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L' INTERVENTION PSYCHOSOCIALE PAR LA NATURE ET L'AVENTURE: Fondements, processus et pistes d’action
L' INTERVENTION PSYCHOSOCIALE PAR LA NATURE ET L'AVENTURE: Fondements, processus et pistes d’action
L' INTERVENTION PSYCHOSOCIALE PAR LA NATURE ET L'AVENTURE: Fondements, processus et pistes d’action
Livre électronique399 pages4 heures

L' INTERVENTION PSYCHOSOCIALE PAR LA NATURE ET L'AVENTURE: Fondements, processus et pistes d’action

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À propos de ce livre électronique

Le recours à la nature et à l’aventure comme modalité d’intervention pour faciliter le développement individuel et de groupe connaît un essor important au Québec. Portés par cet élan, les auteurs présentent ici le premier collectif québécois ayant pour objet l’intervention psychosociale par la nature et l’aventure (IPNA), une approche s’éloignant des cadres traditionnels. Elle s’inscrit dans une vision globale d’inter­ven­tion expérientielle allant du contexte éducatif au contexte clinique. Le processus – facilité par une équipe d’inter­venants qualifiés – permet aux personnes de s’engager activement dans la poursuite de leurs buts d’apprentissage ou de changement, et ce, par des expériences et des activités d’aventure concrètes vécues en relation avec d’autres et avec la nature.

Cet ouvrage découle de la réalisation du projet d’IPNA d’envergure La dysphasie, au-delà du sommet, dont l’objectif est de soutenir le développement de l’autodéter­mi­nation d’adolescents vivant avec une dysphasie. Cette riche expérience et les projets de recherche qui lui sont associés ont inspiré la plupart des chapitres, offrant un espace de dialogue fertile entre pratique et théorie. Les exemples, réflexions, pistes d’action et propositions conceptuelles qui y sont présentés dépassent le cadre de ce projet particulier pour embrasser un plus vaste horizon : celui de l’IPNA.

Chercheurs, psychologues, psychoéducateurs, travailleurs sociaux, enseignants, éducateurs spécialisés, orthopédagogues, orthophonistes, administrateurs et intervenants spécialisés en intervention par la nature et l’aventure : l’ouvrage s’adresse à tous les acteurs susceptibles de créer des programmes d’IPNA ou de s’y engager directement.
LangueFrançais
Date de sortie15 juin 2019
ISBN9782760544833
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    Aperçu du livre

    L' INTERVENTION PSYCHOSOCIALE PAR LA NATURE ET L'AVENTURE - Sébastien Rojo

    d’intervention

    Introduction

    L’intervention psychosociale par la nature et l’aventure: se rencontrer dans l’expérience

    Sébastien Rojo et Geneviève Bergeron

    Enfin de retour à Lukla, après l’ascension du sommet et plusieurs jours d’expédition. Les muscles sont fatigués, la tête est remplie d’images du parcours qui nous a menés aux confins de la chaîne himalayenne, et le cœur est chargé de souvenirs des rencontres, parfois fortuites, qui ont jalonné le voyage. Les adolescents sont là, éreintés, mais ragaillardis de l’exploit accompli. Ils sont heureux, quoique nostalgiques de voir poindre la fin de cette fabuleuse aventure humaine, plus grande que nature. En passant le fronton à l’entrée du village, nous leur demandons spontanément de qualifier leur expérience en un seul mot. L’exercice n’est pas aisé lorsqu’on est encore submergé par les émotions. Ils nous livrent leur ressenti: Espoir, Amitié, Motivation, Enrichissement, Énergie, Persévérance, Découverte, Nostalgie, Effort, Aventure, Courage, Défi et Connaissance. Les mots qui émergent de l’instant présent se chargent de toute la puissance de l’aventure vécue qui s’achève ici. C’est donc accompagnés par cette mise en mots que nous rentrons tous ensemble au Québec.

    Le recours à la nature et à l’aventure comme modalité d’intervention visant à faciliter le développement individuel ou groupal n’est pas nouveau. Tout un champ d’intervention et ensuite de recherche se sont en effet graduellement développés depuis le début du XXe siècle, permettant ainsi de circonscrire les fondements théoriques, les méthodes, les outils, les normes et les effets de cette modalité d’intervention non traditionnelle. Alors que les travaux anglo-saxons sur l’intervention par la nature et l’aventure sont nombreux, peu de publications en français sont disponibles, et ce, malgré le fait qu’il s’agisse d’une modalité d’intervention de plus en plus reconnue et ayant cours notamment au Québec. Cet ouvrage constitue à cet égard une contribution originale et s’inscrit en continuité avec d’autres initiatives québécoises et canadiennes. Conçu d’une manière moins habituelle par un processus de cocréation interdisciplinaire, notre ouvrage se distingue selon nous de plusieurs façons.

    En effet, le collectif découle de la réalisation d’un projet d’intervention psychosociale par la nature et l’aventure (IPNA) d’envergure, le projet La dysphasie, au-delà du sommet (ADS), dont les objectifs principaux étaient de soutenir le développement de l’autodétermination d’adolescents dysphasiques ainsi que de contribuer à l’avancement des connaissances scientifiques sur la dysphasie et l’IPNA. Cette riche expérience humaine et les projets de recherche qui y sont associés ont inspiré chacun des chapitres, offrant un espace de dialogue fertile entre pratique et théorie. La presque totalité des auteurs du collectif ont été engagés de près ou de loin dans le projet. Ils sont issus de différentes disciplines et proviennent des milieux de la recherche et de la pratique.

    Cet ouvrage collectif est également lui-même le fruit du processus expérientiel qui caractérise les programmes d’intervention par la nature et l’aventure. Il résulte en effet de la transformation d’une expérience significative vécue en connaissances, et cela par un processus de réflexion, d’analyse et de conceptualisation. Prenant racine dans l’aventure Au-delà du sommet, les réflexions, propositions et pistes d’action qui y sont présentées dépassent toutefois le cadre de ce projet particulier pour embrasser un plus vaste horizon: celui de l’IPNA. Afin de bien incarner le propos, plusieurs des chapitres intègrent des «moments expérientiels» qui prennent la forme de l’équipe ou, à tout le moins, sont teintés par eux. Ce processus collectif s’est révélé exigeant. En effet, il a été nécessaire de prendre le temps de tisser ensemble le fil de sens, et ce, «sans forcer», afin de laisser émerger les contenus signifiants. Nous avons également dû accepter les moments d’incertitude, de tensions ou de découragement et apprendre à en tirer profit, parfois en lâchant prise ou en renonçant. En contrepartie, nous avons également vécu des instants de création enrichissants, voire exaltants; nous avons pris soin les uns des autres et avons appris à nous connaître et à nous reconnaître toujours plus, contribuant ainsi à faire naître et grandir notre équipe interdisciplinaire. Ce sont donc les traces de cette expérience qui se retrouve dans le présent ouvrage.

    Cet ouvrage s’adresse à tous les acteurs susceptibles de créer des programmes d’IPNA ou de s’y engager directement, tels que psychologues, psychoéducateurs, travailleurs sociaux, enseignants, techniciens en loisir ou en éducation spécialisée, orthopédagogues, orthophonistes, administrateurs et intervenants spécialisés en intervention par la nature et l’aventure. Il peut aussi intéresser les chercheurs stimulés par ce champ de recherche dont il reste beaucoup à explorer. Tous ceux et celles qui sont interpellés de près ou de loin par la problématique de la dysphasie seront également servis, puisque le projet La dysphasie, au-delà du sommet sert de véhicule pour aborder l’IPNA.

    À la recherche d’un terme plus englobant et flexible pouvant inclure des programmes d’aventures de formes variées sur un continuum allant de visées éducatives à des visées thérapeutiques, elles-mêmes déterminées en fonction des besoins de la clientèle et des milieux, des buts du projet ainsi que des ressources humaines nécessaires, l’expression intervention psychosociale par la nature et l’aventure nous est apparue appropriée.

    Dans le cadre de nos travaux, nous avons choisi d’utiliser l’expression intervention psychosociale par la nature et l’aventure, alors que d’autres appellations sont d’usage courant dans les écrits scientifiques et professionnels. C’est le cas par exemple de l’éducation par la nature ou de la thérapie d’aventure, qui renvoient à des propositions conceptuelles particulières. Sans prétendre à la création d’un nouveau cadre conceptuel ou d’une nouvelle approche, il nous semble essentiel de justifier l’usage de cette expression et d’introduire notre manière d’aborder le territoire de l’intervention par la nature et l’aventure. À la recherche d’un terme plus englobant et flexible pouvant inclure des programmes d’aventures de formes variées sur un continuum allant de visées éducatives à des visées thérapeutiques, elles-mêmes déterminées en fonction des besoins de la clientèle et des milieux, des buts du projet ainsi que des ressources humaines nécessaires, l’expression intervention psychosociale par la nature et l’aventure nous est apparue appropriée.

    L’IPNA s’appuie évidemment sur les ingrédients actifs et les fondements généralement communs aux différentes formes de recours à la nature et à l’aventure. Toutefois, dans notre vision, la dimension psychosociale revêt une grande importance et en constitue l’une des caractéristiques distinctives. Ici, l’aspect psychosocial se rapporte à cette intention de favoriser la grande aventure que constitue le développement intrapersonnel par et grâce à la rencontre interpersonnelle en contexte de nature. Dans cette perspective, l’un des leviers de prédilection envisagés pour exercer ou soutenir la poussée développementale, c’est-à-dire le moteur du changement chez une personne présentant des difficultés d’adaptation, s’incarne dans la rencontre avec l’autre. Sans le nous, pas de je possible! L’humain étant un être social, c’est dans la rencontre avec cet autre, à la fois similaire mais aussi différent de lui, qu’il se construit, se développe et se définit. Pour paraphraser Boris Cyrulnik, on pourrait dire que c’est en relation avec l’autre que l’on peut devenir véritablement soi-même. Cet autre, c’est aussi le cadre plus vaste de la nature, environnement de l’humain auquel il appartient et avec lequel il est aussi en relation.

    Ces quelques repères initiaux éclairent notre conception de l’IPNA à l’aube de cette grande aventure que représente pour nous ce collectif. À l’image des cairns qui, en montagne, guident le randonneur sur le chemin, chacun des chapitres de ce collectif jalonne la route qui, souhaitons-le, mène à une compréhension plus profonde, plus expérientielle de l’IPNA. Bien que, à la fin de cet ouvrage, une synthèse du parcours accompli soit présentée en guise de conclusion, pour nous, l’aventure ne s’arrête pas là, car bien d’autres territoires restent encore à explorer... À l’horizon, de nouveaux sommets se profilent.

    L’ouvrage se décline en six chapitres. Le premier dresse un portrait complet du projet d’IPNA La dysphasie, au-delà du sommet, offrant par le fait même un exemple concret de séquence de programmation d’aventure et d’intervention, ainsi que des repères généraux pour la structuration d’un tel projet. Le chapitre 2 décrit les fondements de l’intervention par la nature et l’aventure en mettant en évidence les concepts principaux ainsi que les ingrédients actifs détaillés dans les écrits scientifiques. Étant associés à l’une des recherches du projet ADS, les auteurs du chapitre 3 décrivent l’expérience scolaire d’adolescents présentant une dysphasie en adoptant une double perspective, celle du jeune et celle de ses parents. À la lumière des résultats obtenus, différentes pistes d’action sont proposées afin d’agir pour améliorer l’expérience scolaire de ces adolescents. Le chapitre 4 illustre comment l’intervention psychosociale par la nature et l’aventure constitue un terreau fertile pour soutenir le développement de l’autodétermination chez les adolescents vivant avec une dysphasie. S’appuyant sur différents exemples du projet ADS, la posture d’intervention privilégiée par l’équipe d’intervention est explicitée. Sont également rapportées quelques-unes des occasions offertes par le contexte de nature et les activités d’aventure dont les adolescents ont su tirer profit pour développer différentes capacités liées à l’autodétermination et moduler leur perception d’eux-mêmes. Le chapitre 5 vise pour sa part à illustrer les différentes phases de croissance d’une équipe interdisciplinaire depuis sa conception jusqu’à l’atteinte des compétences nécessaires à une intervention ciblée. Pour rendre compte de ce développement, les savoirs expérientiels puisés à même le vécu interdisciplinaire du projet ADS sont mis en dialogue avec des cadres conceptuels existants. Le dernier chapitre, le chapitre 6, n’est pas étranger au souci de plus en plus présent, dans le domaine social, d’identifier les retombées perçues des programmes psychosociaux. Il présente donc les résultats d’une étude visant à décrire les impacts du projet ADS sur le développement de l’autodétermination d’adolescents présentant une dysphasie ainsi que sur leurs parents. Enfin, la conclusion constitue certainement une autre composante importante de cet ouvrage, puisqu’elle synthétise en un tout cohérent les grandes idées qui sous-tendent notre conception actuelle, bien que toujours en évolution, de l’IPNA. De plus, un tableau regroupant différents repères d’intervention y est présenté.

    Nous vous souhaitons un bon voyage!

    Le projet La dysphasie, au-delà du sommet

    Genèse, objectifs et étapes

    Sébastien Rojo et Vivianne Boudreault

    CIBLES

    •Décrire la genèse et les buts du projet d’intervention psychosociale par la nature et l’aventure (IPNA) La dysphasie, au-delà du sommet (ADS).

    •Expliquer les modèles qui soutiennent la gestion du projet.

    •Décrire les différents volets du projet ainsi que les acteurs en jeu.

    •Illustrer la séquence de la programmation d’aventure et d’intervention.

    •Proposer des pistes de structuration d’un projet d’intervention par la nature et l’aventure.

    QUESTIONS CLÉS

    •Quelles ont été les circonstances à l’origine du projet d’IPNA-ADS?

    •Quelle a été la stratégie de gestion du projet La dysphasie, au-delà du sommet et quels en ont été les différents volets?

    •Qui étaient les acteurs en jeu dans le projet?

    •Quelle modalité d’intervention a été choisie?

    •Quelles ont été les phases et les activités de la séquence de programmation d’aventure et d’intervention?

    •Quelles ont été les retombées du projet?

    •Comment puis-je structurer un projet d’intervention par la nature et l’aventure?

    Ce chapitre vise à décrire les différentes composantes du projet d’intervention psychosociale par la nature et l’aventure La dysphasie, au-delà du sommet. Il s’agit d’un projet d’envergure créé pour soutenir un groupe d’adolescents vivant avec une dysphasie et leurs familles. La dysphasie, ou trouble primaire du langage, est une atteinte neurologique, développementale et persistante qui affecte l’expression ou la compréhension du langage. Les personnes qui vivent avec ce trouble présentent un déficit important sur le plan de l’acquisition et de la maîtrise du langage, ce qui affecte négativement leur bien-être et leur réussite scolaires (Leonard, 2014; Maillart et Leclercq, 2014; Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec [OOAQ], 2004). Bien que la prévalence soit difficile à établir, l’OOAQ (2014) estime qu’au Québec, à l’âge de 5 ans, 9,4% des enfants présentent un trouble primaire du langage et qu’à 12 ans, 72% de ceux-ci ont toujours une problématique persistante sur le plan du langage.

    Certains constats issus de la recherche mettent en lumière la situation préoccupante des jeunes vivant avec une dysphasie. En effet, en plus des écueils liés à la communication, plusieurs d’entre eux éprouvent des difficultés importantes sur le plan personnel et social (Hart, Fujiki, Brinton et Hart, 2004; McCormack, McLeod, McAllister et Harrison, 2009). Bien que non étrangères à ces dernières, d’autres difficultés, cette fois sur le plan scolaire (Michallet et Boudreault, 2014; Romagny, 2005; St Clair, Pickles, Durkin et Conti-Ramsden, 2011), méritent également une attention particulière. En effet, certains travaux démontrent que des difficultés langagières rendent ces élèves plus vulnérables au retard et à l’échec scolaires (Jerome et al., 2002, cité dans Marton, Abramoff et Rosenzweig, 2005) et que ces difficultés persistent de façon significative à l’âge adulte (Young et al., 2002). Globalement, le trouble serait suffisamment important pour gêner la réussite scolaire (Romagny, 2005). Cela n’est pas sans générer des inquiétudes quant à l’avenir de ces adolescents en phase de transition vers l’âge adulte et le marché du travail. Les questions entourant leur qualification, leur insertion socioprofessionnelle et ultimement leur participation sociale sont préoccupantes.

    Ce bref portrait, qui laisse entrevoir les défis quotidiens auxquels ces jeunes et leurs parents font face au quotidien, est à l’origine du présent projet. Cette initiative est également portée par le désir de contribuer à l’avancement des connaissances sur la dysphasie, car force est de constater que les données scientifiques québécoises concernant les adolescents présentant une dysphasie sont peu abondantes. Il nous est également apparu nécessaire de faire connaître davantage ce trouble complexe et invisible à première vue, qui est moins connu et documenté que d’autres problématiques développementales.

    Ce chapitre présente un projet d’intervention psychosociale par la nature et l’aventure multidimensionnel s’appuyant sur la conviction que chaque personne a le droit et détient la capacité d’être le maître d’œuvre de sa vie et l’acteur principal de son propre processus de changement. Seront décrits la genèse et les buts du projet, les volets recherche et intervention, les différents comités et leurs fonctions, les acteurs, la séquence de programmation d’aventure et d’intervention, ainsi que les retombées sociales et scientifiques de la démarche. Le chapitre se terminera par la présentation de pistes de structuration d’un programme d’intervention par la nature et l’aventure.

    1.La genèse et les buts du projet

    Riches de plusieurs expériences et projets avec des enfants et des adolescents vivant avec une dysphasie, Vivianne Boudreault et Sébastien Rojo créent, à l’automne 2011, le projet La dysphasie, au-delà du sommet (ADS), une initiative qui marquerait les esprits par son originalité et son envergure. Les projets d’intervention par la nature et l’aventure réalisés précédemment, les rencontres avec les représentants des associations relatives à la dysphasie, les discussions touchantes avec les parents de ces jeunes et les constats des professionnels révèlent le besoin flagrant de s’intéresser plus encore à cette problématique et constituent le terreau de gestation de cette idée audacieuse. L’idée prend rapidement de l’ampleur et se transforme en projet de taille dont l’intention est de mieux faire connaître la dysphasie tout en offrant une occasion hors du commun à des adolescents dysphasiques de se développer et de démontrer leur plein potentiel par l’entremise d’une modalité d’intervention atypique: l’intervention psychosociale par la nature et l’aventure (IPNA). Pas d’exploit impossible en vue: il s’agissait de créer un projet d’intervention de dix-huit mois comportant l’ascension d’un sommet de 4 300 mètres au Népal.

    L’intention est de mieux faire connaître la dysphasie tout en offrant une occasion hors du commun à des adolescents dysphasiques de se développer et de démontrer leur plein potentiel.

    Plusieurs partenaires ont été nécessaires pour concrétiser les différentes étapes de cette aventure. Deux partenaires principaux se sont imposés, l’un pour ses connaissances de la dysphasie et de la réalité des familles et l’autre pour son expertise de l’utilisation de la nature et de l’aventure comme modalité d’intervention. D’un côté, l’Association québécoise de la dysphasie (division provinciale) constituait un partenaire naturel, compte tenu de sa mission de défense, de promotion et de diffusion des connaissances sur la dysphasie. Elle s’est notamment occupée de faire connaître le projet dans les différentes régions desservies dans la province, afin de solliciter les familles dans un but de recrutement. De l’autre côté, la Coopérative de solidarité Intervention par la Nature et l’Aventure Québec¹ a été mobilisée pour son expertise en matière d’intervention par la nature et l’aventure. Son mandat était de prendre en charge la logistique, la gestion des risques en contexte naturel ainsi que la préparation et l’opérationnalisation des sorties et des expéditions.

    Le projet a graduellement pris forme autour de trois grands buts respectivement associés à l’intervention, à la recherche et à la sensibilisation (tableau 1.1).

    TABLEAU 1.1. Les buts du projet d’IPNA-ADS

    L’ampleur provinciale et la complexité du projet ont nécessité la mise en place d’une solide structure organisationnelle afin de favoriser l’atteinte des différents buts fixés. Ainsi, plusieurs comités ont été constitués et l’engagement de nombreuses personnes a été sollicité. L’un des défis majeurs concernait la coordination de l’ensemble des ressources à différents niveaux, et ce, en adaptant la stratégie au fil du temps. Avenier (1997) rappelle que la mise en œuvre d’un projet d’envergure doit privilégier l’adaptation au fil de sa mise en acte et tirer parti des situations qui émergent ou qui s’imposent. Dès le début, le projet s’annonçait comme une aventure hors norme.

    2.La gestion du projet

    Plusieurs questions se sont imposées au moment d’échafauder la structure d’un projet d’une telle envergure. Comment structurer le projet? Quelles ressources mobiliser? Comment planifier les grandes étapes, particulièrement celles qui se dérouleraient à l’étranger? Quels sont les pièges à anticiper et à éviter? Les études démontrent qu’une bonne planification en amont est le principal facteur de réussite d’un projet (Cooper et Kleinschmidt, 1996). C’est pourquoi il fallait envisager le projet ADS sous un angle particulier, celui de la gestion de projet.

    Une bonne planification en amont est le principal facteur de réussite d’un projet.

    La gestion de projet est souvent représentée comme un univers complexe (par son contenu et son champ d’application), ambigu et incertain dans lequel se côtoient l’individu et son environnement (Richardson, 2005). En fait, elle est une aventure en soi, où les hypothèses du début du projet et la capacité de l’équipe à se mettre en action sont souvent remises en cause en raison de la nature dynamique du projet (Kurtz et Snowden, 2003). D’ailleurs, passer à l’action dans ce contexte complexe suppose parfois une modélisation des obstacles afin de mieux les comprendre. Dans ce sens, une stratégie de gestion a dû être choisie afin de structurer adéquatement le projet ADS. En d’autres mots, il fallait faire, mais de manière ingénieuse (Le Moigne, 2003), ce qu’a permis la pensée design.

    2.1.La pensée design

    La complexité et le caractère multidimensionnel du projet ADS ont nécessité de penser une stratégie de gestion qui en faciliterait la bonne marche, tout en laissant une grande flexibilité au fil de son déroulement. La pensée design constitue à cet égard une avenue intéressante qui permet d’être créatif dans la structuration d’un projet et de guider ses différentes phases (Brown, 2008, 2009).

    2.1.1.La définition de la pensée design

    Cette approche, créée par Tim Brown à l’Université de Stanford, se résume comme une méthode créative de résolution de problèmes complexes (Cooper, Junginger et Lockwood, 2010). Brown (2008) campe la pensée design comme une discipline qui utilise la sensibilité et les stratégies du designer pour permettre à des équipes pluridisciplinaires d’innover en mettant en relation les attentes des utilisateurs, ce qui est faisable technologiquement et ce qui est viable économiquement. De leur côté, Péché, Mieyeville et Gaultier (2013) définissent la pensée design comme un processus participatif de réflexion, d’action et de résolution de problèmes qui tient compte du contexte culturel, social et économique. Citant l’agence de design et d’innovation IDEO, Carron (2013) parle de la pensée design comme d’un processus profondément humain qui s’appuie sur les capacités personnelles, mais qui se trouve malheureusement souvent étouffé par les pratiques traditionnelles de résolution de problèmes. Ces constats correspondent bien à la réalité du projet ADS, qui exigeait de trouver des pistes de solution non conventionnelles. Le fonctionnement des différents comités responsables des multiples dimensions du projet (financière, humaine et logistique) générait une complexité qui ne devait pas entraver le processus d’intervention auprès des participants.

    Carron (2013) parle de la pensée design comme d’un processus profondément humain qui s’appuie sur les capacités personnelles, mais qui se trouve malheureusement souvent étouffé par les pratiques traditionnelles de résolution de problèmes.

    En résumé, ces considérations renvoient à une même réalité: résoudre des problèmes complexes, utiliser une approche interdisciplinaire et, enfin, se concentrer sur l’innovation centrée sur l’humain.

    La pensée design expose certaines conditions qui permettent de favoriser la réussite d’un projet. Cette réussite repose sur des équipes interdisciplinaires qui tendent vers le transdisciplinaire, et ce, afin de multiplier les angles de compréhension des défis rencontrés (Meinel, Leifer et Plattner, 2011). Minel et ses collègues mentionnent que les membres doivent être fortement ouverts à la collaboration et à l’empathie. Selon la d.school (2010) de Stanford, cela permet de créer un espace de compréhension des problèmes envisagés et rencontrés durant un projet. Cela permet aussi de générer un plus grand nombre d’idées audacieuses, voire utopiques, par l’entremise de l’ensemble des compétences rassemblées dans une équipe. Une approche basée sur l’action et l’expérientiel permet de gagner du temps face aux imprévus et de trouver plus rapidement des solutions adaptées aux contextes. Comme le soulignent Lièvre et Gauthier (2009), il y a fort à parier que des événements inattendus et non souhaités mettront en péril le bon déroulement d’un projet d’envergure comme ADS. C’est pour cela qu’une démarche planifiée mais flexible de management de projet est nécessaire, car elle permettra une adaptation in situ plus facile (Garel et Lièvre, 2011; Verganti, 1999).

    Une démarche planifiée mais flexible de management de projet est nécessaire, car elle permettra une adaptation in situ plus facile.

    2.1.2.Le processus de la pensée design et son intégration à ADS

    Parmi les différentes approches de la pensée design, c’est la méthode de Stanford qui est choisie par les membres de la coordination du projet, et ce, parce que les étapes qui y sont associées se révélaient en adéquation avec la logique et les visées du projet (figure 1.1). On trouve dans cette méthode deux phases principales du processus qui se déroulent dans des espaces différents: l’espace-problème et l’espace-solution. Le premier regroupe les trois premières étapes (comprendre, observer et définir), tandis que le deuxième regroupe les trois suivantes (idéer, prototyper et tester). Ces espaces peuvent être explorés parallèlement durant le processus de gestion de projet (Cross, 2007).

    FIGURE 1.1. Le processus de la pensée design de Stanford

    Source: Adapté de Plattner, Meinel et Weinberg (2009).

    À partir du modèle exposé précédemment, une description des étapes spécifiques du projet La dysphasie, au-delà du sommet est présentée dans le tableau 1.2.

    Cette méthode ne s’actualise pas dans une logique séquentielle rigide. Il s’agit plutôt d’un processus itératif qui a amené l’équipe du projet à retravailler continuellement sur les étapes précédentes. À cet effet, Péché, Mieyeville et Gaultier (2013) identifient une coexistence de la pensée design avec la boucle de l’apprentissage expérientiel

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