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Croiser littératie, art et culture des jeunes
Croiser littératie, art et culture des jeunes
Croiser littératie, art et culture des jeunes
Livre électronique567 pages6 heures

Croiser littératie, art et culture des jeunes

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À propos de ce livre électronique

Consommation culturelle éclatée et branchements technologiques sont omniprésents dans la réalité de la jeunesse du Québec et d’ailleurs dans le monde. Dans leurs pratiques culturelles informelles, les jeunes d’aujourd’hui s’approprient des contenus variés qui proviennent de partout et qui défilent à toute allure sur leurs écrans. Ils détournent parfois les fonctions des médias et créent de nouvelles formes d’expression : contre-pub, remix, mash-up, mème, etc. Comme certains artistes et auteurs actuels, ils combinent et croisent les processus, faisant des allers-retours entre la réception et la création, les apprentissages formels et informels, les modes de représentation analogiques et numériques. Le domaine de l’enseignement demeure toutefois peu perméable à ces transformations.

Interpelés par cette problématique, les auteurs du présent ouvrage se penchent sur la question des croisements pour enrichir l’enseignement des arts et des langues de préoccupations ouvertes sur la littératie multimodale, l’hybridité des pratiques de création ainsi que la diversité culturelle. Leur objectif est de contribuer au développement de l’apprentissage et de l’enseignement en milieu scolaire, communautaire ou informel pour des jeunes de 5 à 25 ans.

Divisé en trois parties portant sur les pratiques créatives informelles des jeunes, les croisements disciplinaires en milieu scolaire et les interactions entre créateurs et jeunes, ce collectif s'adresse tant au producteur culturel, qu'il soit artiste, auteur ou chercheur, qu'à l’enseignant, créateur de nouveaux rapports avec les apprenants.

Moniques Richard est professeure titulaire à l’École des arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elle dirige l’équipe EntreLACer littératie, art et culture des jeunes. Elle est également chercheuse à la Chaire en littératie médiatique multimodale (LMM).

Nathalie Lacelle est professeure en didactique des langues à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et directrice de la Chaire en littératie médiatique multimodale (LMM). Elle dirige plusieurs recherches sur les compétences à lire et à produire des oeuvres numériques, et mène une recherche-action en soutien à l’édition numérique jeunesse au Québec.
LangueFrançais
Date de sortie7 oct. 2020
ISBN9782760553354
Croiser littératie, art et culture des jeunes
Auteur

Moniques Richard

Moniques Richard est professeure titulaire à l’École des arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elle dirige l’équipe EntreLACer littératie, art et culture des jeunes. Elle est également chercheuse à la Chaire en littératie médiatique multimodale (LMM). Elle s’intéresse à l’influence des médias et des technologies numériques sur les pratiques culturelles des jeunes, ainsi que sur l’enseignement des arts. Elle examine les concepts d’hybridité et de corporéité dans les pratiques créatrices pour en dégager des stratégies pédagogiques participatives et émancipatrices.

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    Aperçu du livre

    Croiser littératie, art et culture des jeunes - Moniques Richard

    [01]

    Liste des figures et des tableaux

    Figures

    4.1 / Les activités de création des jeunes hors de l’école

    4.2 / Compétences dans les pratiques de la jeunesse C/yborg

    4.3 / Caractéristiques H/M des pratiques informelles des jeunes

    6.1 / Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César, Lionel Royer, 1899

    6.2 / Portraits de Pocahontas (à gauche), gravure de Simon Van de Passe, 1616 ; (à droite) peinture de Thomas Sully, vers 1852

    7.1 / Champs constitutifs de l’écoéducation musicale

    9.1 / Mona Lisa (sirop d’érable), Andrée-Caroline Boucher, 2019. Librement inspiré de Vik Muniz

    9.2 / L.H.O.O.Q., Marcel Duchamp, 1919

    9.3 / A moment on the lips, Mohamed Ali, 2016

    9.4 / Échelle des différentes compétences et la relation aux œuvres et au patrimoine culturel

    9.5 / Art urbain photographié à Montréal, 2016

    9.6 / Souris punk, huile sur toile, Guy Boutin, 2016

    9.7 / We the Youth, murale photographiée au coin de la 22e Avenue et de la rue Ellsworth à Philadelphie, Keith Haring, 1987

    9.8 / Dynamique d’interprétation branchée, document de travail

    9.9 / Simulation d’un film d’animation, Andrée-Caroline Boucher, 2019. Librement inspiré de Jean-Paul Riopelle, 1992

    10.1 / Image et texte partagés par _mysterygirl

    10.2 / Image et texte partagés par Djulye_in_the_sky

    11.1 / Les membres du CRIC lors d’un atelier portant sur la création de plans urbains du quartier Ville-Marie

    11.2 / Une femme portant un foulard réalisé dans le cadre du projet rémois

    12.1 / Vue de l’immeuble. Projet L’affaire du 3915 Sainte-Catherine Est

    12.2 / Vue de l’installation. L’affaire du 3915 Sainte-Catherine Est

    12.3 / Vue de la chambre. Projet Chez Jacinthe

    12.4 / Vue de l’installation. Crapahuter

    Tableaux

    3.1. / Pourcentage des jeunes de 15 à 24 ans s’adonnant à des activités culturelles sur Internet, au moins une fois par semaine, Québec, 2014

    4.1. / Grille d’analyse des pratiques informelles des jeunes

    8.1. / Comparaison de la composante « interpréter » dans les différentes disciplines du domaine des arts selon le PFEQ

    Liste des abréviations

    INTRODUCTION /

    Enrichir l’enseignement par les croisements entre art, littératie et culture des jeunes

    Des croisements générateurs de création de sens

    Moniques Richard et Nathalie Lacelle

    Selon certains penseurs de la complexité, ce monde bouillonnant, de plus en plus global, hétérogène, transculturel et transdisciplinaire, dans lequel nous vivons, favorise le croisement des savoirs et des pratiques ainsi que la prolifération des hybrides (Berthet, 1999 ; Gwiazdzinski, 2016 ; Latour, 1997). En privilégiant le terme de croisements, nous choisissons de rester ouverts à la polysémie des termes et à leur complémentarité, tout en reconnaissant l’apport des éléments et des territoires d’origine.

    Ainsi, l’utilisation des termes d’hybridité et de multimodalité permet de qualifier divers croisements possibles (processus d’hybridation) à l’intérieur même d’une sphère de production (art, éducation, communication, etc.). Elle s’applique aussi aux combinaisons de codes, de formes et de figures à l’intérieur ou entre les modes de signification (visuel, oral, gestuel, sonore, etc.), ainsi qu’aux amalgames dans la matérialité ou la technicité d’un médium artistique, littératique ou médiatique (peinture-objet, photocollage, vidéo-installation, performance interactive, roman graphique augmenté, blogue, etc.). Elle caractérise l’emploi de plusieurs fonctions de la représentation (p. ex. promouvoir, divertir, informer, communiquer, exprimer, dénoncer, innover). L’hybridation a cela de particulier qu’en croisant des éléments provenant d’un ou de plusieurs ensembles (domaines, disciplines, modes, médias, genres, styles, etc.), elle génère des pratiques qui brouillent les catégories usuelles (Berthet, 2002 ; Couchot et Hillaire, 2003 ; Fourmentraux, 2014 ; Molinet, 2012 ; Rancière, 2000). Elle peut s’appliquer tant aux lieux, aux temps, aux interactions, aux objets et leurs usages, qu’aux acteurs (Gwiazdzinski, 2016). Quant à la multimodalité, elle transforme la réception et la production de sens médiatisée lorsque sont mobilisées, concomitamment et en contexte réel de communication, des ressources sémiotiques variées issues d’un vaste éventail culturel de modes de représentation (Buckingham, 2003 ; Halliday, 1978 ; Jewitt, 2009 ; Kress, 2010 ; Van Leeuwen, 2005). Les allers-retours entre modes analogiques ou numériques donnent lieu à la manipulation de ces ressources sur différents supports dans divers contextes. Ils contribuent à communiquer et à créer du sens à travers des processus et des formes constamment renouvelés.

    Dans les pratiques créatives et littératiques des jeunes et dans celles d’artistes et d’auteurs, ces concepts sont de plus en plus privilégiés. Il ne faut toutefois pas négliger ce que nous entendons par art, création et littératie, malgré les croisements auxquels ils sont maintenant assujettis. Même si l’art n’a plus le monopole de la création (Moreau, 2011), ce domaine de connaissances protège encore certaines pratiques plus marginales dans notre société, telles que la prise de risque, la rupture et la résistance aux normes établies, au-delà de l’instinct générateur et de l’intelligence fabricatrice qui caractérise la création (Bourgeois, 2013). Cette protection s’exerce par un système de légitimation qui varie selon les époques et dont la reconnaissance s’exerce par les pairs (Rancière, 2000). Dans le régime esthétique d’aujourd’hui, les artistes « recyclent, combinent et détournent les codes du quotidien, de l’art, des médias ou des technologies » en fonction des besoins de leur réflexion (Richard, 2016, p. 102). Avec ou sans œuvre matérielle, ils nous permettent de vivre et de partager une expérience sensible par sa formalisation.

    Même si la littératie n’a plus le monopole du langage, elle permet encore de dire, de lire, d’écrire, de comprendre et d’apprécier diverses formes de communication de plus en plus multimodales (Chabanne, 2015) à l’intérieur de groupes humains, alors que le concept de multilittératie, lui, s’élargit pour couvrir de multiples formes de langage. Toutefois, certains défenseurs de la multilittératie ratissent très large, se réservant le monopole sur l’activité cognitive (Jones, 2008), minimisant ainsi la contribution de la cognition incarnée (embodiment), qui entrelace l’agentivité et la pensée à travers l’étendue des réseaux (Hayles, 2012). Il s’agit d’un savoir incorporé où les dimensions structurelles, formelles et conceptuelles puisent, se connectent et se mélangent aux dimensions préconceptuelles, non formelles et ressenties (Johnson, 2007, p. 273).

    Une société tournée vers les compétences du XXIe siècle ne peut donc pas faire l’économie d’une formation artistique incarnée pour nos jeunes puisqu’elle donne une large part à la création et à l’hybridité, mais aussi à la critique du statu quo, une qualité essentielle pour tout citoyen vivant en démocratie. Elle ne peut non plus négliger les apports d’une littératie multimodale, indispensable pour cerner les enjeux culturels, sociaux et politiques associés à l’usage de divers langages de communication.

    1 / À l’intersection de la culture des jeunes

    Ainsi, il est clair que les jeunes n’ont pas attendu l’école ou le monde de l’art pour s’engager fortement dans des pratiques informelles, particulièrement celles issues du numérique (Kalantzis et Cope, 2012 ; Mason, 2008 ; Richard, 2012). Ces pratiques constituent la base de leur culture et forgent leur identité (Casemajor, Bellavance et Sirois, 2018 Chung, 2007 ; Jutras, 2010 ; Octobre, 2009). Cette culture, de plus en plus qualifiée de participative (Ito, 2010 ; Jenkins, 2006), résulte de l’appropriation de diverses cultures (Duncum, 2009 ; Faucher, 2013 ; Richard, 2005).

    Cependant, malgré le fait que les jeunes aient un large accès aux réseaux, leurs compétences numériques et médiatiques varient grandement, et les désavantages socioéconomiques persistent (Casemajor et al., 2018 ; Horrigan, 2016). Il y a plus d’une décennie, une recherche menée sur la tranche des 9 à 19 ans démontrait une progression des compétences dans l’utilisation des médias selon les tâches à réaliser, que ce soit dans les activités des loisirs ou les travaux scolaires : recherche d’informations, communication en réseautage, interaction entre pairs, création de contenus dans divers modes (Livingstone et Helsper, 2007). Néanmoins, compte tenu de l’accroissement de la mobilité des pratiques numériques des jeunes, de la convergence des plateformes et du multitâche (Lacelle, Richard, Martel et Lalonde, 2019 ; Lalonde, Castro et Pariser, 2016), il est encore plus difficile aujourd’hui de comptabiliser les heures d’utilisation pour chacun des médias, d’isoler les tâches et, encore plus, de juger de la qualité des activités qui s’y déroulent.

    Par ailleurs, en ce qui concerne la première compétence médiatique maîtrisée, soit la recherche d’informations, selon Sauvajol-Rialland (2014), la surcharge de données ferait que les jeunes sont à risque de souffrir d’infobésité¹ : désinformation, déficit d’attention, cyberdépendance et autres stress les guettent de plus en plus dans leurs pratiques informelles numériques. La chercheuse française propose d’y remédier en développant une culture de l’information et du travail collectif.

    Quant aux pratiques de création informelle, nous constatons que de plus en plus de jeunes créent en combinant des référents culturels, des technologies numériques ou analogiques ou, encore, des modes de représentation tels que dans le jeu interactif, la bande dessinée, la vidéo amateur, le blogue et l’écriture collaborative. Ils le font parfois avec des partenaires culturellement diversifiés, échangeant sur divers réseaux. D’autres jeunes préfèrent des activités artistiques, littéraires ou artisanales plus traditionnelles, axées soit sur la technique, sur l’expression d’une singularité identitaire ou bien sur l’appartenance à un groupe ou, encore, privilégiant l’expérience esthétique ou ludique vécue en créant. Ils ne maîtrisent pas nécessairement les codes et les langages ; ils ne distinguent pas toujours la création de contenus de l’invention de formes. Nous proposons donc, dans cet ouvrage, d’ajouter à la culture littératique une culture de la création et de la cocréation.

    2 / Permuter les pratiques enseignantes

    Sur le terrain de l’école, les enseignants disent « manquer de temps, de préparation et de soutien technique ou pédagogique pour développer des projets technologiques éducatifs » (Lacelle et al., 2019). Il n’est donc pas surprenant qu’ils disposent de peu de latitude pour s’intéresser à l’hybridité, à la littératie multimodale ou à la culture des jeunes.

    Dans les programmes de formation, l’intégration des technologies, des médias et du multimodal s’insère dans une certaine tradition, du moins au Québec. Dès 1968, l’option « moyen de communication de masse » était introduite dans le programme d’arts plastiques au secondaire. Le cinéma et l’audiovisuel étaient considérés comme vecteurs de culture, mais aussi les documents multimodaux tels que scénarimage, affiche et emballage de produits (Couture et Lemerise, 1992 ; Faucher et Richard, 2009). Dans les programmes de français de 1980, les activités multimodales classiques étaient également encouragées sous la forme de création d’affiches, d’analyse de bandes dessinées et autres (Lebrun et Lacelle, 2011).

    Depuis 2000, les programmes scolaires d’arts et de français abordent l’étude des médias à travers la communication d’un message, mais sans aborder l’art comme un domaine de création multimédiatique, et sans tenir compte des hybrides entre communication et création. La démarche créatrice est traitée comme une compétence transversale et disciplinaire, mais sans vraiment être circonscrite ou évaluée. De plus, la littératie n’est aucunement mentionnée. Bien que les volets optionnels « multimédia » des programmes d’arts au secondaire permettent des explorations interdisciplinaires qui peuvent inclure le traitement numérique de divers modes, ces explorations ne sont pas accessibles à tous les élèves ; ils ne permettent pas toujours de distinguer la communication de messages de la création de formes expressives pour pouvoir, ensuite, mieux les combiner. Prenons comme exemple la distinction entre l’image personnelle et l’image médiatique, qui peut se comparer à celle entre un texte expressif et un texte informatif. Elle provoque une rupture difficilement réconciliable entre création et communication, alors que jeunes et artistes d’aujourd’hui jouent justement dans les marges de cette rupture.

    Par ailleurs, dans tous les programmes, la « culture des jeunes » sur laquelle devrait s’appuyer l’école n’est mentionnée qu’une seule fois (Faucher, 2013). Aucune mention n’est faite d’applications pédagogiques concertées ou différenciées pour tenir compte de cet ancrage culturel. Selon Duncum (2009), les enseignants, même en art, n’osent pas aborder directement l’utilisation de la culture des jeunes à cause de la nature transgressive de celle-ci, qui remet en question les valeurs mêmes de l’enseignant. Dans le système éducatif en France, est privilégiée l’initiation à des formes d’art et de pratiques culturelles légitimes chez les adolescents au détriment de celles qui sont plus près des jeunes, malgré la définition inclusive des arts dans les documents officiels (Chabanne, 2015).

    Dans cette situation, nous pouvons nous demander comment développer des stratégies qui font place à l’hybridité et à la multimodalité, tout en intégrant la mise en contexte historique et critique des pratiques, un aspect négligé par les jeunes et l’école. Ouverture, curiosité, autonomie, collaboration et innovation sont des valeurs que nous croyons essentielles pour porter les nombreuses transformations dans les pratiques culturelles, artistiques et pédagogiques. Aujourd’hui, pouvoir classer et évaluer les savoirs et les pratiques auxquels nous avons si facilement accès, se les approprier dans diverses situations, les comprendre dans différents contextes de pratique, tout cela s’avère indispensable. Mais encore, s’inspirer de ces connaissances et de ces pratiques pour en créer de nouvelles nécessite des compétences complexes que les jeunes doivent acquérir.

    3 / Structure de l’ouvrage

    Interpellées par cette problématique sur la question des croisements entre savoirs et pratiques chez les jeunes, nous avons voulu réunir plusieurs auteurs pour aborder un territoire encore trop peu exploré dans le domaine de l’éducation. Des études préliminaires nous ont permis de relever le besoin d’analyser ces pratiques en profondeur pour mieux les comprendre, mais aussi de redéfinir les notions de création et de réception en fonction de ces pratiques concernant les jeunes (Richard, 2015). Les colloques de l’équipe EntreLACer ont permis d’identifier les croisements dans diverses pratiques culturelles qui pourraient contribuer au développement de l’enseignement². Nous nous sommes également intéressées aux retombées de telles recherches sur l’enseignement et l’apprentissage, principalement dans les domaines des arts et des langues³. Dans le présent ouvrage, nous rendons compte de l’avancée de ces diverses recherches.

    Ce collectif d’auteurs se divise en trois parties. La première porte sur les pratiques créatives informelles des jeunes qu’il importe de connaître pour mieux former ceux-ci en fonction des valeurs annoncées au début de cette introduction. La deuxième partie aborde les croisements disciplinaires qui se déploient de plus en plus, en milieu scolaire, afin de faire face aux défis du XXIe siècle. Dans la troisième partie, les auteurs se penchent sur des pratiques d’interaction et de diffusion entre les jeunes et les créateurs.

    La première partie du livre regroupe quatre chapitres recensant les pratiques culturelles des jeunes. Dans le premier chapitre seront abordées les cultures et les sociabilités juvéniles à l’ère du numérique. Hélène Bourdeloie, chercheuse en sciences de l’information et de la communication, et Dominique Pasquier, sociologue et chercheuse émérite, y abordent les continuités et les recompositions dans ses diverses pratiques. Au chapitre 2, Anne Cordier, chercheuse et autrice sur les pratiques informationnelles, aborde la création des jeunes en croisant leurs pratiques numériques à des pratiques pédagogiques. À l’orée d’une « nouvelle civilisation », présentée au chapitre 3, un des grands spécialistes des pratiques culturelles québécoises, Rosaire Garon, résume une enquête d’envergure sur ces pratiques et examine ce qui se joue entre l’identité et la créativité des jeunes. Cette partie se clôt au chapitre 4 par la description d’une recherche sur l’effet de l’hybridité et de la multimodalité dans les pratiques de création informelles des jeunes. Moniques Richard, Nathalie Lacelle et Christine Faucher y présentent une synthèse de leurs travaux de recherche auprès d’enfants et d’adolescents du Québec.

    Dans la deuxième partie, cinq chapitres sont réunis autour des croisements disciplinaires dans le monde de l’enseignement. Au chapitre 5, un regard historique est porté par Monique Lebrun, spécialiste renommée de la didactique et de la littératie multimodale, sur l’ouverture disciplinaire et culturelle des programmes québécois de français depuis les années 1980. Le chapitre 6 présente une enquête culturelle multimodale réalisée par un collectif de recherche international et pluridisciplinaire composé d’Éric Villagordo, Virginie Martel, Céline Sala et Jean-François Boutin ; ils y proposent une réflexion sur l’éducation culturelle et interdisciplinaire. Vincent Bouchard-Valentine traite de création interdisciplinaire et multimodale, au chapitre 7, dans le tout nouveau domaine de l’écoéducation musicale. Au chapitre 8, Christine Faucher examine les représentations de la culture des jeunes que se font les enseignants en art dramatique, en arts visuels, en danse et en musique, et comment ils en tiennent compte dans leurs pratiques scolaires. Cette partie se termine au chapitre 9 avec la présentation de la première phase d’une recherche-développement menée par Andrée-Caroline Boucher. Cette spécialiste des nouvelles technologies en milieu scolaire propose une nouvelle compétence à interpréter des œuvres d’art comme acte de création, en développant « une interface hypernumérique » entre jeunes et créateurs.

    Dans la troisième partie sont assemblés les quatre derniers chapitres qui portent sur des projets associant art et pédagogie, réalisés auprès de jeunes du Québec et de la France. Dans le chapitre 10, Martin Lalonde, Juan Carlos Castro et David Pariser abordent l’exposition comme un dispositif d’échantillonnage et d’assemblage culturel des pratiques photographiques adolescentes en réseaux sociaux mobiles. Au chapitre 11, les artistes Claude Majeau et Ivan Polliart portent un regard croisé sur le processus de création collaboratif et multimodal avec des communautés. Le chapitre 12 présente le dialogue entre Claude Majeau et Christine Major, qui font la lumière sur L’affaire du 3915 Sainte-Catherine Est, une expérimentation artistique in situ qu’elles qualifient de « féministe et fainéante ». Le dernier chapitre rend compte des observations en contexte scolaire de Nathalie Lacelle et Prune Lieutier sur la lecture des œuvres numériques à l’écran.

    Par cette publication, notre objectif est de contribuer au développement de l’apprentissage et de l’enseignement en milieu scolaire, communautaire ou informel pour des jeunes de 5 à 25 ans. C’est pourquoi cet ouvrage s’adresse autant à l’enseignant qu’à l’animateur culturel, en tant que créateur de nouveaux rapports avec les apprenants, ou qu’au producteur culturel, qu’il soit artiste, auteur ou chercheur. Les professionnels des milieux de l’enseignement des arts et des langues, enseignants, chercheurs, artistes, intervenants ou étudiants, y trouveront matière à réflexion. Peuvent également s’y intéresser les enseignants généralistes et ceux des autres disciplines, tout comme les intervenants en milieux artistiques, éducatifs ou communautaires. Finalement, nous invitons aussi les parents de cette jeunesse en pleine croissance à prendre connaissance des savoirs et des pratiques de création et de réception qui s’ouvrent à cette génération dans ce nouveau millénaire qui n’en finit pas de commencer.

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    RICHARD, M. (2012). Enseignement des arts et dispositifs multimodaux dans les pratiques culturelles des jeunes. Dans M. Lebrun, N. Lacelle et J.-F. Boutin (dir.), La littératie médiatique multimodale : De nouvelles approches en lecture-écriture à l’école et hors de l’école. Québec, Presses de l’Université du Québec, 203-215.

    RICHARD, M. (2015). Le projet AmalGAME et son dispositif multimodal : Création et transposition de pratiques par de futurs enseignants en arts plastiques. Revue de recherches en littératie médiatique multimodale, 1, <https://www.erudit.org/en/journals/rechercheslmm/1900-v1-n1-rechercheslmm03759/1047802ar/>, consulté le 4 mars 2020.

    RICHARD, M. (2016). Risquer d’autres postures entre l’art et l’enseignement : la création pédagogique et la création informelle des jeunes. Dans A.-M. Ninacs (dir.). Interdire, susciter, combattre. La prise de risque en création. Montréal, Éditions de l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM, 100-108.

    SAUVAJOL-RIALLAND, C. (2014). Infobésité, gros risques et vrais remèdes. L’expansion Management Review, 1(152), 110-118.

    VAN LEEUWEN, T. (2005). Introducing Social Semiotics. Londres, Routledge.

    1 À notre connaissance, le terme d’infobésité est un néologisme québécois présent sur le Web à partir de 1998, qui a été repris par quelques auteurs, dont Sauvajol-Rialland.

    2 Un premier colloque international de l’équipe EntreLACer s’est tenu en 2015 à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il avait pour objectif d’identifier les croisements de concepts et d’approches dans diverses pratiques qui contribuent au développement de l’enseignement. Il a bénéficié du soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), de la Faculté des arts et de l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM. Le comité organisateur était constitué de Moniques Richard, Christine Faucher et Nathalie Lacelle.

    3 Un deuxième colloque international de l’équipe EntreLACer a eu lieu en 2016 dans le cadre du 84e Congrès de l’ACFAS. Il a permis à l’équipe de diffuser l’état de ses recherches sur la problématique et de s’intéresser à leurs retombées sur l’enseignement et l’apprentissage, principalement dans le domaine des arts et dans celui des langues. Le comité organisateur de ce deuxième colloque était formé de Moniques Richard, Nathalie Lacelle et Vincent Bouchard-Valentine.

    PARTIE I /

    REGARDS CROISÉS SUR LES PRATIQUES CRÉATIVES INFORMELLES DES JEUNES

    CHAPITRE 1 /

    Cultures et sociabilités juvéniles à l’ère numérique

    Continuités et recompositions

    Hélène Bourdeloie et Dominique Pasquier

    En plus de 30 ans, les pratiques sociales et les modes de consommation culturels des plus jeunes ont été totalement bouleversés par le numérique (Octobre, 2009), ce qui rend leur analyse plus délicate. De fait, les objets numériques connectés prêtent aujourd’hui à une variété de pratiques¹ qui, du ludique au relationnel, en passant par le loisir et la culture, invite la recherche à croiser le social et le culturel dans l’étude des pratiques juvéniles.

    Un fait nouveau de ces dernières années concerne le rapport à l’écran : les jeunes, hyperconnectés, passeraient désormais moins de temps devant l’écran télévisé que sur tous les autres écrans confondus (Kervella et al., 2019). En 2017, les adolescents français de 13 à 19 ans consacraient ainsi en moyenne 15 h 11 min par semaine à l’Internet² (Statista, 2017), contre 12 h 20 min en 2012 ; une augmentation également décelée chez les plus jeunes (Ipsos, 2015). Selon le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), en France, la consommation télévisuelle faiblit : des programmes télévisés sont toujours regardés, mais pas nécessairement sur un téléviseur classique (CSA, 2014). Par exemple, les trois quarts des jeunes de 15 à 24 ans consomment des programmes en direct ou en différé sur un autre écran que le téléviseur ; ils passent en moyenne 1h 30 min par jour devant l’écran télévisé, quand la population française y consacre 3h 45 min (Maillard, 2014). Les jeunes sont par ailleurs de plus en plus équipés en téléphones intelligents et tablettes : 68% des 13 à 19 ans ont un téléphone intelligent, essentiellement utilisé pour l’écoute de musique, le jeu, la fréquentation des réseaux sociaux en ligne et l’échange sur messagerie instantanée (Ipsos, 2015).

    Dans quelle mesure les dispositifs socionumériques, qui hybrident différents modes d’expression, de création et de réception, ont-ils changé les cadres et les normes en matière de sociabilité et de culture juvéniles ? Qu’observe-t-on de vraiment nouveau dans ces pratiques ? D’un côté, sources de pratiques parfois peu vertueuses ou de dépendances, les plateformes numériques dites expressives et les objets connectés sont souvent décriés. De l’autre, associés à la figure du digital native que leurs usages incarneraient, ils sont loués, car porteurs d’espoirs sur le plan éducatif ou de l’apprentissage informel.

    Notre objectif est d’apporter une vue d’ensemble sur les mutations qui ont affecté les pratiques culturelles, sociales et de loisirs des jeunes depuis une vingtaine d’années. En recensant un certain nombre de travaux qui ont dernièrement marqué la sociologie des cultures et les sociabilités juvéniles, nous nous interrogeons sur leurs évolutions et recompositions en prenant acte des luttes de classement et des clivages qui les traversent. Enfin, nous examinons le fossé qui semble aujourd’hui se creuser entre la culture numérique des jeunes et celle que transmet l’institution scolaire.

    1 / La sociabilité juvénile sous l’emprise du numérique

    Il n’est certes pas nouveau – ce serait même devenu un poncif – d’affirmer que les activités liées à l’écran ont changé le rapport à la sociabilité juvénile. Dans leur enquête sur les jeunes Européens et la culture de l’écran, les sociologues Jouët et Pasquier (1999) avaient déjà montré comment l’écran affectait de plus en plus la manière d’organiser les sociabilités. Au fil des prouesses technologiques, chaque dispositif a effectivement, selon le contexte socioculturel, contribué à les structurer différemment.

    1.1 / L’évolution de l’organisation de la sociabilité au temps du numérique

    Chez les jeunes, les pratiques de communication numériques se distinguent de celles des adultes. Les premiers s’adonnent surtout à des modes de communication interactifs à plusieurs et synchrones, et ont un usage plus faible du courriel, qui repose sur le principe d’une communication interpersonnelle et différée. Ainsi, en juin 2016, seuls 24 % des internautes français de 18 à 24 ans déclaraient qu’ils auraient du mal à se passer des courriels, contre 51% de l’ensemble de la population, et 71% des plus de 70 ans (Croutte et al., 2016), l’attachement au courriel croissant avec l’âge. Pour les jeunes, il est sûrement plus fréquent de téléphoner par messagerie instantanée (57%) que d’échanger des courriels (52%) (p. 71-72). Cette catégorie d’âge se différencie également par les objets utilisés pour communiquer puisque c’est surtout par un mobile connecté qu’elle envoie des courriels, ce qui est plus particulièrement observable chez les 12 à 17 ans (51% par cellulaire contre 39% sur ordinateur). Inversement, 80% des 70 ans et plus utilisent un ordinateur pour l’envoi de courriels (p. 135). Un regard rétrospectif sur les usages des jeunes s’impose donc pour montrer comment, dès l’entrée en scène du numérique, ils se sont approprié des modes de communication synchrones, depuis les dispositifs de chats (clavardage) jusqu’aux réseaux socionumériques (RSN), voire aux jeux en ligne, surtout pour les garçons.

    Au début des années 2000, c’est l’ère de la messagerie instantanée en ligne qui, communément appelée chat (Latzko-Toth, 2010), domine les usages communicationnels numériques des plus jeunes. Si cette période incarne dans un premier temps le mythe de la rencontre avec des inconnus, ce type de pratique se démentira par la suite puisque la majorité des échanges s’effectue désormais essentiellement auprès de personnes connues dans la vie réelle (EU kids Online, 2014). La période du chat se caractérise par les jeux identitaires et les rôles sociaux qu’encourage ce type de dispositif, dans lequel l’usage d’un pseudo, voire l’affabulation, tient lieu de norme. Nous observons que la pratique décline avec l’avancée en âge et dépend de l’origine sociale : les lycéens français issus des franges les mieux pourvues se rendent moins sur les dispositifs de chat, trop exposés, pour eux, à un univers de

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