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Penser l'engagement des jeunes « en difficulté »: Leurs expériences à partir des milieux de vie
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Penser l'engagement des jeunes « en difficulté »: Leurs expériences à partir des milieux de vie
Livre électronique518 pages6 heures

Penser l'engagement des jeunes « en difficulté »: Leurs expériences à partir des milieux de vie

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À propos de ce livre électronique

LE PRÉSENT OUVRAGE A POUR OBJET L’ENGAGEMENT DES JEUNES DITS « EN DIFFICULTÉ » : jeunes de la rue, en « sortie de rue », en parcours de réinsertion, placés en centres jeunesse, en quête identitaire ou fréquentant des organismes communautaires.

Si on observe une modification des référentiels d’action publique concernant la jeunesse, le type d’engagement considéré lors des prises de décisions est souvent limité au domaine socioculturel, angle qui exclut la relève des décisions touchant les secteurs clés de l’insertion sociale. Du côté de l’expérience d’engagement, la tendance consiste à souligner l’apathie des jeunes, qui s’explique par leur faible participation électorale, maintenant largement documentée. Or, nombre d’actions collectives correspondent à des mobilisations organisées, notamment grâce au rôle fondamental joué par les organismes communautaires et les intervenants dans la mise en action de la jeunesse.

Des travaux récents ont montré combien les jeunes s’engageaient autrement, dans des domaines aussi variés que possible. C’est notamment le cas des trois projets de recherche à l’origine de cet ouvrage. Rédigé par autant de chercheuses investies depuis plusieurs années dans ces champs d’étude, ce livre a pour but de mieux comprendre les contours et les processus particuliers de l’engagement des jeunes en difficulté. Au-delà de son utilité en matière de réflexions théoriques, méthodologiques et empiriques, cette mise en commun se veut également une véritable prise de position épistémologique qui consiste à replacer le discours de la jeunesse au centre de l’objet de recherche.
LangueFrançais
Date de sortie16 avr. 2020
ISBN9782760552982
Penser l'engagement des jeunes « en difficulté »: Leurs expériences à partir des milieux de vie
Auteur

Elisabeth Greissler

Elisabeth Greissler est travailleuse sociale de formation. Elle est actuellement professeure adjointe à l’École de travail social de l’Université de Montréal et membre du Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales et les discriminations.

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    Aperçu du livre

    Penser l'engagement des jeunes « en difficulté » - Elisabeth Greissler

    INTRODUCTION

    Cet ouvrage porte sur l’engagement des jeunes vivant des difficultés. Or, de prime abord, c’est plutôt l’idée du non-engagement qui vient à l’esprit lorsqu’on s’intéresse à ces jeunes. En effet, la littérature scientifique met plutôt l’accent sur leur éloignement de la sphère d’engagement ou leur apathie, au regard de leur manque de ressources socioéconomiques, scolaires, et d’un réseau social soutenant. En règle générale, on définit l’engagement par son intensité, son caractère durable ainsi que son inscription dans des organisations militantes. Dans le cadre de cet ouvrage, l’engagement est entendu dans un sens plus extensif comme une prise de position dans l’espace sociopolitique, ce qui englobe la participation politique, sociale et citoyenne des jeunes. Une diversité de termes est en lien avec la notion d’engagement, comme la « participation » ou les « actions collectives ». Ces termes sont souvent utilisés comme synonymes, ce qui peut compliquer l’appréhension de ce phénomène. De même, de nombreux qualificatifs sont employés pour parler des jeunes aux prises avec divers problèmes sociaux. Ainsi, les écrits portent sur les « jeunes en situation de précarité », les jeunes dits « vulnérables », les jeunes « marginaux », etc. Nous avons résolu de parler des jeunes qualifiés par les institutions comme étant « en difficulté », estimant que cette expression était suffisamment large pour évoquer les difficultés sociales, identitaires, mais aussi d’accès à la citoyenneté civile, politique et sociale (Marshall, 1950)¹. Comme d’autres concepts, celui de « jeunes en difficulté » permet d’englober des dimensions à la fois objectives (revenu insuffisant, décrochage scolaire, chômage, perte de repères, absence de liens sociaux) et subjectives (rejet, indifférence, inégalités sociales et spatiales, injustice, préjugés, discrimination), des itinéraires complexes d’allées et venues dans les organisations leur venant en aide ainsi que des expériences d’insertion plus ou moins réussies. C’est en outre un concept très usité en travail social, qui traduit, par exemple, des formes très prononcées de disqualification et de stigmatisation de jeunes placés (Kaplan, Skolnik et Turnbull, 2009 ; Mouhot, 2001) – qui ont souvent un parcours marqué par le monde de la rue et la marginalisation (Bellot, 2001 ; Parazelli, 2002). Enfin, sans être directement marginalisés ou institutionnalisés, nombre de jeunes vivent difficilement cette période charnière du passage à la vie adulte, dans un contexte normatif qui ne convient pas à tous (Dubar, 1992). Leur engagement ou leur participation citoyenne a donc pour cadres des contextes plutôt défavorables.

    Notre intention n’est pas de situer la réflexion sur l’état des jeunes, ou sur une lecture binaire de leur situation par rapport à la norme dominante (comme un individu déviant au sens de Becker [1963], par exemple), mais nous souhaitons plutôt faire ressortir les contours des situations de jeunes qui doivent surmonter des obstacles personnels ou structurels à leur intégration et à leur passage à la vie adulte, bref à leur devenir de citoyens. Nombreuses sont les études qui illustrent les difficultés socioéconomiques des jeunes, qu’elles soient liées à leur niveau de qualification, au décrochage scolaire, aux emplois précaires ou aux milieux sociaux d’origine. Elles mettent parfois l’accent sur les difficultés cognitives comme le manque de confiance en soi ou le sentiment de honte, par exemple. Au-delà de la pauvreté, de l’exclusion sociale ou de la précarité, ces divers éléments entraîneraient ultimement un éloignement de la sphère d’engagement. Alors que les jeunes sont nombreux à être exclus de la parole politique ou à être méfiants à l’égard des institutions et des adultes, peu de travaux s’intéressent à leurs difficultés d’accès à la citoyenneté.

    Néanmoins, on relève un intérêt accru pour la prise en compte des voix des « acteurs faibles », affaiblis notamment par une catégorisation de l’action publique qui les particularise tout en leur donnant un statut particulier dans l’espace social (Payet, Giuliani et Laforgue, 2008). Cela s’inscrit dans un mouvement progressif de reconnaissance des droits des usagers au sein de l’administration publique (Warin, 2002). En effet, des auteurs observent une évolution des politiques publiques et législations internationales et nationales destinées aux enfants et aux jeunes (Gaudet, 2018) ; ceux-ci sont de plus en plus perçus comme étant capables d’avoir une incidence sur les politiques publiques qui les affectent. Une grande partie de la littérature recensée fait référence à l’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant (1989) qui promulgue le principe de participation. Différents auteurs constatent également, dans leurs pays respectifs, des modifications en ce sens dans le droit interne (Gülgönen, 2014 ; Jésu, 2006 ; Lacroix, 2016a ; Paré, 2014), les différents États ayant une volonté politique de démocratiser l’action publique.

    Cependant, la promotion de la participation des jeunes par les pouvoirs publics n’aurait pas que des visées démocratiques (Gaudet, 2018 ; Loncle, 2010), mais s’inscrirait également dans un contexte de résurgence d’une économie libérale et d’individualisation des politiques publiques où la responsabilisation des usagers est importante, notamment à l’ère où la jeunesse est perçue comme un problème social (Lacroix, 2016a). En ce sens, Bessant (2003) montre que pour l’ensemble des politiques publiques destinées aux jeunes, la montée de la question de leur participation, dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques, cadre avec un nouveau mode de gouvernance de la jeunesse. Devant la précarisation du marché du travail et le chômage des jeunes, leur participation est vue comme une stratégie de prévention. La jeunesse est en effet la catégorie de la population sur laquelle l’impératif de la citoyenneté et du maintien de la cohésion sociale pèse le plus (Loncle, 2003). Au Québec, le travail social s’interroge sur des modes d’intervention favorisant le développement de la citoyenneté, les liens sociaux et les liens d’appartenance comme la solidarité, la protection, la reconnaissance et l’existence sociale (Pelchat, 2010), et ce, particulièrement en ce qui concerne les jeunes en difficulté (Ellefsen et Hamel, 2000).

    D’autres travaux, relativement récents, montrent que dans le contexte actuel de société centrée sur l’individu, l’engagement n’est pas mort. Ces travaux perçoivent d’ailleurs dans l’individualisme non pas la source du déclin de l’engagement, mais plutôt la raison de sa multiplication dans des formes et des contextes aussi divers que possible (Ion, 2012). Ils soulignent à la fois l’horizontalité des réseaux et le caractère éphémère et peu structuré tant des organisations que des actions. Par ailleurs, il est essentiel de nuancer une vision binaire de l’engagement – être engagé ou non – alors que divers degrés d’engagement ont toujours existé dans les organisations militantes, comme l’ont déjà montré plusieurs auteurs. En ce qui les concerne, ils croient que l’important est de constater les rapports diversifiés à l’engagement des individus plus prompts à passer de formes d’engagement décrites comme totalitaires à des formes plus distanciées ou inversement, au gré de leur carrière militante (Brodiez, 2006 ; Lardeux, 2016 ; Mathieu, 2007). En outre, il convient de noter que les jeunes dont il est question dans ces travaux ne représentent pas tous les jeunes. Ainsi, force est de constater l’absence des « jeunes en difficulté » de ces réflexions sur l’évolution de l’engagement dans les sociétés modernes.

    Nombre d’écrits ont relevé à la fois l’absence des jeunes dans des sphères plus classiques d’engagement, comme le vote, et l’évolution des formes d’engagement des jeunes en particulier. Or, tantôt cela ne concerne pas les jeunes en difficulté, tantôt cela ne concerne qu’une infime partie des jeunes (black blocs, altermondialistes, etc.). Par ailleurs, alors que des dispositifs de participation sont de plus en plus promus, souvent soutenus par les pouvoirs publics, mais aussi par des organismes communautaires – depuis longtemps engagés dans la promotion de la participation citoyenne – , ils sont régulièrement décriés, accusés d’instrumentalisation, notamment des jeunes en difficulté. Cela met en exergue une autre tendance dans la littérature, soit l’attention portée aux déficits des personnes et des jeunes en matière de mobilisations collectives. On pourrait donc résumer les thèmes présents dans les recherches sur l’engagement des jeunes en difficulté comme suit : leur invisibilité dans les études portant sur l’engagement ; l’improbabilité présumée de leur engagement ou encore l’instrumentalisation de leur participation par nombre d’acteurs ou de dispositifs.

    Malgré ces tendances repérées dans les écrits, ce qui frappe, c’est surtout la rareté de la littérature sur cette question. Notons tout de même le récent dossier de la revue Sociétés et jeunesses en difficulté portant sur l’engagement des jeunes en difficulté coordonné par Becquet et Goyette (2014), qui réunit des auteurs travaillant sur cette question. Ce n’est toutefois pas encore un champ d’études en tant que tel, par exemple au même titre que la participation électorale ou le bénévolat. L’analyse a jusqu’ici plutôt été centrée sur l’engagement en lien avec les champs politique et civique, et sur la reconnaissance du fait que leur engagement n’est pas nécessairement institutionnalisé, et que lorsqu’il l’est, il ne revêt pas les formes classiques de participation à travers la représentation, mais prend de multiples formes.

    Tenant compte de l’ensemble de ces enjeux, cet ouvrage a pour objectif de comprendre comment ces jeunes dits « en diffi » définissent eux-mêmes l’engagement et le vivent, particulièrement à travers leur milieu de vie. Tout en conservant une perspective critique sur les dispositifs de participation des jeunes, il importe de reconnaître le rôle de ces milieux dans la mobilisation des jeunes en difficulté notamment. C’est le sens des trois démarches de recherche sur lequel cet ouvrage s’appuie. Ces trois recherches ont en commun les éléments suivants : l’objet d’étude (l’engagement) ; la population (des jeunes vivant des difficultés) ; les stratégies de recrutement (des milieux de vie tels que des ressources en hébergement ou en logement, des centres jeunesse et des maisons de jeunes) ; et les instruments de collecte de données (les entretiens qualitatifs). Elles se distinguent par ailleurs par l’étude de certains aspects qui permettent de proposer un portrait large des contours des formes d’engagement propres aux jeunes en difficulté : l’âge (des adolescents, des jeunes adultes), la diversité des difficultés (jeunes marginalisés, jeunes placés, jeunes éprouvant des difficultés dans leur passage à la vie adulte) et les espaces d’engagement (formels, informels ou hors cadre).

    Dans une première partie, nous abordons les aspects théoriques et méthodologiques de l’étude de l’engagement des jeunes en difficulté. Le premier chapitre est consacré à une recension d’écrits sur le sujet qui, loin d’être exhaustive, pose plutôt un regard problématisé sur les enjeux d’invisibilité, d’improbabilité et d’injonction de l’engagement des jeunes en difficulté. Étant donné le manque d’outils théoriques pour appréhender ce phénomène, véritable angle mort de la recherche, nous proposons ensuite, dans le deuxième chapitre, d’adopter une définition extensive de l’engagement de ces jeunes qui est vu comme un processus s’inscrivant dans leur propre milieu de vie. Cet espace a rarement été étudié comme levier de mobilisation, ce qui a entraîné l’exclusion des jeunes en difficulté de l’étude du phénomène d’engagement. Enfin, dans le chapitre 3, nous exposons les cadres méthodologiques initiaux des trois recherches ainsi que la méthode d’analyse secondaire de nos résultats, qui a servi à rédiger cet ouvrage. Nous expliquons notamment comment et pourquoi nous avons procédé par le truchement de divers milieux de vie, organismes communautaires ou milieux institutionnels, pour rencontrer des jeunes en difficulté. Nous présentons également la manière dont nous avons construit nos protocoles de recherche. Notre objectif est de décrire et d’analyser les enjeux pratiques de la recherche afin de présenter certaines des questions épistémologiques qui émergent de nos démarches de recueil de données et d’analyse.

    La deuxième partie de ce livre, comportant cinq chapitres, est consacrée à la présentation de nos résultats selon cinq principaux thèmes en regard du processus d’engagement des jeunes. Dans un enchaînement suivant la trajectoire de leur expérience, chacun des chapitres propose un dialogue entre leurs propos (extraits de verbatim) et les écrits sur le sujet abordé. Tout d’abord, le chapitre 4 traite des dispositions biographiques antérieures aux expériences d’engagement ayant fait l’objet de nos recherches. Nous portons notamment notre regard sur la socialisation familiale et extrafamiliale des jeunes pour analyser la manière dont ce capital d’expériences biographiques peut être à la fois contraignant et source d’engagement. Il s’agit d’un point de départ important pour situer les jeunes dans leurs trajectoires d’engagement. Ensuite, dans le chapitre 5, nous présentons trois types d’espaces où s’engagent les jeunes rencontrés. Il s’agit des espaces formels et informels au sein de leur milieu de vie, ainsi que des espaces situés à l’extérieur de ces milieux étudiés, ce qui nous permet de constater la diversité de leurs expériences se déroulant au sein de cadres plus ou moins structurés. Dans le chapitre 6, il est question des conditions d’émergence d’un processus d’engagement qui sont propres à chacun des milieux de vie. Comment ces derniers favorisent-ils (ou non) l’entrée et le maintien de l’engagement des jeunes ? Nous examinons les perceptions qu’ont les jeunes des lieux fréquentés et de leur fonctionnement, ainsi que des interactions entre eux et avec les intervenants. Nous approfondissons ainsi les enjeux de leur participation. Ces trois chapitres nous livrent ainsi les clés pour comprendre le chapitre 7 portant sur les représentations que les jeunes ont des rôles qu’ils assument au sein des différents espaces d’engagement. Multiples, certains rôles semblent transversaux à l’ensemble des espaces d’engagement étudiés, alors que d’autres semblent plus reliés à certaines expériences d’engagement. Enfin, nous terminons l’ouvrage par un huitième chapitre consacré aux effets de l’engagement, toujours selon le point de vue des jeunes. Nous y proposons une analyse de ces effets sur le plan personnel, mais partageons aussi des réflexions plus larges sur les effets collectifs produits sur le rapport aux autres, aux espaces d’engagement et à la société. Pour chacun de ces grands thèmes, nous avons pris soin d’analyser les arrière-scènes participatives et les formes de non-engagement des jeunes dits « en difficulté » parce qu’elles révèlent, comme par effet miroir, les tenants et aboutissants de leurs prises de position et permettent de faire une lecture plus fine des espaces d’engagement offerts au sein des milieux de vie.

    1. Marshall (1950) définit la citoyenneté civile comme étant l’accès aux droits nécessaires à la liberté individuelle de la personne, la citoyenneté politique comme étant le droit de participer à l’exercice du pouvoir politique (vote et éligibilité) et, enfin, la citoyenneté sociale comme étant le droit à un minimum de bien-être et de sécurité économiques par le biais de droits sociaux qui protègent des problèmes de santé ou de la perte d’un emploi, par exemple.

    PARTIE

    1

    ANALYSER L’ENGAGEMENT DES JEUNES EN DIFFICULTÉ

    Cette première partie vise à problématiser notre objet d’étude afin de présenter quelques perspectives théoriques et méthodologiques fécondes pour l’appréhender. Si les difficultés vécues par les jeunes ont été largement documentées, que ce soit à l’adolescence ou lors du passage à la vie adulte, nous en savons beaucoup moins sur la manière dont ils vivent l’expérience de l’engagement. Au-delà du contexte social où de forts incitatifs à participer sont développés, quelles perceptions ont-ils de leurs expériences d’engagement et de leurs rôles ? Où et comment s’engagent-ils ? Quels motifs les amènent à s’impliquer ou à demeurer en retrait ? Qu’en retirent-ils ? Afin de tenir compte de ces parcours biographiques particuliers, des milieux au sein desquels ils évoluent ainsi que du contexte sociopolitique, nous expliquerons comment il nous est apparu nécessaire d’adopter une définition processuelle de l’engagement pour être en mesure de considérer, à partir de leurs points de vue, le spectre des expériences possibles. En effet, saisir le sens que les jeunes en difficulté accordent à leur engagement tout en tenant compte du contexte dans lequel il se vit constitue le cœur de cet ouvrage. Cet engagement se rapporte tantôt à des prises de position, à des expériences de participation citoyenne partisane ou non partisane, tantôt à des expériences de bénévolat, de militantisme plus ou moins assidu dans des organisations plus ou moins structurées. À travers la problématisation du phénomène étudié, nous verrons qu’une définition processuelle de l’engagement appelle des raisonnements théoriques et méthodologiques qui seront explicités dans les chapitres 1, 2 et 3.

    CHAPITRE

    1

    L’ENGAGEMENT DES JEUNES EN DIFFICULTÉ : DÉFINITIONS ET ÉTAT DE LA SITUATION

    Au cours des deux dernières décennies, les politiques gouvernementales québécoises à l’égard de la jeunesse ont témoigné d’une réelle préoccupation publique pour la participation citoyenne et, par là même, pour l’engagement. Cette vogue participationniste transparaissait déjà dans la Politique québécoise de la jeunesse en 2001, dans laquelle on souhaitait favoriser « la citoyenneté active de tous les jeunes du Québec » et se mobiliser en faveur d’une « jeunesse forte et engagée » (Gouvernement du Québec, 2001, p. 23, p. 15). La dernière Politique québécoise de la jeunesse 2030 (axe 3) vise également à « favoriser l’engagement des jeunes dans la culture, la communauté et la société » (Gouvernement du Québec, 2016a). Sur le plan fédéral, la première Politique jeunesse du Canada vient tout juste de voir le jour, à la suite d’une consultation ayant eu lieu en 2017 ; l’un de ses objectifs est de « créer pour les jeunes des occasions réelles d’être entendus et respectés » (Gouvernement du Canada, 2019, p. 6).

    Alors que les jeunes en difficulté ont souvent constitué une catégorie d’action publique pour laquelle des mesures d’insertion en emploi ou aux études ont principalement été adoptées, la Stratégie québécoise d’action jeunesse 2016-2021 prévoit, quant à elle, une « démarche de participation citoyenne pour les jeunes aux parcours de vie différenciés » (Gouvernement du Québec, 2016b, p. 28). En collaboration avec le Regroupement des organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec (ROCAJQ), cette action viserait à soutenir la participation de jeunes de 15 à 29 ans qui seraient plutôt absents des dispositifs traditionnels de participation et en rupture avec les services publics. Les jeunes reconnus en difficulté auraient-ils besoin d’un soutien particulier ? Dans cette vogue participationniste, ces jeunes seraient-ils une cible privilégiée ou est-ce une façon de reconnaître qu’ils s’engagent et développent, comme les autres, des actions de participation sociale ou citoyenne diverses ?

    L’examen des écrits scientifiques portant sur le phénomène révèle plutôt, de prime abord, l’improbabilité de l’engagement des jeunes aux parcours différenciés, son invisibilité ou encore l’injonction à la participation des jeunes en difficulté dans une visée préventive ou d’intégration. Un défi de taille se pose alors : saisir les formes, les espaces, les contours, les contraintes, les motifs et les effets de leur engagement. En effet, peu d’écrits existent à ce jour pour éclairer les particularités de l’expérience d’engagement des jeunes en difficulté. Au regard de ce dernier objectif, la mise en commun de nos travaux respectifs nous semblait constituer une démarche heuristique. Nos objets d’étude des dernières années concernent respectivement l’engagement des jeunes en situation de marginalité, soit des jeunes de la rue ou en sortie de rue (Greissler, 2013), l’engagement de jeunes placés au sein des espaces de participation collective de leur lieu de vie et à leur sortie des centres jeunesse (Lacroix, 2016a, 2016b, 2017a, 2017b, 2018a, 2018b) et la participation citoyenne vécue au cours de l’adolescence (Morissette, 2013).

    Dans la première partie de ce chapitre, nous tentons de problématiser le phénomène de l’engagement chez les jeunes en difficulté, en délimitant tout d’abord notre objet de recherche et les enjeux définitionnels qu’il comporte. Nous exposerons ainsi les situations sociales que nous avons regroupées sous l’appellation « jeunes en difficulté » et comment, malgré des concepts proposant quelques nuances, nous avons toutes convergé vers celui d’« engagement ». Dans une seconde partie, nous faisons état des obstacles épistémologiques auxquels nous avons fait face pour aborder ce sujet le plus souvent occulté ou traité seulement sous l’angle anomique d’un engagement absent ou déviant. Pour ce faire, nous avons rassemblé nos revues de littérature respectives, que nous avons complétées par des écrits plus actuels¹. Faute de travaux portant précisément sur l’engagement des jeunes en difficulté, nous avons ajouté des références portant sur l’engagement chez les adultes. Toutefois, nous ne prétendons pas en faire un examen exhaustif. Nous voulons surtout souligner la nécessité de prendre en considération les conditions de vie, les difficultés de ces jeunes, pour comprendre comment elles peuvent déterminer les formes que peut prendre cet engagement. Au-delà de l’invisibilité ou de l’improbabilité parfois présumée de leur engagement dans les dispositifs de participation traditionnels, ces embûches peuvent même constituer des mobiles d’engagement et conduire à des formes multiples et originales d’implication sociale. Dans ce contexte, nous verrons qu’une définition élargie de ce qu’est l’engagement est indispensable pour comprendre la complexité du processus d’engagement de ces jeunes qui s’observe dans divers espaces de participation.

    1. DES DÉFINITIONS IMPORTANTES

    Dans cette section, nous définissons brièvement ce que nous entendons par l’expression « jeunes en difficulté » et par le concept d’engagement afin de mieux saisir les différentes perspectives théoriques ayant été croisées pour la rédaction de cet ouvrage. Une réflexion sur les paramètres théoriques dans lesquels s’inscrivent nos travaux de recherche initiaux (la définition des termes employés pour qualifier les jeunes, l’explication des principaux concepts autour de celui de l’engagement, la présentation des modèles théoriques qui nous ont inspirées) nous a permis de construire un cadre d’analyse original. En effet, d’une part, notre objet de recherche, somme toute peu exploré, a nécessité la mobilisation de plusieurs univers théoriques et, d’autre part, la particularité de notre démarche d’analyse secondaire croisée nous a amenées à construire, à partir de ces entrées ou approches différentes, un cadre commun d’analyse de l’engagement des jeunes en difficulté.

    1.1. Les jeunes en difficulté

    Entre l’adolescence et l’âge adulte, les jeunes sont au cœur d’un processus d’autonomie et d’indépendance financière, résidentielle et relationnelle (Galland, 2017 ; Gaudet, 2001). Cependant, « plutôt que de s’ancrer dans un modèle unique, [ce processus] reflète de plus en plus une cohabitation de normes plus ou moins contradictoires » (Bourdon, Longo et Charbonneau, 2016, paragr. 1). L’autonomie, en tant que réalisation personnelle qui s’impose à tout individu (Ehrenberg, 1998), prendrait pour les jeunes en difficulté une forme particulière d’incertitude, selon laquelle ils seraient laissés à eux-mêmes pour « trouver un sens à leur vie » (Parazelli, 2007, p. 69). Sans trancher dans tous les débats théoriques en cours, l’atteinte de l’autonomie des jeunes ne se manifeste plus uniquement dans la transition de l’école vers l’emploi, de la famille vers une relation de couple, mais dans les expériences, les stratégies personnelles, les avancées et les reculs. Les transitions vers la vie adulte constituent ainsi un processus régi non seulement par les conditions sociales, les caractéristiques et les comportements individuels, mais aussi par les mécanismes du marché économique, les politiques publiques ou les représentations sociales (Goyette, Pontbriand et Bellot, 2011).

    Depuis les années 1980, les jeunes subissent directement les effets des changements sociétaux : mutations du marché du travail, délitement des liens familiaux, désinstitutionnalisation ou modifications des régimes d’aide sociale (Goyette et al., 2011 ; Molgat, 2007 ; Vultur, 2005). L’appellation de « jeunes en difficulté », apparue dans ces années-là, renvoie à de multiples situations sociales : manque de ressources financières, problèmes de santé physique ou mentale, quête de l’identité sexuelle, fragilité des liens sociaux, instabilité résidentielle, consommation de drogues, décrochage scolaire, etc. Des conditions objectives expliquent le fait que certains vivent, plus que d’autres, des expériences de pauvreté, de précarité, de décrochage scolaire, de chômage, d’instabilité résidentielle ou d’isolement. Des situations moins visibles comportent aussi des expériences diverses et subjectives d’incertitude (Castel, 2009), de vulnérabilité (Becquet, 2012), pour des jeunes en apparence intégrés et autonomes (Châtel et Roy, 2008 ; Paugam, 2014). Des parcours marqués par l’exploitation, la non-reconnaissance et le mépris social (Fraser, 2005) – se manifestant parfois par des expériences de rejet de la famille tout comme des dispositifs ou des espaces publics (Colombo, 2010 ; Goyette et al., 2011) – révèlent les inégalités sociales qui compromettent les transitions vers la vie adulte des jeunes en difficulté.

    Cette catégorie, somme toute artificielle, regroupe donc plusieurs concepts permettant de simplifier la compréhension de trajectoires complexes : la pauvreté, la précarité, la vulnérabilité, les inégalités ou la situation de marginalité. Elle traduit ce qui a pu, dans les années 1980 et 1990, mettre à mal les catégories et les stratégies classiques d’intervention sociale, notamment parce que les jeunes vivent plusieurs situations en même temps, comme l’explique Castel (1994, p. 13) :

    [C]ertains jeunes […] sont souvent un peu délinquants, un peu toxicomanes, un peu vagabonds, un peu chômeurs ou un peu travailleurs précaires. Aucune de ces étiquettes ne leur convient exactement. Ils s’installent rarement en permanence dans un de ces états, mais ils circulent de l’un à l’autre. Face à cette instabilité, à cette fluidité, les cultures institutionnelles et professionnelles classiques se trouvent démunies : comment les prendre en charge ? Faut-il les catégoriser pour leur attacher des compétences professionnelles propres à des places institutionnelles précises ?

    Aussi floue ou poreuse que soit l’expression « jeunes en difficulté », elle est opératoire notamment pour caractériser le fait d’être dans une situation d’entre-deux : ni vraiment intégrés, ni vraiment exclus (Becquet, 2012 ; Bellot et Loncle, 2013 ; Castel, 1994). La situation de difficulté des jeunes s’explique par les concepts de « vulnérabilité », de « désaffi » ou d’« exclusion sociale », et peut être décrite selon le terme de « parcours de vie différenciés » – proposé par le ROCAJQ – qui illustre le fait de déroger de la norme et d’être stigmatisé. En outre, comme le soulignent Roy, Rhéaume et Hétu (1998, p. 15), si l’expression n’offre pas de critères précis, elle prend un sens très empirique de jeunes pris en charge, « nécessitant une intervention extérieure à la famille ». C’est donc avant tout une catégorie d’action publique, une cible d’intervention pour laquelle de multiples dispositifs de participation citoyenne sont pensés.

    Selon le découpage proposé par Bouchard (1991) ou BoutereauTrichet, Jourdain-Mennonger et Lanelongue (2005), les difficultés rencontrées tireraient leur source de trois facteurs : 1) des comportements nocifs d’adultes sur les jeunes (abus ou négligence) ; 2) elles seraient les conséquences indirectes des comportements ou des situations sociales vécues par les adultes de leur entourage (pauvreté) ; 3) elles seraient reliées aux conduites des jeunes eux-mêmes (consommation). C’est ainsi que la jeunesse en difficulté est devenue depuis plus d’une trentaine d’années une catégorie et un objet d’action publique (Labadie, 2005 ; Vulbeau, 2005), l’âge devenant un instrument donnant accès (ou non) à certains droits ou programmes, en particulier pour les jeunes dont la situation de précarité justifie qu’ils soient ciblés par des aides spéciales (Lima, 2016).

    Afin de simplifier la lecture, nous parlerons des « jeunes en difficulté » tout au long de l’ouvrage. Toutefois, il importe de préciser que nous préférons la formulation « jeunes dits en difficulté » ou « jeunes reconnus [par les institutions] comme étant en difficulté » – pour éviter, d’une part, de stigmatiser les jeunes dont nous parlons et, d’autre part, de donner l’impression d’un état statique qui ne pourrait changer dans le temps. Signalons d’ailleurs qu’ils ne se considèrent pas eux-mêmes comme des « jeunes en difficulté ». Bien entendu, nous ne nions pas le fait qu’ils vivent des épreuves, au contraire, et nous savons qu’elles peuvent être multiples. Nous souhaitons ainsi marquer notre distance critique face à cette appellation qui contribue, en quelque sorte, à leur mise à l’écart. De plus, il s’agit pour nous, en tant que chercheuses, d’objectiver la construction de notre objet de recherche en n’occultant pas le fait que les groupes de jeunes à l’étude sont bien souvent considérés, constitués, regroupés par les institutions étatiques de façon homogène alors que, bien souvent, cette catégorie « jeunes en difficulté » est disparate. À l’instar de ce qu’ont pu démontrer Bonelli et Carrié sur la « fabrique de la radicalité » des jeunes djihadistes français, qu’on peut, par analogie, appliquer au cas nous intéressant ici, « l’ambition est la suivante : faire de la science à partir de catégories d’action et de gestion étatique, non pour produire un savoir d’État visant à les conforter et à les éterniser, mais au contraire pour les interroger et les utiliser afin de comprendre le monde social » (Bonelli et Carrié, 2018, p. 16).

    Précisons in fine que notre définition de la jeunesse englobe à la fois les adolescents et les jeunes adultes, à l’instar d’initiatives publiques et communautaires qui soutiennent leur engagement et d’auteurs ayant publié des travaux sur la question (Becquet et De Linares, 2005 ; Gaudet, 2018 ; Gouvernement du Québec, 2016a, 2016b ; Loncle, 2008). Bien que la période de l’adolescence et celle de l’entrée dans l’âge adulte soulèvent des défis différents pour les jeunes, il est possible de développer une vision globale des jeunes âgés de 15 à 30 ans qui traversent des périodes difficiles et ainsi, de percevoir les singularités propres à leur âge dans le cadre de leurs expériences. Il y a effectivement un intérêt majeur à comprendre l’engagement des jeunes à travers l’ensemble des sphères de vie d’acteurs considérés a priori comme les plus éloignés des espaces d’engagement.

    1.2. L’engagement

    Dans cette section, nous survolons différentes définitions de l’engagement, en tentant de les rapporter aux défis particuliers que doivent surmonter des jeunes vivant des difficultés. Selon notre conception des transitions vers la vie adulte, il s’avère nécessaire de comprendre l’engagement comme un processus complexe.

    Le concept d’engagement s’inscrit dans un champ sémantique très large qui fait autant référence à des formes de prise de position dans l’espace public, de militantisme politique ou associatif, qu’à des activités de bénévolat. De nombreux synonymes se font concurrence dans les travaux. On retrouve principalement les termes de « participation » et d’« engagement » dans les recherches en sociologie ou en sciences politiques. Notons que dans la langue française, la distinction entre ces deux termes est moins nette (Gauthier, 2016). Certains auteurs emploient exclusivement le terme « engagement » pour souligner le caractère intense du don de soi que cela suppose (Frétigné, 1999) ou le caractère durable de la participation à une action collective (Sawicki et Siméant, 2009), alors que d’autres considèrent ces deux concepts comme des synonymes. Les écrits anglophones proposent des définitions plus précises et circonscrites de chacun de ces termes : « involvement » (participation) et « commitment » (engagement).

    La participation politique consiste globalement à prendre part aux décisions politiques et institutionnelles à travers le vote, la signature d’une pétition ou le militantisme politique. La participation sociale revient plutôt à « donner de son temps personnel » pour améliorer la vie dans la collectivité (Gaudet, 2012). La participation citoyenne, enfin, reprend, dans la plupart des écrits, ces deux concepts pour désigner des actes d’engagement associés à la vie collective, à l’expression dans l’espace public, ou la participation à un projet, à une organisation (Pelchat, 2010). D’ailleurs, le terme « participation citoyenne » est le plus souvent employé par les institutions comme le Conseil permanent de la jeunesse (CPJ, 2004, 2005) qui le décline en trois formes : la participation démocratique, la participation politique et la participation à la société. La première forme est vue comme un espace de parole libre en ce sens qu’elle doit permettre au jeune de « discuter, donner son opinion sur la vie politique ou manifester son opposition ou son appui à une cause, pour autant que cela ait lieu dans l’espace public » (CPJ, 2004, p. 19). La seconde, soit la participation politique, concerne le fait d’exercer le pouvoir, de siéger à un conseil d’administration (CA) d’une instance publique et de prendre part aux décisions dans la sphère publique (CPJ, 2004, p. 20). Enfin, la participation à la société civile se traduit par l’implication dans des associations et des mouvements qui cherchent à défendre des droits sociaux, mais aussi par l’aide au sein de sa communauté ou par le fait de siéger au CA d’un organisme de la société civile (CPJ, 2004, p. 21). L’ensemble de ces formes de participation ont en commun d’être associées aux thèmes de la vie sociale ou collective et aux actions qui permettent aux individus d’y prendre part (Mazzoleni et Masulin, 2005). Nous les considérons comme des manifestations d’engagement, comme des façons, parmi d’autres, de prendre part et de participer à des actions collectives ou individuelles. Le concept d’engagement est privilégié dans cet ouvrage, car, outre d’avoir un horizon sémantique plus large, il nous permet de préciser les prises de position pouvant se traduire par des formes de participation politique, sociale ou citoyenne.

    Étymologiquement, l’engagement signifie « se lier par une promesse » à des individus, à des espaces, à des organisations professionnelles, politiques ou associatives (Bobineau, 2010 ; Ladrière, 1990). S’il est aujourd’hui plus largement associé au domaine du politique, c’est d’abord un terme militaire et juridique qui revêt un aspect moral important. Dans son acception plus récente, l’engagement désigne

    un mode d’existence dans et par lequel l’individu est impliqué activement dans le cours du monde, s’éprouve responsable de ce qui arrive, ouvre un avenir à l’action. [C’est] un acte par lequel l’individu se lie lui-même dans son être futur, à propos soit de certaines démarches, soit d’une forme d’activité, soit même de sa propre vie (Ladrière, 1990, p. 102).

    Ainsi, à l’instar de Passy (1998), l’engagement peut être conceptualisé par rapport aux différentes sphères de la vie d’un individu, dans la perspective de sa propre construction identitaire :

    Les sphères de vie sont liées à celle de l’engagement de façon subjective et symbolique avant de devenir un lien factuel […] Ce sont les acteurs qui construisent de telles élaborations de sens […] [L’acteur] intègre de façon personnelle et originale ses multiples interactions que ce soit avec le monde social ou avec lui-même (Passy, 1998, p. 116).

    Pour autant, l’engagement ne met pas en scène seulement la personne qui s’engage et « n’est pas le résultat d’une volonté individuelle » (Havard Duclos et Nicourd, 2005). Pour Cultiaux et Vendramin (2011), cet acte est constitué de trois pôles indissociables : la cause, l’individu et l’organisation. Ce sont les dispositions d’une personne, son intérêt pour la cause et les efforts déployés par l’organisation pour le recruter qui sont à l’origine d’un engagement. Dans cette acception, l’acte prend forme au sein d’une structure (militante, associative ou autre), au sein d’un groupe d’individus partageant le même

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