Littératie : vers une maîtrise des compétences dans divers environnements
Par Lizanne Lafontaine et Joanne Pharand
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À propos de ce livre électronique
Épousant cette vision étendue de la littératie, les auteurs de cet ouvrage dressent un état de l’évolution du concept de littératie en contexte francophone et s’intéressent à la maîtrise des compétences en littératie en contextes scolaire et extrascolaire. À partir de recherches-actions, de recherches collaboratives, documentaires ou exploratoires, menées au préscolaire, au primaire, au secondaire, à l’université et auprès d’adultes, les auteurs élargissent le spectre du concept de littératie. Des moyens concrets sont exposés afin de mener les apprenants vers une meilleure maîtrise de leurs compétences.
La nécessité de développer des compétences en littératie afin de mieux intégrer la société n’est plus à démontrer. Aussi cet ouvrage invite-t-il à puiser des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être au sein de résultats de recherche probants afin de contribuer à l’avancement des connaissances et à la réussite du plus grand nombre.
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Aperçu du livre
Littératie - Lizanne Lafontaine
(2012)
INTRODUCTION
La littératie
Un concept en évolution
Lizanne Lafontaine
Joanne Pharand
La maîtrise des compétences en littératie en tant que condition fondamentale d’accès au savoir est un enjeu sociétal (Conseil canadien sur l’apprentissage, 2011; Réseau canadien de recherche sur le langage et l’alphabétisation, 2009; UNESCO, 2008). Selon les résultats au Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes de 2012, plus de la moitié de la population québécoise âgée de 16 à 65 ans possède des compétences insuffisantes en littératie pour participer activement au monde actuel (Statistique Canada, 2013). De plus, les recherches portant sur les compétences en littératie touchent directement la question de l’inclusion, identifiant ainsi des conditions de mise en œuvre et offrant des outils de même que des ressources spécialisées pour faciliter le travail de l’enseignant (Rousseau, 2010; Vienneau, 2011).
Toutefois, force est de constater que le concept de littératie ne présente pas de définition consensuelle et de désignation unique. Certains y voient un problème puisque le terme est polysémique et général, trop vaste ou trop restreint (Reuter, 2003; Vanhulle et Schillings, 2003). D’autres affirment que la littératie est une notion multidimensionnelle qui est difficilement opératoire (Barré-de Miniac, 2003; Hébert, 2007); sa portée explicative serait faible malgré son potentiel (Thévenaz-Christen, 2011). Pour notre part, nous croyons que l’ouverture de ce concept vers diverses formes montre à quel point la littératie est présente et nécessaire au développement de l’être humain tant à l’école, au travail que dans la vie quotidienne, et que sa polysémie rend compte de son évolution au fil des ans. De plus, Vanhulle et Schillings (2004) affirment que par ses connotations relatives à l’oralité, aux capacités numériques et autres formes de communication moderne, la littératie concerne tous les systèmes de signes ou presque.
Selon les recensions d’écrits réalisées depuis 2007, dans le cadre des travaux de notre Équipe de recherche en littératie et inclusion (ÉRLI) (Hébert et Lafontaine, 2010; Hébert et Lépine, 2012; Moreau, Hébert et Lépine, 2012), nous constatons qu’il n’existe pas encore d’ouvrage collectif qui, d’une part, dresse un état de l’évolution du concept de littératie en contexte francophone et, d’autre part, s’intéresse à la maîtrise des compétences en littératie en contextes scolaire et extrascolaire.
1.L’évolution du concept de littératie en contexte francophone
Depuis 1990, le concept de littératie est régulièrement défini par bon nombre d’organismes nationaux et internationaux. Par exemple, pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 1997), la littératie est la capacité d’une personne à comprendre et à utiliser des imprimés et des écrits nécessaires pour fonctionner dans la vie de tous les jours, à la maison, au travail et dans la collectivité, mais aussi pour atteindre ses objectifs personnels, parfaire ses connaissances et réaliser son potentiel. En 2009, le Réseau canadien de recherche sur le langage et l’alphabétisation définit la littératie comme une compétence générale qui permet à toute personne d’avoir accès au monde extérieur, d’interagir, de communiquer, d’apprendre et de socialiser. Elle signifie également la capacité à lire, à écrire et à effectuer des calculs simples. Dans son sens le plus large, la littératie comprend de nombreuses formes requises pour réussir dans une économie basée sur le savoir, formes telles que la lecture, l’écriture, l’expression orale, le visionnement et la représentation. Le Conseil canadien sur l’apprentissage (2011) ajoute que la littératie va au-delà de savoir lire et écrire, car pour réussir, il faut avoir la capacité d’analyser l’information, de comprendre des concepts abstraits et d’acquérir de nombreuses autres compétences complexes.
Certains ministères de l’Éducation du Canada définissent la compétence en littératie en des termes différents. Pour le ministère de l’Éducation de l’Ontario (2005), cette compétence désigne la capacité d’utiliser le langage et les images de formes riches et variées pour voir, écouter, parler, lire, écrire, comprendre, communiquer, penser de façon critique afin d’atteindre un but et de développer ses connaissances à l’école, à la maison ou dans la communauté. Pour le ministère de l’Éducation de l’Alberta (2009), la littératie signifie plus que la capacité à lire et à écrire; elle fait intervenir des connaissances, des compétences et des aptitudes favorisant l’utilisation de la pensée critique, la communication efficace, l’adaptation au changement et la résolution de problèmes dans diverses situations. Les termes «compétence» et «concept» se côtoient et répondent pour l’un, aux capacités à développer, et pour l’autre, aux représentations de la littératie.
Pour Makdissi, Boisclair et Sirois (2010), la littératie est l’art d’interpréter des discours de divers genres distancés de l’immédiat permettant la construction de sens par un dialogue différé entre un interlocuteur/scripteur absent pendant l’acte de lire, son interlocuteur/lecteur absent pendant l’acte d’écrire et son interlocuteur/scripteur. Cela exige donc une compréhension de la langue, des concepts, des représentations du monde dans des pratiques culturelles variées ainsi qu’une compréhension des intentions, des buts, des croyances, des savoirs et des valeurs de personnages fictifs qui prennent vie dans des textes. Notons que le développement des compétences en littératie commence très tôt dans l’apprentissage langagier d’un enfant.
La communication orale est également partie prenante de la littératie. En effet, Lafontaine (2013a, 2013b) affirme que le volet oral de la littératie englobe les contextes de prise de parole, la production orale, le vocabulaire compris et utilisé, la compréhension d’un message, la capacité d’écoute, les interactions sociales dans des situations de communication scolaires ou extrascolaires ainsi que les liens étroits entre tous ces paramètres. Moreau et al. (2013) ajoutent que la littératie renvoie à l’idée générale de l’étude de la langue orale et écrite située dans des contextes sociaux précis, tantôt internes, tantôt externes au milieu scolaire.
Dans un autre ordre d’idées, Harper et Stein Dzaldov (2012) précisent que la littératie et l’apprentissage contiennent toutes les formes de littératie auxquelles les élèves ont accès et qui leur permettent d’entrer dans le xxie siècle. Les pratiques traditionnelles d’enseignement des compétences de base en lecture et en écriture s’enrichissent maintenant d’outils nouveaux pour enseigner comme le tableau numérique interactif, la tablette numérique ou l’ordinateur.
Nous pouvons affirmer que la littératie en contexte francophone développe la compréhension et l’analyse de la langue, de l’information, des concepts et des représentations du monde moderne; qu’elle prend forme sur une multitude de supports (papier, journal, ordinateur, pictogramme, tablette, etc.); qu’elle représente une vision multidimensionnelle du «texte» oral ou écrit, de ses usages et des apprentissages qu’il suscite; qu’elle s’inscrit dans des interactions et des situations de communication à la fois scolaires et extrascolaires; et qu’elle permet de toucher à la fois aux sphères personnelle, professionnelle et socioculturelle liées à l’apprentissage de l’écriture, de la lecture et de la langue orale, touchant ainsi aux valeurs ajoutées proposées par Hébert et Lépine (2012).
En effet, dans le cadre des travaux de l’ÉRLI, Hébert et Lépine (2012) ont effectué une recension théorique portant sur les principales définitions de la littératie en contexte francophone. Trois dimensions de la littératie ressortent de ce travail. D’abord, la dimension linguistique, qui est la plus présente, propose des définitions de la littératie traitant de la lecture, de l’écriture et de l’oral. Ensuite, la dimension cognitive fait état de définitions portant sur les paradigmes de l’apprentissage et de l’enseignement. Finalement, la dimension sociale traite des usages scolaires et socioculturels de la littératie. De cette recension, dix valeurs ajoutées ont été identifiées et sont présentées au tableau I.1, lesquelles transcendent les définitions au-delà de la lecture et de l’écriture.
Ces valeurs ajoutées ont l’avantage d’élargir la vision et la compréhension du concept de littératie répondant aux trois dimensions précitées et exposant la polysémie qui en ressort. Depuis, d’autres chercheurs se sont intéressés à ce concept, chacun dans son champ d’expertise. Comme leurs définitions¹ répondent aux valeurs ajoutées de Hébert et Lépine (2012), nous avons choisi d’en présenter quelques-unes et d’y associer les valeurs observées.
Dagenais et Fraser (2012) proposent une vision plurilingue de la littératie selon laquelle les individus et les groupes ont recours à plusieurs langues pour s’exprimer, rejoignant ainsi la valeur ajoutée qui traite des relations individu-société (valeur ajoutée 5). Selon Roy (2010), favoriser des activités de littératie en langue d’origine permet aux familles étrangères de se sentir reconnues dans leur culture familiale et ainsi de se rapprocher de l’école et du vécu scolaire de leur enfant.
De plus, pour Lafontaine (2013b), la littératie familiale revêt une importance particulière en milieu défavorisé puisque certaines familles peuvent se sentir éloignées de la vie de l’école à cause d’expériences négatives avec celle-ci ou par manque de connaissances de cet univers. Comme le rapportent Ewart et De Rocquigny (2011), lorsque la famille adopte une attitude positive et fait vivre des activités de littératie variées aux enfants à la maison, un effet positif sur le développement des compétences et la réussite en lecture est observé. La littératie familiale touche aux valeurs suivantes: elle vise plusieurs objectifs (1), s’intéresse à un ensemble d’attitudes, de compétences et de connaissances en lien avec la langue écrite (2), aborde les relations individu-société (5), considère l’influence de l’environnement sur l’enseignement et l’apprentissage (9) et possède une visée émancipatrice (10).
TABLEAU I.1.Valeurs ajoutées au concept de littératie
Source: Hébert et Lépine, 2012, p. 94.
Pour leur part, Lebrun, Lacelle et Boutin (2012) parlent de littératies multiples déployées à partir de plusieurs modes de représentation outre les seuls langages oral ou textuel, qui sont ouvertes à la pluralité des formes, des supports et des modes médiatiques. Elles représentent un ensemble illimité et flexible permettant d’appréhender différents contextes qui sont changeants, notamment dans le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) (Duplàa, 2011, cité dans Berger et Desrochers, 2011). Armand (2012) ajoute que ces littératies permettent de décrire une variété de travaux créatifs d’élèves pour lesquels ils sont amenés à puiser dans leur répertoire linguistique plurilingue, ce qu’on appelle en anglais identity texts. Les littératies multiples rejoignent les valeurs ajoutées d’Hébert et Lépine (2012), en ce sens qu’elles touchent une variété de supports et de technologies (3), montrent l’aspect dynamique, variable et situé de celles-ci (4), traitent de situations réelles authentiques scolaires et extrascolaires (6) et influencent l’enseignement et l’apprentissage (9).
En dernier lieu, les littératies technologique, informatique et numérique sont souvent utilisées comme synonymes malgré des différences à préciser. La littératie technologique fait état de compétences en sciences et en technologie pour l’utilisation d’un ordinateur et tout objet technique, ayant ainsi un rayonnement dans toutes les disciplines (Duplàa, 2011, cité dans Berger et Desrochers, 2011). La littératie informatique, préalable à toute capacité de gestion de l’information, réfère à la capacité à utiliser de manière efficace divers logiciels et outils informatiques (Giraud, 2010). La littératie numérique traite plutôt de la capacité à utiliser les logiciels, les outils de communication et les réseaux afin d’accéder, de gérer, d’intégrer, d’évaluer ou de créer l’information (Lefebvre, Melançon et Lefrançois, 2012), cela dans une multitude de contextes de communication existants par les TIC (Duplàa, 2011, cité dans Berger et Desrochers, 2011). La littératie numérique est donc plus englobante que la littératie informatique. Les valeurs ajoutées d’Hébert et Lépine (2012) sont en lien direct avec ces trois formes de littératie parce que chacune offre une perspective plurielle et interdisciplinaire sur l’appropriation de l’écrit (1), une variété de textes et de supports (3) ainsi que des tâches réelles authentiques scolaires et extrascolaires (6).
Ce bref état de l’évolution du concept de littératie en contexte francophone montre à quel point la littératie s’est transformée depuis les propositions des premières définitions qui campaient davantage la littératie dans une société du savoir. L’avènement de nouvelles littératies, qu’elles soient plurilingues, familiales ou multiples, est un exemple concret de la transformation constante d’un concept axé sur le développement des personnes et des milieux scolaires et extrascolaires. Le concept de littératie restera toujours polysémique, mais en même temps ouvert et suivant la mouvance sociétale dans laquelle il s’inscrit. En ce sens, il n’est plus un concept opaque, vague et difficilement opératoire. Le développement des compétences en littératie est tangible et réel, comme en font foi les chapitres de cet ouvrage qui abordent, sous un angle pragmatique, d’autres formes de littératie sans toutefois prétendre à une exhaustivité des définitions de ce concept toujours en construction.
2.Le développement des compétences en littératie
Le présent ouvrage rend compte d’autres formes de littératie et de compétences à développer pour atteindre un niveau de maîtrise acceptable et utile à tout individu. En partant de recherches menées au préscolaire, au primaire, au secondaire, à l’université et auprès d’adultes, les auteurs font preuve d’originalité dans leur démarche de recherche-action, de recherche collaborative, de recherche documentaire et de recherche exploratoire pour élargir le spectre du concept de littératie. Des moyens concrets sont exposés afin de mener les apprenants à une meilleure maîtrise de leurs compétences. Épousant la vision élargie de ce concept, les chapitres qui suivent invitent le lecteur à puiser des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être au sein de résultats probants de recherche qui contribuent à l’avancement des connaissances et, nous l’espérons, à la réussite du plus grand nombre.
Dans le chapitre 1, «Des pratiques innovantes en enseignement de la littératie au préscolaire et au premier cycle du primaire», Moreau, Stanké, Pharand, Lafontaine et Massie rendent compte de l’amélioration des pratiques pédagogiques de 58 enseignants de 8 écoles primaires en milieu minoritaire franco-ontarien. À la suite d’une démarche de recherche collaborative menée sur trois ans, les résultats présentent des conditions favorisant des pratiques efficaces en littératie à travers la description de plusieurs modes de fonctionnement de la classe. Ils ne manquent pas de relever certains défis toujours présents.
Dans le chapitre 2, «Les pratiques déclarées en littératie d’enseignants de fin de maternelle et de première année d’école primaire en France», Ragano, Pasa, Fijalkow et Fijalkow dressent un état des lieux de la littératie dans leur pays à partir notamment de deux enquêtes menées auprès de 1 253 enseignants sur la lecture et l’écriture chez les petits. L’entrée dans l’écriture dépasse la simple réflexion cognitive. Elle s’inscrit dans une culture et un partage entre lecteurs et scripteurs. Les résultats rapportent l’évolution nuancée des pratiques et les changements observés 20 ans après leur première enquête.
Dans le chapitre 3, «La notion de poste de travail didactique et le développement des compétences en littératie d’élèves de cycle 3», Dupont et Grandaty proposent l’élaboration d’ingénieries coopératives où, sous la responsabilité conjointe des enseignants et des chercheurs, ils collaborent à la mise en place d’activités expérimentées et validées par les praticiens en vue de construire des postes de travail didactique. Ces postes sont des innovations pédagogiques permettant aux élèves visés de réussir à l’école.
Dans le chapitre 4, «Les fondements d’une taxonomie du développement de la langue orale: un modèle pour développer les compétences à l’oral et en littératie des élèves de 6 à 17 ans», Dumais présente un modèle de taxonomie inédit de la langue orale en respectant le développement intégral de l’enfant selon ses différents stades et selon trois domaines émergents: cognitif, social et moral. Ce chapitre, tiré d’une recherche doctorale, enrichit grandement le volet oral en français langue première. Cette taxonomie peut s’avérer très utile aux programmes ministériels, aux universités et aux enseignants du primaire et du secondaire.
Dans le chapitre 5, «La littératie émotionnelle: l’expérimentation d’une démarche d’analyse et le développement de compétences émotionnelles au primaire», Pharand et Moreau rendent compte d’une démarche de réflexion expérimentée et validée par neuf enseignantes à propos de diverses émotions ressenties en classe, lesquelles entravent ou facilitent la communication entre elles et leurs élèves. Cette démarche a été appliquée par rapport à elles-mêmes et par rapport à certains élèves de leur classe. Les résultats montrent qu’il est possible de diminuer les réactions jugées nuisibles et de retrouver un apaisement personnel afin de demeurer disponible en classe.
Dans le chapitre 6, «Les littératies disciplinaires au secondaire: l’appropriation d’une approche novatrice en contexte francophone montréalais», Ouellet, Boultif et Croisetière considèrent non seulement le caractère transversal de la lecture, mais aussi le caractère disciplinaire afin de préparer les élèves à comprendre des textes de plus en plus complexes et spécialisés. À travers une approche novatrice qui comprend quatre dimensions, des enseignants de deux écoles secondaires de diverses disciplines disent avoir réussi à améliorer les capacités de leurs élèves à lire et à comprendre des textes variés et spécialisés.
Dans le chapitre 7, «Les compétences en littératie médiatique multimodale au primaire et au secondaire: une grille d’analyse transdisciplinaire», Lacelle, Lebrun, Boutin, Richard et Martel présentent une grille commune ayant servi à analyser la lecture de textes issus de trois disciplines: le français, l’univers social et les arts. Les résultats de quatre recherches et dispositifs multimodaux sont présentés et discutés. Cette forme de littératie est dynamique et innovante pour les jeunes. Elle sort des sentiers battus pour explorer des pistes différentes des pratiques traditionnelles.
Dans le chapitre 8, «La joute de slam: une description de la pratique sociale et une analyse de sa transposition didactique», Émery-Bruneau et Yobé traitent du développement des compétences en littératie dite populaire, mais aussi scolaire. En effet, ce genre – le slam – est indiqué dans le programme d’études du secondaire au Québec. De la pratique sociale clairement décrite à sa pratique scolaire, cette recherche exploratoire considère ce genre comme un objet à enseigner de manière plus précise en didactique du français. Les défis qui attendent l’école sur ce plan sont également énoncés.
Dans le chapitre 9, «Les pratiques d’écriture déclarées d’étudiants en formation initiale à l’enseignement et le niveau de littératie universitaire», Guay, Émery-Bruneau et Lafontaine ont réalisé une préenquête auprès de 32 étudiants en formation initiale à l’enseignement afin de connaître la perception qu’ils ont de leurs pratiques d’écriture à l’université. Cette recherche exploratoire vise l’amélioration des compétences des étudiants dans l’écriture de textes universitaires plus réfléchis et réflexifs. Les résultats présentent les pratiques perçues par les étudiants et invitent les universités à enseigner et à travailler davantage ce genre de textes.
Dans le chapitre 10, «Les usages sociaux de la littératie et les compétences à développer en vue d’environnements plus inclusifs», Ruel, Moreau et Alarie s’intéressent à l’inclusion et à la participation citoyenne des personnes ayant un faible niveau de littératie. Tout individu a besoin d’un minimum de compétences pour vivre en société et accéder aux informations de toutes sortes. La littératie informationnelle et la littératie en santé sont expliquées ici, car elles représentent la voie d’accès à une meilleure qualité de vie pour les personnes vulnérables de notre société. Des recommandations sociétales viennent ponctuer ces deux formes de littératie.
Le concept de littératie s’étend maintenant à d’autres formes aussi intéressantes et innovantes les unes que les autres et subséquentes au champ d’expertise des chercheurs. La littératie en contexte francophone dépasse l’enseignement systématique du français langue première. Elle englobe les valeurs ajoutées d’Hébert et Lépine (2012), lesquelles brossent un large éventail regroupant les dimensions linguistique, cognitive et sociale de la littératie. La nécessité de développer des compétences en littératie afin de mieux intégrer la société n’est plus à démontrer.
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1.Nous remercions Kim Chaput et Amélie Guay, assistantes de recherche, pour leur travail d’analyse.
CHAPITRE 1
Des pratiques innovantes en enseignement de la littératie au préscolaire et au premier cycle du primaire
André C. Moreau
Brigitte Stanké
Joanne Pharand
Lizanne Lafontaine
Catherine Massie
RÉSUMÉ
Riche d’expériences d’implantation d’innovations en enseignement en littératie (lecture-écriture), ce chapitre décrit des pratiques d’enseignement expérimentées par des enseignants afin d’améliorer la réussite scolaire d’élèves du préscolaire et du premier cycle du primaire. Dans le cadre d’activités de perfectionnement et d’accompagnement à l’implantation de nouvelles pratiques d’enseignement, une recherche basée sur des observations de pratiques déclarées et effectives a mené à documenter des dispositifs qui ont permis aux élèves d’améliorer leurs apprentissages en lecture et en écriture. Les enseignants de ces huit écoles inclusives, fonctionnant en communauté d’apprentissage professionnelle, ont collaboré et se sont concertés pour apporter des changements significatifs à leur enseignement en intégrant, entre autres, des pratiques d’observation des apprentissages, des situations d’enseignement en lecture et en écriture autonomes, partagées, guidées ainsi que des centres d’apprentissage en littératie. Ces innovations sont décrites dans ce chapitre.
Le présent chapitre¹ synthétise les résultats scientifiques de travaux visant à mieux comprendre l’implantation de nouvelles pratiques d’enseignement en classe en collaboration avec le personnel scolaire de huit écoles du milieu francophone ontarien. Ce personnel était soucieux d’innover en améliorant ses pratiques d’enseignement inspirées de l’application de connaissances probantes en recherches² sur l’enseignement et l’apprentissage en littératie³ d’élèves du préscolaire et du premier cycle du primaire. À partir du faible niveau de réussite en français des élèves en milieu minoritaire francophone observé à la fin du premier cycle du primaire et du retard scolaire présent chez les élèves à la fin du primaire de ces écoles, conjugué à l’inclusion scolaire de tous les élèves, le personnel scolaire s’est interrogé sur les innovations⁴ à apporter pour améliorer la réussite de tous les élèves (Calman et Crawford, 2013).
La collaboration par une recherche participative (Dallaire, 2002) a permis d’établir un consensus entre le personnel enseignant et les chercheurs quant à l’importance de porter un regard réflexif sur les changements qui s’opèrent lors de l’implantation de nouvelles pratiques. Contrairement aux pratiques connues issues d’une tradition en enseignement, ces pratiques d’enseignement désignent toute nouvelle façon de faire ou dispositif pédagogique non connu ayant fait l’objet d’une intégration ou d’un changement dans les classes.
Parmi les travaux de recherche réalisés, le personnel enseignant souhaitait échanger avec les chercheurs sur les pratiques d’enseignement mises en place dans les classes. Pour créer cet espace de réflexion, l’une des méthodes adoptées a été l’observation en classe des pratiques en lecture-écriture suivie d’une période d’échanges sur ces pratiques. Ces «pratiques d’enseignement», parfois nommées pratiques pédagogiques, désignent les actes singuliers ou activités propres à un enseignant qu’elles soient documentées par des pratiques effectives (des renseignements ou données issus d’observations collectées par une personne autre que l’enseignant en action; il s’agit le plus souvent, du chercheur observateur) ou déclarées par l’enseignant (le discours ou tout ce que l’enseignant fournit lui-même comme information sur ses actions lors d’un entretien ou par le biais d’un questionnaire). Clanet (2001) a documenté en contexte les pratiques d’enseignement à partir de déclarations des enseignants et d’observations. Ainsi, ces techniques donnent accès aux intentions, aux choix ou aux prises de décision avant, pendant et après les activités réalisées en classe (Altet, Paquay et Perrenoud, 2002). Les sections suivantes présentent la problématique de la recherche, le cadre théorique, la méthodologie et les résultats.
1.La problématique
Les enseignants ayant collaboré à cette recherche scientifique ont exprimé, dès le début, le sentiment d’urgence d’améliorer les apprentissages en littératie de l’oral, de la lecture et de l’écriture. Partant de cette priorité, l’orientation prise par ces écoles a été de comprendre comment optimiser les conditions d’apprentissage afin d’être plus efficace et d’améliorer les pratiques d’enseignement en classe hétérogène. Cette efficacité renvoie, entre autres, aux apprentissages et aux rendements scolaires des élèves, mais aussi aux activités d’évaluation, d’analyse et de réflexion-régulation des enseignements. Cette seconde préoccupation liée à l’implantation et à l’application de pratiques efficaces d’enseignement en littératie permettait de comprendre que plusieurs enseignants