Penser et Agir pour l'Afrique
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À propos de ce livre électronique
En 2009, de jeunes penseurs africains, majoritairement burkinabè, fondaient BurkinaThinks, un incubateur d’idées (Think Tank) sur des thématiques touchant l’Afrique. Leur but ? Changer fondamentalement les manières de penser et d’agir au Burkina Faso et en Afrique. L’objectif ? Retrouver une vision propre du monde africain et proposer une vision africaine du monde. Dès lors, une série d’articles a été produite de façon régulière sur le site web burkinathinks.com, procédant ainsi à un décryptage continu de l'actualité mondiale afin de mettre à nu les idéologies sous-jacentes au traitement habituel de l'information.
Des analyses sur des questions historiques ont été menées afin d’éclairer le chemin vers l’avenir. Le présent ouvrage s’appuie sur certains de ces écrits. La plupart des articles ont cependant été réécrits non seulement pour les adapter aux normes de l’édition écrite, mais aussi pour refléter l’évolution de la pensée des auteurs. Ainsi il y évoqué sans langue de bois les chaines mentales qui annihilent la progression du continent Africains. De la perception de nous en tant que noirs, de la compréhension de notre histoire, des héros qui ont sacrifiés leurs vies pour nous éclairer en passant par la marche du monde sans nous ou avec nous comme option, ce livre est un concentré de réflexions et d’idée pouvant servir à l’engendrement d’un changement de nos populations.
Téguewindé Sawadogo
Téguewindé SAWADOGO est un ingénieur polytechnicien, diplômé de l’École Polytechnique de Paris/Palaiseau (France) et spécialisé en génies mécanique, civil et indus-triel. La reconnaissance de ses compétences par ses pairs (Prix du Meilleur Étudiant Africain attribué par la Conféderation des Étudiants et Scolaires Africains au Maroc en 2002) n’a pas manqué de se confirmer à travers divers prix, nominations et bourse d’excellence qui ont régulièrement ponctué son parcours depuis le Burkina Faso où il a obtenu son Baccalauréat (Série C) au Lycée Bogodogo de Ouagadougou, jusqu’à l’École Polytechnique de Montréal au Canada, en passant par le Maroc (Université de Marrakech) et la France (École Polytechnique de Pa-ris/Palaiseau).Titulaire d’un Master en Sciences Appliquées et d’un Ph. D. en Génie mécanique, Téguewindé SAWADOGO partage son savoir-faire dans le secteur du développement technologique entre le Burkina Faso où il a fondé une entreprise, et le Canada où il œuvre en tant qu’ingénieur principal de recherche et développement. Téguewindé SAWADOGO a à son actif plusieurs réalisations : conception, fabrication et installation de systèmes industriels, mise au point d’une technique d’inspection à distance par ondes ultrasoniques, développement d’un code de simulation d’interactions fluide-structure et de vibrations non linéaire, etc.Passionné de lecture depuis son jeune âge, Téguewindé SAWADOGO est adepte d’une approche holistique à l’égard des problématiques africaines. Co-fondateur du think tank BurkinaThinks, il œuvre à la reformulation des paradigmes de pensées en Afrique.
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Avis sur Penser et Agir pour l'Afrique
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Aperçu du livre
Penser et Agir pour l'Afrique - Téguewindé Sawadogo
De la nécessité d’un nouveau questionnement sur la place de l’Afrique dans le monde
Par BurkinaThinks
« On considère que l’impartialité
n’est pas la neutralité et que
le discours et l’action ne font qu’un.
Tel est le crédo de BurkinaThinks,
tel est le sens de son action. »
Un tournant décisif semble avoir été amorcé ou du moins sur le point de l’être en Afrique. Il prend corps dans l’intérêt croissant de la nouvelle génération pour une série de questions fondamentales. Un questionnement sur le rôle et la place du continent dans le monde ainsi que des critiques plus construites sur les pratiques politiques ont vu le jour et s’accompagnent d’efforts concrets dans le sens du changement. Mais quel changement se dessine-t-il pour l’Afrique ? S’agit-t-il d’un changement fondamental qui la ferait renaître comme le phénix, animal mythique et peut-être prémonitoire imaginé par ses ancêtres égyptiens ?
Frantz Fanon dans sa perspicacité écrivait déjà : « Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir »¹. Peut-on imputer la responsabilité de la situation actuelle du continent africain aux générations passées ? Comment ont-elles perçu leur mission et dans quelle mesure l’ont-elles accomplie ? Une analyse du passé jette un peu de lumière sur cette question. En effet, sous « les soleils des indépendances »², alors que le reste du monde non occidental s'acharnait au combat pour jeter les bases de sa libération future, deux scénarios se jouaient en Afrique. D'un côté, il y avait le succès de ceux qui luttaient sérieusement pour la libération de leurs peuples. Parmi eux, on peut citer Kwame N’Krumah du Ghana, Sékou Touré de la Guinée, Modibo Kéïta du Mali, Patrice Emery Lumumba du Congo, Julius Kambarage Nyéréré de la Tanzanie, etc. De l’autre côté, les forces de domination étaient en train d’opérer leurs mues. Voyant l’échec prévisible de leurs manœuvres, elles firent semblant de renoncer à leurs acquis en orchestrant des semblants d’indépendances qui, pour beaucoup de pays, ont simplement consisté à substituer à leurs gouverneurs et gardes de cercles coloniaux, des Africains prêts à jouer les mêmes rôles. Elles ne tardèrent d’ailleurs pas à revenir à la charge et à reconquérir certains de leurs territoires perdus : c’est le cas du Ghana et du Mali par exemple ; mais elles en perdirent aussi d’autres au profit des patriotes africains qui jamais ne cessèrent de lutter.
Cependant, cette mutation a perturbé le jugement de bien d’Africains et cela continue de nos jours. Les critiques se sont désormais concentrées sur les guignols, perdant de vue ceux qui tirent les ficelles. Ainsi, une très grande partie de la production intellectuelle africaine est-elle focalisée sur la dénonciation des travers des régimes politiques africains post-indépendances, critiques souvent légitimes mais très vite récupérées par les anciennes puissances coloniales qui y ont trouvé la preuve de l’incapacité des Africains à assumer leur destin et par là, la légitimité de leurs visées colonialistes.
Sur le plan intellectuel, même si des Africains brillants comme Cheikh Anta Diop et Joseph Ki-Zerbo ont essayé d’éveiller la conscience de leurs compatriotes, beaucoup ont été attirés par les idées toutes faites, sorte de « prêt-à-penser » importés de l’extérieur. On est passé de l’époque des grandes célébrations marquées par les attroupements d’immenses foules scandant des slogans pour célébrer l’indépendance à celle des adhésions massives aux idéologies les plus diverses, quelque suicidaires qu’elles puissent être. Les adeptes des idées dites progressistes ont manqué de les réinventer. Ils n’en ont pas fait une synthèse adaptée à l’histoire et à la société africaine à la différence de ce que Mao Tsé-Toung a fait pour la Chine par exemple.
Leurs contempteurs ont quant à eux, préféré épouser l’idéologie dominante. Tous ont ainsi laissé à l’abandon les pratiques sociales et les pensées philosophiques africaines éprouvées durant des millénaires. L’Afrique qui ne s’était pas encore remise du déni d’humanité de l’esclavage et de la barbarie du colonialisme s’est retrouvée embarquée dans un débat qui lui était étranger. Ainsi les Africains se sont-ils retrouvés à se combattre entre eux, avec les idées des autres (communisme contre capitalisme, islam contre christianisme, traditions contre soi-disant modernité).
Au Burkina Faso, une lueur d’espoir apparut en la personne de Thomas Sankara et ses camarades du 4 Août 1983. Le nom du pays, Haute Volta, qui n’avait aucune signification pour le peuple qui l’habitait fut changé en Burkina Faso, « Patrie des hommes intègres », reflétant ainsi l’idéal le plus élevé des peuples qui habitaient cette terre. Malgré tout, la confusion l’emportant sur la réflexion, au lot de tous ceux qui répétaient les slogans sans en comprendre vraiment la portée, s’ajoutèrent les opportunistes de tout bord qui finirent par mettre fin au rêve de tout un peuple. À l’affirmation de la dignité du peuple burkinabè se sont succédées les compromissions de toutes sortes, les hésitations et le conformisme à l’égard des idéologies imposées de l’extérieur et auparavant décriées.
Un peuple dont on contrôle la pensée est un peuple condamné à l’échec, à la turpitude et au mépris des autres. C’est pour cette raison que des jeunes penseurs regroupés autour de BurkinaThinks ont décidé de siffler leur « bori bana » - la fin de la reculade - à l'instar de Norbert Zongo et du colonel de l’Armée de Samory Touré face aux troupes coloniales et leurs suppôts. Il est enfin temps que les penseurs africains sortent des sentiers battus d’avance, pour proposer des idées nouvelles à l’Afrique. Cependant, la tâche est loin d’être aisée. Parmi les difficultés qui empêchent souvent les Africains de s’unir autour de l’essentiel, il y a deux logiques extrêmes, à l’opposé l’une de l’autre.
D’une part, il y a l’idée que toutes les idées, voire toutes les opinions, s’équivalent. Partant de ce postulat, on se contente d’afficher ses opinions avec une intransigeance d’autant plus extrême qu’on abhorre les soumettre à la critique. C’est la logique du « à chacun sa vérité ». Or tout le monde a des opinions mais la plupart de celles-ci ne peuvent avoir la prétention de s’adosser à une véritable pensée structurée. Quand on échoue à retracer la genèse de ses opinions, on se retrouve très souvent à répéter des bribes d'idées recueillies çà et là, et dont on est loin d'être l'auteur. C'est à travers ce mécanisme que la pensée africaine est contrôlée de l'extérieur. Il suffit que les médias étrangers et quelques personnalités émettent une idée pour que toute l'Afrique s'en empare le lendemain à commencer par ses journalistes et ses intellectuels attitrés.
D’autre part, il y a ceux qui, soumis à la tyrannie des titres, ne savent que faire usage d’arguments d’autorité. Du haut de leur piédestal, ils s’attachent à proclamer des vérités et la contradiction les insupporte.
On se retrouve donc avec des intellectuels dont la fonction principale se résume en ceci : s’indigner ou se ranger et parfois même les deux à la fois. Autrement dit, s’attirer la sympathie du peuple sans froisser les forces dominantes. Or la fonction principale de l’intellectuel n’est pas de recueillir ou de produire des certitudes mais de semer des doutes. Concrètement, la fonction est là mais l’organe fait défaut.
Tous ces éléments ont contribué à former un peuple sans idéologie propre, sans principes clés et par conséquent incapable de créer des institutions consensuelles et de défendre ses intérêts face au monde extérieur. La démarche intellectuelle proposée se veut sans compromis. Il s’agit de n’être ni des intellectuels enfermés dans leur tour d’ivoire, ni des lâches qui s’emmurent dans la forteresse de la neutralité. On considère en effet que l’impartialité n’est pas la neutralité, et que le discours et l’action ne font qu’un. Tel est le crédo de BurkinaThinks, tel est le sens de son action !
Quel rôle pour l’intellectuel en Afrique ?
Par Téguewindé Sawadogo
« À cause de l’héritage colonial
et de plusieurs autres raisons, les élites
africaines semblent avoir peu confiance
en leur capacité à agir, c’est-à-dire à mettre
quelque chose en mouvement et à entamer
une dynamique proprement africaine. »
Le débat sur le rôle de l’intellectuel dans le façonnement de la société a toujours mobilisé beaucoup d’énergie. C’est particulièrement le cas en Afrique à cause de la nécessité pour ce continent de reconquérir une place pleine sur la scène mondiale après plusieurs siècles de domination et plusieurs décennies d’indépendances ayant produit des résultats en deçà des attentes. Un espoir immense est ainsi placé sur les intellectuels afin qu’ils puissent indiquer le chemin à suivre par le continent pour accélérer son progrès. Mais au juste, qui sont-ils, les intellectuels ?
Il faut dire qu’il y a très peu de consensus sur le sens même du mot « intellectuel » ; on trouve autant de définitions que de textes sur le sujet. Dans son article intitulé « L’intellectuel et la politique »³, Salifou Sangaré de l’Association Burkinabè de Sciences Politiques dénombre au moins dix catégories d’intellectuels, dont l’« officiant universel » ou « clerc du forum », l’« intellectuel organique », l’ « intellectuel spectateur », l’« intellectuel engagé » et l’« intellectuel médiatique » pour n’en retenir que quelques-unes. Alceny Barry, journaliste burkinabè, dans un article publié dans le quotidien burkinabè « L’Observateur Paalga » et intitulé « Où sont passés nos intellectuels ? »⁴, définit l’intellectuel comme ce « lettré qui défend des causes nobles » et s’accorde avec Albert Camus que « l’intellectuel ne peut être du côté du pouvoir ». Néanmoins, il dénonce dans le même texte des « intellectuels acquis, accommodants avec les pouvoirs politiques en place » laissant entrevoir qu’il y a des intellectuels qui ne défendent pas de causes nobles. De même, le Béninois Yaovi Holou 3 dénonce la faillite des intellectuels africains comme cause des difficultés de l’Afrique.
On peut faire le constat qu’une grande partie des auteurs ont une définition un peu romantique de l’intellectuel. Ainsi Alceny Barry voit-il en l’intellectuel « un travailleur de l’esprit … qui met sa notoriété ou son talent au service de valeurs que sont la justice, la liberté, l’égalité etc. »⁵. Amadou Diallo, chercheur burkinabè, affirme qu’on reconnait les intellectuels par « leur intégrité et leur sens du dévouement pour le triomphe de la justice et la suppression des inégalités dans la société »⁶ tout en leur assignant la tâche de