Les VIOLENCES DANS LA VIE DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS: Enjeux théoriques, méthodologiques et sociaux
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De tels questionnements, qui émanent de la multiplication des écrits sur les violences dans la vie des enfants et des adolescents des dernières décennies, sont cruciaux et constituent l’essence du présent ouvrage. L’analyse qui en est faite se veut entière ; elle cherche à inclure plusieurs formes de violences vécues dans différentes sphères de vie des jeunes et elle désire interpeller les divers acteurs en sciences humaines et sociales qui s’intéressent à la question. Ce livre – qui offre un espace de réflexion critique par l’analyse de certains enjeux théoriques, méthodologiques ou sociaux eu égard aux connaissances et aux pratiques actuelles dans le domaine – s’adresse donc autant aux chercheurs et aux étudiants qu’aux praticiens, aux gestionnaires ou aux politiciens.
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Aperçu du livre
Les VIOLENCES DANS LA VIE DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS - Simon Lapierre
BIOGRAPHIQUES
Geneviève Lessard, Louise Hamelin Brabant et Simon Lapierre
Au cours des dernières décennies, la multiplication des écrits sur les violences dans la vie des enfants et des adolescents a fait ressortir certaines questions importantes, par exemple: dans quels contextes se manifestent ces violences dans leur vie? Comment définissent-ils eux-mêmes leur expérience de ces violences? Le développement des recherches et des interventions témoigne-t-il d’une reconnaissance de la position sociale de ces jeunes comme des acteurs sociaux importants? Nos façons de définir et de mesurer les violences sont-elles adéquates? Y a-t-il lieu de revoir les fondements théoriques et méthodologiques de notre étude de ce phénomène? Quelles formes de violences émergentes sont négligées dans les recherches ou les programmes d’intervention? Les politiques sociales et les programmes d’intervention sont-ils adaptés aux besoins des jeunes victimes de violences?
Ce type de questionnement, au cœur du présent ouvrage, interpelle une diversité d’acteurs en sciences humaines et sociales qui s’intéressent aux violences dans la vie des enfants et des adolescents. Ce livre s’adresse donc autant aux chercheurs et aux étudiants qu’aux praticiens, gestionnaires ou politiciens. Il vise à offrir un espace de réflexion critique par l’analyse de certains enjeux théoriques, méthodologiques ou sociaux eu égard aux connaissances et aux pratiques actuelles dans le domaine. L’analyse se veut holistique; elle cherche à inclure plusieurs formes de violences dans différentes sphères de la vie des jeunes. Puisque les différentes manifestations de violence ont tendance à évoluer dans des univers distincts, autant en recherche que sur le terrain de la pratique (Cyr et al., 2012; Finkelhor, Ormrod et Turner, 2007; Hester, 2011; Lessard et al., 2010), il nous est apparu pertinent de réunir à l’intérieur d’un même ouvrage des textes qui examinent différentes dimensions du phénomène.
Ce chapitre d’introduction expose d’abord les concepts centraux du livre, soit l’enfance et la violence. Par la suite, nous expliquerons la structure du livre en établissant des liens entre ses objectifs et le contenu des chapitres inclus dans chacune des parties.
1.LA CONSTRUCTION DE L’ENFANCE COMME OBJET DE RECHERCHE IMPLICITE
Avant les années 1990, l’analyse de la question de l’enfance ressemblait au jeu du chat et de la souris, où le sujet de la quête se soustrayait et s’effaçait dès qu’on semblait s’en approcher. Cela revenait en fait à évoquer un fantôme omniprésent, mais rarement construit comme un objet de recherche implicite. L’enfance en tant que problématique était adossée aux discours de spécialistes des sciences de l’enfant – psychologie, médecine ou éducation –, qui ne collaboraient guère à son étude. Attirant très peu le regard des spécialistes des sciences sociales en dehors des cadres de socialisation et laissant dans l’ombre la parole des enfants, elle ne devient un objet de recherche à part entière qu’à la fin du XXe siècle. Dans cette mouvance, l’enfance est reconnue comme une forme structurelle de toute société et abordée comme un acteur social à part entière, dans un statut qui a profondément évolué, ainsi que l’a établi la Convention relative aux droits de l’enfant en 1989 (Sirota, 2006). Deux traits marquants caractérisent ce nouveau paradigme de recherche. Tout d’abord, le point de vue des enfants et des adolescents est souvent pris en compte pour mieux saisir leur expérience; puis une certaine interdisciplinarité s’est silencieusement mise en place, largement ouverte à une réinterrogation des manières d’intervenir avec eux (Prout, 2005). L’image qui nous est renvoyée lorsque nous prenons conscience des différentes formes de violence dont les jeunes sont victimes, comme en témoigne la lecture des chapitres de cet ouvrage, ne peut nous laisser indifférents. Ce livre participe d’une telle position.
2.UN REGARD CRITIQUE SUR LES VIOLENCES
Le présent ouvrage jette un regard critique sur les violences dans la vie des enfants et des adolescents. Il reconnaît que les différentes formes de violence auxquelles ils sont exposés découlent de rapports de pouvoir et d’inégalités sociales, notamment en fonction du genre, de l’âge, de l’orientation sexuelle, du statut socioéconomique et de l’origine ethnoculturelle. Il reconnaît également que les connaissances actuellement disponibles, de même que les programmes d’intervention ou de prévention offerts dans différents contextes, sont construits socialement et qu’ils sont, par conséquent, appelés à évoluer. Le but ultime du processus d’évolution des connaissances et des pratiques demeure, à notre avis, la lutte contre toute forme d’oppression et de violence envers les jeunes. La définition proposée par le Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes (CRI-VIFF, 2015) nous semble favoriser ce regard critique et inclusif sur les différentes manifestations de violence auxquelles les jeunes sont confrontés. Selon cette définition, la violence est
un exercice abusif de pouvoir par lequel un individu en position de force cherche à contrôler une autre personne en utilisant des moyens de différents ordres afin de la maintenir dans un état d’infériorité ou de l’obliger à adopter des comportements conformes à ses propres désirs. Cette définition ne se limite pas aux conduites individuelles puisque la violence peut s’exercer par des systèmes plus larges (CRI-VIFF, 2015).
La violence prend de nombreux visages en fonction de ses formes et de sa direction, des milieux de vie où elle se manifeste et des liens sociaux qui unissent l’agresseur et la victime. En ce qui a trait aux formes, la violence peut être verbale (cris, insultes), psychologique (harcèlement, exclusion), physique (coups, bagarres) ou sexuelle (exposition à du matériel pornographique, attouchements, viol). Les violences se distinguent également en fonction de leur direction. Ainsi, une violence est qualifiée de «directe» lorsque le comportement violent est dirigé directement vers la personne victime, alors que la violence «indirecte» renvoie à l’exposition à des actes de violence dirigés vers une autre personne, comme l’exposition à la violence conjugale ou le fait d’être témoin d’une agression dans la rue ou à l’école. En ce qui a trait aux milieux de vie, les violences peuvent être vécues par les enfants dans leur famille, à l’école, dans le cadre d’activités sportives, dans la rue et même, de plus en plus, dans le cyberespace.
Par ailleurs, il est aussi intéressant d’analyser les expériences de violence en fonction des dynamiques relationnelles entre les acteurs, dynamiques profondément ancrées dans des rapports de pouvoir. En effet, les violences peuvent prendre un sens spécifique selon que le jeune entretient ou non un rapport d’intimité avec la ou les personnes qui exercent la violence. Par exemple, les enfants exposés à la violence conjugale vivent dans un climat de peur et de grande insécurité puisque la violence provient d’une personne qui, en raison des responsabilités habituellement dévolues au rôle de parent, devrait contribuer au sentiment de sécurité de l’enfant (Cunningham et Baker, 2004). Ces enfants vivent aussi des conflits de loyauté, car ils éprouvent généralement des sentiments d’amour et d’attachement envers chacun de leurs parents (le parent victime et le parent agresseur) même si la qualité des liens d’attachement peut être affectée par la violence conjugale (Doucet et Fortin, 2010; Levendosky et Graham-Bermann, 2001). Les adolescents victimes de violence de la part de leur partenaire intime entretiennent aussi des sentiments amoureux et d’attachement à l’égard de leur partenaire, ce dont il faut tenir compte pour bien comprendre la complexité de leur expérience. De façon similaire, les jeunes sportifs peuvent subir de la violence de la part de leur entraîneur, à qui ils vouent pourtant bien souvent une confiance presque indéfectible. Par ailleurs, s’il constitue un élément essentiel à considérer, le rapport d’intimité n’est pas l’unique variable à examiner, puisque ces liens affectifs s’inscrivent dans des rapports de pouvoir plus larges, dont la compréhension nécessite une analyse structurelle qui dépasse les enjeux strictement relationnels. Autrement dit, la société est structurée de telle sorte que les rapports de pouvoir inégalitaires sont très nombreux, par exemple, entre les hommes et les femmes, entre les parents et les enfants, entre les adultes et les mineurs. Certains concepts comme le racisme, l’hétéro-sexisme et le classisme sont d’ailleurs repris et expliqués dans les chapitres qui suivent. Ces rapports de pouvoir peuvent créer un contexte favorable à l’émergence ou au maintien des violences.
3.LA STRUCTURE DE L’OUVRAGE: SES OBJECTIFS ET SON CONTENU
Ce livre est divisé en trois parties interdépendantes et complémentaires: 1) les enjeux théoriques et méthodologiques de la recherche sur les violences dans la vie des enfants et des adolescents; 2) les expériences de violence interpersonnelle et structurelle; 3) l’analyse critique des réponses sociales.
La première partie se veut une analyse critique des théories et des méthodologies privilégiées pour étudier les violences chez les enfants et les jeunes. Le chapitre d’Annie Dumont et Catherine Flynn offre d’abord une synthèse critique des différentes façons de définir la victimisation juvénile, en discutant des principaux fondements théoriques et des stratégies méthodologiques privilégiés par les grandes enquêtes dans le domaine. Les auteures insistent sur l’importance des études qui documentent le point de vue des jeunes et s’appuient davantage sur celui-ci.
Cet enjeu est par la suite repris et développé par Simon Lapierre et Isabelle Côté, qui exposent l’exemple concret d’une recherche ayant favorisé la participation des enfants et des adolescents aux choix épisté-mologiques et méthodologiques. Cette recherche, portant plus particulièrement sur l’exposition à la violence conjugale, montre qu’une approche de recherche participative peut contribuer au développement de connaissances «pour, avec et par» les jeunes directement concernés, générant ainsi des résultats plus signifiants pour eux.
Poursuivant sur le thème de l’exposition à la violence conjugale, Chantal Lavergne, Sonia Hélie et Claire Malo proposent une analyse critique des défis conceptuels et méthodologiques liés à la mesure de ce phénomène aux multiples visages. En effet, il est difficile de comparer les données des différentes études dans la mesure où les formes d’exposition, la gravité de la violence conjugale, la cooccurrence possible d’autres formes de maltraitance, le genre de la victime et de l’agresseur, les réactions des enfants et les conséquences qu’ils subissent sont tous des éléments pour lesquels on observe une grande variabilité, souvent attribuable aux choix conceptuels et méthodologiques (définition de l’exposition à la violence conjugale, variables mesurées, populations étudiées, instrumentation). Malgré les défis que comporte l’absence d’une définition commune entre les différentes recherches, les connaissances actuelles montrent que l’exposition à la violence conjugale est un problème social important et répandu, particulièrement dans les populations cliniques.
La deuxième partie met en exergue la diversité et la complexité des expériences de violence interpersonnelle et structurelle auxquelles les enfants et les adolescents peuvent être confrontés. Compte tenu des multiples variations décrites ci-dessus – selon la forme de violence, sa direction, le milieu de vie où elle se manifeste et les liens sociaux qui unissent l’agresseur et la victime –, il serait évidemment impossible d’inclure dans un seul volume des chapitres couvrant de façon exhaustive toutes les différentes manifestations de violence envers les jeunes. Si les formes et les contextes dans lesquels s’exerce la violence sont multiples, certains ont été quelque peu négligés dans les études. C’est notamment le cas des manifestations traversées par des dimensions structurelles, d’où notre choix de leur accorder une attention particulière. Ainsi, cette deuxième partie débute par un chapitre sur la violence sociale vécue par les jeunes immigrants, particulièrement en contexte scolaire. Claudia Fournier, Louise Hamelin Brabant, Dominique Damant, Mélissa Dubé-Quenum, Geneviève Lessard et Simon Lapierre exposent dans ce chapitre une recension des expériences vécues par les enfants et les adolescents immigrants. Ces jeunes vivent souvent des violences directes ou indirectes; ils peuvent aussi être exposés au racisme ou à l’exclusion sociale, ce qui entraîne des conséquences importantes sur leur bien-être et leur adaptation. Les violences décrites dans ce chapitre peuvent être qualifiées de structurelles dans la mesure où l’appartenance à un groupe ethnoculturel distinct devient, dans plusieurs de ces situations, le motif principal de la victimisation, comme l’expliquent Fournier et ses collègues.
Dans le chapitre suivant, Sylvie Parent, Joannie Pépin-Gagné et Kristine Fortier décrivent une grande diversité de violences susceptibles d’être vécues par les jeunes en contexte sportif, incluant les violences auto-infligées, interpersonnelles et collectives. Malgré les bienfaits du sport pour la santé physique et mentale, les jeunes sportifs vivent parfois des violences exercées soit par une seule personne (le jeune sportif lui-même, l’entraîneur, un coéquipier ou un adversaire), soit par plusieurs, comme c’est souvent le cas dans les rites d’initiation.
Cette partie se termine par le chapitre de Susannah Taylor, qui fait ressortir différentes formes de violence structurelle auxquelles sont confrontés les jeunes de la rue. L’auteure montre bien comment les structures sociales peuvent contribuer à la victimisation de ces jeunes. En effet, les expériences de vie des jeunes de la rue gagnent à être analysées à la lumière du concept de violence structurelle, qui favorise un regard critique sur l’organisation de la société et les rapports sociaux de domination, d’oppression et d’exclusion.
La troisième partie vise à établir un espace de réflexion critique entourant les réponses sociales à la violence subie ou exercée par les enfants et les jeunes, qu’il s’agisse des programmes de prévention ou d’intervention psychosociale ou des réponses du système de justice. Cette partie débute par le chapitre de Mylène Fernet, Martine Hébert, Francine Lavoie et Isabelle Bédard, qui dressent un bilan des programmes de prévention de la violence dans les relations amoureuses des adolescents, en vue de faire ressortir leurs forces et leurs limites ainsi que les pistes d’avenir dans le domaine. Il ressort entre autres de l’analyse de ces auteures que le point de vue des adolescents gagnerait à être mieux pris en compte dans la conception des programmes et que les nouvelles technologies de l’information et des communications pourraient être davantage mises à profit et évaluées.
Le chapitre de Jean-François Cauchie et Patrice Corriveau présente ensuite une réflexion critique sur ce qui est conceptualisé ou non comme de la violence, montrant bien que les réponses sociales s’ancrent dans la façon de conceptualiser le problème dans un contexte sociohistorique spécifique. Pour illustrer leur propos, ces auteurs utilisent à titre d’exemple deux manifestations de violence: celle qui est exercée et subie par les jeunes dans les gangs de rue et la cyberintimidation.
Enfin, le chapitre de Julie Desrosiers propose une analyse s’appuyant sur la question suivante: est-ce que le droit est une source de violence envers les enfants et les adolescents? À la lumière des concepts de violence structurelle et de violence institutionnelle, l’auteure examine plus particulièrement la question de la prise en charge des jeunes en difficulté pour montrer les obstacles que dressent les lois encadrant la pratique dans ce domaine face aux tentatives d’appréhender, sur le plan juridique, les dimensions structurelles de la problématique. En effet, l’application du droit tend à individualiser les problèmes sociaux en ne s’intéressant qu’au comportement criminel et non à la complexité du contexte dans lequel il prend forme. Ainsi, certaines mesures légales, ou la façon dont elles se traduisent dans les pratiques d’intervention, peuvent rendre particulièrement complexe le défi d’assurer le respect des droits des enfants et des adolescents.
Chacun à sa façon, ces chapitres rappellent l’importance de conserver un regard critique sur les solutions mises en place pour prévenir les violences ou aider les victimes.
CONCLUSION
En conclusion, il importe de mentionner que certains chapitres touchent à plus d’un angle d’analyse parmi les trois retenus dans cet ouvrage, ce qui montre bien la complémentarité et les liens étroits entre les trois parties décrites ci-dessus. Par exemple, bien que le chapitre de Jean-François Cauchie et Patrice Corriveau soit d’abord et avant tout une analyse critique de la façon de construire des problématiques perçues comme «nouvelles» puis d’y répondre, il alimente également la réflexion sur les manifestions de violence dans la vie des jeunes. De même, le chapitre de Sylvie Parent, Joannie Pépin-Gagné et Kristine Fortier traite aussi de l’importance de la prévention, malgré que son objectif premier consiste à expliquer les manifestations de la violence envers les jeunes en contexte sportif.
Bien que nous n’ayons aucunement la prétention de couvrir le sujet de façon exhaustive, nous souhaitons que la diversité des contributions incluses dans cet ouvrage ouvre une perspective suffisamment élargie sur les violences subies par les jeunes pour parvenir à relever certains enjeux importants liés au développement des connaissances ou des pratiques dans le domaine.
RÉFÉRENCES
CENTRE DE RECHERCHE INTERDISCIPLINAIRE SUR LA VIOLENCE FAMILIALE ET LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES – CRI-VIFF (2015). «Définition de la violence», http://www.criviff.qc.ca/cms/index.php?menu=25&lang=fr>, consulté le 13 mars 2015.
CUNNINGHAM, A.J. et L.L. BAKER (2004). Helping Children Thrive: Supporting Woman Abuse Survivors as Mothers, London (Ontario), Centre for Children and Families in the Justice System.
CYR, K. et al. (2012). «La polyvictimisation des jeunes», dans M.-H. Gagné et al. (dir.), Les enfants victimes de mauvais traitements: devenir psychologique et prise en charge thérapeutique, Québec, Presses de l’Université Laval, p. 121-142.
DOUCET, M. et A. FORTIN (2010). «La parentification et les conflits de loyauté chez l’enfant exposé à la violence conjugale: contribution du point de vue de l’enfant sur la violence», Enfance, n° 2, p. 201-221.
FINKELHOR, D., R.K. ORMROD et H.A. TURNER (2007). «Poly-victimization: A neglected component in child victimization trauma», Child Abuse and Neglect, vol. 31, p. 7-26.
HESTER, M. (2011). «The Three Planet Model: Towards an understanding of contradictions in approaches to women and children’s safety in contexts of domestic violence», British Journal of Social Work, vol. 41, n° 5, p. 837-853.
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LEVENDOSKY, A.A. et S.A. GRAHAM-BERMANN (2001). «Parenting in battered women: The effects of domestic violence on women and their children», Journal of Family Violence, vol. 16, n° 2, p. 171-190.
PROUT, A. (2005). The Future of Childhood: Towards the Interdisciplinary Study of Children, Londres, Falmer Press.
SIROTA, R. (dir.) (2006). Éléments pour une sociologie de l’enfance, Rennes, Presses universitaires de Rennes.
LES ENJEUX THÉORIQUES ET MÉTHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE SUR LES VIOLENCES DANS LA VIE DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS
LES ENFANTS ET LES ADOLESCENTS EXPOSES A LA VIOLENCE
UNE ANALYSE CENTRÉE SUR LA VICTIME?
Annie Dumont et Catherine Flynn
Un regard rétrospectif sur les différentes figures de l’enfance indique que la notion de risque transcende les représentations sociales associées à cette période de la vie (Hamelin Brabant et Turmel, 2012). Envisager l’enfance sous l’angle de la dangerosité et de la vulnérabilité, à travers différentes images-chocs mettant en vedette des enfants, est devenu un des leitmotivs des médias actuels (Sirota, 2012). Cette construction de l’enfant comme figure compassionnelle exacerbe les sensibilités et contribue à le cristalliser dans une catégorie politique (Sirota, 2012). Par cette influence médiatique et sociale, l’intolérable des sociétés modernes s’est déplacé vers l’enfance (Fassin et Bourdelais, 2007), et l’intérêt des chercheurs et des leaders en matière de politiques sociales converge vers lui. Ce glissement contribue à renforcer ce que Best (1999) appelle l’idéologie de la victimisation: un courant à travers lequel les frontières du traumatisme sont redéfinies et s’étendent au-delà des événements traumatiques et des personnes qui en ont été directement victimes.
C’est dans cette foulée que de nombreuses et vastes recherches s’intéressent à la victimisation des jeunes et à l’exposition à la violence (Cyr, Clément et Chamberland, 2013; Finkelhor et al., 2005b; Finkelhor, Ormrod et Turner, 2007; Ho et Cheung, 2010; Margolin et al., 2009; Mrug et Windle, 2010; Sullivan et al., 2007). Les résultats de ces études, qu’elles soient issues de protocoles populationnels ou réalisées auprès d’un échantillon clinique, font état d’une prévalence alarmante de l’exposition à la violence. Bien que les effets de l’exposition à la violence soient bien documentés, cette problématique est plus souvent étudiée dans le cadre d’enquêtes générales sur la violence envers les enfants et les jeunes, en tant que variable concomitante représentant une des formes de la victimisation juvénile (Finkelhor et al., 2005b; Finkelhor, Ormrod et Turner, 2007; Ho et Cheung, 2010; Margolin et al., 2009; Mrug et Windle, 2010; Sullivan et al., 2007) ou que variable modératrice permettant d’atténuer les effets d’une victimisation directe (Mrug et Windle, 2010).
Néanmoins, force est de constater que l’exposition à la violence peut se manifester dans différents contextes ou lieux d’exposition, entraînant un possible cumul de ces situations dans la vie des jeunes (Margolin et al., 2009; Ho et Cheung, 2010; Kennedy et al., 2010; Mrug et Windle, 2010). Il en résulte alors une expérience complexe où les liens entre les différentes expositions et leurs conséquences interactives restent à démystifier. Cependant, les études portant exclusivement sur l’exposition à la violence s’y intéressent de manière isolée, se centrant par exemple sur l’école (Peguero, 2009; Carney et al., 2010), le milieu familial (Fusco et Fantuzzo, 2007; Knutson et al., 2009) ou la collectivité (Chen, 2010). En général, ces études visent principalement à dégager les conséquences de ces différentes expositions; la plupart laissent de côté l’étude des facteurs d’aide et de protection. Quelques-unes d’entre elles s’intéressent à l’exposition à la violence en tant qu’expérience générale, à sa prévalence, à ses corrélats et à ses conséquences (Fowler et al., 2010; Gibson, Morris et Beaver, 2010; Kennedy et al., 2010). De plus, les études recensées s’inscrivent, pour la plupart, dans l’idéologie de la victime proposée par Best (1999), où les enfants et les adolescents exposés à la violence sont campés dans le rôle de la victime ayant vécu une expérience traumatique. Bien que les conséquences de l’exposition à la violence soient bien documentées, il reste encore beaucoup de choses à comprendre sur la façon dont ces jeunes construisent cette expérience, résistent à la violence et la surmontent. Aucune des études recensées n’étudie cette expérience d’un point de vue qualitatif qui laisserait les