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Apprendre autrement, l’école à la maison

mode d’éducation, qui concerne très peu d’enfants (50 000 enfants français, soit 0,4 % des effectifs d’élèves), a souvent été regardé avec méfiance. Deux sacralités se heurtent, celle de l’instruction libre vue par les parents en question comme le gage du bien-être de leur enfant, et celle de l’école publique, vue comme le socle de notre modèle républicain. Régulièrement pointée du doigt et remise en cause, l’instruction en famille est caricaturée. Ce serait le choix de marginaux hors système, celui d’individualistes pensant leurs enfants « trop bien » pour l’école, ou celui de personnes radicalisées dans leur religion. Cette dernière crainte a d’ailleurs pris de l’ampleur, et l’instruction en famille a été accusée d’être le terreau d’une fracture démocratique, rien que ça. Le gouvernement a voulu aller jusqu’à son interdiction. Mais après les mises en garde du Conseil d’État, elle sera soumise à un régime d’autorisation préalable sans que les critères ne soient encore clairement précisés. L’incertitude demeure et les familles restent mobilisées. La remise en cause totale de l’instruction en famille est pourtant difficilement envisageable en France. Ce n’est pas un droit que des parents s’octroient de leur propre initiative, mais bien une liberté reconnue par la loi de 1882 de Jules Ferry. Une liberté qui est, à ce titre, profondément ancrée dans notre histoire républicaine. Contrairement à ce qu’il se passe en Allemagne, en Espagne ou en Suède, où elle est strictement encadrée voire interdite, l’instruction en famille s’impose comme un gage supplémentaire du pluralisme de l’éducation de notre pays. Il serait d’ailleurs simpliste de penser qu’elle s’oppose à l’école, car elle prend en fait place à ses côtés, les parents ayant une liberté de choix. Certaines dérives existent et doivent bien entendu être regardées en face, mais l’instruction en famille ne peut être résumée à cela. Discuter avec Maëva, Soïzic, Suzy et Amandine permet de sortir des simplifications néfastes. Le but n’est pas de porter un regard idéalisé sur ce mode d’instruction, mais de comprendre pourquoi il fait partie intégrante de notre modèle démocratique pluraliste en se recentrant sur une seule question, celle de l’intérêt de l’enfant. L’instruction en famille prend de l’ampleur, c’est vrai, mais ce n’est pas nécessairement dû à des replis sur soi ou à des raisons obscures. Sans viser l’exhaustivité, elle peut concerner des enfants non scolarisés pour raisons médicales, ceux au mode de vie nomade, ceux devenus sportifs de haut niveau ou artistes, mais aussi ceux plus particulièrement visés par les potentielles restrictions, ou encore les enfants bénéficiant de pédagogies alternatives choisies par leurs parents. La place grandissante de l’intérêt de l’enfant dans notre société n’est pas sans effet, que ce soit pour le placer au centre de son projet pédagogique, ou pour tenir compte de certaines situations le concernant comme un échec, une phobie scolaire ou encore des faits de harcèlement. Maëva, Soïzic, Suzy et Amandine n’ont pas voulu couper leurs enfants de la société, mais uniquement leur offrir une façon d’apprendre différente de celle proposée à l’école. Pour Louise, la fille de Soïzic, le rythme scolaire ne lui correspondait pas et elle était en échec malgré son envie et ses capacités. L’instruction à la maison lui a ainsi permis de progresser à son rythme. Des situations variées impliquent nécessairement des pédagogies variées elles aussi. Certains de ces enfants suivent les programmes de l’Éducation nationale, d’autres bénéficient de pédagogies spécifiques, et d’autres encore optent pour un choix mixte. Ce dernier modèle est celui d’Amandine et de Soïzic, qui s’adaptent notamment à l’âge de chaque enfant. Avec une méthode inspirée de pédagogies alternatives comme la méthode Montessori durant les premières années, complétée par une pédagogie plus « scolaire » à partir de 7 ans environ. Amandine souligne que le temps offert par ce choix permet de véritablement approfondir chaque sujet sans les survoler, et que sa flexibilité donne la possibilité aux enfants d’aller bien plus loin dans les domaines qui les passionnent.

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