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Le CHERCHEUR FACE AUX DEFIS METHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE: Freins et leviers
Le CHERCHEUR FACE AUX DEFIS METHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE: Freins et leviers
Le CHERCHEUR FACE AUX DEFIS METHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE: Freins et leviers
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Le CHERCHEUR FACE AUX DEFIS METHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE: Freins et leviers

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À propos de ce livre électronique

Les chercheurs, qu’ils soient séniors ou à leurs premières armes en recherche, font face à de nombreux défis. De nature réflexive, le pré­sent ouvrage veut les outiller en explorant des freins et des leviers rencontrés par des chercheurs de formations et disciplines diverses, en sciences humaines et sociales. Compte tenu de la variété d’angles présentés pour aborder certains défis et de la diversité des expériences vécues par les auteurs, il offre un éclairage original sur des défis à prendre en considération durant la réalisation d’une recherche.

Cet ouvrage constitue une importante source d’information et de réflexion sur le vaste domaine du processus rigoureux de la re­cherche. Il s’adresse autant aux étudiants et au corps professoral qu’à toutes les personnes préoccupées par la question des choix méthodologiques.
LangueFrançais
Date de sortie1 févr. 2017
ISBN9782760543935
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    Aperçu du livre

    Le CHERCHEUR FACE AUX DEFIS METHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE - Pauline Beaupré

    Introduction

    Rakia Laroui

    Dans toutes les sphères d’activité de la société, la recherche s’est imposée avec le temps. Les questions liées aux enjeux méthodologiques constituent des préoccupations d’actualité qui se révèlent d’une importance capitale. Le projet du présent ouvrage collectif, intitulé Le chercheur face aux défis méthodologiques de la recherche: freins et leviers, est une initiative du Groupe de recherche sur l’apprentissage et la socialisation (APPSO) de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), campus de Lévis et de Rimouski.

    Depuis sa création en 2009, l’APPSO se consacre à l’étude des mécanismes d’apprentissage et des conditions qui favorisent celui-ci. Il privilégie également l’étude des processus de socialisation dans une perspective d’intégration et de participation des personnes au sein de différents milieux (scolaire, familial, communautaire). Le groupe compte près d’une quarantaine de membres, professeurs et étudiants des deux campus (Lévis et Rimouski) ainsi qu’associés et invités d’autres universités nationales et internationales. Le regroupement vise à créer une synergie entre des chercheurs multidisciplinaires aux expertises convergentes. Ce réseau de collaboration cherche à aborder les enjeux majeurs en éducation en plus de promouvoir et de diffuser les recherches de ses membres.

    Après six années de présence active en recherche, l’APPSO a organisé son premier colloque scientifique international autour d’un thème rassembleur et d’actualité, à savoir les défis méthodologiques de la recherche. Le colloque, tenu en mai 2015 dans le cadre du 83e congrès de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS), a amené les membres du groupe et les participants à réfléchir aux défis (freins) associés à la recherche et à proposer des solutions (leviers) permettant de mieux cerner la complexité des enjeux liés à la recherche. Le colloque de deux jours a favorisé la réflexion collective sur les défis méthodologiques de la recherche dans plusieurs domaines, au sein desquels les participants ont pu faire part d’expériences inspirantes de recherche. Puis, dans le sillage et la continuité de ces discussions, et pour approfondir ces réflexions, l’APPSO a pris l’initiative de préparer un ouvrage collectif qui constitue une «réflexion sur les méthodologies de recherche».

    L’objectif du présent ouvrage collectif est de reconsidérer la problématique de l’apprentissage et de la socialisation sous un angle trop souvent négligé, soit celui des défis de nature méthodologique auxquels font face les chercheurs qui étudient ce sujet. Cette thématique est traitée selon deux orientations: les fondements méthodologiques de la recherche et l’illustration d’expériences vécues par les chercheurs.

    Cet ouvrage veut surtout favoriser le développement d’une pensée et d’une réflexion critiques sur des méthodologies de recherche. Ainsi, il s’adresse à des chercheurs en exercice, à des praticiens chercheurs et à des étudiants chercheurs. Il pourrait servir d’outil dans le cadre de la formation initiale et continue à la recherche ainsi que dans des séminaires de méthodologie de recherche aux 1er, 2e et 3e cycles universitaires.

    L’ouvrage, sous la direction de Rakia Laroui, Pauline Beaupré et Marie-Hélène Hébert, se compose de 14 chapitres.

    Comme tout chercheur est appelé à relever constamment le défi de l’objectivité de sa démarche de recherche, Jean-Yves Lévesque expose, dans le premier chapitre, une réflexion sur «La distance, la proximité et le défi de l’objectivité du chercheur». Sa réflexion aborde le sens de l’objectivité en recherche, ses fondements, le défi qu’elle pose au chercheur et les leviers qui la favorisent. L’auteur illustre cette thématique en exposant deux projets qui ont marqué son parcours de chercheur. Il ressort de la lecture analytique des deux projets de recherche que, dans les deux cas, tant les chercheurs que les participants à la recherche se sont déplacés et ont fait un effort d’objectivité. Pour l’auteur, afin d’éloigner la subjectivité, les chercheurs et les participants peuvent faire appel à leur liberté de déplacement, soit s’éloigner ou se rapprocher de l’objet de recherche qu’ils explorent. Cette mobilité est en fait un acte d’objectivité.

    Si l’objectivité de la démarche en recherche constitue un défi pour le chercheur, le recrutement des participants permettant la collecte des données est aussi un réel enjeu. Vincent Richard et Michel Bélanger ont voulu étudier dans le chapitre 2, intitulé «La participation d’enseignants à la recherche en éducation: représentation de la recherche, perfectionnement professionnel et dynamique de classe», les facteurs influant sur la participation d’enseignants à un projet de recherche. Ils exposent les représentations que se font des enseignants au sujet de la recherche en éducation, de leurs perspectives de perfectionnement professionnel et des répercussions de leur participation à la recherche sur la dynamique de classe. Les auteurs précisent qu’il existe un fossé entre la recherche et la pratique. Les enseignants utilisent peu les connaissances issues de la recherche parce qu’ils n’ont que peu de possibilités de se perfectionner professionnellement. Ainsi, pour les auteurs, mieux arrimer les projets de recherche aux attentes relatives au perfectionnement professionnel améliorerait les relations entre chercheurs et praticiens.

    Le chapitre 3 traite de l’un des défis de cet arrimage de la recherche aux milieux de pratique. Jean Bernatchez présente, dans «La recherche-action en administration scolaire: proposition d’une démarche qui encadre la dynamique de recherche et qui favorise la communication entre les partenaires», les éléments méthodologiques clés de la recherche-action ainsi que ses différents types. Le chapitre expose la méthode CAUTER, utilisée dans deux projets de recherche-action en gestion et politiques scolaires dans le contexte des partenariats entre les universités et les milieux de pratique. Les deux exemples exposés illustrent bien la difficulté et le défi de concilier recherche et action sur les plans de la méthodologie, de l’éthique, de la politique et de la société.

    Le chapitre 4 expose quant à lui les freins et les leviers relatifs à la recherche-action quand elle est associée à la formation. Yamina Bouchamma, Daniel April et Marc Giguère, dans «Leviers et freins méthodologiques relatifs à une recherche-action-formation en ce qui concerne la supervision pédagogique menée en communauté de pratique professionnelle», décrivent et analysent les freins et les leviers relatifs à un projet qui consistait à accompagner des directions d’établissements scolaires pour leur permettre de constituer une communauté de praticiens professionnels afin de superviser leur personnel enseignant. Même si la méthodologie de la recherche-action-formation présente des limites, les auteurs mettent l’accent sur son utilité et ses avantages. Ils retiennent, entre autres, la collaboration fructueuse des partenaires impliqués dans les projets ainsi que la flexibilité du cadre conceptuel, du contenu de la formation, du mode de collecte des données et du mode de fonctionnement.

    Un autre défi méthodologique de recherche est la place du chercheur, particulièrement en recherche participative. C’est la question que traite Catherine Nafti-Malherbe dans le chapitre 5, intitulé «La recherche participative en sociologie de l’éducation en France». En partant d’un bref historique de la sociologie de l’éducation d’inspiration française, Nafti-Malherbe précise que la pratique de la recherche participative est plus utilisée et valorisée au Québec qu’en France. Elle explique l’intérêt pour la recherche participative par la place qu’occupe le chercheur; celui-ci se situe «avec», et non «sur», les acteurs. L’auteure illustre ses propos par une recherche participative qu’elle a menée au sein d’une école d’ingénieurs atypique en France. L’exemple lui permet de montrer les limites d’une recherche participative émanant d’une demande institutionnelle plutôt que du terrain en question.

    Le chapitre 6 met l’accent sur d’autres défis méthodologiques de la recherche participative. Pauline Beaupré, Sylvain Letscher, Mathieu Point et Élise Milot traitent de «La recherche participative: quelques pistes de solution en réponse à des défis liés à l’inclusion scolaire d’élèves ayant des besoins particuliers». Après la définition du processus de recherche participative, les auteurs présentent, par l’intermédiaire d’illustrations de projets en contexte d’inclusion scolaire, les façons dont les différentes étapes de la recherche participative constituent des défis pour l’équipe de recherche: l’accès au terrain et auprès des élèves; des interactions difficiles; des ajustements contraignants. Les auteurs précisent que ces obstacles peuvent devenir des leviers, lorsque les différents partenaires entretiennent une collaboration fructueuse respectant les règles éthiques pour mener à terme le projet. Le chapitre offre des retombées praxéologiques transférables dans d’autres milieux scolaires.

    Dans le chapitre 7, Mélanie Gagnon et Catherine Beaudry traitent de «La recherche partenariale: apports et embûches». Les auteures expliquent que, dans les définitions conceptuelles du terme, une confusion persiste quant à la compréhension du partenariat entre les chercheurs et les acteurs sociaux. Celui-ci doit reposer sur la coconstruction des connaissances au sein d’une relation symétrique entre les chercheurs et les acteurs sociaux. Or, il peut se heurter à des obstacles liés aux intérêts des partenaires et des chercheurs, qui peuvent varier. L’applicabilité des résultats préoccupe les partenaires du milieu, alors que les chercheurs veulent contribuer à l’avancement des connaissances. Les auteures présentent des illustrations d’expériences de recherche partenariales au cours desquelles les obstacles rencontrés ont mené les chercheurs à faire des compromis sur le plan de la science.

    Un autre type de partenariat est exposé au chapitre 8, intitulé «Les défis d’une recherche commanditée sur le thème de la persévérance scolaire». Marie-Hélène Hébert, Alexis Salvador Loyé, Éric Frenette, Martin Gendron, Julie Mélançon et Dominic Simard y abordent les principaux défis rencontrés par des chercheurs en contexte de recherche commanditée. À partir d’une recherche qu’ils ont menée, les auteurs explicitent les défis méthodologiques rencontrés en fonction du contexte particulier de la recherche ainsi que des statuts des chercheurs et des partenaires, et durant les étapes de réalisation du devis méthodologique. Des questions pertinentes quant à l’indépendance de l’équipe de chercheurs et la liberté intellectuelle sont posées. Le chapitre se termine par la suggestion d’actions efficaces pouvant servir aux chercheurs qui se lancent dans la réalisation d’une recherche commanditée.

    Parmi les éléments importants et les étapes cruciales pour guider et mener une recherche, on trouve l’élaboration de la question de recherche. Cet élément est considéré dans le chapitre 9, intitulé «L’élaboration de la question de recherche: une première étape pour guider la démarche méthodologique». Sylvie Tétreault y expose les éléments à considérer lors de l’élaboration de la question de recherche: les caractéristiques du devis de recherche, celles du chercheur ou de l’étudiant, l’objectif visé, les participants ciblés et le contexte de la recherche, avec ses contraintes. L’auteure expose les composants de la question de recherche en procédant par des méthodes classiques ou par des moyens mnémotechniques. L’article guide le lecteur dans l’élaboration d’une bonne question de recherche à l’aide de plusieurs exemples concrets.

    Le chapitre 10 aborde la méthodologie de la recherche-développement. Hubert Gascon et Marie-Paule Germain présentent «La recherche-développement, une méthode centrée sur l’élaboration d’un produit: l’exemple de PIALEF». Ils illustrent cette démarche de recherche par la création d’un programme en ligne conçu pour accompagner les parents de jeunes enfants ayant des incapacités. Les auteurs décrivent les étapes de la préparation, de l’élaboration et de la mise à l’essai de la plateforme en ligne. Pour réaliser le produit, ces étapes ont dû être accomplies par l’instauration d’un partenariat structuré entre le milieu universitaire et les milieux de pratique. Selon les auteurs, la démarche de recherche-développement, si elle est bien menée, peut contribuer à l’avancement des connaissances et des pratiques.

    Le chapitre 11 introduit une réflexion singulière sur «La recherche qualitative incorporant un point de vue philosophique: avantages et pistes possibles de définition». À partir de sa recherche doctorale, Olivier Michaud illustre une démarche de méthodologie qualitative caractérisée par la dimension philosophique du processus de recherche, et ce, de l’élaboration de la problématique à la collecte et à l’analyse des données. L’auteur considère que l’introduction d’une perspective philosophique permet au chercheur qualitatif d’adopter une posture réflexive quant aux concepts qu’il utilise et aux données collectées. Le chapitre précise l’apport de la philosophie aux méthodologies en sciences humaines et sociales.

    Dans le chapitre 12, intitulé «La collecte de données auprès de participants ayant des incapacités intellectuelles: défis et facteurs de succès», Francine Julien-Gauthier, Colette Jourdan-Ionescu, Sarah Martin-Roy et Julie Ruel traitent des particularités méthodologiques liées à la collecte des données auprès de personnes ayant des incapacités intellectuelles. Ils exposent des méthodes de collecte de données souvent employées pour obtenir le point de vue de ces personnes. Des outils, comme les questionnaires ainsi que les canevas de discussions individuels et de groupes de discussion, doivent être adaptés aux personnes ayant des incapacités intellectuelles. Le chapitre fait ressortir les défis méthodologiques et les facteurs de succès relatifs aux différentes étapes de la recherche réalisée auprès de personnes ayant des incapacités intellectuelles.

    Le chapitre 13 traite d’une méthode de collecte de données, à savoir «L’entretien semi-dirigé et ses principaux défis». Il présente les avantages et les enjeux que comporte cette méthode en ce qui concerne les chercheurs. Rakia Laroui et Roger de la Garde, après avoir défini l’entretien en tant qu’outil méthodologique de recherche, choisissent de traiter de l’entretien semi-dirigé. Ils présentent les avantages de son utilisation et discutent des différents défis que rencontrent les chercheurs au cours du processus de collecte et d’analyse des données ainsi que des défis d’ordres relationnel et éthique. Les auteurs illustrent ces défis à l’aide d’un projet de recherche portant sur l’Étude comparative des représentations sociales du vivre-ensemble chez des enseignants et des parents de Moncton et de Rimouski. Ils précisent que les enjeux relatifs à l’utilisation de l’entretien semi-dirigé en tant qu’outil de recherche peuvent également être envisagés dans les cas d’autres types d’entretiens. Cependant, ces défis se posent différemment quand l’entretien est médiatisé et non présentiel.

    Le dernier chapitre, intitulé «Les devis de recherche mixtes: un moyen de répondre à des problèmes complexes en éducation», vise le dépassement de la querelle à propos des paradigmes relatifs aux méthodes de recherches quantitatives et de recherches qualitatives. Il aborde les apports des devis de recherche mixtes et expose les avantages du recours à cette méthodologie. Les auteurs Thomas Rajotte, Maria-Lourdes Lira-Gonzales et Pascal Grégoire proposent un tableau éclairant des forces et des limites de cette méthodologie. Ils explicitent les devis mixtes simultanés et les devis mixtes séquentiels. Les auteurs font ressortir les sept critères appliqués aux différents types de devis mixtes. Par l’intermédiaire d’une recherche réalisée, ils montrent les différents apports de la recherche mixte en ce qui concerne plusieurs aspects de la problématique de recherche.

    Le présent ouvrage vise à rendre compte des richesses que peut produire une réflexion innovante sur les défis méthodologiques de la recherche. Ses différents chapitres permettent de déterminer et d’analyser les enjeux complexes et stimulants auxquels les chercheurs font face au cours de leur démarche de recherche. Les réflexions des 33 auteurs qui ont participé à cet ouvrage collectif apportent un éclairage particulier, correspondant à diverses facettes de la complexité méthodologique de la recherche dans plusieurs domaines. De plus, l’ouvrage expose aux lecteurs des illustrations et des expériences significatives de recherche où la créativité méthodologique des chercheurs est inspirante. Plusieurs questionnements féconds et d’actualité à propos des défis méthodologiques de la recherche sont abordés: l’objectivité de la démarche de recherche, l’élaboration de bonnes questions de recherche, le recrutement des participants, les méthodes de collecte et de traitement des données, l’éthique en recherche, l’arrimage des milieux de recherche aux milieux de pratique, etc. Ce regard critique des chercheurs amène le lecteur vers l’art de s’interroger sur les pratiques méthodologiques de recherche et vers des pistes de réflexion, exposées dans la préface et la postface du présent ouvrage collectif.

    CHAPITRE 1

    La distance, la proximité et le défi de l’objectivité du chercheur

    Jean-Yves Lévesque

    Tout chercheur est appelé à relever constamment le défi de l’objectivité de sa démarche. Dans le champ qui nous occupe, soit celui des sciences de l’éducation, ce défi donne matière à réflexion: quels en sont les fondements? Comment le chercheur doit-il l’aborder? Quelles sont les stratégies possibles pour le surmonter? L’objectivité peut-elle prendre différentes formes?

    Le concept d’«objectivité» a trait au caractère de ce qui constitue un objet de pensée valable pour tous. Dans l’usage courant, il est employé pour signifier la qualité de ce qui est conforme à la réalité, l’absence de partialité d’un jugement ou d’une personne (Rey, 1998). Dans la sphère scientifique, le terme renvoie à l’habileté du chercheur à laisser l’objet d’étude montrer sa nature par l’intermédiaire des descriptions et des interprétations qu’il en fait (Baribeau et Royer, 2012). Pour Robillard (2010), l’objectivité représente la qualité d’une analyse du réel libre de toute intentionnalité du chercheur. Cela signifie que c’est la gestion de la distance entre le chercheur et l’objet étudié qui établit le rapport entre la science et le réel. Très proche du concept d’«objectivité», objectivation est un terme d’action qui se réfère «au processus par lequel la connaissance devient de moins en moins subjective» (Legendre, 2005, p. 961). Pour sa part, la notion de «subjectivité» désigne le caractère de ce qui appartient au sujet. Elle s’est répandue et se rapporte à l’état de la personne qui considère les choses d’une manière subjective (Rey, 1998). La subjectivité implique que le rapport entre la science et le réel est compris «comme une inclusion des connaissances du scientifique acquises antérieurement au processus actuel d’analyse» (Robillard, 2010, p. 138). Robillard ajoute que la subjectivité est associée à une philosophie des sciences opposée à l’objectivité.

    C’est la problématique du rapport antinomique entre la distance qui sépare l’objet d’étude du chercheur, associée à l’objectivité, et leur proximité, associée à la subjectivité, qui constitue le propos du présent chapitre. Pour en discuter, nous nous référerons, dans un premier temps, au fabuleux texte de Georg Simmel, écrit en 1908 (réédité en 1990), et à celui d’Alvaro Pires, qui en a fait une relecture en 1997. Simmel (1990) livre une métaphore, celle de l’étranger au sein d’un groupe. En mettant l’accent sur les caractéristiques de l’étranger, il veut démontrer que l’exercice de l’objectivité s’inscrit dans un phénomène de bipolarité. Dans un second temps, la métaphore de Simmel sera transposée à la réalité de deux projets de recherche, qui mettront en exergue des manifestations de l’emploi de cette bipolarité, laquelle agit comme un levier favorable à l’objectivité en recherche.

    1.La distance, la proximité et l’objectivité

    D’entrée de jeu, Simmel oppose le voyageur et l’étranger, deux individus très distincts, dont l’un quitte l’espace qui l’a intéressé et l’autre s’y établit. Le voyageur est celui qui ne demeure pas longtemps, il «arrive un jour et repart le lendemain» (Simmel, 1990, p. 53). Pires (1997, p. 42) ajoute que le voyageur «n’a pas de point d’attache particulier». A contrario, l’étranger est «plutôt la personne arrivée aujourd’hui et qui restera demain» (Simmel, 1990, p. 53). L’étranger demeure tout de même un voyageur potentiel, car «bien qu’il n’ait pas poursuivi son chemin, il n’a pas tout à fait abandonné la liberté d’aller et de venir» (Simmel, 1990, p. 53). Pires (1997) insiste sur un élément important de la métaphore de Simmel, qui lui donne toute son efficacité, à savoir que l’étranger n’est pas à la remorque du groupe et de sa ou de ses perspectives. Simmel (1990) ajoute aussi la précision suivante: certes, l’étranger est rattaché à un groupe; toutefois, son statut au sein du groupe est a priori déterminé par le fait qu’il n’en fait pas partie depuis son origine et qu’il y a introduit des caractéristiques qui ne lui sont pas propres.

    Simmel veut démontrer que le statut d’étranger peut être propice à une forme particulière d’interaction, favorable à l’objectivité. Il soutient que la caractéristique particulière de l’étranger est sa mobilité:

    Parce qu’il n’a pas de racines dans les particularismes et les partialités du groupe, il s’en tient à l’écart avec l’attitude spécifique de l’objectivité, qui n’indique pas le détachement ou le désintérêt, mais résulte plutôt de la combinaison particulière de la proximité et de la distance, de l’attention et de l’indifférence (Simmel, 1990, p. 55).

    L’objectivité, pour cet auteur, ne se définit dans aucune situation comme une absence de participation. Simmel soutient que, si tel était le cas, le chercheur serait tout à fait en dehors de la relation, qu’elle soit subjective ou objective. L’objectivité correspond à un type particulier de participation, laquelle ne suppose pas que

    l’esprit soit une table rase sur laquelle les choses inscriraient leurs caractères, mais au contraire qu’il soit en pleine activité, opérant suivant ses propres lois, éliminant par là même les ruptures accidentelles et les insistances dont les particularités individuelles et subjectives ne feraient que donner des images différentes d’un seul et même objet (Simmel, 1990, p.

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