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L'intervention collective: Convergences, transformations et enjeux
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Livre électronique361 pages3 heures

L'intervention collective: Convergences, transformations et enjeux

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À propos de ce livre électronique

De façon plus marquée que d’autres groupes d’Amérique du Nord, la société québécoise exprime sa solidarité par l’entremise d’organismes communautaires, de coopératives, d’associations syndicales et d’initiatives collectives visant l’intérêt général. Elle se distingue également par la pratique de l’intervention collective, une profession ayant soutenu l’action citoyenne et le développement des services publics depuis les années 1960. Le présent ouvrage propose de suivre l’itinéraire de cette profession à partir de trois enquêtes, menées en 1988, en 2003 et en 2015. Il en résulte un essai original sur un métier atypique, qui se situe entre diversité et convergence – bien qu’il touche une variété de secteurs –, entre transformation et continuité. Les dynamiques d’influence et les enjeux analysés par les auteurs concernent non seulement l’intervention collective, mais également l’action communautaire et le développement des collectivités. Ce livre intéressera les personnes concernées par la mise en place de conditions favorables à la mobilisation et à la participation citoyennes, qu’elles soient dans le métier, aux études ou à la direction d’organisations de santé et de services sociaux ou de relèvement économique et social.
LangueFrançais
Date de sortie19 sept. 2018
ISBN9782760549814
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    Aperçu du livre

    L'intervention collective - Yvan Comeau

    Les pratiques collectives et associatives caractérisent le Québec comme société distincte, car elles y sont parmi les plus développées en Amérique du Nord: taux de syndicalisation de 40% alors qu’il est de 30% ailleurs au Canada et de 13% aux États-Unis; pourcentage le plus élevé de l’économie sociale et coopérative dans le PIB; mouvement associatif très organisé (plus de 60 000 organismes ou deux fois plus par habitant qu’en Ontario) et le plus soutenu financièrement par l’État; réseau de services de garde de jeunes enfants autogérés et financés par une politique publique (Avenel et Bourque, 2017). Parmi les facteurs explicatifs de cet état de situation, on peut penser à une stratégie de survie de la part d’une petite nation qui doit recourir à la solidarité et à la coopération pour assurer son développement (Laville, 2016). S’ajoute aussi la contribution de l’intervention collective déployée au Québec depuis plus de cinquante ans en tant que domaine de spécialisation du travail social qui s’appuie sur les potentialités de l’action collective. Avant les années 1960, les Églises, les syndicats, les coopératives et les mutuelles avaient mis en place des initiatives d’action collective autour d’enjeux sociaux touchant les conditions et les milieux de vie des classes populaires. Il faudra attendre la génération des premiers diplômés universitaires en sciences sociales et en service social pour que l’intervention collective soit portée par une éthique professionnelle, un corpus de connaissances scientifiques et des approches méthodologiques en plus des motivations militantes qui la caractérisent généralement.

    Présente dans les secteurs public et associatif, l’intervention collective postule que les problèmes sociaux sont de nature collective et doivent faire l’objet de solutions collectives. Elle s’implante au Québec à partir des années 1960 avec ces jeunes diplômés universitaires formés aux références théoriques nord-américaines comme l’approche conflictuelle d’Alinsky (1946), ou celle plus consensuelle de Ross (1955), ainsi que sud-américaines avec l’approche conscientisante de Freire (1974) et aussi françaises avec celle du développement global du père Lebret (1958). Au début des années 1970, un nouveau type d’établissement public de santé et de services sociaux est créé: les centres locaux de services communautaires (CLSC) (intégrés en 2014 dans les nouveaux centres intégrés de santé et de services sociaux – CISSS), où est pratiquée l’intervention collective, aussi appelée organisation communautaire. Actuellement, près de 400 organisatrices et organisateurs communautaires (OC) sont entièrement dédiés à l’intervention collective et exercent leur profession dans le réseau public de santé et de services sociaux. Il s’agit d’une configuration que l’on ne retrouve pas ailleurs au Canada ou par exemple en Ontario, où les intervenants collectifs sont essentiellement à l’emploi d’organismes à but non lucratif (OBNL), d’agences non gouvernementales ou de municipalités. La configuration québécoise se démarque aussi de la France, où l’intervention collective, nommée intervention sociale d’intérêt collectif (ISIC), n’est pas l’apanage de spécialistes qui y sont exclusivement dédiés à temps plein comme au Québec, mais pratiquée en principe par toutes les travailleuses sociales, en sus de leur pratique d’intervention individuelle, dont l’ampleur et le caractère souvent d’urgence expliqueraient la très faible présence de l’ISIC sur le terrain (Conseil supérieur du travail social, 2010).

    Le Québec se démarque également par l’extension du champ de l’intervention collective au-delà du service public. Plus de 2 000 personnes la pratiquent à partir d’autres institutions et organisations comme les centres locaux de développement (CLD), les corporations de développement économique communautaire (CDÉC), les corporations de développement communautaire (CDC), les municipalités, les organismes communautaires, les fondations philanthropiques, etc., et se réfèrent à des descriptions de tâches et à des compétences qui correspondent généralement à celles des OC, comme l’a démontré Robitaille (2007).

    Le présent ouvrage permet de mieux comprendre la diversité de titres professionnels et d’employeurs en intervention collective qui recouvre en réalité une même fonction. Il fait le point sur l’intervention collective au Québec à partir d’enquêtes menées à une quinzaine d’années d’intervalle (1988, 2003 et 2015). Il montre les différentes facettes qu’elle prend aujourd’hui dans les lieux où on la pratique et comment, malgré ces différences, un corpus de savoirs en fait un seul métier. Puisqu’une profession se reconstruit forcément, le livre analyse les phénomènes qui en perpétuent les fondements, les dynamiques qui la transforment et les modalités qui lui permettent de s’adapter à de nouveaux contextes.

    L’originalité de l’analyse tient d’abord aux données inédites recueillies en 2015 sur l’intervention collective dans plusieurs secteurs d’emploi et particulièrement dans les secteurs public, communautaire et du développement rural. De surcroît, cet état des lieux recourt au même questionnaire ayant examiné la situation de cette profession en 1988 et en 2003. Son unicité provient également de la démarche, qui repose sur les savoirs acquis par la recherche, sur des données quantitatives et sur le point de vue de personnes expérimentées dans le domaine (la méthode de recherche est décrite en annexe). Un autre de ses traits particuliers réside dans la mise en rapport des événements sociétaux, des cadres organisationnels et des pratiques des intervenantes et intervenants pour comprendre la complexité des influences qui agissent sur l’intervention collective.

    Le livre trouvera d’abord preneur chez les praticiennes et praticiens du métier ainsi que chez les personnes en formation. Assurément, il leur offre une occasion de prendre une distance avec leur pratique quotidienne et de comprendre comment celle-ci peut être affectée malgré les intentions de la maîtriser. Il permet d’accroître leurs capacités stratégiques afin d’influencer l’adaptation de leur pratique aux inévitables contingences et de peser sur l’avenir de leur métier. Pour les décideurs et les dirigeants d’organisations ayant une mission de relèvement économique et social, l’ouvrage pourra les inspirer dans la mise en place de conditions valorisantes pour les ressources humaines vouées à la participation et à la mobilisation de la population. Pour la recherche, cette contribution apporte des connaissances indiquées pour des comparaisons avec des travaux actuels et futurs.

    La thèse principale soutenue ici veut que l’intervention collective fasse partie des professions atypiques ayant à la fois un socle commun et une diversité de traits et, à la différence des professions établies et encadrées par l’État, une régulation peu normalisée. La notion de professionnalisation rend alors compte de dynamiques évolutives et ouvertes moins instituées que pour des professions reconnues par un ordre professionnel accrédité (Vézinat, 2010, inspirée de Demazière et Gadéa, 2009). D’ailleurs, la préoccupation essentielle du livre consiste à illustrer l’unité et la différenciation de l’intervention collective ainsi que les conditions de sa professionnalisation.

    Pour y arriver, le premier chapitre donne l’état des connaissances duquel partent les auteurs de l’ouvrage. Il montre en quoi la professionnalisation de l’intervention collective résulte de la systématisation et de la codification des savoirs qui se sont accumulés, de la mise en place d’un système de formation et de la constitution d’un corps professionnel (Wittorski, 2008, p. 19). Le fait que ces écrits soient datés justifie en quelque sorte la publication de cet ouvrage, qui prend le relais pour dresser un état des lieux et analyser les transformations de l’intervention collective. À cette fin, le deuxième chapitre rend compte des particularités de l’intervention collective dans les secteurs public, communautaire et du développement rural, et met l’accent sur les convergences actuelles qui la définissent en tant que profession. Le troisième chapitre poursuit l’analyse selon une perspective temporelle. À l’aide des informations disponibles, il repère les continuités de la profession et définit les phénomènes qui la transforment. À partir de ces constats, le quatrième chapitre pousse l’analyse plus avant en fournissant des explications sur les dynamiques qui maintiennent et modifient la trajectoire de l’intervention collective. Considérant ces dynamiques, le cinquième chapitre adopte un angle plutôt stratégique puisqu’il s’attarde aux enjeux relatifs au déploiement de l’intervention collective.

    Note: Puisque les femmes constituent la majorité des professionnelles de l’intervention collective, le féminin sera habituellement utilisé pour désigner ces salariées.

    LES ÉCRITS SUR LA PROFESSION ET LES FONDEMENTS DU CADRE D’ANALYSE

    Ce chapitre rappelle d’abord les connaissances produites sur l’intervention collective en fonction des dimensions de sa professionnalisation (Wittorski, 2008, p. 19). Il sera d’abord question de la contribution des écrits à la codification de ces savoirs et à leur diffusion par la formation. Puis, le chapitre s’arrêtera aux efforts de regroupement professionnel ainsi qu’aux contributions permettant de connaître ce groupe de salariées. Cette profession présente non seulement de multiples facettes, mais elle évolue et pour cette raison, une section s’attardera aux connaissances produites sur les phénomènes qui l’influencent. Ce sera alors l’occasion de rendre explicite le cadre d’analyse ayant inspiré les auteurs.

    1.1.LA FORMALISATION DES SAVOIRS PROFESSIONNELS EN INTERVENTION COLLECTIVE

    Si l’on considère que la condition du salariat est d’emblée remplie pour examiner la professionnalisation, on peut passer aux dimensions relatives à la systématisation des savoirs et à leur transmission par la formation (Wittorski, 2008, p. 19). Puisque les écrits américains font œuvre de pionniers et qu’ils ont représenté une source majeure d’inspiration pour la conceptualisation de l’intervention collective au Québec, la prochaine section en propose un aperçu historique.

    1.1.1.Aux États-Unis

    Stephen H. Gurteen publie en 1882 un des premiers écrits qui regroupe des savoirs d’intervention collective. Son livre Handbook of Charity Organization représente en fait un guide pour le développement d’une «charity organization society» (Betten et Austin, 1990; Weil, 1996). Il est suivi en 1885 par la monographie Hull House Maps and Papers rédigée par Jane Addams, Florence Kelly, Julia Abbott et Edith Abbott, qui y font état des méthodes pour l’étude d’une communauté et pour la planification collective du développement. D’autres textes publiés dans les années 1920¹ précisent davantage le processus d’intervention collective. Mais c’est la publication par Robert P. Lane de son rapport en 1939 sur l’intervention collective, à la suite de sa présentation faite en 1937 à la Conférence nationale du service social américain, qui donne le plus de légitimité à cette méthode pour le service social américain, qui lui-même connaît un processus de professionnalisation (Hopps et Pinderhughes, 1987, p. 365).

    L’enseignement de l’intervention collective dans les départements de travail social des universités américaines débute dans les années 1940. Il puise dans les écrits disponibles et, par la suite, dans les contributions produites par les auteurs de cette période (Wayne McMillen et Saul Alinsky, entre autres) et des années 1950 (Murray Ross et Arthur Dunham). Produit précisément aux fins de la formation, l’ouvrage de Harry Lurie (1959), Community Organization Method in Social Work Education, rend publique la synthèse des connaissances sur l’intervention collective faite avec 52 experts, en tant que quatrième volume du programme d’étude du Conseil américain pour l’éducation en service social (Betten et Austin, 1990; Weil, 1996).

    À la fin des années 1960, Jack Rothman propose une typologie de l’intervention collective en trois modèles (développement local communautaire, planning social et action sociale) qui a le mérite de donner des repères pour appréhender la diversité de l’intervention collective et de permettre à d’autres auteurs de raffiner cette typologie et même d’en construire de nouvelles adaptées à leur contexte national, comme ce sera le cas au Québec (Doucet et Favreau, 1991; Bourque et al., 2007). Dans les années 1970 et 1980, Ralph M. Kramer, Harry Specht, Fred M. Cox, John L. Erlich et John E. Tropman dirigent des ouvrages comportant de nombreuses contributions sur le processus d’intervention collective et sur des expériences de terrain permettant d’illustrer les modèles d’intervention en fonction de la typologie de Rothman (1979; Rothman et Tropman, 1987). Singulier et remarqué, le livre de Saul Alinsky, Rules For Radicals (1971), fait le point sur son approche misant sur la révélation du conflit et les mécanismes de pression pour faire avancer la résolution d’un problème social. La remise en cause de la typologie de Rothman amène Samuel H. Taylor et Robert W. Roberts à en proposer en 1985 une autre dans Theory and Practice of Community Social Work en cinq modèles (Program Development and Coordination, Planning, Community Liaison, Community Development et Political Empowerment).

    La production de connaissances sur l’intervention collective emprunte un nouveau canal en 1993 avec la revue scientifique Journal of Community Practice soutenue par l’Association for Community Organization and Social Administration. Dès lors, les publications sur l’intervention collective abordent des thèmes plutôt précis. En effet, même si des ouvrages récents portent sur la méthodologie de l’intervention collective, ils en approfondissent des aspects particuliers tels que les théories de base en sciences sociales, l’analyse sociale des problèmes sociaux, l’étude de la collectivité, le leadership, les stratégies, la mise en place de réseaux, le changement dans une organisation, les compétences de l’intervenant et ainsi de suite (par exemple, les contributions suivantes: Hardina, 2002; Rubin et Rubin, 2008; Staples, 2004; Hardcastle et Powers, 2004; Brown, 2006; Brueggermann, 2006; Netting, Kettner et McMurtry, 2008; Kirst-Ashman et Hull, 2009). D’autres ouvrages illustrent l’intervention collective dans des champs d’application (Weil, 2005), à travers des expériences de terrain (Fauri, Wernet et Netting, 2000; Szakos et Szakos, 2007), pour des populations particulières (Delgado et Staples, 2008), dans le contexte urbain (Delgado, 2000), et selon la perspective d’une intervention orientée sur les forces de la collectivité (Long, Tice et Morrison, 2006).

    1.1.2.Au Québec

    Le cumul des connaissances en intervention collective et l’institutionnalisation de sa formation aux États-Unis font en sorte que, dès les années 1940, des universitaires et des dirigeants de services sociaux québécois s’y rendent pour se perfectionner (Blondin, Comeau et Provencher, 2012, p. 18-22). Les premières contributions québécoises traitent de l’intervention collective de manière générale et ne proposent pas d’analyse d’expériences précises. Le père Gonzalve Poulin et Simone Paré de l’Université Laval écrivent dans les années 1940 les premiers textes de niveau universitaire touchant l’intervention collective dans les Cahiers du service extérieur d’animation sociale. Puis, après une spécialisation au début des années 1940 à Washington en service social, Roger Marier écrit en 1951 le premier texte québécois consacré à la méthodologie de l’organisation communautaire dans la discipline du service social. À partir de là, les écrits sur l’intervention collective suivront au moins six directions qui parfois se superposent dans le temps: l’animation sociale, le processus d’intervention collective, la conscientisation, les modèles et leur illustration dans différents domaines, l’organisation communautaire dans le secteur public et les écrits spécialisés.

    Le passage à une désignation comme profession axée sur la participation à la prise en charge de leur situation par les personnes concernées débute dans les années 1960 autour de l’appellation d’«animation sociale». L’expérience phare en milieu urbain se déroule au Conseil des œuvres de Montréal, et l’animateur Michel Blondin livre en 1964 une première systématisation de sa pratique, suivie peu après par le texte de Claude Morin (1962) intitulé «La méthode d’organisation communautaire dans le milieu canadien-français» et par celui de Pierre Laplante (1962) titré «L’organisation communautaire telle qu’on la pratique au Conseil des œuvres de Montréal». L’expérience du Conseil des œuvres fera l’objet de plusieurs descriptions et analyses notamment par Hector Ouellet, Jean-Charles Falardeau, Gérald Fortin et Gilles Houle (Blondin, Comeau et Provencher, 2012, p. 159-162).

    Plutôt que de présenter un portrait unifié de l’animation sociale, Frédéric Lesemann et Michel Thiénot (1972) démontrent à partir de plusieurs expériences montréalaises qu’il existe en fait plusieurs types de pratiques d’animation sociale. Les textes qu’ils réunissent notamment sur les comités de citoyens mis sur pied par le Conseil des œuvres de Montréal et sur le Front d’action politique de Montréal (FRAP) montrent que des organisations privilégient soit la mise sur pied de services gérés par les citoyens, soit la pression sur les décideurs sur des questions d’aménagement urbain par exemple, soit la politisation pour une action partisane sur la scène municipale. Pour mettre en évidence les distinctions, les auteurs invitent à examiner les finalités, les idéologies, les objectifs, les fonctions de l’animation sociale, ainsi que ses stratégies et ses techniques. Cette question des modèles d’intervention collective sera reprise dans les années 1980.

    En milieu rural, l’animation sociale inspire l’ambitieux projet de développement de la grande région du Bas-Saint-Laurent, Gaspésie et Îles-de-la-Madeleine, qui se déroule de 1963 à 1965, nommé le Bureau d’aménagement de l’Est du Québec (BAEQ) (Jean, 2016). Cette expérience donne lieu également à de nombreuses analyses, dont plusieurs sont répertoriées par le Groupe de recherche interdisciplinaire en développement de l’Est du Québec (GRIDEQ) de l’Université du Québec à Rimouski, qui publie un cahier de 110 pages recensant les écrits sur l’animation sociale (Lapointe et al., 1978).

    L’animation sociale inspire deux ouvrages généraux publiés la même année. Charles Côté et Yannick Harnois (1978) s’intéressent à la diversité des fondements de l’animation au Québec (l’action catholique, la psychosociologie, l’organisation communautaire américaine, le militantisme politique, la contre-culture et le courant antiautoritaire) et décrivent plusieurs expériences, en particulier celles issues de la Compagnie des Jeunes Canadiens. Pour sa part, Aline Chèvrefils (1978) propose dans son livre Le rôle des animateurs sociaux une analyse d’expériences d’animation sociale, afin de dégager des principes d’intervention.

    Ce dernier ouvrage est suivi dans les années 1980 de plusieurs autres centrés cette fois sur le processus d’intervention collective. Bien davantage que les volumes de François Marcotte (1986) et de Marc Savaria (1985), le livre de Lamoureux, Mayer et Panet-Raymond (1984) connaît une grande popularité. Il bénéficie d’une longévité additionnelle en étant revu en 1996 sous un nouveau titre (Lamoureux et al., 1996), puis réédité en 2002 et en 2008 avec l’ajout de collaborateurs, puis refondu en 2011, cette fois sous la direction de Jocelyne Lavoie et de Jean Panet-Raymond (2011). Pour sa part, Roger Poirier (1986) analyse l’itinéraire de l’action et de l’intervention collectives dans la ville de Hull (aujourd’hui Gatineau) à partir de 1968 dans Qui a volé la rue principale?.

    Par ailleurs, une partie des écrits québécois sur l’intervention collective porte sur le courant de la conscientisation développé à l’origine par l’éducateur brésilien Paulo Freire. Deux ouvrages présentent une systématisation originale de ce modèle d’intervention appuyé sur des expériences d’éducation populaire (Ampleman et al., 1983 et 1987). La parution d’une dizaine de Cahiers de la conscientisation par le Collectif québécois d’édition populaire de 1994 à 2000 rend compte de pratiques québécoises originales. L’ouvrage Théorie et pratique de conscientisation au Québec publié en 2012 fait le point sur l’approche et permet à des intervenantes de rendre compte de leur pratique notamment avec des femmes autochtones (Ampleman, Denis et Desgagnés, 2012).

    La question des modèles d’intervention constitue une autre direction donnée par des textes marquants, dont l’article de Gérald Doré (1985), qui distingue quatre modèles d’intervention: l’intégration sociale, la pression sur les pouvoirs, l’appropriation et la politisation. Pour sa part, Louis Favreau (1989, p. 280) distingue l’organisation communautaire reconnue en CLSC de l’intervention communautaire pratiquée dans les organismes communautaires. En outre, il propose de recourir à la typologie de Jack Rothman pour caractériser «avec une certaine justesse les différents types d’intervention collective» (Favreau, 1989, p. 280). L’ouvrage qu’il dirige avec Laval Doucet (1991) reprend sa proposition et met en perspective l’expérience québécoise d’intervention collective autour des modèles proposés par l’Américain, soit l’implantation de services (planning social), le développement local et l’action sociale. Plus récemment, un manuel fait évoluer ces modèles en ajoutant l’intervention sociocommunautaire, afin de tenir compte des pratiques québécoises visant le développement des réseaux et l’intégration sociale (Bourque et al., 2007).

    L’organisation communautaire dans le secteur public bénéficie elle aussi d’analyses particulières. Yves Hurtubise, Gilles Beauchamp, Louis Favreau et Danielle Fournier (1989) réalisent un premier portrait exhaustif des organisatrices et organisateurs communautaires (OC) du réseau public de santé et de services sociaux. Cette enquête marque d’ailleurs le point de départ de la présente contribution (voir la méthodologie de l’étude en annexe). Parallèlement à cette enquête, une association professionnelle regroupant ces intervenantes voit le jour en 1988, le Regroupement québécois des intervenantes et intervenants en action communautaire (RQIIAC). Afin de rendre compte du contenu des colloques bisannuels qui débutent en 1988, le RQIIAC publie des actes sous forme de livre, du moins jusqu’en 1998. L’association a aussi publié deux cadres de référence (Lachapelle, 2003; RQIIAC, 2010).

    À partir de l’hypothèse qu’il existe une diversité de centres locaux de services communautaires (CLSC) – le principal employeur des OC de l’époque –, Louis Favreau et Yves Hurtubise (1993)

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