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La recherche-développement en contextes éducatifs: Une méthodologie alliant le développement de produits et la production de connaissances scientifiques
La recherche-développement en contextes éducatifs: Une méthodologie alliant le développement de produits et la production de connaissances scientifiques
La recherche-développement en contextes éducatifs: Une méthodologie alliant le développement de produits et la production de connaissances scientifiques
Livre électronique452 pages4 heures

La recherche-développement en contextes éducatifs: Une méthodologie alliant le développement de produits et la production de connaissances scientifiques

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À propos de ce livre électronique

En contextes éducatifs, la recherche-développement (RD) semble particulièrement intéresser les chercheurs préoccupés par la mobilisation des connaissances issues de recherches scientifiques. Les solutions retenues prennent alors forme à travers une variété de produits développés pour ces acteurs (ou ce terrain), et ce, dans une démarche rigoureuse où des connaissances scientifiques sont produites en cours de développement pour enrichir, nuancer et compléter ce que l’on connaît à propos de ce sujet.

Cet ouvrage est composé de trois parties. Dans la première, des repères méthodologiques contribuant à la réflexion sur l’opérationnalisation d’une démarche de RD en contextes éducatifs sont explicités. Dans la deuxième, des auteurs s’attardent à repérer des similitudes et des distinctions entre la RD et d’autres approches méthodologiques apparentées. Enfin, dans la troisième et dernière partie, des récits de RD font état de l’expérience de chercheurs ayant mobilisé cette approche méthodologique, à travers la présentation de divers protocoles.

La recherche-développement en contextes éducatifs s’adresse tant aux chercheurs-développeurs aguerris qu’aux chercheurs-développeurs novices. Il offre des pistes de réflexion et des balises pour ceux et celles qui souhaitent élaborer un protocole de recherche et organiser leur démarche de RD dans un système logique et cohérent. Finalement, il donne la chance d’anticiper divers obstacles ou défis qu’il est possible de contourner, lorsqu’ils sont mieux connus. Nous espérons que cet ouvrage saura contribuer à la reconnaissance de la RD comme activité scientifique et productrice de connaissances utiles pour mieux comprendre les phénomènes en contextes éducatifs.

Léna Bergeron est titulaire d’un doctorat en éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), où elle est actuellement professeure au Département des sciences de l’éducation. Ses enseignements portent sur le processus d’enseignement-apprentissage et elle accompagne des stagiaires en formation pratique à l’enseignement. Ses recherches portent principalement sur la prise en compte de la diversité des besoins des élèves en salle de classe, et plus particulièrement sur la planification de l’enseignement.

Nadia Rousseau est titulaire d’un doctorat en psychopédagogie de l’Université de l’Alberta. Professeure en adaptation scolaire à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) depuis 1998, elle est également directrice du Réseau de recherche et de valorisation de la recherche sur le bien-être et la réussite (RÉVERBÈRE). Ses recherches portent sur l’expérience scolaire des jeunes, la pédagogie inclusive et les facteurs clés favorisant la qualification et l’obtention d’un premier diplôme d’un plus grand nombre de jeunes ayant des difficultés scolaires importantes.
LangueFrançais
Date de sortie4 août 2021
ISBN9782760555198
La recherche-développement en contextes éducatifs: Une méthodologie alliant le développement de produits et la production de connaissances scientifiques
Auteur

Léna Bergeron

Léna Bergeron est titulaire d’un doctorat en éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), où elle est actuellement professeure au Département des sciences de l’éducation. Ses enseignements portent sur le processus d’enseignement-apprentissage et elle accompagne des stagiaires en formation pratique à l’enseignement. Ses recherches portent principalement sur la prise en compte de la diversité des besoins des élèves en salle de classe, et plus particulièrement sur la planification de l’enseignement.

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    Aperçu du livre

    La recherche-développement en contextes éducatifs - Léna Bergeron

    PARTIE 1

    DES REPÈRES POUR UNE RECHERCHE- DÉVELOPPEMENT EN CONTEXTES ÉDUCATIFS

    La première partie de l’ouvrage s’appuie sur les résultats d’une métasynthèse portant sur la recherche-développement (RD) en contextes éducatifs. Cette démarche a permis de retracer et d’analyser à la fois des exemples de RD et des textes méthodologiques (voir l’annexe pour plus de détails). Avec une compréhension plus fine de la manière dont la RD est présentée dans les écrits consultés, les auteurs du chapitre 1 avancent quelques propositions méthodologiques pour soutenir les chercheurs-développeurs dans leurs choix méthodologiques lorsqu’ils veulent principalement inscrire leur démarche dans la visée d’amélioration du produit. Une opérationnalisation de la RD menée en contextes éducatifs est ensuite détaillée dans le chapitre 2. Cette opérationnalisation permet aux chercheurs-développeurs d’envisager un protocole de développement et un protocole de recherche interdépendants. Ensuite, le chapitre 3 offre un portrait des outils de collecte de données qu’il est possible d’exploiter dans le cadre d’une RD afin d’aider les chercheurs-développeurs à faire des choix judicieux pour recueillir des données pertinentes à l’amélioration du produit, et pour contribuer aux connaissances actuellement disponibles sur le problème et les solutions mises de l’avant. Finalement, le chapitre 4 offre un regard sur certaines responsabilités qui incombent au chercheur-développeur, lui permettant de tenir compte des défis et des précautions à prendre afin de mener une démarche scientifique et de qualité en RD.

    CHAPITRE 1

    Quelques propositions méthodologiques pour une recherche-développement dans les contextes éducatifs

    Léna Bergeron

    Nadia Rousseau

    Geneviève Bergeron

    RÉSUMÉ

    La recherche-développement (RD) dans les contextes éducatifs¹ est une méthodologie de recherche de la grande famille des recherches appliquées, qui se distingue par sa finalité première de développement. Ce chapitre propose des repères au chercheur-développeur pour le soutenir dans sa quête de cohérence au moment de faire des choix méthodologiques et de concevoir son devis de recherche. Le chercheur-développeur est notamment encouragé à reconnaître le caractère subjectif et contextualisé des données générées, à favoriser une participation maximale des acteurs de terrain, à envisager des solutions dans une logique ascendante à partir de la pratique, à prioriser une posture compréhensive et d’amélioration des produits et, finalement, à adopter une démarche flexible et itérative.

    La recherche-développement (RD) (research and development, development research, developmental research) existe dans différents domaines et par le fait même, elle est soumise à de nombreuses influences et est porteuse de multiples représentations. Il y aurait encore à investiguer pour saisir toutes les nuances qui s’imposent, mais certains liens avec d’autres méthodologies et domaines apparaissent plus évidents. Dans le domaine de l’industrie² et de l’ingénierie, par exemple, il est fréquent de voir des références à la RD et à l’expression plan ou planification d’expériences (design of experiments) comme méthode utilisée pour étudier l’effet de différentes variables et déterminer les principaux facteurs ayant un effet sur les résultats obtenus (Gorard, Roberts et Taylor, 2004). Plus près de nous, en contextes éducatifs, la recherche évaluative semble se rapprocher de la RD lorsqu’elle est orientée vers la conception et centrée sur le design (parfois aussi nommée design-based research, design research) (Depover, Karsenti et Komis, 2018 ; Depover et Marchand, 2002), ou lorsqu’il s’agit d’une recherche évaluative aux fins d’amélioration (on fait parfois référence à l’évaluation adaptative) (Van der Maren, 2014). Dans le champ de l’intervention psychosociale, on trouve également des écrits sur l’élaboration et l’évaluation de programme, qui s’appuient en grande partie sur les fondements en évaluation (p. ex. Alain et Dessureault, 2009). Également, les démarches de développement de l’enseignement et de son évaluation s’associent tout naturellement à la RD. Effectivement, le champ de l’ingénierie didactique et pédagogique (design pédagogique, instructional design, instructional technology) propose aux concepteurs des démarches structurées, constituées d’étapes et où le développement s’appuie sur une analyse de la situation et des besoins, et où il y a mise à l’essai du dispositif pédagogique développé (Goigoux, 2017 ; Harvey et Loiselle, 2009 ; Loiselle, 2001 ; Morrison et al., 2019). Notons que les démarches décrites dans ces différents domaines peuvent se vivre sans que de nouvelles connaissances scientifiques soient générées, même si elles s’inscrivent dans un cadre structuré et une démarche qui suit la logique empirique (p. ex. lorsque l’évaluation ou le développement provient d’une commande). De plus, il coexiste différentes manières d’envisager l’évaluation dans ces domaines, tout comme en RD (évaluation formative évolutive en cours de développement, évaluation formative après le développement, évaluation sommative lors de l’implantation, évaluation sommative confirmative après un certain temps) (voir l’introduction du présent ouvrage).

    Il n’est pas surprenant de constater que les influences sont nombreuses et cela peut complexifier le travail du chercheur-développeur³ qui souhaite recourir à cette méthodologie de recherche. Au Laboratoire sur la recherche-développement au service de la diversité (Lab-RD²), nous avons donc senti le besoin de contribuer à la compréhension de la RD en contextes éducatifs et d’illustrer comment il est possible de mener ce type de recherche en visant à améliorer le produit en cours de développement, et en privilégiant une posture compréhensive et participative. Nous pensons que cette vision peut servir de repères à des chercheurs qui travaillent en contextes éducatifs et qui sont intéressés à inscrire leur démarche dans une quête de cohérence entre leurs choix et les présupposés qui les sous-tendent. Cette quête de cohérence constitue le sens même du terme méthodologie. En effet, la méthodologie de recherche oriente l’investigation scientifique et elle incarne la logique interne du travail de recherche, sa posture épistémologique et théorique (Côté et Lorange-Millette, 2016 ; Savoie-Zajc et Karsenti, 2018). Gauthier et Bourgeois (2016) considèrent que la méthodologie de recherche « englobe à la fois la structure de l’esprit et de la forme de la recherche et les techniques utilisées pour mettre en pratique cet esprit et cette forme » (p. 9). Ainsi, l’opérationnalisation de la méthodologie se fera par la sélection de méthodes cohérentes et pertinentes pour arriver au but poursuivi (techniques et procédures de collecte et d’analyse de données) (Lenoir, 2018 ; Savoie-Zajc et Karsenti, 2018). Méthodologie et méthode se distinguent donc ; l’une concerne plus globalement les postulats et présuppositions qui animent le chercheur, alors que l’autre se réfère au chemin à suivre pour atteindre son but (Lenoir, 2018, p. 171). Savoie-Zajc et Karsenti (2018) soulignent l’importance de « considérer la recherche en cours d’élaboration comme l’expression d’un ensemble de choix raisonnés. […] Effectuer une recherche, c’est situer le problème de la recherche, le cadre théorique et la méthodologie dans un ensemble, un système logique et cohérent » (p. 143).

    Ce chapitre offre des suggestions et des repères pour élaborer les RD afin de soutenir le chercheur-développeur dans cette quête de cohérence. À titre de leader du projet de RD, le chercheur-développeur est appelé à prendre une multitude de décisions. Ses décisions sont nécessairement empreintes de sa vision de la recherche, des connaissances qu’il considère qu’elle doit générer et des meilleures manières de le faire. En ce sens, il ne faudrait pas négliger les avantages d’adopter une posture réflexive, à l’image du praticien réflexif de Schön, ce qui lui permet de prendre des décisions éclairées et conscientes (Loiselle et Harvey, 2007).

    1. Des finalités qui servent de balises dans la quête de cohérence méthodologique

    Sans surprise, les finalités propres à la RD peuvent s’avérer être de bonnes balises permettant d’orienter les décisions du chercheur-développeur. La section qui suit présente la RD en tant que recherche de la grande famille des recherches appliquées, ainsi que sa double finalité de développement (concevoir ou adapter un ou des produits en réponse aux besoins ou aux demandes du milieu de pratique) et de recherche (générer des connaissances scientifiques). Nous y verrons que le chercheur-développeur y occupe donc un double statut, jouant à la fois un rôle de développeur et un rôle de chercheur. Il s’agit là d’une particularité qui contribue à l’originalité de la RD, ainsi qu’à sa juste valeur comme méthodologie de recherche.

    1.1. Une méthodologie de recherche appliquée : trouver des solutions à des problèmes pratiques

    Si l’on choisit de se fier aux grandes typologies de la recherche, même si elles peuvent paraître dichotomiques et moins pertinentes dans les disciplines qui s’intéressent à l’humain (Van der Maren, 2014), la RD s’avère plus logiquement associée aux recherches appliquées qu’aux recherches fondamentales. En effet, l’objectif ultime de la RD, comme pour d’autres recherches appliquées, est de « trouver de nouvelles solutions » ou des adaptations aux solutions disponibles, et commence par « un doute sur ce que l’on fait » (Van der Maren, 2014, p. 17). En fait, il s’agit de découvrir des solutions à un problème immédiat, plus précis, plus limité et plus concret qu’en recherches dites fondamentales (Fortin et Gagnon, 2016). Nous retiendrons qu’en contextes éducatifs et en tant que recherche appliquée, la RD constitue une activité de résolution de problèmes au sens où elle trouve son origine dans une idée d’innovation, en réponse à un besoin ou à un défi rencontré. Elle est portée par la volonté de répondre aux besoins exprimés et aux défis rencontrés par les acteurs de la communauté de pratique, et vise essentiellement l’amélioration de l’action pour l’acteur de terrain (Lenoir, 2018). Enfin, la RD cherche des réponses utilisables à plus court terme aux problèmes d’aujourd’hui (Gauthier et Bourgeois, 2016).

    De son côté, Gohier (2018) précise dans une typologie de recherches en éducation que les recherches appliquées s’affairent à contextualiser les conditions d’applicabilités de connaissances déjà existantes. Gauthier et Bourgeois (2016) diront que ces recherches « cherchent à savoir, en ayant en tête une application de ces nouvelles connaissances » (p. 8). Pour leur part, Loiselle (2001) et Van der Maren (2014) veilleront à préciser qu’elles ne se limitent pas à une application des théories descriptives, mais cherchent à s’en inspirer pour créer de nouvelles solutions. Il y a là une autre caractéristique importante de la RD en contextes éducatifs : cette activité de résolution de problèmes prend appui sur les connaissances issues de la recherche disponible. Ainsi, elle cherche à valoriser et tirer parti des connaissances générées par la communauté scientifique. Plus encore, elle permet de contribuer à son tour au monde de la recherche par l’approfondissement qu’elle permet de faire de ce qui se vit dans le monde pratique. Et considérant la nature de la RD, les connaissances générées auront un caractère appliqué (Van der Maren, 2014) et concerneront « les perspectives d’application immédiates dans des situations concrètes » (Fortin et Gagnon, 2016, p. 19).

    Dit simplement, la RD constitue une activité de résolution de problèmes vécus dans la pratique, à l’aide des connaissances issues de la recherche, de manière à générer de nouvelles connaissances appliquées, profitables tant au chercheur-développeur qu’à l’utilisateur cible.

    Dans cette quête d’un meilleur arrimage entre recherche et pratique, les recherches appliquées sont généralement menées directement dans le milieu naturel (Fortin et Gagnon, 2016) et ont aussi en commun de reconnaître et de s’intéresser autant aux savoirs expérientiels qu’aux connaissances issues de la recherche. Au Québec, c’est au tournant des années 1990 que des manières novatrices de faire de la recherche ont pris une place prépondérante. Ces approches ont

    fait le pont entre la théorie et la pratique ; elles se sont donné comme objectif d’établir avec les praticiens des modes de collaboration féconds dans le but d’améliorer la pratique éducative et ont préconisé un processus de recherche mené de concert avec les acteurs concernés. Ces « principes » sont à la base des dynamiques participatives susceptibles de contribuer au changement, à la solution des problèmes éducatifs et au développement professionnel des acteurs de l’éducation (Anadón, 2018).

    En RD, l’expérience des acteurs de terrain et des utilisateurs cibles est fondamentale pour mener à bien la recherche.

    Nous aurons besoin de comprendre la réalité des acteurs de terrain et des utilisateurs cibles afin de proposer des solutions qui sont viables en contexte, et la simple perspective des connaissances issues de la recherche ne peut être suffisante. Ce double éclairage, au cœur de la RD, oriente nécessairement les décisions méthodologiques.

    1.2. La finalité première : développer des produits

    La RD se distingue toutefois d’autres méthodologies de la famille des recherches appliquées par sa finalité de développement⁴ (concevoir ou adapter un ou des produits⁵ en réponse aux demandes du milieu de pratique). Le développement ou l’amélioration de produits matériels ou conceptuels est au cœur de la RD (Harvey et Loiselle, 2009 ; Loiselle et Harvey, 2007 ; Van der Maren, 2014). Ainsi, cette dernière permet d’offrir de nouvelles ressources, solutions ou méthodes d’intervention ou d’enseignement, directement utilisables dans la pratique (Beaudry, 2016 ; Guichon, 2007 ; Harvey et Loiselle, 2009 ; Loiselle et Harvey, 2007 ; Parker, Valencia et Lo, 2017 ; Richey et Klein, 2005 ; St-Pierre et al., 2010 ; Turgeon et Noël-Gaudreault, 2014 ; Van der Maren, 2014 ; Villemagne, 2009). Comme mentionné précédemment, derrière ce désir de concevoir un produit, le chercheur-développeur souhaite s’engager dans la recherche de solutions en réponse aux besoins exprimés et aux défis rencontrés sur le terrain (Bélair, Vivegnis et Lafrance, 2015 ; Noyori-Corbett et Moxley, 2017). Ainsi, par le développement d’un produit, le chercheur-développeur désire soutenir et faciliter les pratiques professionnelles des acteurs en trouvant des solutions appropriées en contexte de travail ou d’intervention authentique (Février, 2009 ; Gaudet et Lapointe, 2001 ; Guichon, 2007 ; Parker, Valencia et Lo, 2017 ; Richey et Klein, 2005 ; St-Pierre et al., 2010 ; Turgeon et Noël-Gaudreault, 2014). Dans les contextes éducatifs, par exemple, les produits peuvent prendre plusieurs formes, et incluent généralement le développement d’objets tangibles et réels (p. ex. les conceptualisations, les activités éducatives ou d’apprentissage, les programmes éducatifs ou d’intervention, les outils d’enseignement ou de réadaptation, les guides pédagogiques, les manuels, les matériels, les dispositifs didactiques ou de formation, etc.), ou encore le développement de guides et de prescriptions pour l’action (p. ex. les techniques, les démarches, les procédés éducatifs, les méthodes ou stratégies pour l’enseignement, l’apprentissage, le dépistage, la prévention, l’intervention, etc.). Même dans ce dernier cas de figure, un objet est généralement produit pour rendre compte des orientations pour l’action.

    C’est par cette contribution que le chercheur-développeur pourra soutenir l’amélioration de situations éducatives. Si la participation des acteurs à une RD est susceptible de contribuer à leur développement professionnel, il importe de préciser qu’il s’agit alors d’un avantage collatéral. En effet, la RD n’a pas pour finalité explicite de soutenir le développement professionnel des acteurs, comme c’est le cas dans d’autres méthodologies participatives⁶. Les échanges demeurent centrés sur le produit en vue, ou développé et utilisé. La portée désirée est plus large, dans une logique prospective, et transige par l’utilisation du produit développé, éventuellement, par les utilisateurs potentiels. Toutefois, même si le développement professionnel ne constitue pas une finalité, la RD en tant que recherche appliquée dans les contextes éducatifs privilégie des valeurs écologiques et professionnelles (Van der Maren, 2014). En effet, elle devrait permettre de « maintenir et enrichir la qualité des rapports entre le praticien, ses partenaires et son milieu », et de « maintenir sinon augmenter la maîtrise du praticien sur ses gestes professionnels et à augmenter son contrôle sur les conditions de son action » (p. 69).

    1.3. Une contribution scientifique au terme de la démarche

    Si la RD désire trouver des solutions à des problèmes pratiques en développant des produits, il demeure qu’elle relève d’une activité de recherche. Le rôle de chercheur demeure central et le développement d’un produit ne devrait pas éclipser le travail de recherche ; il s’agit de l’envisager comme un contexte pour répondre à des questions de recherche. Ainsi, le chercheur-développeur tente toujours de générer des connaissances scientifiques à la lumière d’un problème à résoudre et, conséquemment, de contribuer à la construction de connaissances théoriques connues dans un champ précis (Guichon, 2007 ; Parker, Valencia et Lo, 2017 ; Van der Maren, 2003). C’est d’ailleurs cette contribution scientifique, l’intégration de connaissances issues de la recherche et la mobilisation d’outils méthodologiques de recherche qui distingueront le processus de la RD d’une démarche de développement courante (comme réalisé par de nombreux acteurs de terrain, chercheurs et concepteurs) (Guichon, 2007 ; Harvey et Loiselle, 2009 ; Loiselle, 2001 ;Richey et Klein, 2005).

    Van der Maren (2014) rappelle que « toute intervention d’un expert, qu’il soit chercheur universitaire ou parastatal, ne veut pas dire qu’il y a là recherche » (p. 46). Il met en garde contre les situations où l’appellation « recherche » n’est en fait que la justification de l’action ou du financement de l’action. Pour qu’il y ait activité de recherche, de nouvelles connaissances doivent être générées, relativement à un problème ou à une question sans réponse. Ainsi, en parallèle de la démarche de développement d’un produit, il importe que le chercheur-développeur décrive un problème de recherche sans réponse, formule des objectifs de recherche, développe un devis de recherche structuré en décidant de quelles manières seront colligées et analysées les données, et diffuse des résultats de recherche qui auront une portée plus large que le simple contexte de recherche (Guichon, 2007 ; Harvey et Loiselle, 2009 ; Loiselle et Harvey, 2007 ; Richey et Klein, 2005 ; Van der Maren, 2003).

    2. La proposition de repères afin de guider les choix méthodologiques

    Les sections suivantes présentent des repères que l’on suggère afin de guider le chercheur-développeur au moment de faire des choix méthodologiques et de concevoir son devis de recherche. Ils emboîtent le pas aux tendances actuelles des recherches dans les contextes éducatifs et proposent une façon renouvelée d’envisager la RD en tant que recherche appliquée centrée sur l’amélioration du produit.

    2.1. Reconnaître le caractère subjectif et contextualisé des connaissances générées

    Les sciences humaines et sociales reconnaissent depuis longtemps déjà que l’expérience humaine est imprévisible, et que les problèmes rencontrés sont locaux et contextuels (Anadón, 2018 ; Côté et Lorange-Millette, 2016). En ce sens, elles permettent de comprendre des phénomènes humains tels qu’ils sont vécus de même que le sens que les acteurs donnent à leurs actions. Ce qui fonctionne dans un contexte et selon une certaine façon de faire ne fonctionnera pas nécessairement de manière identique dans un autre contexte ou en le mettant en œuvre différemment. Tout d’abord, ce postulat entraîne le fait qu’une solution se montre toujours viable dans un contexte donné et qu’elle ne peut prétendre être universellement généralisable ; il s’agit du caractère situé des constats que la recherche en contextes éducatifs permet de poser. Ensuite, cela sous-tend que les acteurs de terrain agissent intentionnellement et ne sont pas de simples exécutants passifs. Il est difficile, et probablement non souhaitable, de contrôler l’utilisation qu’ils feront du produit développé. Dans les repères que nous proposons ici, nous partageons cette vision de la recherche. Nous encourageons donc enfin les chercheurs-développeurs à reconnaître, à l’instar d’Anadón (2018), les deux principes suivants à la base de ce qu’elle établit comme la quatrième vague de recherche en éducation : la réalité éducative est complexe et plurielle et les acteurs de terrain sont des acteurs sociaux en perpétuel changement.

    Historiquement, la RD a naturellement été associée aux recherches expérimentales et à une logique plus hypothético-déductive (Lenoir, 2018 ; Van der Maren, 2014), cherchant surtout à démontrer des liens de causalité entre l’utilisation des produits et les effets souhaités. À l’heure actuelle, nous avons tendance à encourager le déploiement de RD qui permettent de comprendre en profondeur les situations éducatives et les dynamiques en jeu, et ce, grâce à l’accès à l’expérience de l’autre (Anadón, 2018 ; Lenoir, 2018 ; Van der Maren, 2014). Cela suppose de miser sur des « approches susceptibles de tenir compte de l’interaction chercheur-acteur, de la dialectique théorie-pratique, de la subjectivité de l’un et de l’autre de même que du contexte nécessaire à la compréhension de l’enseignant en tant qu’acteur social » (Anadón, 2018, p. 33).

    Ces principes ont des implications méthodologiques. Notamment, le chercheur-développeur pourra se demander comment il s’intéressera à l’expérience et à la subjectivité des participants, et quels outils de collecte de données lui permettraient de le faire au mieux. Il gagne à accorder de la valeur aux réflexions et perceptions des participants, et parfois même à ses propres réflexions et savoirs d’expérience dans le processus décisionnel entourant le raffinement du produit développé (Loiselle, 2001 ; Loiselle et Harvey, 2007 ; Richey et Klein, 2005). Dans certains ouvrages, on l’encourage à se donner des mécanismes pour mener à bien son projet malgré le fait que cette subjectivité, bien que nécessaire, pourrait induire des biais techniques, théoriques et idéologiques. Pour y arriver, on suggère :

    de documenter ses décisions dans un journal de bord ;

    de mettre ses croyances, valeurs et présupposés en évidence en début de parcours afin d’être conscient de leur influence et de s’assurer que ses propres a priori ne prennent pas une place démesurée ;

    de s’assurer que les éclairages soient nombreux par le recours aux méthodes de triangulation en faisant appel à des sources de données (participants) et à des méthodes de collecte de données (outils)

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