voulons promouvoir les expériences de réussite des jeunes qui éprouvent des difficultés à composer avec l’expérience traditionnelle d’enseignement, et faire ressortir les facilitateurs à l’innovation et au changement qui peuvent influencer les élèves dans leur cheminement scolaire. Sur le plan de la forme, chaque chapitre est précédé d’une démarche pour guider la lecture et se conclut par une section qui invite le lecteur à s’interroger sur les points à retenir.

    Je vous souhaite une bonne lecture et, surtout, de belles discussions autour de vos passions et de celles des jeunes.

    Le potentiel du jeune

    Si tu sais toujours pas Crois comme moi qui cherche à croire Que l’important c’tait pas d’savoir mais d’jamais oublier d’chercher pour ceux qui viendront après toi

    – Extrait de la chanson Il faut que tu saches, composée par René Richard Cyr pour Fred Pellerin

    CIBLES

    •Comprendre les différents changements qui ont eu lieu en éducation depuis 1960 afin de soutenir la réussite éducative.

    •Distinguer les concepts de réussite qualitative et de réussite quantitative ainsi que ce qu’ils sous-tendent.

    •Déceler les éléments qui contribuent à la réussite et à la persévérance scolaires.

    •Comprendre le phénomène de l’abandon scolaire, ses causes et ses conséquences.

    •Comprendre les enjeux associés à la réussite du plus grand nombre.

    QUESTIONS CLÉS

    •Comment le système scolaire québécois s’est-il transformé depuis le rapport Parent afin de mieux soutenir la réussite du plus grand nombre?

    •Qu’entend-on par «démocratisation de l’éducation»? Que vise-t-elle?

    •Qu’est-ce que l’abandon scolaire? Quels sont ses effets?

    •Quels sont les enjeux associés à la stratégie de lutte contre le décrochage scolaire (p. ex. les campagnes pour la persévérance scolaire)?

    •Qu’est-ce que le phénomène du tri social? Quel est son lien avec la réussite éducative?

    •Comment la pression de la réussite est-elle vécue par les enseignants et les autres intervenants? Quelles sont ses répercussions?

    Ce chapitre présente une réflexion sur la réussite des jeunes qui a pris naissance dans le cadre d’un processus d’identification et de délimitation d’un sujet de recherche d’études universitaires de deuxième cycle en éducation. Cette démarche d’appropriation du sujet d’étude a évidemment nécessité de nombreuses lectures. Ainsi, au fil de celles-ci, certains extraits de textes se sont avérés particulièrement révélateurs, permettant d’ancrer des réflexions, mais également de les faire évoluer en les propulsant à un autre niveau. En laissant une place importante à ces extraits – tantôt scientifiques, tantôt pratiques, tantôt ministériels – qui se sont révélés marquants dans l’avancement de cette réflexion, le style de ce chapitre: 1) donne au lecteur un accès contextualisé à des sources textuelles souvent connues, mais trop peu fréquemment lues – non pas par manque d’intérêt, mais plutôt par manque de temps; et 2) illustre le plus fidèlement possible le mouvement qui s’est opéré entre lectures et réflexions, et qui a conduit à ce texte.

    1.1.De la démocratisation de l’accès à la démocratisation de la réussite

    Dans les années 1960, le dépôt du Rapport de la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec (1965), ou rapport Parent, a impulsé une véritable mutation du système scolaire et, ipso facto, de la société québécoise (Corbo, 2002). Ainsi, alors que l’accès à l’éducation est aujourd’hui chose acquise, c’est au rapport Parent que l’on associe «l’éducation pour tous». Or, sans vouloir occulter l’envergure de ce progrès, on a cependant tendance à négliger que l’ultime but du rapport Parent n’était pas – simplement – le plein accès «physique» au système scolaire, mais bien «le droit de chacun à la meilleure éducation possible» (Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, 1965-1966, p. 26). À ce sujet, Rocher (2004) affirme que la route est encore longue pour en arriver à l’entière reconnaissance de ce droit, «le droit de chacun à la meilleure éducation possible»:

    De grands pas en avant ont été faits dans cette direction. Bien des obstacles ont été levés. Mais il en demeure encore à la réalisation de cet «idéal», il y a encore des limites au plein exercice de ce droit pour tous. C’est ce qui explique la série des réformes qui se sont succédées [sic] depuis celles de la Révolution tranquille et toutes celles que l’on envisage encore (p. 9).

    Inscrite dans un souci de poursuivre le mouvement de démocratisation amorcé dans les années 1960 par le dépôt du rapport Parent, la réussite du plus grand nombre devient donc un enjeu prioritaire pour le Québec dans les années 1990:

    Dans la foulée des États généraux sur l’éducation, le ministère de l’Éducation rendait publiques, à l’automne 1996, les grandes orientations de la réforme de l’éducation qui vise à mieux prendre en compte l’évolution des besoins de la société. Le monde de l’éducation était alors invité à relever un défi de taille: faire prendre à l’éducation le virage du succès, et ce, en vue de passer de l’accès du plus grand nombre au succès du plus grand nombre (Ministère de l’Éducation du Québec [MEQ], 1999, p. 1).

    Dès lors, comme le montre le tableau 1.1, la réussite scolaire devient la préoccupation centrale de nombreuses publications et politiques ministérielles. Conséquemment, une panoplie de services spécialisés sont déployés pour soutenir les élèves ayant des besoins particuliers: orthopédagogie, psychoéducation, psychologie, classes spéciales, etc. Suivant ce courant, la mission de l’école québécoise se renouvelle, reconnaissant l’impératif de voir les parcours scolaires de tous les élèves se terminer par la réussite: «Elle a pour mission, dans le respect du principe de l’égalité des chances, d’instruire, de socialiser et de qualifier les élèves, tout en les rendant aptes à entreprendre et à réussir un parcours scolaire» (MEQ, 1997, p. 7).

    Tout semble être en place pour favoriser la réussite du plus grand nombre. Or, en 2009, on constate que le nombre d’élèves qui voient leur parcours scolaire se terminer par la réussite ne s’est guère amélioré:

    69 pour cent seulement des jeunes complètent leur formation secondaire ou professionnelle avant l’âge de 20 ans. Des autres 31 pour cent, les deux tiers sont en situation de décrochage, soit temporaire, soit définitif […] De façon générale, la situation s’est peu améliorée depuis deux décennies (Groupe d’action sur la persévérance et la réussite scolaires au Québec, 2009, p. 9).

    TABLEAU 1.1. Exemples de publications ministérielles ayant la réussite scolaire comme préoccupation centrale

    FIGURE 1.1.

    Tous à l’école

    Source: stock.XCHNG.

    Ainsi, malgré l’avènement de la réussite pour tous comme préoccupation centrale dans diverses publications ministérielles et malgré le déploiement de nombreuses ressources spécialisées pour soutenir les élèves ayant des besoins particuliers vers la réussite, l’échec et le décrochage font toujours partie du vécu scolaire d’une proportion importante d’élèves québécois.

    Malgré le déploiement de nombreuses ressources spécialisées pour soutenir les élèves ayant des besoins particuliers vers la réussite, l’échec et le décrochage font toujours partie du vécu scolaire d’une proportion importante d’élèves québécois.

    1.2.Les conséquences associées à l’abandon scolaire

    Sachant que l’abandon scolaire est «associé à des conséquences fâcheuses sur les plans psychologique et économique» (Blanchard, Pelletier, Otis et Sharp, 2004, p. 106), cette situation a de quoi susciter de vives inquiétudes. D’une part, sur le plan psychologique, des recherches ont montré que le jeune qui vit difficilement l’école ressent très tôt un sentiment d’exclusion (Falvey, Givner et Kimm, 1995; Rousseau, 2003, 2004; Ysseldyke, Algozzine et Thurlow, 2000; cités dans Rousseau, 2004), qu’il vit l’échec scolaire de manière analogue à la perte d’un emploi chez l’adulte (Bien-Aimé, 2006) et que l’échec scolaire incarne «l’écroulement de son monde puisque l’école est le lieu où il vit» (Bien-Aimé, 2006, p. 98). D’autre part, sur le plan économique, Robertson et Collerette (2005) rapportent des dangers importants:

    Des recherches ont montré que le jeune qui vit difficilement l’école ressent très tôt un sentiment d’exclusion.

    [Le taux de décrochage] risque de se traduire par une perte inacceptable de potentiel humain, des coûts sociaux élevés et une grave pénurie des compétences requises pour développer l’emploi, la productivité et les revenus pour tous les Canadiens (Emploi et Immigration Canada, 1998). Il faut se rendre compte que […] les connaissances et les compétences constituent un apport déterminant pour assurer la capacité concurrentielle d’un pays (p. 689).

    De ce fait, les conséquences inquiétantes associées à l’abandon scolaire exigent donc qu’on entreprenne des actions de haute importance permettant de contrer ce phénomène.

    1.3.La complexité de l’abandon scolaire

    Alors que des recherches ont montré que l’abandon scolaire est un long processus de désengagement (Fortin et Picard, 1999) et qu’il est le résultat d’une problématique multifactorielle et non le résultat d’une cause unique (Duckenfield, Hamby et Smink, 1990; Janosz, Fallu et Deniger, 2000; Sherman et Sherman, 1991; cités dans Robertson et Collerette, 2005), il demeure toutefois difficile de savoir si c’est le décrochage scolaire lui-même qui entraîne des conséquences fâcheuses ou encore si ce sont les spécificités du processus de désengagement qui en sont responsables:

    En somme, il est encore difficile d’affirmer que le décrochage «cause» des problèmes. Il est fort possible que tel soit le cas pour certains jeunes, dans certains contextes, mais il est aussi fort probable que les liens observés entre le décrochage et les problèmes ultérieurs d’adaptation traduisent les impacts des problèmes antécédents d’adaptation (échec scolaire, problèmes de comportements, isolement social, etc.) de même que les problèmes structuraux d’inégalités sociales (Janosz, 2000, p. 109).

    Ainsi, le phénomène de l’abandon scolaire se révèle d’une complexité particulière, nécessitant un renouvellement fréquent de la stratégie utilisée pour s’y attaquer efficacement.

    1.4.La lutte contre le décrochage scolaire par la valorisation de la réussite et de la persévérance scolaires

    En 2009, un vaste mouvement de lutte contre le décrochage scolaire est entrepris, s’articulant autour du concept de la persévérance scolaire: «[l]a persévérance scolaire n’est rien de moins que le sauvetage de nos enfants… Une volonté de leur voir éviter les perspectives d’ignorance, d’exclusion et de détresse qui pourraient les guetter s’ils se marginalisent en décrochant» (Groupe d’action sur la persévérance et la réussite scolaires au Québec, 2009, p. iii).

    S’inscrivant dans cette trajectoire, la stratégie L’école, j’y tiens! Tous ensemble pour la réussite scolaire (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport [MELS], 2009) voit alors le jour avec l’objectif de mobiliser les acteurs scolaires et extrascolaires – les parents, la communauté et le milieu de l’emploi – pour «valoriser davantage l’éducation, en particulier dans le réseau public, de manière à ce que la persévérance et la réussite scolaires deviennent une valeur fondamentale de notre société» (p. 3). S’ensuit un investissement de sommes considérables – le site Web de la Stratégie d’action jeunesse 2009-2014 du gouvernement du Québec fait état d’un investissement se chiffrant à 1 626 746 644$ pour lutter contre l’abandon scolaire. Des actions d’importance, telles les Journées de la persévérance scolaire, sont par ailleurs entreprises à l’échelle du Québec pour promouvoir l’importance de la diplomation, valoriser la réussite et la persévérance scolaires ainsi que prévenir les conséquences associées à l’abandon scolaire:

    Les Journées de la persévérance scolaire (JPS). C’est quoi? Depuis maintenant 10 ans, le Québec se mobilise pour la réussite éducative des jeunes dans le cadre des Journées de la persévérance scolaire (JPS). Les JPS sont célébrées chaque année au Québec durant la 3e semaine du mois de février¹.

    Dans les faits, malgré le déploiement de cette stratégie, l’échec scolaire fait toujours partie du parcours de nombreux élèves.

    1.5.La complexité de «faire réussir»

    La réussite du plus grand nombre se révèle donc d’une grande complexité dans le système scolaire québécois. En effet, alors que tous s’accordent sur l’importance de la réussite, il demeure cependant très difficile de faire réussir l’ensemble des élèves dans la structure actuelle, car on peine à modifier cette structure de manière à atteindre l’objectif fixé. On n’a qu’à penser aux transformations majeures qui, ayant vu le jour à l’occasion du renouveau pédagogique dans l’idée de la réussite pour tous, ont été éphémères:

    Plus particulièrement, au cours des cinq dernières années, la législation a apporté tellement de modifications à la réforme (recul de l’importance accordée aux compétences, adoption d’un bulletin chiffré unique, retour aux connaissances pour trop de disciplines scolaires, retour au redoublement pour lequel aucune démonstration ne prouve qu’il puisse favoriser les réussites scolaire et sociale des élèves en difficulté, abandon des cycles d’apprentissage avec une promotion par année, etc.) à un point tel qu’elle s’en trouve dénaturée et qu’on la fait s’engager dans une direction opposée à la finalité première: prendre le virage du succès, pour tous les élèves (Lafortune, Prud’homme, Sorin et signataires, 2011, p. 2-3).

    Ainsi, malgré la nécessité établie et reconnue de faire réussir le plus grand nombre, le système scolaire peine à modifier sa structure. Au contraire, il semble que des forces plus grandes contribuent à maintenir un système de compétition où chaque élève doit se distinguer positivement des autres pour faire sa place. Lemay (2001) appelle ce phénomène le «tri social»,

    [soit] une fonction de l’école relativement récente, celle de soumettre, continuellement et systématiquement, les personnes en état d’apprentissage à des épreuves, d’émettre des appréciations chiffrées et des diplômes sur des documents officiels, dans le but de permettre à la société en général, ou au marché de l’emploi, de comparer les individus entre eux et d’opérer un tri (p. 42).

    Deux pierres d’assise de l’organisation scolaire semblent contribuer plus particulièrement à maintenir le tri social à l’école. La promotion par année constitue un premier dispositif favorisant le maintien du tri social à l’école:

    [L’]uniformisation des étapes et des durées pour les parcourir signale, mécaniquement, les individus qui ne suivent pas l’ordre imposé et, surtout, ceux qui n’arrivent pas à parcourir ces étapes dans les temps prévus. Autrement dit, cette progressivité uniforme dans ses étapes et leur durée donne un instrument infaillible de repérage des élèves qui n’arrivent pas à s’y conformer et de distinction de ceux qui y arrivent: elle révèle ainsi la réussite et l’échec. Mais on peut faire un pas de plus et dire non plus seulement qu’elle rend visibles réussite ou échec, mais qu’elle les engendre: elle situe en effet comme non régulier celui qui ne parcourt pas les étapes prévues dans les temps prévus ou qui est rebelle à ces étapes parce que son cheminement d’apprentissage propre passerait par d’autres étapes ou par des étapes ordonnées autrement (Kahn, 2011, p. 59).

    Dans ce contexte où le cheminement scolaire est ainsi divisé et uniformisé, les résultats scolaires servent donc d’indicateurs de la progression d’un élève par rapport à la progression des autres. De ce fait, l’évaluation scolaire se révèle être le deuxième dispositif important contribuant au maintien du tri social à l’école:

    L’évaluation scolaire rend dans une large mesure compte d’inégalités réelles de connaissances et de compétences. Toutefois, en les rendant visibles, elle accentue leurs effets, elle dramatise des écarts parfois infimes, elle identifie les élèves en échec. L’évaluation scolaire n’est pas un simple thermomètre. Outil de représentation des inégalités, elle peut contribuer à les aggraver ou à les cristalliser (Perrenoud, 2007, p. 96).

    Ainsi, l’emprise de l’évaluation scolaire dépasse les murs de l’école, se révélant un puissant marqueur de l’identité sociale de l’élève. Par conséquent, alors que l’organisation scolaire s’appuie immuablement sur des pierres d’assise à ce point ancrées dans des fondements de comparaison interindividuelle et de comparaison à la norme induisant une compétition où seuls les meilleurs seront récompensés, ne convient-il pas de se demander à quel point il est réaliste d’exiger de l’institution scolaire qu’elle fasse réussir le plus grand nombre?

    L’emprise de l’évaluation scolaire dépasse les murs de l’école, se révélant un puissant marqueur de l’identité sociale de l’élève.

    1.6.La pression de la réussite

    Le virage de la réussite pour tous s’opère plutôt péniblement. Il importe donc de se montrer critique par rapport à la stratégie de lutte contre le décrochage qui fait l’éloge de la réussite et de la persévérance scolaires, et qui véhicule un message démesurément simpliste de la réussite, de l’échec et de l’abandon scolaires. D’une part, l’équation «persévérance = réussite», si séductrice soit-elle, est illusoire: bien des intervenants – dont je suis – vous diront d’expérience que les résultats de leurs élèves sont de bien piètres indicateurs des efforts investis dans l’apprentissage… Ce message nous porte à croire que l’échec et l’abandon scolaires ne relèvent que d’un simple manque d’efforts ou de persévérance de la part des élèves, alors que l’on sait qu’il s’agit là de phénomènes complexes et difficiles à circonscrire, impliquant d’épineux enjeux, ce qui n’est pas sans danger. D’autre part, il apparaît pernicieux de véhiculer un message qui diabolise l’échec et l’abandon scolaires, et de mobiliser la population entière autour de lui, car l’intensification de la valorisation de la réussite et de la persévérance ainsi que les mises en garde quant aux conséquences associées à l’échec et à l’abandon scolaires nous amènent à croire que «perdre à l’école, c’est perdre dans la vie» (Dubet, 2010).

    Dans un contexte où la pression de la réussite s’exerce aussi fortement et où l’école québécoise n’arrive pas à faire réussir tous les jeunes, il convient par ailleurs de recadrer la situation à la lumière de la conjoncture en rappelant: 1) que l’institution scolaire maintient en place une structure permettant de déterminer des gagnants et des perdants; et 2) que tous les jeunes âgés de 6 à 16 ans sont assujettis par la loi à la fréquentation scolaire. Par conséquent, on constate qu’une avancée aussi remarquable que celle de l’accès aux écoles pour tous les élèves devient une souffrance pour certains d’entre eux. À ce titre, seule une partie de tous les élèves fréquentant nos écoles est susceptible de voir son parcours scolaire se terminer par la réussite, les autres se retrouvant, en quelque sorte, prisonniers du système scolaire qui n’arrive pas à reconnaître «officiellement» leurs apprentissages autrement que par des mentions d’échec. Ainsi, il demeure donc hautement préoccupant de constater qu’au cœur d’étapes charnières de leur développement, les jeunes qui éprouvent des difficultés scolaires sont enclins à vivre un parcours scolaire qui risque de compromettre leurs chances de se construire une image de soi solide ainsi que de se développer et de se réaliser à leur plein potentiel, n’ayant d’autre choix que d’accuser réception de ces messages leur renvoyant une image négative d’eux-mêmes.

    Enfin, la pression de la réussite se répercute également sur les intervenants scolaires, qui se retrouvent eux aussi confrontés à l’échec, n’arrivant pas à remplir le mandat qui leur est attribué, soit celui de rendre tous les élèves «aptes à entreprendre et à réussir un parcours scolaire» (MEQ, 1997, p. 11). Pour ces intervenants, soutenir le goût de l’école prend des allures d’affliction étant donné que l’école doit poursuivre des fonctions «d’identification du mérite ou de l’aptitude des divers candidats à une compétition pour l’ascension sociale» (Lemay, 2001, p. 43), fonctions allant à l’encontre de ses fonctions premières «[d]’aide à l’apprentissage, [de] propagation des connaissances, [d]’éducation, etc.» (Lemay, 2001, p. 43). L’auteure appelle ce phénomène «l’effet cul-de-sac», qu’elle illustre avec l’analogie du jardinier qui cultiverait une orchidée africaine et un lichen nordique dans un seul et même pot. Élevant dans le même environnement deux variétés de plantes aux besoins diamétralement opposés, le jardinier n’a pas d’issue; s’il choisit d’offrir à l’orchidée africaine ce dont elle a besoin, il contribue de ce fait à faire souffrir le lichen nordique et s’il choisit d’offrir au lichen nordique ce dont il a besoin, il nuit au développement de l’orchidée africaine. Il en va de même pour les intervenants scolaires à qui l’on demande de poursuivre deux missions pour lesquelles les actions à entreprendre vont à l’encontre l’une de l’autre: assurer et maintenir la «valeur du diplôme» en en contingentant l’accès, tout en veillant à diplômer tous les élèves.

    1.7.Pourquoi tant d’acharnement?

    Le constat est donc que l’école québécoise doit composer avec un paradoxe de taille. D’un côté, on vise officiellement la réussite pour tous, tandis que de l’autre, on maintient avec force et vigueur une structure qui détermine des gagnants et des perdants. Devant cette situation, il pourrait être tentant d’abandonner la partie et de se dire, naïvement, que la réussite du plus grand nombre est tout simplement impossible et qu’il n’est pas du ressort de l’école québécoise de poursuivre cette finalité. Or c’est là un piège dans lequel il faut absolument éviter de tomber, car, rappelons-le, le virage de la réussite pour tous n’est pas qu’une envie irréfléchie ou un désir soudain issu de la fantaisie ou de l’humeur du jour: il s’agit d’un passage nécessaire s’inscrivant dans une démarche de démocratisation de l’éducation visant à assurer la reconnaissance pleine et entière du «droit de chacun à la meilleure éducation possible» (Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, 1965-1966, p. 26).

    Legendre (2011) apporte un éclairage intéressant sur le mouvement de démocratisation de l’éducation en modélisant la trajectoire développementale de celle-ci à partir de stades évolutifs distincts allant de la prédémocratisation à la démocratisation totale. Il soutient que nous serions actuellement en période de transition entre le stade de démocratisation quantitative (celle de l’accès) et le stade de démocratisation qualitative (celle de la réussite). Le tableau 1.2 présente la trajectoire développementale proposée par Legendre (2011).

    TABLEAU 1.2. Stades de développement de l’éducation

    Source: Legendre, 2011, diapositive 8.

    Selon cet auteur, ce qui caractériserait cette période de transition serait, d’une part, la reconnaissance d’avancées importantes relevant de la démocratisation quantitative – l’instruction de l’ensemble, l’amélioration des conditions de vie ainsi que le développement de plusieurs domaines (économique, politique, scientifique/technologique, artistique/culturel, social/démographique, etc.) – et, d’autre part, la persistance de quatre déficiences majeures – faibles rendements scolaires, taux d’échec élevés, troubles de l’apprentissage et décrochage scolaire – auxquelles il faut s’attaquer pour permettre la démocratisation qualitative. Ainsi, il apparaît fondamental de poursuivre cette quête de démocratisation de l’éducation et d’impulser l’avènement d’une plus-value de taille dans la scolarisation, soit celle de la réussite.

    Il apparaît fondamental de poursuivre cette quête de démocratisation de l’éducation et d’impulser l’avènement d’une plus-value de taille dans la scolarisation, soit celle de la réussite.

    Les questions qui se posent alors sont les suivantes: comment modifier l’organisation scolaire de sorte qu’elle permette de faire réussir tous les élèves? Pour que chaque élève ait réellement une chance de réussite, ne faudrait-il pas comparer son processus d’apprentissage par rapport à son propre potentiel plutôt qu’à la norme ou aux autres élèves du même âge? Comment alors assurer la valeur des diplômes tout en reconnaissant l’individualité et l’hétérogénéité des profils de tous les élèves? Ce sont là des questions complexes qui devront être résolues pour assurer la pleine et entière reconnaissance du «droit de chacun à la meilleure éducation possible» (Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, 1965-1966, p. 26). C’est à ce moment que soutenir le goût de l’école prendra tout son sens pour les intervenants scolaires, qui pourront alors reconnaître officiellement et positivement le processus d’apprentissage et les efforts de tous les élèves.

    QUOI RETENIR

    ›Bien qu’il soit établi et reconnu qu’il est nécessaire de tendre vers la réussite du plus grand nombre et que de nombreuses actions soient mises en place à ce jour (p. ex. la valorisation de la réussite et de la persévérance scolaires), le système scolaire peine à modifier ses structures, et l’abandon scolaire est toujours présent.

    ›L’évaluation scolaire et la promotion par année actuellement présentes dans les établissements scolaires contribuent au maintien du tri social et à l’abandon scolaire.

    ›Le système scolaire se trouve présentement dans une phase de transition, passant de la démocratisation quantitative à la démocratisation qualitative.

    ›La pression de la réussite existe tant chez les élèves que chez les enseignants, ce qui engendre des effets négatifs.

    RÉFÉRENCES

    BIEN-AIMÉ, T. (2006). Écouter pour comprendre: une perspective phénoménologique de l’échec scolaire, mémoire de maîtrise, Montréal, Université Concordia.

    BLANCHARD, C., L. PELLETIER, N. OTIS et E. SHARP (2004). «Rôle de l’autodétermination et des aptitudes scolaires dans la prédiction des absences scolaires et l’intention de décrocher», Revue des sciences de l’éducation, 30(1), p. 105-123.

    COMMISSION ROYALE D’ENQUÊTE SUR L’ENSEIGNEMENT DANS LA PROVINCE DE QUÉBEC (1965-1966). Rapport de la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, Québec, Gouvernement du Québec.

    CORBO, C. (2002). L’éducation

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